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Métapo infos - Page 514

  • Une épuration ethnique oubliée...

    Les éditions Flammarion viennent de rééditer l'étude de l'historien américain R. M. Douglas intitulée Les expulsés, consacrée à la gigantesque opération d'épuration ethnique menée entre 1945 et 1947 par les Soviétiques, avec la connivence des puissances occidentales, pour débarrasser l'Europe de l'est de toutes les populations d'origine allemande qui s'y trouvaient. Sur ce pan de l'histoire contemporaine largement occulté dans les ouvrages sur la seconde guerre mondiale, on pourra également lire Le livre noir de l'expulsion (Akribéia, 2002), de l'historien allemand Heinz Nawratil.

     

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    " Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'Europe a été le théâtre d'un transfert forcé de populations à très grande échelle : des millions d'Allemands qui vivaient en Tchécoslovaquie, en Hongrie et en Pologne, devenus indésirables dans ces pays durement éprouvés par des années de domination nazie, ont été délogés de leurs foyers et envoyés vivre parmi les ruines du Reich. Ces expulsions, qui se sont déroulées entre 1945 et 1947, ont été organisées par les autorités des pays concernés, avec l'aide des gouvernements britannique, soviétique et américain qui pilotaient alors la reconstruction de l'Europe. Elles ont concerné entre 12 et 14 millions de personnes - en majorité des femmes et des enfants - et ont été menées avec une telle brutalité qu'elles ont fait de nombreuses victimes : au moins 500000 expulsés sont morts dans les camps de transit où on les avait rassemblés, pendant les trajets, ou à leur arrivée en Allemagne, épuisés, affamés et sans abri. Cet épisode tragique s'est déroulé au grand jour, sous les yeux de dizaines de milliers de journalistes, diplomates, travailleurs humanitaires et observateurs divers. Ses répercussions sont encore visibles dans l'Europe d'aujourd'hui. Pourtant, hors d'Allemagne, il est presque complètement oublié. C'est cette lacune historique que ce livre entend combler."

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  • Nouvelle économie : crédit, désir et politique...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à l'effondrement de notre société basée uniquement sur le désir. Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

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    Nouvelle économie : crédit, désir et politique

    Usée jusqu’à la corde, la vieille ficelle de « la croissance est de retour » ne trompe plus personne. Malgré les milliards de milliards d’euros dont s’enivre la Commission européenne, de « Green Deal » en « Next generation », malgré la bonne volonté dégoulinante des commissions et des comités, malgré tous les efforts de la BCE, le recul du commerce mondial touche particulièrement l’Union européenne, et l’espoir d’une reprise en « V » s’éloigne à mesure que la déchirure du tissu économique local se précise. Voilà de quoi réjouir les adeptes de la décroissance écologique, et aussi bien, ceux qui voient dans l’hyperconsommation l’un des facteurs de la destruction à l’œuvre de nos conditions de vie. Voilà surtout de quoi en finir avec l’illusion économique sur laquelle toute politique ne bâtit que sur du sable.

    Crédit : trois chiffres résument la situation actuelle.

    Dans les années 1950, un dollar de crédit produisait quatre à cinq dollars d’activité en plus. Le crédit constituait réellement un levier de croissance.

    Dans les années 1990, quatre à cinq dollars de crédit produisaient un dollar de croissance. Les excès du crédit bancaire américain, tel que Bill Clinton y a cherché la fuite en avant de la propriété pour tous, sont l’expression d’une situation inédite ; le crédit échouait à générer l’activité. Beaucoup a été écrit sur les raisons de la stagnation, la panne de croissance, que certains voient séculaire, et le salut cherché dans l’innovation, dans les politiques monétaires accommodantes, le numérique. Rien n’y a fait. De plus en plus d’argent produit de moins en moins d’effet sur l’économie — la BCE l’a-t-elle vu ?

    Depuis deux ans, des milliards de milliards de dollars de crédit ne produisent pas un seul dollar de croissance réelle – mais des achats en Bourse qui poursuivent la plus longue et forte vague de hausse des prix d’actifs financiers jamais connue. Les entreprises attendent des effets de ruissellement qui ne viennent pas. Les politiques, avec la complicité des économistes et des banquiers centraux, amusent la galerie avec des prévisions comiques par leur invraisemblance, par exemple la fameuse reprise en V ; il est plus grave que certains se laissent prendre à la « nouvelle théorie monétaire » qui assure que les dettes ne seront jamais payées ! Si douce à entendre, si dure à oublier !

    Voilà pourquoi il est légitime d’interroger la fuite en avant de l’Union européenne et de la BCE. 250, 500, milliards, 1000 milliards pour le Green Deal, pourquoi pas le double pour « Next generation » — puisque c’est elle qui paiera ? Après la FED, la BCE invente l’argent magique, celui qui ne coûte rien et qui ne sera jamais remboursé. Et elle réfléchit à faire mieux ; créditer les comptes de chaque ménage européen de liquidités créées par la BCE, charge à lui de le consommer tout de suite — car la nouveauté du moment est que ce n’est pas le travail qui permet la consommation, par la valeur ajoutée apportée, l’individu est payé pour consommer — pour faire repartir cette croissance qui boude et sans laquelle nos sociétés semblent condamnées à s’effondrer sur elles-mêmes !

    La boucle est bouclée et elle pose des questions majeures à l’Union européenne, aux droits des citoyens et à la démocratie.

    La société libérale du désir et non du politique

    J’ai traité dans « Le Gouvernement du Désir » ce fait négligé ; le marketing et la publicité ont usurpé le propre du politique ; l’espoir d’une vie meilleure. Si vous voulez vivre mieux, plus la peine de voter, encore moins de militer, faites chauffer la carte de crédit ! En passant du libéralisme politique au libéralisme économique, celui de l’individu dont le seul interlocuteur est le marché, et qu’avait deviné Benjamin Constant dès 1810, nous avons changé d’espoir ; l’espoir révolutionnaire politique et démocratique s’est vu submergé et bientôt, dépassé, par la puissance révolutionnaire du désir marchand, du désir mimétique, du désir qui balaie tout sur son passage ; l’entreprise a pris le pouvoir à la faveur de la production du désir, la société libérale est devenue le cadre du déchaînement du désir, de tous les désirs. La liberté individuelle a servi le diktat du marché ; belle opération, qui fait du capitalisme financier de la fin du XXe siècle l’une des forces révolutionnaires les plus abouties qui aient été !

    Voilà l’effondrement actuel ; leurs pères ont tourné le dos à l’espoir révolutionnaire pour collectionner les stock-options, vanter la société ouverte et faire venir leurs esclaves des pays du Sud sous couvert de droits de l’homme, ils ont proclamé suivre leurs désirs sans entraves, leurs enfants se détournent de la société d’hyperconsommation, fuient les métropoles et cherchent à échapper aux ravages de la société multiculturelle, les uns en renouant avec les formes religieuses à disposition, les autres en se repliant sur des cellules amicales, familiales ou communautaires espérées imperméables, tous en condamnant sans retour les moyens tentaculaires d’exploitation du monde auxquels leur semble se résumer l’histoire de leurs pays, de l’esclavage à la colonisation et des missions religieuses à la diffusion de la culture et du mode de vie occidental.

    Les économistes et les dirigeants auxquels ils servent d’alibi entendent user de tous les moyens pour réveiller l’appétit de la croissance infinie, certains que de l’économie vient le salut. Ils se trompent, et l’insurrection des identités collectives à laquelle nous assistons devrait sonner leur réveil. Le temps n’est pas à l’innovation technique, marketing, le temps est à l’innovation sociale et politique. Le temps est aux formes politiques de l’espoir collectif, seul capable de ranimer l’envie d’avenir qui est le secret des sociétés ouvertes, entraînantes et surtout, heureuses de vivre. Le temps est de constater lucidement les conditions qui font une bonne société, les conditions qui font une société dysfonctionnelle.

    Une certitude ; la société qui fonctionne poursuit un projet politique. Tout indique que l’Union européenne est aujourd’hui incapable de se donner le projet politique d’indépendance et de puissance qui lui permettrait de dépasser le rêve vieilli du marché intérieur, et de répondre à l’attente de Nations inquiètes de demeurer. Tout indique qu’elle est impuissante à sortir d’alliances dépassées, dénoncer des traités paralysants, sortir des facilités du tout économique. Passer de la nuit à la lumière et de l’ombre au soleil n’est pas seulement une enflure rhétorique de M. Jack Lang ; c’est le fondement de nos démocraties. L’espoir que la politique peut changer la vie, l’espoir que le combat politique peut faire la vie meilleure pour tous.

    Nous pouvons en rire. Ils sont des millions à avoir donné leur vie pour ça. Et la grande panne de la croissance ne serait rien si « elle n’était pas le signe d’une crise du futur, d’une perte de l’envie d’avenir, qui se traduit par la panne démographique où l’Occident s’engloutit, qui s’exprime par la lâche tentation de renoncer à tout ce qui a été fort, grand et beau pour se donner quelques mois, quelques années encore de lâche tranquillité, et qui débouche sur le renoncement à être ce que l’on est – jusqu’au moment où du plus sombre renaît la lumière qui guide ceux qui savent ce qu’ils se doivent.

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 29 juin 2020)

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  • Delon, Belmondo, une épopée française...

    Le magazine Valeurs actuelles publie un numéro hors-série intitulé  Delon, Belmondo, épopée française. Un superbe numéro d'été sur le parcours et les films des deux géants du cinéma français, avec des articles d'Arnaud Folch, de Nicolas Gauthier et de Bruno Larebière.

     

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    " Plus d’un siècle de carrières cumulées, près de deux cents films, 300 millions de spectateurs… C’est à nos deux derniers “monstres sacrés” du cinéma qu’est consacré notre hors-série d’été. L’occasion de revisiter côté coulisses leur extraordinaire filmographie, de se replonger dans l’histoire glorieuse du 7ème art français, de ses acteurs de légende (Jouvet, Fresnay, Gabin…), mais aussi de cette “certaine idée de la France” incarnée dans la vie et à l’écran par ces deux comédiens ayant débuté dans les années 1950 : culte de l’amitié virile, code d’honneur, amour des femmes… Préface de François d’Orcival. Inclus : “Alain, Jean-Paul et moi…”, par Brigitte Bardot. "

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  • Vers le démantèlement de l'Etat régalien ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous Le samedi politique de TV Libertés, diffusé le 27 juin 2020 et présenté par Élise Blaise, qui recevait Xavier Raufer, pour évoquer l'explosion des violences communautaristes... Criminologue et auteurs de nombreux essais, Xavier Raufer a publié ces dernières années Les nouveaux dangers planétaires (CNRS, 2012) et Criminologie - La dimension stratégique et géopolitique (Eska, 2014) et récemment, Le crime mondialisé (Cerf, 2019).

     

                                          

    " Depuis plusieurs semaines, la France sombre dans toujours plus d’anarchie. L’Etat régalien, visiblement si insignifiant pour Emmanuel Macron, est littéralement démantelé.
    Après la mort de George Floyd aux Etats-Unis, le Collectif Justice pour Adama reprend du poil de la bête et organise des manifestations interdites. Christophe Castaner applaudit, au mépris des lois dont il devrait être l’un des garants. La Police est accusée de racisme, et Castaner fait allégeance, contre ces forces de l’ordre dont il a usé et abusé contre les Gilets Jaunes.

    Nicole Belloubet, le garde des Sceaux, viole pour sa part le principe de séparation des pouvoirs.

    Dans ce nouveau numéro du Samedi Politique, le criminologue Xavier Raufer revient d’abord sur les racines du communautarisme américain qui aboutissent à une situation proche de l’apartheid aux Etats-Unis. De quoi comprendre l’illégitimité des mouvements tels que Black Lives Matter en France, importés à grand renfort de subsides injectés par des mondialistes tels que George Soros et son Open Society. L’objectif : fracturer les sociétés pour les affaiblir et en faire des proies faciles.

    Un objectif qui ne semble pas déplaire à la Macronie qui laisse s’installer l’anarchie dans les banlieues et quartiers « dits » difficiles, où les gangs de criminels, tantôt tchétchènes, tantôt d’origine maghrébine s’affrontent en toute impunité. "

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  • L'Occident comme cunnicratie...

    Les éditions Culture & Racines viennent de publier un essai de Modeste Schwartz intitulé Yin - L'Occident comme cunnicratie. Ancien élève de l’École Normale Supérieure et linguiste, traducteur et auteur, Modeste Schwartz, après plus de quinze années passées en Roumanie et en Hongrie, s'est spécialisé dans le suivi des politiques danubiennes et est un chroniqueur régulier du Visegrad Post.

     

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    " L'auteur de ce livre s’est fixé pour but de poser, en quelques réflexions, les bases d’une analyse planétairement valable d’un phénomène qu’il perçoit comme mortifère pour l’espèce tout entière : le féminisme comme nouveau paradigme axiologique.

    S’il parle de YIN, c’est parce que le mouvement d’opinion progressiste connu en Occident sous le nom de féminisme est pour lui la pointe émergée d’une révolution anthropologique qui, en remettant en cause le fondement même de la différence sexuée, relève plutôt du transhumanisme que d’une simple « tendance politique ». 
    Alliant un ton souvent cru à un raisonnement élaboré, il cherche autant à alerter ceux qui veulent vivre qu’à simplement décrire, dans une démarche contemplative, le déroulé et les conséquences de cette révolution anthropologique probablement non-annulable, mais qui pourrait bien nous annuler. Ainsi conçu, le féminisme est pour lui un phénomène affectant des structures de pensées plus générales et plus profondes que la prophétie de Mahomet, la crucifixion du Christ, la réforme zoroastrienne ou le védisme – des structures aussi anciennes que l’humanité elle-même, à commencer par la structure bien connue des anthropologues sous le nom d’ancestralité. En séparant l’individu de son sexe – comme la physique nucléaire a séparé l’énergie de la matière – on fabrique une bombe culturelle dont l’explosion pourrait bien, à terme, faire passer la vitrification d’Hiroshima pour une aimable plaisanterie. Son constat est sans appel : l’époque infortunée qu’il nous est donné de vivre nous impose – sous peine de disparaître – de remettre les femmes à leur place...


    Encore faut-il, pour ce faire, éviter aussi le piège du masculinisme – qui n’est que l’ombre portée du féminisme, et le corrélat non moins délétère du même déséquilibre ontologique. Lu dans un registre politique, ce livre, écrit par un ennemi irréconciliable du monde moderne, n’a donc pas pour but de prendre une quelconque revanche sur les femmes, mais de contribuer à la destruction la plus rapide possible du modèle occidental et de la société bourgeoise, en fournissant à la résistance un explosif susceptible d’ébranler l’un de ses principaux piliers : la cunnicratie, ou avènement du YIN. "

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  • L’Europe de la défiance...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hadrien Desuin consacré à la question de l'Europe de la défense et cueilli sur Geopragma. Spécialiste des questions géopolitiques, chercheur associé à Geopragma, Hadrien Desuin est l'auteur de La France atlantiste (Cerf, 2017).

     

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    L’Europe de la défiance

    La France multiplie les effets d’annonce en faveur de “l’Europe de la défense” sans pouvoir masquer sa dépendance à l’OTAN.

    Quelques jours avant le sommet de Londres, les 3 et 4 décembre 2019, un entretien présidentiel publié dans l’hebdomadaire britannique The Economist met le feu aux poudres. En qualifiant l’OTAN d’organisation “en état de mort cérébrale“, Emmanuel Macron vole la vedette à Donald Trump, pourtant habitué à ce type de sortie fracassante. Son duel à fleuret moucheté avec le président turc et membre de l’OTAN, Erdogan, se poursuit en juin 2020, sur fond de guerre civile libyenne, lors de la venue à Paris du président tunisien, Kais Saied. Quelques jours plus tôt, la flotte turque a menacé une frégate française envoyée par l’OTAN au large des côtes libyennes. Washington n’a pas condamné la Turquie et l’OTAN a prudemment demandé une enquête, renvoyant dos à dos Turcs et Français. Ce camouflet illustre la marginalisation de la France dans l’alliance atlantique et justifie a posteriori ses doléances exprimées à Londres: une Europe de la défense indépendante de la tutelle américaine, moins complaisante vis-à-vis de la Turquie et moins obnubilée par la menace russe. Entre temps, Jens Stoltenberg, le secrétaire général norvégien de l’OTAN, est venu à l’Elysée demander des explications: « Nous avons besoin d’une structure de commandement forte et compétente, pas de diviser les ressources en deux ». Il serait selon lui « dénué de sens de permettre à l’OTAN et à l’Union européenne de rivaliser ». Nicole Bacharan, figure de la French-American Foundation, souvent critique du président Trump, sait mettre de l’eau dans son vin quand c’est nécessaire:  « Sur le fond Trump a raison, c’est irréaliste de penser qu’une armée européenne pourrait se passer des États-Unis ». Angela Merkel a certes tenté une synthèse: « il ne s’agit pas d’une armée contre l’OTAN, bien au contraire ! Cela peut être une armée qui complétera l’OTAN de façon très utile, sans remettre ce lien en cause »;  Vladimir Poutine est finalement le seul à voir dans une « une armée européenne : un processus positif pour le renforcement du monde multipolaire ».


    La roue de secours de l’OTAN ?

    En réalité, les malentendus entre l’OTAN et les projets d’armée européenne ou d’Europe de la Défense ne datent pas d’aujourd’hui. Après deux guerres mondiales Britanniques et Français sont traumatisés par l’engagement tardif des Américains contre l’Allemagne. Dès le 5 mars 1946, dans un discours resté fameux à Fulton, Winston Churchill s’alarme du “rideau de fer descendu à travers le continent, de Stettin dans la Baltique à Trieste sur l’Adriatique.” Suivront en 1947, la doctrine Truman et le plan Marshall mais aussi le traité franco-britannique de Dunkerque, signé le 4 mars, dans une ville ô combien symbolique. Un an plus tard, à Bruxelles, le traité bilatéral franco-britannique s’élargit au Benelux. Son article 5 prévoit une assistance mutuelle en cas d’agression extérieure. L’Europe de la défense ne va toutefois durer qu’un an. En 1949, avec le traité de Washington, les dispositions du traité de Bruxelles sont vidées de leurs substances et mis en sommeil. Washington, qui planifie une guerre imminente contre l’URSS, au vu de ce qui se passe au même moment en Corée, prend directement les commandes.Bien loin d’être concurrents, les deux projets militaires, OTAN et Europe de la défense apparaissent dès l’origine complémentaires dans la mesure où la dernière sert de palliatif ou de plan B, pour encourager ou suppléer une puissance américaine parfois hésitante. En 1954, lorsque Jean Monnet échoue de peu à fonder la CED (communauté européenne de Défense), l’Union de l’Europe occidentale (UEO) réactive le traité de Bruxelles et puis sombre à nouveau dans l’oubli.

    35 ans plus tard, la guerre froide s’achève sur une victoire de l’OTAN par abandon des soviétiques. La paix européenne présuppose la réintégration de la Russie dans le concert européen mais la chose est impensable pour Washington. Les structures otaniennes diminuent leur empreinte au sol mais s’élargissent vers l’est. Les Européens, et singulièrement la France, tentent dans le même temps une relance de l’Union de l’Europe Occidentale, “troisième pilier du traité de Maastricht”.
    Dans les faits, malgré l’implosion yougoslave et l’intervention tardive des Etats-Unis (accords de Dayton puis occupation du Kosovo), les nations européennes se sont empressées d’ “engranger les dividendes de la paix“. Formule prononcée par Laurent Fabius dès le 10 juin 1990 et symptomatique d’une vision économique du monde. La plupart des armées européennes se contentent des missions dites de Petersberg, du nom de la déclaration de l’UEO, faite à l’hôtel éponyme sur les hauteurs de Bonn en 1992. Missions “civilo-militaires” de formation, de coopération ou d’interposition dont les contours politiques s’avèrent assez flous. Il faut “gagner la paix” et non plus “faire la guerre”. Il y a une “division du travail entre les États-Unis, qui “faisaient le dîner”, et les Européens, qui “faisaient la vaisselle” ironise Robert Kagan dans un article dePolicy Review publié en 2002 et destiné à préparer l’opinion à la guerre en IrakArticle qui sera à l’origine de son ouvrage majeur, La puissance et la faiblesse. Pour Kagan, l’Europe s’apparente à Vénus, déesse de l’amour, tandis que Mars, dieu de la guerre, inspire l’Amérique. Autrement dit, l’armée américaine détruit l’ennemi et les Européens réparent les dégâts.
    La PESD (Politique Européenne de Sécurité et de Défense), héritière de l’UEO n’a jamais pu se substituer à l’armée américaine en Europe. Dans les accords de “Berlin +”, la condition pour que l’UE bénéficie des moyens de l’OTAN est que celle-ci ne soit pas engagée. La mission judiciaire et policière EULEX Kosovo n’a, par exemple, pas d’accord de partenariat avec la KFOR. Cet accord est aujourd’hui verrouillé par la Turquie qui fait payer aux Européens, via l’OTAN, sa non adhésion à l’UE.

    L’Europe de la Défense portée disparue.
    Certes la France et le Royaume-Uni tentent de conserver une capacité de projection et d’intervention “en premier” sur un théâtre d’opération. Ce sont les deux “nations-cadres” qui peuvent encore agir en autonomie ou diriger une coalition. Pour le reste, c’est le désarmement général: les crédits de défense dépassent péniblement les 1% du PIB. Le nombre de soldats et de régiments est divisé par deux ou trois en 30 ans. Dans son discours sur “l’État de l’Union” du 14 septembre 2016, le luxembourgeois Jean-Claude Juncker a dévoilé un projet de “corps européen de solidarité” où les jeunes pourront servir les autorités nationales et locales mais aussi les ONG et les entreprises…Avec le Brexit, certains ont cru qu’il n’y avait plus d’obstacle à une Europe de la Défense. C’est méconnaître le tropisme atlantiste des pays d’Europe centrale, du nord et même du sud. Même la France a très tôt réaffirmé son étroite collaboration militaire avec le Royaume-Uni à l’occasion du sommet de Sandhurst en janvier 2018 et lors de l’exercice naval Griffin strike en Ecosse en octobre 2019. En théorie, la France a pu apparaître comme la dernière nation, avec peut-être la Belgique et le Luxembourg, à croire encore à l’Europe de la Défense. Mais en 2009, la France est rentrée dans le giron de l’OTAN et le fond européen de défense qu’elle a péniblement obtenu d’Angela Merkel pourra d’ailleurs servir à l’achat d’équipement militaire non-européen, signe de la dépendance américaine de l’Europe de la défense.

    Les administrations américaines successives appellent de leur côté les nations européennes de l’OTAN à stopper l’hémorragie budgétaire. 70% de la défense européenne est en effet assurée par les États-Unis et les états-majors de l’OTAN sont pléthoriques. On comprend que Donald Trump ait menacé de se retirer pour obtenir une meilleure répartition financière. Mais cette confortable réticence européenne peut s’expliquer. D’une pierre deux coups; cet effort européen permet à l’armée américaine de financer son propre réarmement. Et l’Europe, en première ligne, sert de tête de pont à la défense américaine. La mise en place en Europe du bouclier antimissile face à la Russie coûte par exemple très cher et c’est l’industrie américaine (Raytheon) qui en bénéficie en très grande partie. Une base navale en Espagne, un centre de commandement en Allemagne et deux bases de lancements en Pologne et en Bulgarie, sans compter le coût du système d’arme. Voilà pourquoi, l’achat de système de défense anti-missile russe S-400 par la Turquie a suscité plus de colère et de frayeur à Washington que les protestations françaises face à l’intervention militaire de Erdogan en Libye et en Syrie.

    Hadrien desuin (Geopragma, 25 juin 2020)

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