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défense nationale

  • Lettre aux Français qui croient encore être défendus...

    Les éditions Gallimard viennent de publier un essai du général Vincent Desportes intitulé La dernière bataille de France - Lettre aux Français qui croient encore être défendus. Si le général Desportes s'est fait connaître du grand public en exprimant son hostilité à l'engagement militaire français en Afghanistan et en étant sanctionné pour ses propos, il est surtout l'auteur de plusieurs ouvrages de réflexion sur la guerre et la stratégie, tels que Comprendre la stratégie (Economica, 2001), Décider dans l'incertitude (Economica, 2004), La guerre probable (Economica, 2008) ou Le piège américain (Economica, 2011).

     

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    " Jamais l'armée française n'a été mobilisée simultanément sur autant de théâtres d'intervention, et cela alors que les moyens budgétaires qui lui sont alloués n'ont cessé de diminuer depuis un quart de siècle. C'est cette contradiction, avec des armées aujourd'hui proches du point de rupture, qui justifie le cri d'alarme du général Vincent Desportes.
    Tandis que les menaces de toute nature se multiplient à l'échelle internationale et que le territoire national est désormais directement menacé, la France peut-elle se permettre de ne plus compter que sur des armées aux capacités très fortement dégradées à cause d'une politique d'économies à courte vue? L'effort budgétaire est nécessaire, mais il ne suffit pas de réclamer des moyens ; il faut en redéfinir la nature et l'emploi. De quelle armée la Nation a-t-elle aujourd'hui besoin? C'est à un profond renouveau de la réflexion stratégique française qu'en appelle l'ouvrage."

     

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  • Destruction de l'Armée française et sacrifice de la Défense...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Guillaume Faye, cueilli sur son blog J'ai tout compris et consacré à la politique de défense désastreuse poursuivie par les gouvernements successifs de notre pays depuis trente ans...

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    Destruction de l'Armée française et sacrifice de la Défense

    Depuis maintenant près de trente ans, sous les gouvernements de droite de gauche, l’Armée française est sacrifiée. Dans ses effectifs, ses équipements, son budget. Analysons ce drame, le sacrifice de la Défense, son ampleur, ses causes, ses conséquences et ce qu’il faudrait faire pour y remédier. Bien entendu, les autres pays européens suivent la même voie funeste de diminution drastique des budgets de Défense. Ce qui donne l’impression que l’Europe, aux frontières ouvertes, baisse la garde.  Au moment même où les menaces intérieures et extérieures s’accroissent.

     

    Sacrifier la Défense : une constante politique droite/gauche.

    Chirac a été le premier à restreindre le budget militaire et a entamer la réduction du format des armées et même, à réduire les vecteurs de la dissuasion nucléaire aux composantes sous marines et aériennes en supprimant  les composantes  fixes et mobiles terrestres. Chirac, le pseudo-gaulliste, a entamé la démolition de l’armée française. Non pas tant en supprimant le service militaire qu’en inaugurant une diminution des effectifs et des budgets des armées professionnelles.

    Aucune des LPM (lois de programmation militaire) n’a vraiment été respectée depuis trente ans. Non seulement on baisse régulièrement les crédits de l’armée française, mais les promesses de ”sanctuarisation” du budget de la défense n’ont jamais été tenues. Tous les gouvernements, adeptes du mensonge élastique,  se sont assis sur les besoins des armées. Avec à peine 1,9% du PIB, leur budget est ridiculement insuffisant.  

     Moins naïfs que les Européens et pas si bêtes, les Américains maintiennent leurs capacités militaires. Le budget du Pentagone représente 50% de tous les autres budgets militaires internationaux. Partout dans le monde, on réarme, sauf en l’Europe où l’on désarme. Depuis 30 ans,  l’armée ne cesse de fondre comme peau de chagrin ; un tiers des départements n’a plus de garnison ; cette désertification militaire provoque à la fois un délitement du tissu social et un recul de l’activité économique locale. Entre 2009 et 2019, au terme de la loi de programmation militaire en cours, l’armée professionnelle aura perdu 80.000 hommes, soit un quart des effectifs.  Beau suicide, accompli au nom de la ”rationalisation”. La loi de programmation militaire 2008-2014, votée par l’UMP et le PS, a sabré 54.000 postes. Les socialistes prévoient encore 23.500 suppressions d’ici 2019. Dissoudre des régiments, couper dans les budgets d’équipement ou les reporter, voici les principales missions des ministres de la Défense successifs. Aucun(e) n’a osé protesté, droite et gauche confondues, puisque leur carrière politicienne passe avant tout.

    À la paupérisation des unités s’ajoute l’obsolescence des matériels. L’armée accomplit ses opérations dans des conditions acrobatiques. Les réformes successives de réduction du format des armées les ont affaiblies dans leurs capacités et minées dans leur solidité psychologique. On se dirige vers une situation de rupture, de la troupe comme de l’encadrement. L’armée est employée à 120% de ses capacités. Chaque année, la liste des régiments dissous s’accroit.. On s’attaque même maintenant à l’hôpital militaire du Val de Grâce ! Cette réduction globale des moyens et du format des trois armées avait commencé avec Chirac, preuve qu’il s’agit bien d’une politique (suicidaire) consensuelle partagée par la classe politicienne de droite comme de gauche.

    Nos voisins et amis européens belges, néerlandais, italiens, espagnols, allemands,  scandinaves, portugais, etc. suivent la même politique de baisse des budgets de la Défense, négligeant leurs capacités militaires. La situation des armées allemandes, Bundeswehr, Luftwaffe et Bundesmarine, (seulement 1,4% du PIB ) est dramatique : plus de 50% des matériels des trois armes, déjà très réduits, sont hors d’usage, faute de crédits de renouvellement et de maintenance. Bien sûr, en tout, les Européens entretiennent 1,5 millions de militaires. Mais ces chiffres sont fallacieux et cachent une autre réalité : de moins en moins de soldats capables de se battre, des matériels hors d’usage, des moyens de transports déficients.  

     

    Sacrifier la Défense : une ineptie économique.

     Sacrifier les dépenses et investissements de la Défense, en les considérant comme variables d’ajustement budgétaire est d’une stupidité économique totale à notre époque. Car le secteur de la Défense, porteur de hautes technologies aux retombées importantes multisectorielles, est capital pour les exportations et l’emploi. Restreindre les crédits d’achats et d’équipements pour l’Armée française induit une baisse des exportations de notre industrie de Défense, aéronautique, maritime,  terrestre, électronique, équipementière, etc. L’industrie de la Défense assure, de manière directe ou indirecte, par sous-traitance et retombées technologiques civiles, environ un million d’emplois. Et pas n’importe lesquels : des emplois hautement qualifiés, pas des balayeur ou des livreurs de pizzas. Sacrifier le budget de la Défense, c’est torpiller un peu plus l’industrie et la recherche françaises. Comme politique ”anti-croissance”, il n’y a pas plus efficace que de sabrer dans le budget de la Défense. Le programme spatial européen Ariane est la retombée directe de budgets militaires français sur les missiles.

    Internet (dont la domination mondiale est américaine) est né grâce aux budgets de la défense du Pentagone. Les commandes du complexe militaro-industriel américain alimentent toujours le dynamisme des grands groupes américains, notamment informatiques et numériques. Idem en Chine. Le budget d’équipement de nos armées est le seul budget d’État qui soit  créateur, en termes de retombées technologiques dans tous les secteurs innovants. Et c’est le seul que l’on sacrifie. Cherchez l’erreur. Elle est le fruit de la bêtise idéologique.

     

    Sacrifier la Défense : un ineptie idéologique et stratégique

    Derrière cette diminution constante du budget de la Défense et de la réduction de la taille de l’outil militaire se cachent des relents d’idéologie antimilitariste et antipatriotique. Ainsi qu’une vision  pacifiste et irénique du monde, naïve et irréaliste. Mais il faut mentionner aussi une inconscience géopolitique : on s’imagine que le XXIe siècle sera pacifique, dominé par les négociations, les petites crises gérables, les interventions humanitaires des armées. Après l’effondrement de l’URSS, on s’est dit que toutes les guerres étaient finies et que seules ne compteraient plus sur une planète globalisée que les opérations de police ponctuelles. Or les conflits majeurs, les guerres de haute intensité ont autant de chance  de disparaître que le soleil de cesser de se lever chaque matin. 

    Au moment où le monde s’arme, la France et l’Europe désarment. Très intelligent ! La Russie est le seul pays européen à accomplir un effort de défense et à essayer d’augmenter ses capacités. Mais on présente la Russie de Poutine comme agressive, comme un danger, un contre-exemple. C’est au contraire un exemple

    Pour s’amuser, les chefs d’État (Sarkozy, puis Hollande) lancent des OPEX (Opérations extérieures), mini-guerres inefficaces, improvisées, en Afrique ou au Proche-Orient, avec de moins en moins de moyens, puisqu’ils coupent eux mêmes dans les budgets.  Pour ces OPEX, l’armée est à bout de souffle, en capacités ou en moral.  Moins on lui donne de moyens, plus on la sollicite sur des terrains extérieurs, et souvent pour des missions stupides et contre productives, lancées par des présidents de la République avides de se poser, de manière immature, en ”chefs de guerre”. Ces opérations inutiles et précipitées réduisent d’autant plus les budgets. 

     

    Prendre le budget militaire comme variable d’ajustement sacrificielle constitue une quadruple faute : sur le plan de la cohésion nationale, du rang international de la France (et de l’Europe), de la croissance économique et de la sécurité face aux menaces prévisibles et imprévisibles. Quand le ministre de la Défense, Le Drian, raconte qu’ « il faut faire porter aux armées leur part dans l’effort budgétaires du pays », il se moque du monde. Car, en réalité, seules les armées sont appelées à faire des efforts.

    Où sont les efforts sérieux d’économie dans l’Éducation nationale pachydermique et impotente, les dépenses sociales délirantes de l’État Providence, les aides et allocations aux migrants clandestins, etc. ? En réalité, deux catégories ont été sacrifiées : les familles des classes moyennes (par hausses fiscales et coupes dans les allocations familiales) et les armées. Tout un symbole : la famille et l’armée. Tout ce que déteste sans l’avouer vraiment une oligarchie formatée selon certains dogmes idéologiques officialisés depuis Mai 68.

    Les deux seuls secteurs qui ne devraient pas ”faire d’effort” dans la rigueur budgétaire mais au contraire bénéficier de crédits accrus sont précisément la politique familiale et la Défense ! Et c’est sur eux qu’on s’acharne ! Toujours ce suicide français. Les bla-blas politiciens flatteurs sur l’ ”armée, symbole de la République et de la Nation” ne doivent tromper personne.  Ils sont destinés à prévenir une possible révolte (sous forme de démissions d’officiers et de rébellion gréviste ?) des forces armées.

     

    Questions polémologiques prédictives et inquiétantes

    Il est facile de sacrifier le budget de la Défense, puisqu’on s’est habitué à ce les militaires (de tout rang) se taisent, obéissent, se sacrifient. Mais à un moment, trop c’est trop. La corde casse à partir d’un certain seuil de tension. Un risque d’implosion des armées existe, ce qui, depuis que nous connaissons ce qui s’est produit dans les légions romaines au IVe siècle, se nomme d’un terme dévastateur : la désobéissance. Les chefs militaires sont souvent tentés de créer un clash et de dire les choses clairement. Mais les dirigeants de la ”grande muette” renoncent et, en bons fonctionnaires obéissants, pratiquent la langue de bois ou se taisent. Pour combien de temps ?

    L’armée est la colonne vertébrale de la Nation – de toute Nation pourvue d’une ambition de rang et de rayonnement, d’indépendance et de souveraineté –  parce qu’elle représente, d’un point de vue pratique et moral, l’organe de sa sécurité et de sa crédibilité. De plus, répétons-le, au XXIe siècle, les budgets de défense sont devenus des facteurs  centraux de cristallisation et de retombées technologiques et économiques de pointe dans la recherche et innovation (R&D) et les exportations. Les grandes et moyennes puissances mondiales l’ont parfaitement intégré.  Apparemment pas les gouvernements européens, ni les opinions publiques. Ce genre d’indifférence peut devenir dramatique. 

    Au XXIe siècle, nous sommes entrés dans un monde ”plurimenaçant”. Les menaces sont polymorphes et viennent de partout.  La chute de l’URSS en 1991 a joué comme une gigantesque illusion pour les Européens. Qui peut savoir  – au delà de la ”menace terroriste” et de la ”cyberguerre” souvent exagérées – si l’Europe au XXIe siècle ne risque pas une guerre civile ethnique, une ”attaque intérieure” armée sur son propre territoire ? Voire même une agression extérieure sous une forme classique, voire nucléaire ? Les armées européennes seront-elles capables d’assurer la défense du territoire ? Au rythme actuel d’embâcle et de fonte des moyens, certainement pas. Et inutile de faire un dessin : la menace physique ne vient plus du tout de l’Est européen slavo-russe, mais du Sud et du Moyen-Orient. 

    Et ce ne sont pas les Etats-Unis qui nous défendront. Notre seul véritable allié serait la Russie.

    Faute d’une armée robuste et disciplinée, suffisamment nombreuse et équipée, la France ajoute encore un handicap aux autres. Pour l’instant, elle n’a pas encore, comme la Grande Bretagne, sacrifié sa dissuasion nucléaire, mais qui sait si nos politiciens pusillanimes ne vont pas être tentés de le faire ? La logique suicidaire est une pente savonneuse. D’autre part, un autre problème lourd se pose : le recrutement très important dans l’armée de personnels issus de l’immigration, notamment musulmane. Cette question, c’est le tabou absolu. Je n’aborderai pas ce point ici mais un parallèle éclairant doit être fait avec les légions romaines du Bas-Empire qui engageaient pour défendre Rome les frères de ceux qui l’assaillaient. On sait  comment la tragédie s’est terminée.  

    La constitution d’une armée européenne, serpent de mer récurrent depuis la CED des années 50,  faussement revigorée depuis vingt ans par toutes les tentatives d’”euroforces”, franco-allemandes ou autres, est une impossibilité, qui s’appuie sur des gadgets. L’Europe n’a aucune politique étrangère commune, mis à part la blague des Droits de l’homme et la soumission volontaire à Washington et à l’OTAN.

    Le Front National  a raison de protester contre le sacrifice du budget des armées. Il demande un minimum de 2% du PIB consacré à la Défense – ce qui est d’ailleurs encore insuffisant, il faudrait 3%. C’est un point positif dans son programme, par rapport à ses positions erronées socialo-étatistes dans l’économie. Mais il se méprend quand il affirme que c’est ”Bruxelles” qui oblige les pays européens à tailler dans leurs dépenses militaires ; même l’Otan incite au contraire à les augmenter !  Ce qui  pousse la classe politicienne française à tailler dans les budgets de Défense, c’est un mélange d’indifférence, de solutions de facilités à court terme et d’ignorance des enjeux stratégiques et économiques.  Il est tellement plus facile de sacrifier des régiments ou des commandes d’équipement que de s’attaquer à la gabegie de l’ État Providence.   

     

    Les sept pistes à suivre

    Examinons maintenant ce qu’il faudrait faire, dans l’absolu :

    1) Rétablir le budget de la Défense à 3% du PIB minimum.

    2) Honorer et augmenter les commandes de l’armée à l’industrie nationale de défense, dans les domaines terrestres, aéronautiques/spatiaux et  maritimes, mais aussi dans les budgets R&D.

    3) Mettre en chantier un second porte-avion à propulsion nucléaire.

    4) Rétablir les régiments dissous et durcir les conditions de recrutement.

    5) Effectuer les commandes promises à la Russie de navires BPC.

    6) Construire un ensemble techno-industriel européen de défense indépendant, avec obligation pour chaque pays de l’UE de pratiquer la préférence de commandes à l’industrie européenne et non plus américaine.

    7) Travailler  intelligemment à moyen terme, avec pragmatisme et  avec diplomatie à une dissolution de l’OTAN au profit d’une organisation militaire intra-européenne puis euro-russe. Sans que, bien entendu, les USA n’aient rien à craindre et ne soient désignés comme ennemis. Au contraire, ils pourraient être des alliés s’ils ont l’intelligence de comprendre qui sont les véritables ennemis communs.

    Guillaume Faye (J'ai tout compris, 24 octobre 2014)

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  • Défense : la facture du bradage...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Jean-Michel Quatrepoint, cueilli sur Xerfi Canal et consacré au bradage du budget de la défense nationale, qui se prépare dans les bureaux des technocrates de Bercy, et à ses conséquences. L'analyse est lumineuse !...

     

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  • Défense nationale : l'incohérence française...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Philippe Migault, cueilli sur Ria Novosti et consacré à l'incohérence absolue de la politique de défense française. Philippe Migault est directeur de recherche à l'Institut de Relations Internationales et stratégiques (IRIS).

     

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    Défense nationale : l'incohérence française

    En matière de défense, la polémique relève quasiment du sport national en France. Certes depuis 1945 la tradition des officiers chargeant leur ministère de tutelle, plume vengeresse au poing, se perd. De Gaulle, l’un des plus critiques durant l’entre-deux guerres, a imposé le silence  dans les rangs une fois parvenu au pouvoir.

    Mais la crise qui frappe nos forces armées est si dramatique que les langues se délient. Confrontés à une baisse drastique de leurs budgets, à un allongement des programmes, à la réduction continue des achats de nouveaux armements, nos soldats peinent de plus en plus à  entretenir leurs systèmes d’armes, à conduire leurs opérations de manière efficiente, avec des matériels performants. Les opérations en Libye ou au Mali ne doivent pas faire illusion. Chacun sait dans l’armée française que pour faire voler un avion ou rouler un blindé il faut fréquemment prélever les pièces de rechange sur un matériel sacrifié à cette fin, pénurie oblige. Le taux de maintien en condition opérationnelle des matériels s’effondre. Otages d’un logiciel mal conçu, le système Louvois, de nombreuses familles de militaires se sont vues privées de moyens financiers alors que les soldats concernés étaient engagés au combat.

    Bref, l’armée française ressemble de plus en plus à l’armée russe des années 90. A ceci près que les militaires russes peuvent aujourd’hui compter sur un plan de réarmement et d’investissements en matière de recherche et développement de 590 milliards d’euros courant jusqu’en 2020. Bien entendu il faut encore que les fonds prévus parviennent effectivement aux forces russes et soient dépensés à bon escient…Il n’en demeure pas moins que les sommes que le Kremlin projette de consacrer annuellement à la modernisation de ses troupes représentent plus de quatre fois le budget consenti aux armées françaises pour leurs acquisitions d’armements et leur R&D…

    On peut, avec raison, objecter que la lente décrue des budgets de la défense française est une constante depuis la chute de l’Empire soviétique. Il y a plus de vingt ans que les hommes politiques français espèrent, suivant l’expression de Laurent Fabius en 1991, « engranger les dividendes de la paix.» Le souci est précisément que nous n’avons jamais autant fait la guerre que depuis la disparition de l’URSS : Bosnie-Herzégovine, Serbie-Kosovo, Afghanistan, Côte d’Ivoire, Libye, Mali… Nos forces sont plus constamment et plus lourdement engagées qu’elles ne l’ont jamais été pendant la guerre froide, guerres de décolonisation exceptées. Peu importe à François Hollande, prêt à intervenir partout en considérant simultanément le budget de la défense comme une variable d’ajustement. Peu importe à Laurent Fabius: Celui-ci n’en a jamais été à une incohérence prés. Réclamant à corps et à cris une intervention française en Syrie alors que même le Secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a récemment reconnu qu’il n’y avait pas de solution militaire dans ce dossier, le ministre français des affaires étrangères s’est signalé par sa méconnaissance des questions de défense et de sécurité.

    Force est cependant de constater qu’il n’est pas le seul et que cette diplomatie à courte vue n’est pas l’apanage exclusif de la gauche. Depuis 2007 et l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy l’exécutif français se signale par l’incohérence de sa politique étrangère et de défense.

    Évidemment les administrations qui se sont succédé ne manquent pas de faire valoir la « victoire » des armées françaises en Libye en 2011 ou au Mali en 2013. Mais elles font superbement mine d’ignorer que sans l’intervention contre le régime de Kadhafi il n’y aurait sans doute pas eu besoin d’intervenir au Mali contre des bandes islamistes surarmées grâce au pillage des stocks d’armes libyens. Et elles taisent le caractère strictement tactique de ces succès. Certes les puristes ne manqueront pas de souligner que compte tenu de la surface du théâtre d’opérations, incluant France, Méditerranée, Afrique du nord et bande sahélienne, ces victoires ont été remportées dans un cadre opératif et non pas tactique. Mais la remarque n’est valable que du point de vue militaire, nullement politique. Car l’art opératif est au service d’une stratégie. Or la France n’en a aucune.

    Les gouvernements successifs expliquent que nous sommes en guerre contre le fondamentalisme islamique depuis le 11 septembre 2001 et que nous sommes intervenus en Afghanistan pour extirper le terrorisme. Pourtant nous nous comportons vis-à-vis de ces Islamistes avec la même tolérance coupable que les Etats-Unis depuis 1979, nous entêtant à ne pas faire de leur destruction notre priorité. 

    Nous savions qu’en intervenant en Libye nous ferions le jeu des fanatiques d’Al Qaïda au Maghreb Islamique et de leurs alliés locaux. Cela ne nous a pas empêché d’aller au-delà du mandat accordé par le conseil de sécurité des Nations Unies avec les conséquences afférentes.

    La guerre contre l’Islam radical s’est poursuivie en 2012 sur le sol français : les attentats commis par Mohamed Merah, formé au djihad au Pakistan, ont fait sept morts, dont trois enfants exécutés à bout portant - et six blessés. Aujourd’hui 50 à 60 djihadistes français partis combattre en Syrie seraient rentrés en France (1). Combien ont été effectivement interpellés, interrogés, mis en examen pour participation à une entreprise terroriste, placés sous surveillance ?
    Début 2013 nous sommes intervenus au Mali. Tel César, l’exécutif français a assuré à son opinion publique que la France était venue, avait vu, vaincu, et que les soldats français avaient vocation à rentrer très vite en métropole. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Deux journalistes français ont été assassinés dans le pays par des djihadistes il y a quinze jours. La nécessité d’envoyer des renforts sur place est connue de tous. Et lorsqu’on parle du Mali à un officier français celui-ci soupire invariablement : « nous y sommes pour longtemps ».

    Cela n’a pas empêché les autorités françaises non seulement de soutenir l’opposition syrienne, largement constituée de combattants proches de la mouvance Al Qaïda, mais encore de se dire prêtes à lui livrer des armes et à assurer son appui feu aérien via des frappes ciblées, rééditant l’erreur tactique libyenne.

    Comment expliquer une telle répétition d’incohérences ?

    La réponse n’est pas à chercher du côté de nos forces armées et de nos services de renseignement. Ceux-ci ont fait savoir à plusieurs reprises leurs réserves sur les opérations que l’Élysée a engagé en Libye ou projetait en Syrie.
    Elle se situe au niveau de notre personnel politique. L’écrasante majorité des individus qui le compose est d’une complète incompétence sur les questions stratégiques. Une lacune qui se retrouve au plus haut sommet de l’Etat et qui n’est pas illogique.

    Car Nicolas Sarkozy et François Hollande sont les deux premiers Présidents de la République française qui n’ont jamais été confrontés à la guerre.

    Anecdotique ?

    Pour les Israéliens, particulièrement avertis des questions militaires, l’échec de 2006 contre le Hezbollah au sud-Liban s’explique, notamment, parce que pour la première fois dans  l’histoire du pays l’équipe dirigeante israélienne n’était pas composée d’hommes ayant exercé des responsabilités au feu et a, en conséquence, agi avec légèreté. On s’engage d’autant plus aisément dans des opérations de guerre quand on ignore ce qu’elles impliquent en termes de périls physiques et politiques, ce qu’elles nécessitent d’efforts de préparation en amont.

    Jacques Chirac a été officier de cavalerie durant la guerre d’Algérie. François Mitterrand a été résistant. Valéry Giscard d’Estaing a servi dans les chars de la 1ère armée française contre la Wehrmacht. Ces hommes ont commis quelques erreurs. Mais ils n’ont jamais déclenché une opération sans en avoir, au préalable, pesé les conséquences politiques à long terme.

    Nicolas Sarkozy a effectué un service militaire en tant que simple soldat dans une caserne parisienne.

    François Hollande a servi comme officier mais sans prendre part à aucune opération. L’un comme l’autre n’ont jamais eu le moindre attrait pour les problématiques des relations internationales et stratégiques.

    Conséquence de ce désintérêt, ces deux hommes estiment que l’armée est une administration comme une autre. Un service public d’autant plus maniable que le statut des militaires interdit aux soldats le droit de grève, les prises de position politiques. Ils usent et abusent donc de cet instrument dont ils connaissent toutes les qualités du point de vue de la politique intérieure. Quoi de plus consensuel auprès d’une opinion publique que de céder à la politique de l’émotion, d’intervenir pour une cause apparemment noble ? Quoi de plus émouvant, solennel, que ces cérémonies ou le Président de la République, face aux cercueils des soldats tombés au combat, semble accéder pour quelques instants au statut de chef de guerre, de chef d’Etat véritable, auquel tous nos Présidents ont aspiré depuis la mort de Charles de Gaulle ?
    La guerre et les armées sont devenues les pièces d’un jeu médiatico-politique, qui se joue toujours dans un espace-temps limité, celui des politiciens français qui ne voient pas au-delà de l’horizon à six mois. Or il n’est pas de stratégie concevable à court terme. Nous agissons dans l’incohérence, nous finirons par en payer le prix.

    Philippe Migault (Ria Novosti, 18 novembre 2013)

    (1) « Une filière djihadiste vers la Syrie démantelée en Ile de France », Le Journal du Dimanche, 15 novembre 2013

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