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pédagogisme - Page 3

  • Un zéro pointé pour l’école de la République...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Jean-Paul Brighelli à TV Libertés à l'occasion d'une conférence donnée devant le Cercle Aristote pour la sortie de son livre Tableau noir (Hugo et Cie, 2014).

     

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  • Comment les pédagogistes ont tué l'école...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Paul Brighelli, cueilli sur le site du Point et consacré à l'action criminelle des pédagogistes au sein de l’Éducation nationale.

    Professeur en classes préparatoires et défenseur de l'élitisme républicain, Jean-Paul Brighelli a publié dernièrement dernièrement Tableau noir (Hugo et Cie, 2014), un nouvel essai sur l’école.

     

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    Comment les pédagogistes ont tué l'école

    Républicains contre pédagos (pour "pédagogistes") : cet affrontement entre les tenants d'une tradition scolaire héritée de Jules Ferry et les jusqu'au-boutistes de l'expérimentation pédagogique a commencé il y a une trentaine d'années, lorsque les premiers, qui comptaient sur Jean-Pierre Chevènement pour faire avancer leurs idées, ont été supplantés par les seconds, arrivés dans les fourgons de Lionel Jospin. Dans le Figaro du 25 novembre, un sociologue québécois réputé, Mathieu Bock-Côté, analyse avec une grande finesse les enjeux de cette guerre - dont, disons-le tout de suite, la conclusion est d'ores et déjà connue : l'école républicaine, qui mettait le savoir au coeur du système, est morte, vive l'école de la pédadémagogie, qui met "l'élève au centre" et cherche son bonheur immédiat, au détriment de sa formation, de sa culture et de sa réussite future.

    Le pédagogue Ponce Pilate

    Par parenthèse, que ce soit dans le Figaro que cet excellent article paraisse ou que j'écrive dans les colonnes du Point.fr n'est pas tout à fait indifférent : en face, les pédagogistes ont le Monde, l'Obs et Libération. Cet affrontement entre deux conceptions violemment antagonistes de l'école est aussi une rivalité de presse, sous-tendue en partie par une opposition droite/gauche. Même si le noyau dur des républicains est constitué de chevènementistes, voire d'anciens gauchistes. Paradoxe, c'est le Front national qui aujourd'hui reprend sans vergogne, avec un opportunisme impeccable, les thèses des républicains (sans que cela implique en quoi que ce soit que lesdits républicains adhèrent aux thèses du Front national), et le PS se coule dans les propositions des pédagos. Par exemple, comme le souligne Bock-Côté, la récente décision de remplacer les notes par des pustules vertes, ou de renoncer définitivement au redoublement tout en imposant l'évaluation par compétences et non par performances, est une victoire majeure du clan pédago, qui proclame que c'en est fini de l'évaluation-sanction : désormais, tout le monde s'aime, et tout le monde réussira. Encore un effort, et l'élève s'autoévaluera, ce qui, soyons-en sûrs, lui évitera tout traumatisme. On est tellement mieux dans le coton. 80 % d'une génération au bac - on y est. Et puis après... Après, c'est l'écrasement contre le mur du supérieur - mais là aussi, on arrondit les angles, on n'a que 50 % de pertes en première année. Après, c'est l'éclatement contre le mur de l'embauche. Évidemment, Ponce-Pilate-pédago s'en lave les mains, il n'est plus concerné.

    La mise à mort de la culture

    Pour que des non-enseignants comprennent bien les enjeux de cette lutte, il faut énoncer les choses clairement. Le remplacement de la transmission de connaissances par l'évaluation de compétences revient à mettre à mort la culture classique - à commencer par la maîtrise de la langue. À qui s'étonnerait que les enfants et les adolescents maîtrisent désormais de façon fort aléatoire les codes du français, à commencer par l'orthographe, si discriminatoire, les pédagos rétorqueront qu'il ne faut pas s'arcbouter sur des codes bourgeois désormais dépassés. Et que s'accrocher à l'apprentissage de la lecture par des méthodes alpha-syllabiques (le B.-A. BA), c'est vouloir perpétuer une école à deux vitesses, où les enfants de classes dominantes voyaient confirmés à l'école les codes appris à la maison, pendant que les enfants du peuple ramaient pour les rejoindre. Désormais tous nuls, les voici à égalité. Apprendre à lire de façon méthodique, c'est l'horreur pédagogique, affirme, encore récemment, la grande prêtresse des pédagos, Évelyne Charmeux. Dans le même élan, les chronobiologistes et les didacticiens, deux tribus constituant des sous-groupes de la nouvelle élite autoproclamée, affirment que l'enfant ne doit pas commencer en même temps toutes les opérations de base, mais n'en venir à la multiplication que bien après - quant à la division, la voici désormais reléguée en CM1. Que les mathématiciens déplorent la dyscalculie qui en résulte pendant que les profs de français pleurent sur la dysorthographie n'émeut guère nos révolutionnaires. Philippe Meirieu, gourou en chef, ne proclamait-il pas jadis qu'il fallait apprendre à lire sur les modes d'emploi des appareils ménagers ? Voir ce qu'en pense Jean-Paul Riocreux, qui en tant qu'ancien inspecteur d'académie, a vu de près les dégâts de cette idéologie qui se fait passer pour "naturelle". Autre grand ancêtre de ces déconstructeurs, Pierre Bourdieu, qui n'a pas hésité à affirmer que dans la transmission de la culture, le problème, c'est la culture. Éliminons-la : l'enfant ne s'en portera que mieux. Il y a du rousseauisme dégénéré dans ces conceptions mortifères.

     

    Les plus fragiles sacrifiés

    La distinction droite/gauche est d'autant moins pertinente que les grands nuisibles mis au pouvoir sous Jospin sont demeurés en place sous la droite - et se sont même renforcés, tant les ministres de Chirac et de Sarkozy, à la louable exception de Xavier Darcos, étaient ignorants des rouages de la rue de Grenelle. Robien, par exemple, voulut promouvoir la méthode syllabique : ses services, infiltrés à tous les étages, à commencer par les corps d'inspection, par les réformateurs pédagos, en sortirent une circulaire sur la liberté pédagogique des enseignants. Et les plus jeunes, les plus tendres, formatés dans les IUFM (et désormais dans les ESPE) institués tout exprès pour promouvoir les théories des gourous, continuèrent à utiliser des méthodes létales, sous la houlette (ou la cravache) d'inspecteurs primaires particulièrement motivés. Comprenons-nous bien : ce qui se joue depuis trente ans, c'est la mort programmée de l'école - ça, c'est quasiment acquis - et, en sous-main, la mort décidée de la France - ou tout au moins son déclin. Parce que le pédagogisme ne s'arrête pas aux méthodes de lecture. Le pédagogisme, c'est le collège unique, la "séquence pédagogique" qui a remplacé le cours et qui saucissonne la transmission, c'est aussi une façon de "comprendre" les filles qui arrivent voilées, la libre expression de tous les extrémismes, et la fin des inégalités insupportables nées de cette "constante macabre" qui suppose qu'il y a - quelle honte - des bons élèves à côté d'élèves en difficulté : inventer un ministère de la Réussite scolaire participe de cette idéologie mortifère à force d'être lénifiante. À terme, ces destructeurs de l'École publique qui se veulent de gauche entraînent le glissement des élèves et des parents vers une école de plus en plus privée. Le succès des structures indépendantes ne s'explique pas autrement. À terme également, ce sont les plus fragiles qui paient le prix de ces illusions : les élèves de ZEP, par exemple, pour lesquels on feint de faire des efforts, mais qui sont de moins en moins incités à aller au bout de leurs capacités - ce à quoi devrait se limiter l'école, et ce serait déjà une grande idée républicaine et humaniste.

    Jean-Paul Brighelli (Le Point, 28 novembre 2014)

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  • « On a fabriqué des ghettos scolaires dans des ghettos sociaux »...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Jean-Paul Brighelli au Figaro à propos de la nomination symbolique de Najat Vallaud-Belkacem comme ministre de l’Éducation nationale...

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    « On a fabriqué des ghettos scolaires dans des ghettos sociaux »

    LE FIGARO. - Après la révocation de Benoît Hamon quelques jours avant la rentrée, Najat Vallaud-Belkacem a été nommée ministre de l'Éducation nationale à la surprise générale. Que vous inspire ce choix?

    JEAN-PAUL BRIGHELLI. - Vous connaissez la phrase de Beaumarchais: «Il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l'obtint.» Il fallait un vrai connaisseur de l'Éducation nationale, et on a hérité d'une diplômée de Sciences Po spécialiste de questions sociétales. Ce gouvernement, qui n'a pas d'autonomie en matière de choix économiques depuis que Bercy commence et finit à Berlin, fait volontiers dans le sociétal. Par ailleurs, Najat Vallaud-Belkacem s'est beaucoup impliquée dans les ABCD de l'égalité. Elle est à ce titre un repoussoir pour une bonne partie de la droite et de la Manif pour tous. Elle ne pourra qu'accroître la popularité de l'extrême droite - une stratégie constante de Hollande depuis qu'il a compris qu'il perdrait à tout coup au deuxième tour de la présidentielle face à un candidat UMP. Comme tous les gens qui n'y connaissent rien, Najat Vallaud-Belkacem cédera donc aux sirènes de la mode: le tout-informatique - qu'elle a déjà annoncé - ou la suppression des classes prépas. Ce serpent de mer a valu à Peillon bien des déboires, mais c'est l'un des dadas de Geneviève Fioraso, dont la calamiteuse gestion du supérieur a fâché tous les universitaires. La ministre sera sous influence des syndicats les plus pédagogico-béats. Cela évitera de poser les questions qui fâchent: la refonte totale des programmes dans le sens d'une vraie transmission des savoirs, l'inutilité d'un bac totalement dévalué, la nécessité d'une vraie liberté donnée aux universités de recruter sur concours ou sur dossier.

    Les questions de société ont-elles leur place à l'école?

    Il y a bien plus urgent que d'inciter les élèves à commenter un tableau de Renoir représentant un garçon habillé en petite fille - comme c'était le cas de tous les enfants vers 1890. J'invite à voir ce grand moment pédagogique, qu'on peut découvrir sur Internet*. L'égalité, tout comme la laïcité, ne se décrète pas, elle ne se prêche pas: c'est un combat de chaque instant tout au long d'une vraie scolarité, qui passe en priorité par l'accession à une culture réelle, aux Lumières.

    En cette rentrée, le débat se focalise de nouveau sur les rythmes scolaires. Ce sujet est-il vraiment à la hauteur des enjeux?

    Vincent Peillon a lancé une grande refondation qui a accouché d'une souris - comme si les chronobiologistes avaient le fin mot de l'Éducation nationale. La réforme des rythmes scolaires est un gadget suggéré par des communes riches (Paris) et imposé à des communes pauvres. Tout ça pour recruter des dizaines de milliers d'«animateurs». On va rééditer le coup des emplois-jeunes de la fin des années 1990, qui ont vu tant de «grands frères» investir l'école. Il s'agit aussi de ne pas fâcher le Syndicat national unitaire des instituteurs professeurs des écoles (SNUipp). Ce syndicat avait combattu, sous Xavier Darcos, la semaine de quatre jours, mais il n'entend pas revenir à une semaine de quatre jours et demi de cours - j'entends de vrais cours, pas d'initiation au macramé. Or, les enfants ont besoin de vraies connaissances en français - c'est la priorité, en maths, en histoire et en géographie. Il faut qu'à la question «qu'as-tu fait à l'école aujourd'hui?», ils donnent chaque jour une réponse claire en termes de savoirs engrangés - et non en termes de récréation prolongée.

    Quelles sont les réelles causes de la crise de l'école?

    Trente ans de gabegie idéologique - depuis la calamiteuse loi Jospin de 1989 et sa lubie pédagogiste de «l'élève au centre», acteur et constructeur de son propre savoir. Délires à vrai dire conformes aux critères fixés par le Conseil européen de Lisbonne, qui visent à produire 10 % de cadres, et à donner un «socle» de pauvres connaissances à une masse désormais taillable et corvéable à merci. En cela, les libertaires ont admirablement fait le jeu des libéraux qui rêvent d'un tiers-monde à portée de main.

    Les institutions européennes ne sont-elles pas un bouc émissaire facile? Certains professeurs n'ont-ils pas défendu les thèses que vous dénoncez?

    Ma génération n'a jamais refusé en bloc de transmettre ce qu'elle savait. Nombre d'enseignants sont vent debout contre ce qu'on tente de les obliger à faire. Il a suffi de quelques idéologues montés au pouvoir pour imposer ce désastre. L'engrenage a commencé avec la droite. Le collège unique, c'est Giscard d'Estaing et Haby. La gauche a continué. Le droit généralisé à l'expression de l'élève est dû à Jospin, l'entrisme des parents à l'école à Ségolène Royal. Leurs consignes sont appliquées par un corps d'inspecteurs dociles, en particulier dans le primaire, et par des formateurs convaincus (les IUFM, puis les ESPE). Ceux-ci ont obligé nombre d'enseignants à pratiquer des méthodes aberrantes - comme la méthode idéo-visuelle dans l'apprentissage de la lecture plutôt que les méthodes alphasyllabiques - et à renverser le rapport pédagogie/ transmission en faveur de la première. Sans même se rendre compte qu'ils précarisaient encore plus, sur le plan intellectuel comme sur le plan économique, les classes les plus défavorisées. Un pseudo-gauchisme culturel sert admirablement les intérêts de ceux qui ne veulent pas que les enfants les plus démunis pensent par eux-mêmes.

    Il y a près de dix ans, dans «La Fabrique du crétin», vous écriviez: «L'école a cessé d'être le moteur d'un ascenseur social défaillant. Ceux qui sont nés dans la rue, désormais, y restent.» Êtes-vous toujours aussi pessimiste?

    Non seulement je le suis, mais mes pires craintes sont vérifiées. On a fabriqué des ghettos scolaires dans les ghettos sociaux. On a dévalué les examens, et on envoie dans le mur des études supérieures une génération entière à laquelle le savoir et le travail sont refusés.

    Quelles sont les deux ou trois mesures qu'il serait urgent de prendre en cette rentrée?

    Il faut cesser de travailler à vue en faisant de l'idéologie pour l'idéologie, consulter pour de bon les enseignants de terrain, instaurer la diffusion de ce qui marche, imposer le zéro tolérance en matière de discipline et utiliser intelligemment le colossal budget de l'Éducation, dépensé aujourd'hui dans des gadgets technologiques sans intérêt.

    Le «tout-informatique», qui a fait la preuve de son inutilité quand ce n'est pas de sa nocivité, ne remplacera jamais des enseignants formés sur le terrain - par compagnonnage bien plus que par des cours de didactique in abstracto. Mais ce ministre et ce gouvernement sont bien incapables de prendre de telles décisions.

    Jean-Paul Brighelli (Figarovox, 1er septembre 2014)

     

    * http://www.cndp.fr/ABCD-de-l-egalite/fileadmin/user_upload/doc/fichepedagogique_madamecharpentieretsesenfantsparaugusterenoir.pdf

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  • Quand Jean-Paul Brighelli sort le lance-famme !...

    Professeur en classes préparatoires, défenseur de l'élitisme républicain, Jean-Paul Brighelli est l'auteur, notamment, de nombreux essais sur le système éducatif, comme La fabrique du crétin : la mort programmée de l'école (Jean-Claude Gawsewitch, 2005).

    Au cours des dernières semaines, il a publié quelques textes particulièrement incisifs dans lesquels il règle ses comptes avec la gauche (« Le hollandisme, maladie infantile du socialisme ») et les pédagogistes, tout en soulignant les vertus du programme éducatif du Front national, développé par le collectif Racine (« Et si le diable sauvait l'école ? »). Ces prises de position lui ont bien évidemment valu d'être traité de réac, de facho ou de quasi-nazi sur divers sites fréquentés par la gauche enseignante (et bêlante...). Vous pouvez découvrir ci-dessous la réponse cinglante de Jean-Paul Brighelli, cueillie sur son blog Bonnet d'âne

     

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    Pour faire le portrait du FN

    Que trouve-t-on dans le chaudron de la Sorcière ?
    (Oubliez la bave de crapaud et les testicules de chauve-souris — nous sommes au XXIème siècle, queue diable, pas au début de Macbeth !)

    Dans le chaudron de la Sorcière, il y a une bonne pincée de Front de Gauche — tout le discours anti-capitaliste et anti-européen. Une poignée de Mouvement Républicain et Citoyen, les héritiers de Chevènement, qui d’ailleurs touillent parfois eux-mêmes la tambouille, assaisonnée de républicanisme exaspéré et de souverainisme jacobin. Quelques miettes encore de l’ancienne xénophobie, l’ombre de Léon Daudet pour l’anti-judaïsme, et le Café du Commerce pour les couplets sur l’immigration. Presque rien de la Droite traditionnelle, qui sert davantage de repoussoir que de modèle (alors que l’UMP, elle, voulait s’inspirer du FN — encore des gens qui n’ont rien compris, et qui se sont laissé manipuler par un Buisson dont l’objectif évident était de couler la Droite pour renflouer le Front, ses anciennes amours de toujours). À la Gogoche traditionnelle (mais tout le monde sait bien que cette opposition Droite/Gauche est un pur fantasme, un souvenir de grand-papa, rien qui corresponde encore à un état de fait), la Sorcière a pris… la lutte des classes, négligée par ces bobos de centre-ville qui ignorent qu’il se passe quelque chose en dehors du Faubourg Saint-Germain et du Marais : je racontais cela dans un billet précédent. Elle s’est dit que le libéralisme n’était pas la solution, mais le problème : pile le contraire de ce que racontait le Menhir — mais bon, les filles parfois gagnent à tuer papa.
    Pour ce qui est de l’Ecole, on trouve dans le chaudron l’état des lieux dressé par tant de polémistes de génie et d’idéologues de premier plan, de Polony à Michéa en passant par Milner. Je ne me compte pas dans le lot, parce que je n’ai pas le talent de tant d’illustres devanciers, même si la Sorcière et ses affidés m’ont emprunté pas mal de formulations ; mais après tout, Rama Yade, il y a trois ou quatre ans, avait sorti un livre émaillé de citations non signalées d’une certaine Autopsie du Mammouth chroniquée ici-même, et si on s’en était moqué,  personne ne lui en avait fait le reproche, sinon celui de plagiat : quand Marine Le Pen en use de même, les faits cesseraient d’être vrais ? Allons donc ! Voici donc la Sorcière se réclamant de l’antipédagogisme, parce qu’elle a remarqué (elle, elle sort dans l’infra-monde où se débattent les électeurs et les mort-de-faim) que les papys, mamies et autres géniteurs au premier et au second degré se désolaient de voir leur progéniture rentrer de l’école plus ignorante qu’elle n’y était entrée, et que les fadaises et turpitudes des Cahiers pédagogiques étaient un admirable terreau pour son mouvement bleu-Marine. Si Meirieu n’avait pas existé, le FN aurait plusieurs millions d’électeurs de moins : les vrais « malgré-nous » de l’extrême-droite, ils sont là, et pas ailleurs. Et c’est moi qu’ils accusent, les gueux !
    J’exagère : ils sont aussi dans les médias, qui alimentent merveilleusement le fantasme. À la façade d’un kiosque à journaux de la Canebière, il y a dix minutes, grand panneau célébrant le Nouveau Détective : « T’es blanche, tu manges du porc, on va te violer ». Cent électeurs de plus pour le Front à chaque minute — surtout dans un centre-ville sérieusement basané. À chaque règlement de compte dans les Quartiers Nord marseillais, 100 000 électeurs de plus. Ah oui, mais Marseille, c’est spécial : tu me fais frissonner la peau des roubignolles, pauvre cloche, Marseille est le laboratoire, l’avant-garde, la ville sacrifiée — Marseille, c’est demain. 40% pour la Sorcière dans certains quartiers, 60% demain. Grande bascule. On va se marrer.

    Vous en voulez encore ? À chaque connivence médiatico-politique, cent mille électeurs de plus. À chaque discours de Hollande (avez-vous entendu sa performance pour le 6 juin ? Ils n’ont pas un historien capable de singer Malraux, au PS ? Et tous les connards d’Aggiornamento, qui me vomissent sur les pompes — crac ! 100 000 électeurs de plus, à chaque dégueulis de la Pensée Unique ! —, pourquoi ne volent-ils pas au secours du grand homme, eux qui se prétendent historiens ?), un million de voix de plus. Pris dans le métro du FN. Un métro de sensations, pas un raisonnement construit, juste du passionnel. C’est ça qui marche, surtout en temps de crise. Et la Crise, ça fait bientôt quarante ans.
    Et ça ne s’arrêtera pas là. Ce qui est beau dans les mouvements populaires, c’est qu’ils vont de l’avant — ils ne se retournent jamais, ou alors après coup. Soit Marine est élue en 2017, et ça va faire mal, soit elle ne l’est pas, et ça va faire mal — parce que la Gauche méprise le peuple, et que le peuple a commencé à se venger. Ça sent mauvais, le peuple. Ça pue des pieds, à force de faire la queue à Pôle Emploi. Ça vocifère sur les bougnouls, tout en n’étant pas vraiment raciste, parce qu’ils l’ont sous les yeux, eux, l’Arabe du quartier. Ce n’est certainement pas à lui qu’ils feront mal, quand ça tournera au vinaigre : c’est aux intellos qui les ont trahis, aux profs qui ne les éduquent plus, aux flics qui ne les protègent plus — z’ont trop à faire à se protéger eux-mêmes. Ségolène Royal, qui a tous les défauts du monde mais qui ne manque pas d’intuition, proposait jadis d’envoyer l’armée dans les quartiers : trop tard, il fallait le faire il y a dix ans. À vous tous qui regardez vos petites menottes bien blanches, vos mains qui jamais ne se saliraient à aller voir de quoi la boue est faite, ils arracheront les yeux. Et ce sera justice.
    Pour rire, pour voir les réactions des sycophantes, je me fends donc d’un article sur les propositions (pleines de bon sens, nous disons tous cela dans les salles de profs — tous, y compris ceux qui me cherchent des poux dans le slip) du FN en matière d’éducation. Et j’entends aussitôt le chœur des indignés, des profs à colliers de barbe, inscrits au SGEN, conscience pure, intellect en jachère — mais l’envie de me pendre par les pieds, pour voir ce que j’ai sous mes jupes. Le Point Godwin à portée de menotte, et le trouillomètre à zéro. Eux aussi, ils la voient arriver au pouvoir gros comme une maison, la Sorcière. Un délicieux soupçon leur hante le scrotum.
    Et alors on établira les responsabilités, les complicités actives et passives — et la première chose à faire, ce sera de se débarrasser de ces foies jaunes, les petites mains de la protestation molle, les agités de la pensarde. Vous vous croyez intelligents ? Mais les sorcières ont oublié d’être stupides ! À part des anathèmes (crac ! 100 000 voix de plus chaque fois qu’un média la taquine !), que savez-vous faire ? Est-ce que vous irez vous battre dans la rue, quand on en sera là — dans trois ans, peut-être avant ? Combien d’entre vous se sont déjà affrontés à des nervis bien entraînés ? Combien le feraient ?
    Crapules, va ! Petites crapules ! Pédagos !
    Vous voulez changer l’Ecole ? Eh bien, demandez-vous sérieusement quel est le chat capable d’attraper des souris, comme disait le vieux Deng !

    Jean-Paul Brighelli (Bonnet d'âne, 13 juin 2014)

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  • Les snipers de la semaine... (79)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur CauseurJean-Paul Brighelli dézingue Philippe Meirieu, le pédagogue libertaire qui a théorisé les délires de l'éducation nationale...

    Le chenapan au centre

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    - sur Nouvelles de France, Christian Vanneste allume Valls et les socialistes sur leur curieuse cecité vis-à-vis des méfaits de l’extrême gauche...

    Un extrémisme peut en cacher un autre

    Violences Nantes 2 20140225.jpg

     

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  • L'école ne fabrique plus des hommes libres, mais des incultes !...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Natacha Polony, cueilli dans le Figaro et consacré à la crise de l'école. Journaliste et agrégée de lettres modernes, Natacha Polony est l'auteur d'un essai critique sur la politique scolaire, Le pire est de plus en plus sûr (Mille et une nuits, 2011).

     

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    Natacha Polony : «L'école ne fabrique plus des hommes libres, mais des incultes !»

    Polémique autour de la théorie du genre, dérives communautaires, résultat catastrophique au classement Pisa, l'école Française est en crise. Dans votre dernière chronique pour le Figaro, vous écrivez, «l'école n'instruit plus, n'éduque plus, elle rééduque». Qu'entendez-vous par là?

    Natacha Polony - Le vieux débat entre instruction et éducation est complexe. Pour les tenants de l'instruction, dont je fais partie, l'école doit transmettre des savoirs universels. C'était le projet de Condorcet qui est le premier à avoir pensé l'école de la République à travers ses cinq mémoires sur l'instruction publique. A l'époque, on parlait bien d'instruction et non d'éducation, cette dernière revenant aux familles. Certes, l'école transmettait aussi des valeurs, mais celles-ci passaient par l'histoire, la littérature, les textes. Et c'est en cela qu'elles étaient émancipatrices puisqu'elles étaient le fruit d'un savoir. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle cet équilibre a été bouleversé. Les savoirs ont peu à peu été abandonnés au profit de ce que les «pédagogistes» appellent le «savoir être». Dans le socle commun de connaissances et de compétences définit par l'Education nationale, les grands textes officiels du savoir sont mis sur le même plan que certaines «compétences» qui relèvent de l'éducation des familles tel que «le savoir vivre ensemble» ou «le savoir respecter autrui». La polémique autour de la théorie du genre, bien qu'elle ait été instrumentalisée par certains extrémistes, illustre la propension de l'école à vouloir concurrencer la vision du monde transmise aux enfants par leurs parents. Il me paraît plus urgent d'apprendre aux élèves à lire, écrire et compter. En tant qu'héritier des Lumières, Condorcet misait sur l'intelligence pour élever les esprits. C'est par là que passe le combat pour l'émancipation et non par un vague catéchisme moralisateur.

    La focalisation de l'école sur les questions de société n'est-elle pas justement un moyen de masquer son échec sur l'apprentissage des savoirs fondamentaux?

    Certainement, mais à l'inverse la focalisation sur les questions de société est aussi l'une des causes de la crise actuelle de l'école. En effet, un collégien de troisième d'aujourd'hui cumule deux ans de retard de cours de Français par rapport à un élève des années 1970. La volonté de l'école de tout faire, l'hygiène, l'antiracisme, la sécurité routière, l'éloigne de ses missions originelles. J'ai noté le cas concret d'une classe qui a fait appel à 11 intervenants extérieurs en une semaine. Dans ces conditions, comment dégager du temps pour apprendre aux élèves à lire? Il faut effectuer des choix. Cette focalisation sur les questions de société est aussi une manière de tromper les élèves sur leur niveau réel. Pour ne pas faire de sélection, l'école nivelle par le bas en sacrifiant les savoirs fondamentaux au profit de choix pédagogiques démagogiques et accessoires.

    Hormis cette dérive sociétale, quelles sont les causes profondes de cette faillite de l'école de la République?

    Il y a deux problèmes qui se conjuguent. Le premier dépend de l'école elle-même. Depuis les années 70, les pédagogies constructivistes, d'après lesquelles c'est l'enfant qui construit lui-même son savoir, ont pris le pouvoir dans l'enseignement. Par exemple en ce qui concerne l'apprentissage de la lecture, les neurosciences prouvent que la méthode syllabique est plus efficace que les méthodes mixtes ou globales. C'est pourtant ces dernières qui sont privilégiées par la majorité des enseignants. Pour lutter contre l'illettrisme, il faut revenir d'urgence aux méthodes classiques et arrêter de caresser les élèves dans le sens du poil.

    Le second problème est le fruit de la société. Les parents qui ont une vision consumériste de l'école se déchargent de leurs responsabilités. Gavés de télévision, les enfants ne sont plus habitués à contrôler leurs pulsions et à obéir. Ils sont donc plus difficiles à gérer pour les professeurs. Comme l'explique Marcel Gauchet, l'évolution de l'individualisme contemporain rend très difficile la transmission. L'école est confrontée à ce délitement du lien républicain.

    Avec le rapport puis la feuille de route sur l'intégration, la gauche a relancé le débat sur l'interdiction du voile et plus largement sur le multiculturalisme à l'école. Le risque n'est-il pas de faire de cette dernière l'otage de tous les communautarismes?

    La problématique du voile à l'école remonte à 1989 lorsque Lionel Jospin, alors ministre de l'éducation nationale, saisit le Conseil d'Etat après l'exclusion à Creil de deux collégiennes portant le tchador, puis publie une circulaire statuant que les enseignants ont la responsabilité d'accepter ou de refuser le voile en classe, au cas par cas. Or il existait déjà une circulaire, la circulaire Jean Zay du 15 mai 1937 qui rappelait la laïcité de l'enseignement public et demandait aux chefs d'établissements de n'admettre aucune forme de prosélytisme dans les écoles. Il y a donc eu carence de l'État. Le rôle des pouvoirs publics était d'affirmer la validité de cette circulaire et de faire respecter l'esprit et la lettre de la loi de 1905. Cela nous aurait évité de perdre un temps considérable et d'en passer par une nouvelle loi sur la laïcité en 2004. Venir réveiller cette question aujourd'hui est une bêtise effarante qui montre qu'une partie de la gauche a encore la tête farcie d'idées délirantes! Cette gauche-là a renoncé au projet d'intégration allant jusqu'à nier la préexistence du pays d'accueil, à nier son identité. Il n'y a plus d'hôte, plus d'accueilli. Or, une nation ne peut se perpétuer que lorsqu'elle transmet son héritage. Nous avons cessé de transmettre, pas seulement aux étrangers, à tous nos enfants.

    Dans une interview accordé à Libération, Vincent Peillon en appelle pourtant à la défense de l'école républicaine… Qu'en dites-vous? Cela va-t-il dans le bon sens?

    Vincent Peillon se veut un ministre philosophe et connaisseur de l'histoire de l'école. Mais il se paie de mots et se réfugie derrière les valeurs et les principes pour mieux pratiquer l'ambiguïté. Les grandes déclarations sont pour lui un moyen d'éluder les vraies questions qui sont la refonte du système des mutations, pour que les jeunes professeurs ne soient plus parachutés dans les classes les plus difficiles, et celle des méthodes d'apprentissage. Comme ses prédécesseurs, il préfère se concentrer sur des questions annexes et dérisoires: les rythmes scolaires, les 60 000 postes supplémentaires ou encore la théorie du genre. Pendant ce temps-là, l'école est incapable d'apprendre aux élèves à lire et à écrire. Elle ne fabrique plus des citoyens, plus des hommes libres, mais des incultes qui seront dépendants des discours les plus idiots! Si 80 % d'une classe d'âge va jusqu'au baccalauréat aujourd'hui, l'école est pourtant plus inégalitaire que jamais. Les statistiques sont terribles. Dans les années 60, 14 % des élèves des milieux défavorisés accédaient aux grandes écoles. Ils ne sont plus que 6 % aujourd'hui.

    Natacha Polony (Le Figaro, 14 février 2014)

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