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adriano scianca

  • Adriano Scianca : « Il existe une troisième voie : celle qui cherche à conjuguer force et liberté, droit et identité, technique et enracinement. »

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Adriano Scianca à Xavier Eman pour le site de la revue Éléments, dans lequel il évoque la question de l'Europe qu'il a traité dans un essai remarquable et essentiel, Europe versus Occident - La fin d'une ambiguïté (Institut Iliade/La Nouvelle Librairie, 2024).

     

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    « Il existe une troisième voie : celle qui cherche à conjuguer force et liberté, droit et identité, technique et enracinement. »

    ÉLÉMENTS. Votre dernier ouvrage est consacré à la dichotomie entre « Europe » et « Occident », thème récurrent et central de la pensée de la Nouvelle Droite notamment. Pourquoi avoir ressenti le besoin d’une « mise au point » sur ce sujet ?

    ADRIANO SCIANCA : Parce que les réactions à la guerre en Ukraine que j’ai pu observer dans le monde non conformiste italien (mais je pense que la situation n’est pas différente en France) m’ont montré, d’une part, des milieux pro-russes qui ont suivi le discours de Moscou au point de confondre totalement la notion d’Europe avec celle d’Occident, en faisant un bloc unique « satanique » hostile à l’avancée du « monde multipolaire » ; et, d’autre part, des milieux hostiles à ce discours au point de se ranger  tout aussi absolument du côté du camp opposé, celui des libéraux et des occidentalisés, à la BHL. En pratique, la notion d’Europe a été ramenée à celle d’Occident par deux directions opposées : ceux qui s’opposaient à ce bloc et ceux qui l’exaltaient. C’est pourquoi j’ai jugé opportun de revenir sur cette distinction élémentaire.

    ÉLÉMENTS. Si vous concluez à la la différence ontologique entre « Europe » et « Occident », votre propos refuse cependant tout manichéisme simplificateur et vous n’hésitez pas à égratigner certaines « habitudes mentales » de la droite radicale qui adopterait parfois, selon vous, des postures caricaturales notamment vis à vis des États-Unis considérés comme « le Grand Satan ». Mais s’ils ne sont pas le « mal » absolu, les États-Unis n’en restent-ils pas moins l’ennemi principal d’une Europe souveraine, puissante et indépendante qui seule pourrait véritablement les concurrencer ?

    ADRIANO SCIANCA : J’avoue nourrir un certain scepticisme à l’égard de la catégorie d’« ennemi principal », qui me semble découler d’une mauvaise lecture de Schmitt. Le juriste allemand est un maître de la pensée concrète et lorsqu’il parle de l’ennemi et de l’ami, il a à l’esprit un conflit existentiel qui est déjà en cours avant même que les analyses politologiques ne se mettent en marche. À l’inverse, si je me mettais maintenant à dresser une liste des ennemis principaux, en classant une série de puissances géopolitiques en fonction de mes sympathies et antipathies philosophiques, je ferais un exercice très abstrait, donc très peu schmittien. Aujourd’hui, l’ennemi principal d’un Ukrainien est-il la Russie ? L’ennemi principal d’un Italien en 1915 était-il l’Empire austro-hongrois ? L’ennemi principal d’un Français qui s’est rendu au Bataclan le soir du 13 novembre 2015 est-il l’islam ? J’ai l’impression que dans tous ces cas, c’est toujours la réalité qui choisit pour nous, avant toute évaluation philosophique. Je ne veux toutefois pas éluder la question : les États-Unis restent certainement une puissance spirituelle, culturelle, géopolitique et économique anti-européenne. Je n’ai aucun doute à ce sujet. Les Américains nous voient encore comme l’empire corrompu qu’ils ont fui pour fonder la Nouvelle Israël. Cependant, refuser le manichéisme moraliste qui voit dans les États-Unis le Grand Satan et dans quiconque se déclare anti-américain un allié objectif ne signifie pas faire un pas vers Washington, mais au contraire, envisager une autonomie vis-à-vis des États-Unis d’une manière moins infantile et plus réaliste, donc aussi plus efficace.

    ÉLÉMENTS. Vous affirmez, à juste titre, que le rejet de « l’Occident » ne doit pas se confondre avec un néo-luddisme technophobe et une volonté de retour à « la lampe à pétrole ». Sans tomber dans ces excès, le sens de la mesure, du respect de la nature et de ses limites, la volonté de lutte contre l’hybris d’une certaine fuite en avant techno-scientiste ne font-ils pas partie de l’ADN européen ?

    ADRIANO SCIANCA : Les anciens Romains sacralisaient les frontières, placées sous la protection du dieu Terminus, mais ils ne cessaient de les repousser toujours plus loin. Chaque découverte, chaque invention, de la roue au feu, de la poudre à canon à l’énergie nucléaire jusqu’à l’intelligence artificielle, conduit à dépasser des limites et à en expérimenter d’autres. En fin de compte, personne, aussi « faustien » soit-il, n’aime s’écraser contre un mur à toute vitesse ou mourir des suites d’une irradiation nucléaire. L’absence totale de limites serait en effet invivable. Il n’en reste pas moins qu’une certaine tension vers l’inconnu, vers l’aventure, vers le risque, vers la découverte et l’expérimentation me semble inhérente à l’esprit européen et presque uniquement à lui. Bien sûr, ce trait identitaire vit une dialectique complexe avec la tension vers l’ordre, l’harmonie, la tradition. Mais aucun ordre n’est éternel, pas même le divin, comme nous l’enseignent les théogonies indo-européennes mouvementées. Ce qui me semble intrinsèquement anti-européen, c’est l’idée d’une limite absolue, d’une interdiction métaphysique, de règles données une fois pour toutes, que l’homme devrait se contenter d’accepter passivement. Quant à l’hybris, rappelons-nous qu’à l’origine, il s’agit de l’arrogance d’un homme envers son semblable du même rang (par exemple Agamemnon qui vole le butin d’Achille) dans un jeu de pouvoirs toujours tendu et contesté, et non du « péché » d’un homme qui ne sait pas « rester à sa place » dans des hiérarchies ontologiques fossilisées.

    ÉLÉMENTS. Vous écrivez que pour  affirmer son « européanité » face aux États-Unis, il ne suffit pas de se priver de Coca, de MacDo, de jean’s et de Marvel. C’est incontestable mais n’est-ce pas là néanmoins un indispensable préalable ? Pour refonder cet « être au monde » spécifiquement européen que vous appelez de vos vœux, n’est-il pas nécessaire se débarrasser des oripeaux imposés par le « soft power » américain au fil du temps et qui, loin de n’être que superficiels, façonnent les esprits et les comportements ?

    ADRIANO SCIANCA : Il ne peut certainement pas exister de bon Européen qui ne mange que du MacDo et ne regarde que des films Marvel. Ma critique vise toutefois un certain moralisme, qui résout toute la question dans une course à la pureté individuelle. Je crois en outre qu’un soft power se combat en lui opposant un autre soft power, et non en jouant les ascètes. J’ajouterai une réflexion supplémentaire : l’américanisation se propage-t-elle aujourd’hui davantage à travers les hamburgers de MacDonald’s ou à travers des récits que l’on voudrait même « dissidents » ? Il y a une américanisation à travers le conformisme, certes, mais il en existe une autre, peut-être plus dangereuse, qui s’impose à travers un prétendu anticonformisme. Aujourd’hui, une « dissidence » qui raisonne selon des schémas strictement américanisés s’est imposée. Il y a quelques années, j’ai entendu une dame du même âge que mes parents, étrangère à toute affiliation politique radicale, qui voulait me faire croire que Biden avait été arrêté en secret et que les grands médias cachaient la vérité. Pourquoi cette grand-mère placide, qui n’a probablement jamais mangé un Big Mac, au cœur de l’Italie profonde et authentique, me répétait-elle avec conviction les idioties de Qanon ? Pourquoi entendons-nous de plus en plus souvent les « dissidents » suivre des prédicateurs religieux, adopter des catégories politiques messianiques, prêcher le droit absolu à l’autodéfense armée sur sa propriété ? Avant de juger les Américains loin de nous, regardons ceux qui sont déjà parmi nous.

    ÉLÉMENTS. Vous appuyez sur la nécessité d’un certain « pragmatisme politique » pour sortir du romantisme improductif et de « l’absolutisme » incapacitant. Jusqu’où doit aller ce « pragmatisme », sans risque qu’il se mue en « compromission » ? Par exemple, peut-on (ou doit-on) soutenir Emmanuel Macron du fait de son aspiration proclamée à la création d’une « armée européenne » qui pourrait devenir à terme l’un des piliers d’une « Europe puissance » à laquelle nous aspirons ?

    ADRIANO SCIANCA : Si un gouvernement « ennemi » fait quelque chose qui va dans la bonne direction, il est juste de souligner ses contradictions, son inadéquation, son hypocrisie, mais on ne peut pas soutenir du jour au lendemain le contraire de ce que l’on a toujours soutenu juste pour contrarier les dirigeants. Il est clair pour tout le monde que l’activisme de Macron sur le front de la défense commune n’est qu’une tentative désespérée de figurer dans l’histoire comme un homme d’État européen malgré ses échecs dans son propre pays. Tout comme il est clair pour tout le monde que son profil anthropologique et culturel est mal adapté au rôle de meneur qu’il prétend soudainement pouvoir jouer. Et pourtant, après avoir reproché à cette Europe d’être impuissante, sans défense, désarmée, hors de l’histoire, on ne peut pas ensuite lui reprocher exactement le contraire, simplement par crainte d’être associé à Macron. Dans mon livre, j’évoque l’image d’une « singularité européenne », sur le modèle de la singularité technologique. Comme on le sait, cette dernière représente la phase où les machines intelligentes commencent à se programmer elles-mêmes, de plus en plus rapidement, échappant au contrôle de ceux qui les avaient conçues à des fins tout autres. De la même manière, il est possible que l’Europe puissance, une fois mise en mouvement par ces classes dirigeantes, devienne autre chose, échappe au contrôle de ceux qui l’ont évoquée et les balaye. En tout état de cause, je ne deviendrai pas un partisan de notre impuissance par crainte de paraître compromis avec le macronisme. D’autant plus que ceux qui portent de telles accusations ont généralement des fréquentations bien plus embarrassantes.

    ÉLÉMENTS. Dans les dernières pages du livre, vous évoquez comme objectif des « bons européens » le concept d’Hespérie, également mis en avant par David Engels, un terme qui peut paraître à première vue légèrement abstrus ou du moins relativement « désincarné ». Pourriez-vous en donner une définition concrète ?

    ADRIANO SCIANCA : Il s’agit d’un concept qui résulte d’une traduction quelque peu créative d’une distinction heideggérienne. Le philosophe allemand opposait l’Occident et l’Abend-Land. Le premier est l’Occident que nous connaissons, mondialiste et déracinant. Le second est quelque chose de complètement différent, c’est la reprise du génie grec mais dans un contexte qui n’est plus celui de la Grèce. Les traducteurs français ont rendu Abend-Land par Esperia (qui est d’ailleurs l’un des plus anciens noms donnés à l’Italie par les Grecs). Guillaume Faye a repris ce concept et l’a développé à sa manière. Il est évidemment toujours un peu difficile de donner une substance concrète à des concepts philosophiques, mais dans mon cas, le concept servait à briser la dialectique binaire entre l’occidentalisme des Lumières et l’anti-occidentalisme obscurantiste. Il existe une troisième voie : celle qui cherche à conjuguer force et liberté, droit et identité, technique et enracinement. Occident est le nom du lieu où le soleil meurt, Esperia est le nom de la terre qui garde le soleil dans la nuit du monde, en attendant son inévitable renaissance.

    Adriano Scianca, propos recueillis par Xavier Eman (Site de la revue Éléments, 25 avril 2025)

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  • Europe versus Occident : la fin d’une ambiguïté...

    Les éditions de la Nouvelle Librairie viennent de publier un essai d'Adriano Scianca intitulé Europe versus Occident - La fin d’une ambiguïté.

    Né en 1980, diplômé en philosophie, Adriano Scianca est un auteur et un journaliste italien, directeur du quotidien Il Primato Nazionale et de la revue Prometheica. Il est notamment l’auteur de Casapound, tout se réapproprier (Éditions Némésis, 2019) et de Ezra Pound et le sacré (Nouvelle Librairie, 2023).

     

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    " La guerre en Ukraine a été un puissant accélérateur de certaines dynamiques en cours depuis quelque temps et impose désormais de repenser profondément nos catégories politiques et géopolitiques fondamentales. La fracture entre occidentalisme et anti-occidentalisme est en effet de plus en plus prononcée, mais toute contradiction appelle un dépassement. Envers et contre les clivages manichéens et les attitudes caricaturales qui s’enferment dans des visions du monde simplificatrices et trompeuses, il s’agit de proposer une autre voie.

    Tel est ce que défend Adriano Scianca dans ce livre novateur et détonant. Un nouvel européanisme révolutionnaire est nécessaire, montre-t-il, et pour cela, la flamme d’un mythe européen doit être ravivée, au delà de toute tentation pro-américaine, pro-russe ou tiers mondiste. "

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  • Pour une pensée européenne !...

    Le pôle "Études" de l'Institut Iliade et les éditions de La Nouvelle Librairie viennent de publier le premier numéro des Cahiers d'études pour une pensée européenne qui est consacré à l'Europe. On y trouve des textes de, notamment, Henri Levavasseur, Armand Berger, Olivier Eichenlaub, Rémi Soulié, Fabien Niezgoda, Antoine Dresse ou Adriano Scianca.

    Henri Levavasseur, Armand Berger, Olivier Eichenlaub, Fabien Niezgoda, Walter Aubrig, Benjamin Demeslay, Rémi Soulié, Max-Erwan Gastineau, Yvan Droumaguet, Antoine Dresse, Adriano Scianca

     

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    " L’espace géopolitique européen est habité depuis des millénaires par un ensemble de peuples étroitement apparentés. Malgré la violence des conflits qui ont tissé la trame héroïque et tragique de leur histoire, ces peuples partagent un même héritage civilisationnel, forgé à partir d’un alliage d’éléments ethniques dont la composition n’a pas connu de bouleversement notable, à l’échelle du continent, depuis les dernières vagues de peuplement indo-européen, plus de deux mille ans avant l’ère chrétienne. L’expansion celtique, l’aube grecque de la pensée, l’essor de l’imperium romain, la renovatio imperii carolingienne et germanique, le retour aux sources pérennes du génie antique à l’époque de la « Renaissance », le réveil de la conscience identitaire des peuples européens au milieu du xixe siècle, tous ces phénomènes en apparence forts divers peuvent être perçus comme l’expression polyphonique d’un même génie européen, exprimé sous des formes diverses et sans cesse renouvelées, dans les domaines politiques, philosophiques, artistiques, scientifiques et technologiques, par des peuples issus d’un même creuset. Mais le cataclysme du « siècle de 14 » est cependant venu ébranler cet édifice civilisationnel. Plus encore que les destructions et les pertes immenses qu’elles provoquèrent, les deux Guerres Mondiales amenèrent les Européens à douter dangereusement d’eux-mêmes. Souvent aveuglés par des idéologies visant à faire table rase du passé au nom d’un prétendu « sens universel de l’histoire », nos peuples peinent aujourd’hui à sortir de la « dormition » dans laquelle les a plongés le matérialisme consumériste de ces dernières décennies, alors même qu’ils assistent au retour de la guerre à leurs portes et font face sur leur propre sol à un risque de dissolution de leurs identités ethnoculturelles.

    Les lignes de force ethniques, culturelles ou politiques qui semblent caractériser l’identité civilisationnelle de l’Europe ne peuvent être dissociées de l’extraordinaire diversité de leurs déclinaisons historiques, qui traduisent l’existence de tendances souvent contradictoires. Cette luxuriance des formes et des idiosyncrasies collectives, qui transparaît à travers la mosaïque des peuples, des nations, des institutions politiques et des systèmes philosophiques ou religieux, semble échapper à toute tentative de définir des critères d’unité absolus. Les peuples d’Europe ont façonné, par les métamorphoses successives de leur héritage commun autant que par leurs interactions fructueuses ou conflictuelles avec le monde, une réalité civilisationnelle à strates multiples — une civilisation plurielle, au sein de laquelle les logiques de fragmentation ont fréquemment prévalu sur les facteurs d’unité. Plus encore, l’Europe semble avoir continuellement généré au cours des siècles les principes de sa propre dissolution, dont les grandes idéologies qui dominèrent l’histoire du xxe siècle furent sans doute les manifestations les plus emblématiques. Aujourd’hui encore, l’Europe court le risque de devenir la principale matrice de sa propre négation, au nom d’un universalisme qui suscite le rejet de partenaires avec lesquels les Européens gagneraient pourtant à nouer un dialogue fécond dans le cadre d’un monde multipolaire.

    Afin de parvenir à penser véritablement l’Europe, la connaissance de l’héritage du passé s’avère indispensable, mais ne saurait suffire. L’existence civilisationnelle de l’Europe, bâtie sur des millénaires d’interactions, de ruptures et de tensions stabilisées, nécessite aujourd’hui une nouvelle vision, une nouvelle orientation politique qui permette de définir sa cohérence et son unité de manière profondément « originale » (à la fois au sens de la nouveauté et du retour à l’élan originel) : une orientation susceptible d’inscrire l’héritage multimillénaire, avec toutes ses aspérités et ses paradoxes, dans la dynamique historique qui lui permettra seule de se renouveler, car « la conscience historique libère le passé pour l’avenir » comme le déclare Heidegger dans la dixième conférence de Cassel.

    Ce premier Cahier d’études correspond donc à un acte initiateur, à une tentative de poser des bornes et des jalons qui permettent de guider à nouveau la pensée et l’action, là où les chemins qui pouvaient sembler sûrs ont peu à peu cessé de mener quelque part. Nous aspirons à mettre en perspective, à travers les thèmes qui seront abordés dans nos Cahiers, les enjeux existentiels dont dépendent l’avenir et l’identité spécifique des Européens dans un monde en pleine mutation. Nous souhaitons ouvrir un espace de dialogue, un champ de réflexion où chaque question puisse être comprise comme une invitation à dépasser les réponses disponibles. Nous ne prétendons donc pas, en cela, nous occuper de « politique » au sens superficiel du terme. Notre logique n’est guère « partisane ». Nous souhaitons en revanche proposer une vision authentiquement « politique » du monde, c’est-à-dire une vision qui porte en elle le souci de l’homme en tant qu’être fondamentalement « politique », dont l’existence se déploie nécessairement dans le cadre d’une communauté de destin liée à un territoire, à travers une culture, une histoire et des institutions. C’est donc aux dimensions les plus variées de ces registres d’existence que nous souhaitons faire place dans nos cahiers, car toutes concernent l’avenir des peuples européens. "

    Sommaire

    ÉDITORIAL

    DOSSIER EUROPE

    • Henri Levavasseur – Les Indo-Européens : aux sources de la longue mémoire de nos peuples.
    • Armand Berger – Quelles réalités linguistiques pour l’Europe ?
    • Olivier Eichenlaub – Frontières en Europe, frontières de l’Europe.
    • Fabien Niezgoda – Subsidiarité, les souverainetés au pluriel.
    • Walter Aubrig – Westphalie 1648. Quand les États inventèrent l’Europe moderne.
    • Benjamin Demeslay – L’Europe en Renaissances : vers une théorie politique du mythe ?
    • Rémi Soulié – Occident, Europe, Hespérie : Trakl, Pessoa, Virgile.
    • Walter Aubrig & Olivier Eichenlaub – Européens hors d’Europe. Où en sommes-nous de l’Occident ?
    • Max-Erwann Gastineau – Entretien : L’Europe dans la désoccidentalisation du monde.

    VARIA

    • Yvan Droumaguet – Le Quattrocento à Florence : modèle pour la Renaissance de l’Europe ?
    • Benjamin Demeslay – Japon et européanité : l’identité paradoxale.
    • Antoine Dresse – Fichte et Hegel, lecteurs de Machiavel
    • Adriano Scianca – Gouverner le parc humain. Peter Sloterdijk et les anthropotechniques.
    • Dušan Dostanić – Le romantisme allemand et l’idée de Nation.

    RECENSIONS

    RÉSUMÉS

    • Das Heft in Kürze.
    • The journal in short.
    • La revista en breve.
    • La rivista in breve.
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  • Sparte comme modèle...

    Les éditions du paillon viennent de traduire et de publier un ouvrage collectif intitulé Sparte comme modèle - Histoire, hérédité et mythe d'une civilisation immortelle. On trouve parmi les auteurs Pino Rauti, Rutilio Sermonti et Adriano Scianca...

     

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    " Le mythe de Sparte - exemple d’élévation et intarissable source d’inspiration pour guerriers, philosophes et révolutionnaires – est intemporel.

    De son organisation sociale totale à l’éducation de fer de l’Agogé, de l’austérité essentielle de son mode de vie à la centralité communautaire de ses institutions, de la fameuse puissance de sa phalange au formidable tempérament de ses soldats, Lacédémone a tracé un sillon unique et indépassable.

    Le présent ouvrage est un recueil de textes, d’images et de citations, qui se veut instrument d’analyse historique et contribution à la formation de soi, dans le sillage d’une Weltanschauung héroïque, martiale et solaire.

    Face au nivellement mondialiste, à la dévirilisation, au wokisme et au déracinement iconoclaste, il est plus que nécessaire d’aller puiser un antidote salvateur dans notre plus longue mémoire européenne. Le sang versé aux Thermopyles reste la quintessence du courage, du sacrifice et de l’attachement à la Patrie. Ce sang coule encore dans nos veines et sera le socle de l’Homme nouveau du XXIème siècle. 

    Avec les contributions de Marco Scatarzi, Maurizio Rossi, Pino Rauti, Rutilio Sermonti, Nello Gatta, Adriano Scianca et les Communautés Nemeton et Raido. "

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  • Ezra Pound face aux marchands du temple...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Adriano Scianca au site de la revue Éléments dans lequel il évoque la figure du poète Ezra Pound. Journaliste italien, rédacteur en chef du quotidien Il Primato Nazionale et de la revue Prometheica, Adriano Scianca est notamment l’auteur de Casapound, tout se réapproprier (Editions Némésis, 2019) et de Ezra Pound et le sacré (La Nouvelle Librairie/Iliade, 2023).

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    Ezra Pound face aux marchands du temple : les explications d’Adriano Scianca

    ÉLÉMENTS : Comment expliquer la prise de conscience identitaire latine chez Ezra Pound dont l’origine et les repères culturels sont d’abord anglo-saxons ?

    ADRIANO SCIANCA. En effet, il n’est pas rare que des personnalités issues d’autres contextes culturels retrouvent une partie d’eux-mêmes dans le monde méditerranéen. Il suffit de penser à Nietzsche et à sa relation avec l’Italie. Il s’agit évidemment de personnalités qui remettent en question quelque chose dans leur monde culturel d’origine et qui, confrontées au climat (géographique, anthropologique, spirituel) méditerranéen, redécouvrent la possibilité d’être elles-mêmes d’une manière différente. Dans le cas de Pound, ce qui lui était insupportable aux États-Unis, c’était la mentalité puritaine, ainsi que l’absence d’un héritage culturel profond. Lorsqu’il débarque en Europe, il trouve une société d’une grande vitalité culturelle, ainsi qu’un réservoir presque infini de culture stratifiée sur des millénaires, devant lesquels il manifeste un étonnement typiquement américain. Le contact avec l’Italie le marquera donc à jamais. Il faut noter qu’il ne fréquente guère les grandes villes (à l’exception de Venise), mais préfère les petites villes de l’Italie rurale. Il y découvre l’existence d’un catholicisme fortement innervé d’éléments païens, avec des rites très pittoresques et une mentalité étrangère à tout sectarisme. Lorsque, pour provoquer une religieuse qui lui demandait de quelle religion il était, il répondit qu’il croyait en Zeus et aux anciens dieux païens, il l’entendit répondre avec désinvolture : « Tout cela n’est qu’une religion. » Ces mots prononcés par une religieuse chrétienne l’ont choqué : aux États-Unis, personne ne les aurait jamais prononcés. Mais, comme je l’ai dit, ce n’est pas pour cette raison que Pound devient italien ou renie ses origines. Au contraire, il relie – dans une vision singulière et éclectique – l’action des réformateurs et des mécènes de la Renaissance ou celle de Benito Mussolini à la vision du monde frugale, spartiate, honnête et paysanne de Thomas Jefferson. Jusqu’à la fin, Pound se considérera comme un patriote américain, fidèle aux valeurs originelles de sa nation, trahie selon lui par une oligarchie rapace.

    ÉLÉMENTS : Peut-on considérer la doctrine religieuse poundienne comme un panthéisme ? Comment comprendre la notion de sacré chez lui ?

    ADRIANO SCIANCA. Il y a certainement des éléments panthéistes dans la conception du sacré de Pound. Le poète pense qu’il existe une partie de l’univers – son « essence la plus profonde » – qui n’est pas produite par l’homme, qui est autre qu’humaine. Cette essence, Pound l’appelle Dieu. Le divin se confond donc avec le monde, ou du moins avec son « essence la plus profonde ». La conception du sacré de Pound est très influencée par le thème néo-platonicien de la lumière. Omnia quae sunt, lumina sunt, répète Pound en citant Scot Érigène. Mais il y a aussi une force dans le monde qui cherche à obscurcir cette lumière : c’est la force de l’usure, que Pound comprend dans un sens métaphysique. L’usure est tout ce qui apporte la stérilité, la laideur, la lâcheté, l’oppression. Le sacré est ce qui échappe à l’usure, ce qui est inaccessible à l’achat et à la vente.

    ÉLÉMENTS : Quant à sa « métaphysique du sexe » (p. 37) en lutte contre les puritains, peut-on y voir une tentative de renouer avec la sexualité épicurienne de la Rome antique ?

    ADRIANO SCIANCA. Il y a certainement une racine païenne dans la vision poundienne de la sexualité, mais je ne la qualifierais pas d’épicurienne. L’épicurisme renvoie à une romanité déjà décadente (ainsi qu’à une imagerie négative propagée par les polémistes chrétiens et reprise plus tard par Hollywood). Pound a à l’esprit les rites de fertilité et une vision de la sexualité entièrement « innocente », libérée de l’idée de péché. « Le corps se trouve dans l’âme », écrit-il dans le Canto 99, renversant la dichotomie chrétienne classique et réhabilitant une dimension corporelle enfin libérée du péché. Dans le Canto 113, il qualifie d’ailleurs le péché d’« un stratagème pour consolider la domination ». Il détestait par-dessus tout la mentalité puritaine, les magazines à potins, les ragots, dont il avait également été victime dans sa jeunesse. Il identifie dans le puritain un homme malhonnête et complexé : « Le puritain est un pervers, tout son sens de la corruption mentale s’étend sur un seul sillon, celui du sexe. » Il pensait qu’il existait un lien entre l’orgasme et l’illumination artistique et spirituelle. Il détestait Freud, qualifiant ses théories de « poison ». Une fois de plus, il fait intervenir l’économie dans l’équation : pour Pound, l’usure est ce qui tue la fertilité, ce qui « tue l’enfant dans le ventre » de la femme. À plusieurs reprises, il compare l’usure à la prostitution : « Ils ont amené des putes à Éleusis… »

    ÉLÉMENTS : Dans quelle mesure le plaidoyer de Pound pour les civilisations contre l’usure peut nous aider à comprendre la mondialisation financière en cours ?

    ADRIANO SCIANCA. Bien sûr, il faut garder à l’esprit que Pound n’était pas un théoricien organique et cohérent de l’économie. Sur ce sujet, comme sur tout le reste, il faut, avec Pound, procéder par éclairages. Le premier aspect crucial est la critique de la création monétaire ex nihilo, de manière incontrôlée. Pour Pound, c’est le péché originel du système financier. Mais c’est aussi ce qui a créé toutes les « bulles » économiques qui ont éclaté ces dernières années avec des résultats ruineux. Le deuxième aspect intéressant et très actuel est la critique du lien incestueux entre les médias et le grand capital. Pound avait compris que l’utilisation des médias à des fins de propagande faite par les grands régimes totalitaires était une forme de conditionnement beaucoup moins raffinée que celle à l’œuvre dans les sociétés libérales, où il n’est pas nécessaire d’abolir la liberté d’expression, il suffit d’éliminer les occasions pour les voix dissonantes d’avoir accès aux microphones. Le troisième aspect sur lequel il convient de réfléchir est le lien entre le capitalisme et l’anxiété. Il s’agit là d’une analyse vraiment profonde et prémonitoire. Pound a compris que la « faim », la pauvreté totale et absolue, était une exception que le capitalisme pouvait très bien surmonter. La véritable tragédie est de jeter des pans entiers de la population dans l’angoisse, dans l’insécurité, dans l’incapacité de se projeter dans l’avenir, même dans un contexte où les gens travaillent et parviennent plus ou moins à se nourrir. Cette analyse me semble particulièrement opportune à l’ère de ce que les Américains appellent les bullshit jobs, de la précarité, de la fin de l’État social. Cette angoisse, pour Pound, est socialement dévastatrice, et il l’explique bien dans son célèbre poème sur l’usure, où il peint un scénario où, à cause du système économique, personne n’a « un foyer solide », où l’enfant « étouffe dans le ventre », où la nourriture n’est plus saine mais devient un déchet, où l’art ne dispense plus de beauté. C’est le portrait d’une société dépressive, terne, stérile, qui n’est plus capable d’imaginer un avenir, qui n’a plus d’espoir, où les plus jeunes sont abandonnés à la malbouffe, aux emplois mal payés, aux maisons petites et insalubres, et n’ont pas la possibilité matérielle de fonder une famille.

    ÉLÉMENTS : N’y-a-t-il pas dans l’ethos d’un Donald Trump exaltant la verticalité de l’État et s’éloignant de la tradition libérale-démocrate anglo-saxonne et un certain puritanisme une synthèse poundienne entre Europe et États-Unis ?

    ADRIANO SCIANCA. Je ne suis pas sûr que Trump exprime un sens de la « verticalité de l’État ». Il est certes issu de la souche germanique qui constitue l’ossature anthropologique même de la réussite historique des États-Unis, et il est d’ailleurs culturellement plus lié à ce monde qu’à la fameuse « Amérique profonde », pauvre et paysanne, qu’il courtise et imite sans y croire vraiment. Il a donc une faible racine européenne. La vénalité, la vulgarité, la superficialité du personnage n’auraient cependant guère plu à Pound. Il se peut cependant qu’il ait apprécié son éloignement des cercles les plus belliqueux et des milieux médiatiques. Pound aurait donc pu exprimer une appréciation « tactique » de Trump, certainement pas une véritable sympathie culturelle, politique ou spirituelle.

    Adriano Scianca, propos recueillis par Arnaud Varades (Site de la revue Éléments, 13 mars 2024)

     

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  • Ezra Pound et le sacré...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie et l'Institut Iliade viennent de publier un court essai d'Adriano Scianca intitulé Ezra Pound et le sacré. Journaliste italien, rédacteur en chef du quotidien Il Primato Nazionale et de la revue Prometheica, Adriano Scianca est notamment l’auteur de Casapound, tout se réapproprier (Editions Némésis, 2019).

     

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    " Qui était vraiment Ezra Pound et en quoi l’œuvre de ce poète américain nous enjoint-elle à redécouvrir notre héritage spirituel et sacré ? C’est à cette question que tente de répondre Adriano Scianca à partir de différents aspects de la pensée de Pound, comme sa « métaphysique du sexe » et son rejet des puritains, sa théologie ou encore sa critique de l’usure. Un essai plus que jamais d’actualité, à l’heure où l’Europe semble avoir oublié ses plus anciennes traditions. Ainsi que le remarquait Ezra Pound : « J’écris pour résister à l’idée que l’Europe et la civilisation sont en train de partir à vau-l’eau. » Cet ouvrage se trouve également enrichi de deux Cantos inédits d’Ezra Pound, traduits pour la première fois en français. "

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