Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 27 septembre 2016 et consacrée au programme de Donald Trump, rarement évoqué dans les médias français...
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Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 27 septembre 2016 et consacrée au programme de Donald Trump, rarement évoqué dans les médias français...
Les éditions Pardès viennent de rééditer Essais politiques, un recueil d'articles de Julius Evola consacrés à l'idée d'empire, au corporatisme, au protectionnisme ou au national-socialisme allemand. Penseur essentiel du traditionalisme révolutionnaire, écrivain au style limpide et puissant, Julius Evola est notamment l'auteur de Révolte contre le monde moderne (1934) et de Chevaucher le tigre (1961).
" Cet ouvrage rassemble vingt-huit articles de Julius Evola parus entre l’année 1930 et l’année 1958. Les textes sont classés en trois sections thématiques : «Idée impériale et Nouvel Ordre européen», «Économie et critique sociale », « Germanisme et nazisme ». Consacrés à une critique du nationalisme moderne, à la redéfinition de l’idée d’Empire, à la question d’un véritable « droit européen », ou encore à l’analyse des conditions spirituelles et structurelles de l’unité de l’Europe, les premiers articles de ce recueil relèvent des grandes orientations métapolitiques. Le lecteur trouvera dans la deuxième partie un article très précieux sur un sujet méconnu – la conception nationale-socialiste de la corporation – et des textes reflétant les débats des intellectuels fascistes sur un point important : le «procès de la bourgeoisie ». Dans la troisième partie, enfin, Evola se livre à des analyses, parfois très critiques, de plusieurs aspects du national-socialisme : son nationalisme völkisch et particulariste, son racisme biologique, ses dérives « révolutionnaires » et « antiromaines », son paganisme et les liens de celui-ci avec la Réforme et les Lumières, sa conception de l’État, etc.
S’il permet de mieux saisir en perspective l’itinéraire d’Evola et la nature de son engagement métapolitique durant l’entre-deux-guerres, ce recueil est avant tout un irremplaçable instrument d’information sur les idées dont on débattait sous le fascisme et le national-socialisme. Les polémiques incessantes autour de ce dernier phénomène témoignent surtout de l’ignorance affligeante de l’historiographie officielle française sur les sources et les références
idéologiques du national-socialisme : d’où l’extrême intérêt des articles d’Evola, souvent écrits sur la base d’une documentation de première main.
Les textes sont précédés d’une longue présentation de François Maistre et suivis d’une notice bio-bibliographique, due à Renato Del Ponte, sur un dirigeant fasciste encore très mal connu : Giovanni Preziosi. "
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Dominique Baettig, cueilli sur Les Observateurs et consacré à l'aubaine que représente l'afflux de migrants pour les promoteurs de l'économie dérégulée et «uberisée». Dominique Baettig est médecin et ancien conseiller national suisse...
« Uberisation » de la politique migratoire ?
Les experts économiques du social- libéralisme moderne préconisent le développement de modèles comme l’application Uber et incitent à créer plus de start-ups à croissance rapide. Ce modèle réclame « plus d’éducation, plus d’immigration, plus de formation de capital, plus d’espace créatif, plus d’espace autorisé par la régulation à être dérégulé afin que les start-ups puissent effectivement s’épanouir en leur sein comme option de croissance économique » (M. Schmidt, Discours devant le DC Tech Incubator 1776, cité par le Monde diplomatique, mars 2016). Le succès du modèle Uber réside surtout dans sa capacité à échapper à la réglementation locale et nationale appliquée à l’industrie des taxis. Dans la même veine, Airbnb autorise prestataires et clients à ignorer les lois de l’hôtellerie conventionnelle, comme Amazon permet à la plupart de ses consommateurs de se soustraire aux taxes sur la valeur ajoutée. Tout ceci permet de favoriser la création d’un stock de travailleurs précaires ou à temps partiel qui sont là pour boucher « les trous » des tâches que ne peuvent pas accomplir les ordinateurs et les machines. Les employés mettent à disposition leur véhicule privé, leur appartement et acceptent une certaine précarité, renonçant à une couverture assécurologique (la retraite, les arrêts médicaux sont privatisés et donc laissés à la charge du travailleur) en exerçant un emploi à temps partiel et sur demande. Il est immédiatement évident que ce type d’application va aspirer un grand nombre de migrants qui accepteront sans rechigner ses conditions de travail, de toute manière bien meilleures que celles de l’enfer qu’ils ont quitté.
Les besoins de l’économie privée transnationale
On voit progressivement apparaître, derrière les motivations pseudo humanitaires et les reportages larmoyants, l’utilisation perverse de cette abondante main-d’œuvre qui s’impose et qu’on ne saurait humainement refuser. L’importation de cette main-d’œuvre est assurée par toute une chaîne d’entreprises privées, de l’économie mondialisée qui contourne le contrôle étatique et syndical. Les passeurs qui procurent des documents falsifiés, pratiquent des tarifs de transport très élevés, font payer des surplus et suppléments à la tête du client (gilets de sauvetage, transport en taxi) et mettent à disposition des canots pneumatiques gonflables chinois de qualité médiocre, à usage unique en quelque sorte. Le canot pneumatique qui rend l’âme à proximité de la plage grecque fait partie d’un scénario irrésistible qui impose l’accueil de même que la présence attendrissante d’enfants en bas âge. Les volontaires des O.N.G. et autres militants transgresseurs idéologiques de frontières assurent la maintenance en cours de route et la transition auprès des autorités qui jouent le jeu (à mauvaise fortune bon cœur !) puisque la destination finale sera bien sûre l’Allemagne ou l’Angleterre. Il serait intéressant de savoir si les gilets de sauvetage et autres canots pneumatiques percés et récupérés par des volontaires ne sont pas recyclés en Chine pour participer à la chaîne permanente du transport de migrants économiques. Les états traversés, comme la Grèce et les pays des Balkans assument l’accueil et la sécurité sachant qu’il est transitoire et que le problème est déplacé plus loin. Les frais sont donc à la charge de l’État et de ses contribuables. Finalement c’est le pays choisi ou désigné comme lieu d’accueil (merci bonne Mère Merkel !) qui se voit contraint de trouver un hébergement, un hôtel, des familles d’accueil. Nous avons effectivement là un modèle de croissance imposée moralement et massive de migration qui contourne les préoccupations écologiques des gens, met en péril niveau de vie et filet social construit patiemment, impose de nouveaux consommateurs, charge les assurances sociales et crée une masse de futurs travailleurs précaires qui contribueront largement à une sous-enchère salariale.
Privatisation de la croissance économique ?
La politique migratoire échappe à la gestion des Etats, contourne la loi et les règles pour des raisons humanitaires mais se profile aussi au service des nouveaux esclavagistes que peuvent être les start-ups innovantes et ses besoins de travailleurs précaires. Le processus de migration est donc privatisé jusqu’à la passation finale à l’Etat social : une nouvelle variation du thème privatisation des bénéfices et transfert des charges à l’Etat. Et pour détourner l’opinion publique de la prise de conscience de cette dérégulation imposée, on nous amuse avec des initiatives interdisant le voile à l’école ou le port de la burka dans l’espace public, préoccupations anecdotiques et marginales. Ne pas se tromper de cible
Le problème ici n’est pas l’Islam en tant que tel mais la dérégulation massive, imposée par des émotions dramatisées, de l’économie et des mesures protectrices des salariés, de l’agriculture, des petites et moyennes entreprises. La recherche de nouvelles forces de travail à bon marché s’est perfectionnée depuis le temps de l’esclavage et fait largement usage aujourd’hui d’Internet qui met les gens directement en connexion dans le monde entier, de la propagande en boucle à la Hollywood et des besoins des start-ups, sans oublier au passage le travail au noir, les ateliers clandestins contrôlés par la mafia, l’alimentation du réservoir pour la prostitution adulte et enfantine. La solution ne sera pas émotionnelle ou épidermique : elle sera politique, protectionniste avec le respect et le rétablissement de la Loi, le rétablissement de la souveraineté nationale, de la démocratie directe et le contrôle national des frontières.
Dominique Baettig (Les Observateurs, 14 mars 2016)
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Xavier Eman, cueilli sur son blog A moy que chaut ! et consacré à la question de l'entrepreneuriat comme maillon essentiel d'une économie organique et localiste...
Entrepreneuriat et justice sociale
« Il y a une lutte des classes, évidemment, mais c'est ma classe, la classe des riches qui mène la lutte. Et nous sommes en train de gagner. »
Warren Buffet
Contrairement à ce que se plaisent à répéter les libéraux de tous poils qui constituent la quasi-intégralité de la classe politique contemporaine ( des libéraux-conservateurs (sic) aux post-socialistes gouvernementaux en passant par les libéraux-gaullistes et autres libéraux centristes), la « lutte des classes » n’est aucunement une notion périmée, un concept anachronique tout juste bon à ranger au musée des vieilles idéologies rancies d’avant la merveilleuse « fin de l’histoire ». Dans le contexte de crise globale que nous connaissons, elle est au contraire d’une totale actualité et d’une absolue acuité. Elle a simplement assez largement changé de forme. Elle se joue en effet aujourd’hui à front double, et son curseur interne s’est passablement déplacé. La lutte des classes de 2016 n’est donc évidemment pas la réplique fidèle et exacte de celle du 19e siècle, de Thiers et des maîtres des forges face au socialisme français proudhonien et aux marxisme révolutionnaire, mais elle n’en reste pas moins une réalité centrale et connaît même une intensité des plus importantes aujourd’hui, au moment où, en France, le Medef et ses domestiques gouvernementaux montent à l’assaut du Code du Travail et où, à l’échelle globale, une poignée de milliardaires accaparent une part toujours plus importante des biens et richesses de la planète.
Double front donc, car aujourd’hui, le travailleur doit faire face à deux ennemis presque aussi redoutables l’un que l’autre (même si le premier est instrumentalisé et cornaqué par le second) :
1) Le lumpen-prolétariat d’importation étrangère dans le but de casser les modèles sociaux avancés et de faire pression à la baisse sur les salaires et les revendications sociales tout en brisant l’homogénéité minimale nécessaire à la « décence commune ».
2) Les financiers internationaux et le patronat « hors-sol », dirigeants de multinationales sans autres attaches que le rendement pur et l’accumulation du Capital, actionnaires sans foi ni loi, obsédés par leur intérêt pécuniaire le plus étroit, oligarques sans devoir, se plaçant au-dessus des lois qu’ils édictent puis manipulent.
Changement de curseur également puisque, aujourd’hui, une bonne part du patronat et de la bourgeoisie se retrouvent du même côté de la barricade (ou en tout cas devraient se trouver…) que les ouvriers et les employés, partageant d’indéniables intérêts communs et faisant face aux mêmes ennemis (dérégulation, concurrence sauvage, dumping social, abus de situations de monopole…). Il est ainsi évident que les artisans, tout comme les patrons de TPE ou PME/PMI, partagent beaucoup plus de préoccupations et d’aspirations, de difficultés aussi, avec leurs employés, leurs ouvriers, mais aussi les travailleurs précaires ou les chômeurs de leur ville, de leur région, qu’avec des PDG du CAC 40 ou des traders internationaux pour qui ils ne sont que des variables d’ajustement au sein de vastes plans de rémunération des actionnaires.
La lutte des classes, ce n’est donc plus « le patron contre l’ouvrier » mais le « travailleur contre le parasite (du haut comme du bas) », le « créateur contre l’usurier », « l’artisan contre le banquier », « l’entrepreneur contre l’actionnaire », « le paysan contre Monsanto »… Ce sont les classes laborieuses, du prolétariat jusqu’à la moyenne bourgeoisie, classes sédentaires et enracinées, contre les nomades de l’hyper-classe mondialisée et le lumpen-prolétariat apatride.
C’est pourquoi, s’il est impératif de combattre l’hyper-finance et ses chiens de garde du Medef, s’il est vital de réduire les inégalités à une proportion décente, justifiée et acceptable par chacun, il serait vain, et même mortifère, de sombrer dans un « ouvriérisme » angélique ou une « chasse au riche » (qu’il faudrait déjà définir…) dans le cadre d’une vision des rapports sociaux et économiques pour le coup totalement désuète et improductive, une vision sclérosée et impuissante dans laquelle finissent de s’enterrer des syndicats de prébendiers et de professionnels de la connivence.
Ainsi, s’il est urgent et indispensable de taxer les transactions financières internationales, de plafonner les primes et rémunérations indécentes et autres « parachutes dorés » de certains hauts-dirigeants, de criminaliser les « patrons-voyous » (délocalisation sauvage, emploi de main d’œuvre clandestine…) et de mettre en place une politique d’augmentation salariale, il l’est tout autant de totalement refonder le RSI, d’alléger la fiscalité des PME/PMI ainsi que les arcanes administratives entravant la création d’entreprise, de revaloriser la figure de l’entrepreneur comme maillon fondamental de la communauté, d’assurer un protectionnisme économique européen et la défense de nos savoir-faire, de nos labels, de nos techniques et de nos patrimoines. Bref, il convient de promouvoir une économie organique et localiste, axée sur la proximité et l’implication de tous ses acteurs, la participation et la juste rémunération de chacun, sous le contrôle d’un Etat fort, garant et arbitre, mais laissant s’appliquer la plus complète subsidiarité et le respect de l’initiative privée tant qu’elle ne contrevient pas à l’intérêt général. Viendra alors, peut-être, le temps de la paix des classes.
Xavier Eman (A moy que chault, 10 mars 2016)
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de l'économiste hétérodoxe Jacques Sapir, cueilli sur RussEurope et consacré à l'aggravation de la crise politique, sociale et économique et à ses conséquences possibles...
Vers la guerre civile ?
Les nuages qui sont en train de s’accumuler sur la société française, et dont les crimes commis en janvier 2015 sont la manifestation la plus immédiate, traduisent une perte de repères généralisée. On peut rattacher cela à une forme d’anomie politique. Celle-ci se manifeste tant par la montée de comportements narcissique que par des dérives communautaristes. On voit bien que cette anomie politique est le produit de la crise, mais on comprend aussi que la crise n’est pas la seule, ni même la principale cause de cette anomie. Car, nous avons connu, dans le passé, d’autres crises économiques qui n’ont pas produit ces effets. Cette anomie politique n’est en réalité que la conséquence de la perte de souveraineté dont souffre notre pays.
Du quantitatif au qualitatif
Cette perte de souveraineté a été progressive, et c’est probablement pour cela qu’elle a tardé à se manifester. Aujourd’hui, l’accumulation de petits renoncements, de petites soumissions, a induit un véritable changement qualitatif. Cette perte de souveraineté ne se fait pas au profit d’un Etat particulier, mais au système bureaucratique qui s’est mis en place à travers l’Union européenne, de Bruxelles à Francfort. Elle est devenue évidente avec les événements de l’état 2015 en Grèce qui ont montré aux yeux de tous quelle était la véritable nature des institutions européennes et pourquoi ces dernières sont radicalement incompatibles avec toute forme de démocratie. Bien des yeux se sont dessillés à cette occasion. On comprend aussi que cette perte de souveraineté ne peut que favoriser le glissement, désormais de plus en plus rapide, vers un Etat collusif, prélude à la mise en place d’un Etat réactionnaire. Mais, cette perte de souveraineté peut aussi conduire à la guerre civile, qui sera alors l’occasion rêvée qu’attendent certains pour mettre en place cet Etat réactionnaire.
Le drame que nous avons connu les 7 et 9 janvier 2015, les assassinats commis de Charlie Hebdo à l’Hyper-Casher, sont autant de témoignages que ces nuages commencent à laisser passer l’orage. Il nous faut nous y préparer. Paradoxalement, c’est dans notre propre passé que nous pourrons trouver les principes nous permettant de nous projeter dans l’avenir et de faire face aux orages et aux tempêtes qui viennent. Mais peut-être n’y a-t-il rien de paradoxal à cela. Ces réflexions du passé qui éclairent notre avenir ne sont que l’expérience accumulée des crises que la France a connues et a surmontées. La volonté d’effacer le passé que l’on devine dans certaines décisions prises sur les programmes d’enseignement, que ce soit à droite avec le désastreux ministère de Luc Chatel, comme à gauche, n’est pas ici innocente ni sans conséquences.
Il convient ici de le redire, la France est, et a toujours été, diverse. La société n’est pas la produit d’une quelconque homogénéité, qu’elle soit culturelle, religieuse, linguistique ou économique. La société n’est même pas le produit de décisions conscientes d’individus qui lui préexisteraient. Les individus sont en réalité le produit de la société et la construction de cette dernière est simultanée avec la construction des individus. Mais, ce processus de construction historique a une histoire et une inertie. Cette dernière n’est autre que la culture politique qui s’est construite en même temps que l’Etat et qui incorpore la mémoire des grandes crises traversées. Cette culture politique, dont le droit à la caricature est un exemple, constitue pourtant un invariant dans le court terme. Nul ne peut prétendre impunément s’en dissocier ou la rejeter sans s’exposer lui-même à un phénomène de rejet.
L’origine d’une Tyrannie
Les individus qui composent la société sont donc divers car les processus de production sont eux-mêmes divers. Par ailleurs, les mythes fondateurs de la société peuvent aussi être contestés, ce qui implique une nouvelle diversité. Mais cela ne fait que nous ramener à une évidence : la société est politique. C’est par le politique que se construit le lien social, et cette construction implique un redéploiement permanent du politique. Le mot si décrié, et si oublié, de dialectique ici s’impose. Entre l’individu et le collectif s’établissent des liens complexes qui sont irréductibles à la vision tragiquement simplifiée que veulent en donner les libertariens de tout bord. Cette vision de la société n’est pas alternative à d’autres. Elle s’oppose en réalité à toute vision de l’organisation sociale. La vision libertarienne conduit immanquablement à ce que Hobbes appelait « la guerre de tous contre tous », et concrètement à la guerre civile.
Le rapport intime entre la société et le politique impose de regarder comment s’est produit cette construction dans chaque société. Car, le processus de construction de la société et aussi un processus de différenciation des sociétés. Plus les sociétés se construisent, plus elles produisent des institutions, et plus elles affirment leurs différences. Vouloir le nier, prétendre qu’il y aurait des feuilles blanches sur lesquels des esprits forts pourraient écrire une histoire sans tenir compte de l’histoire passée, est la meilleur recette pour conduire à des drames affreux dont le pire est la guerre civile. C’est pourtant à cela que tendent aujourd’hui les institutions européennes et l’idéologie européiste autour de concepts « hors-sol » niant la pertinence de la souveraineté et par là de la légitimité. Affirmons qu’il ne saurait y avoir de démocratie sans peuple et que l’idée d’une « démocratie sans démos » n’est que le masque de la pire des Tyrannies. Il nous faut donc prendre garde à arrêter au plus vite cette inquiétante dérive.
La construction d’une société
Le processus de construction de la société met aussi en évidence des formes dont on peut repérer la pertinence à travers les âges. Les anciens savaient qu’il n’y a pas de légalité sans légitimité, qu’en réalité c’est la seconde qui fonde la première. Des mythes grecs à la distinction romaine entre auctoritas et potestas il y a une leçon qu’il nous faut retenir. Mais, le fondement de la légitimité devient lui-même source potentielle de conflits dès lors que la pluralité des religions devient une réalité. C’est ce que révèle l’œuvre de Jean Bodin qui, dans un même mouvement, établit la suprématie du principe de souveraineté et le détache à jamais de tout lien avec une religion particulière. La seule réponse possible aux guerres de religions du passé ou à celles qui nous menacent, aux intégrismes des uns et des autres, aux lectures littérales, c’est l’union entre le principe de souveraineté et celui de laïcité. Mais, ceci implique la distinction entre sphère privée et sphère publique, distinction que l’idéologie actuelle prétend effacer. La parade ostentatoire des narcissismes, si elle est cohérente avec l’idéologie des libertariens, porte en elle la fin de la société démocratique.
Un danger menace la société, que ce soit par l’accumulation de richesse qui est tellement extrême qu’elle en devient odieuse, ou par la corrosion sourde d’une idéologie individualiste qui ne produit désormais qu’un narcissisme exacerbé. Le politique se trouve aujourd’hui attaqué sur deux fronts, dans les formes de son fonctionnement mais aussi dans l’intimité de son rapport aux individus. Cette attaque du politique, et donc du cœur même de ce qui produit la société, a des conséquences importantes quant aux formes d’organisation de cette dernière. Cette double menace provoque en effet la crise de l’ordre démocratique qui, comme toute forme d’organisation, ne découle de nulle « loi naturelle » mais de l’expression d’une volonté collective. Dès lors, le futur ne semble nous promettre qu’un choix entre un retour à un ordre archaïque fondé sur des fantasmes d’homogénéité de la société ou un ordre despotique fondé sur lois « immorales ».
A nouveau sur le lien entre souveraineté et démocratie
La remise en cause de la souveraineté et de la démocratie porte atteinte au plus profond de la nature de la société française. Certes, il peut y avoir des Etats souverains qui ne sont pas démocratiques ; mais on n’a jamais vus d’Etat démocratique qui ne soit pas souverain. Ce sont donc les fruits amers, mais sommes tout logiques, du processus de mondialisation et de construction de l’Union européenne.
Prétendre que l’Union européenne aurait été conçue, peu ou prou, pour protéger les peuples contres les influences de la mondialisation comme le font ses thuriféraires est un mensonge éhonté. L’Union européenne a été en réalité à l’avant garde du mouvement qui défait les Etats au profit des grandes firmes multinationales. Elle n’est que l’héritière du projet américain qui fut conçu dans la guerre froide[1]. Elle se construit sur ce que Stathis Kouvelakis va, en se référant à un ouvrage relativement récent de Perry Anderson[2], décrire comme « …une mise à distance de toute forme de contrôle démocratique et de responsabilité devant les peuples est un principe constitutif du réseau complexe d’agences technocratiques et autres collèges d’experts qui forme la colonne vertébrale des institutions de l’UE. Ce qu’on a appelé par euphémisme le « déficit de démocratie » est en fait un déni de démocratie »[3].
L’union européenne est en réalité un espace bien trop hétérogène pour que l’on puisse penser, comme l’évoque Arnaud Montebourg ou d’autres, à un protectionnisme « européen ». Il ne peut y avoir de Souveraineté, et donc de démocratie, à l’échelle européenne car il n’y a pas de peuple européen. De ce constat découle le fait que ce qui peut exister, et fonctionner, à l’échelle européenne ce sont des coopérations multilatérales. Elles sont absolument nécessaires pour pouvoir traiter de nombreux problèmes mais elles ne seront jamais suffisantes.
Reconstruire l’ordre démocratique
Il nous faut donc nous atteler à la reconstruction de cet ordre démocratique et nous devons le faire en regardant les causes de sa crise et non point seulement ses conséquences. Pour ce faire, il faudra nécessairement une profonde recomposition des forces politiques. Il y a certes de nombreuses personnalités dans les partis qui sont ou qui ont été au pouvoir qui sont convaincues de la nécessité de formes de protection de l’économie française ainsi que d’une dépréciation forte de la monnaie. On sait que cela n’est en réalité possible que dans le cadre d’une sortie de l’Euro et d’un retour au Franc. Mais, ces partis sont constitués de telle manière que la « direction » de ces derniers, un groupe réduit d’hommes et de femmes, opèrent de manière quasi indépendante de ce que pense et la base et les cadres intermédiaires de ces partis mais en profonde et parfois directe connivence avec des intérêts privés et leur expression dans les grands médias. C’est ce que l’on a appelé l’Etat collusif qui n’est qu’un étape dans la marche vers l’Etat réactionnaire.
Ces « directions » ne s’appuient pas seulement sur les institutions internes propres à leurs organisations, mais aussi sur des réseaux de clientélisme et des phénomènes importants de corruption, pour construire leur indépendance par rapport à leurs mandants. Ajoutons à cela une politique de pressions et de dénigrement systématique de tous ceux qui ne pensent pas comme eux. Au total, le niveau de démocratie dans ces partis se révèle très inférieur à ce qu’il est dans le système politique en général. Il faudra donc en passer par un éclatement et une recomposition de ces partis, en espérant que les partisans du recouvrement de la souveraineté nationale sauront s’unir ou à tout le moins travailler ensemble. Le processus d’éclatement est, semble-t-il, en marche dans ces partis du pouvoir.
Celui de recomposition risque de se faire attendre. Le plus vite il se concrétisera, le mieux cela sera pour le pays.
Eviter la guerre civile
La refondation de l’ordre démocratique est aujourd’hui, ici et maintenant, la seule démarche qui soit porteuse d’avenir et de paix civile. C’est la perspective qui apporte le plus de garanties au maintien d’une société qui soit relativement pacifiée et en conséquences, stabilisée. C’est pourquoi, aujourd’hui, la défense de l’ordre démocratique et de ses fondements, la souveraineté et la laïcité, prend la dimension d’un impératif catégorique. C’est pourquoi aussi une telle tache implique que l’on accepte de mettre temporairement de côté certaines divisions, qui sont tout à fait légitimes par ailleurs. L’ampleur de la tache implique que l’on pense les formes politiques d’une coordination dans le combat commun. C’est cela la logique des « fronts » que, par ignorance de l’Histoire, par sectarisme politique ou plus simplement par stupidité, certains s’emploient à refuser.
Mais, cette refondation peut imposer ou impliquer des éléments de populisme. Pour combattre la tendance spontanée des bureaucraties à produire des lois sans se soucier de leurs légitimités, le recours à des éléments de légitimité charismatique s’impose. C’est le sens de la réintroduction, sur des questions essentielles, des procédures référendaires qui relèvent en partie de cette forme de légitimité. Surtout, il convient de se rappeler que les pouvoirs dictatoriaux, dans leur sens initial et non dans le sens vulgaire qu’a pris le mot de « dictature », font partie de l’ordre démocratique. Il ne faudra donc pas que notre main tremble, que l’action de tous soit interrompue, quand se posera la question de l’abrogation de lois prises dans des conditions certes légales mais entièrement illégitimes.
La boussole en ces temps incertains devra être comme toujours la défense de la souveraineté de la Nation, et le rassemblement autour de son souverain, c’est à dire le peuple. La nature de ce dernier est en effet claire. Elle est toute entière dans cette magnifique formule héritée de la Révolution Française qui dit que la démocratie est le gouvernement « du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Mais il convient d’affirmer que le peuple est conçu comme un ensemble politique soudé autour du bien commun, soit de la Res Publica. C’est cela, et cela seul, qui sera notre viatique pour affronter les tempêtes à venir.
Jacques Sapir (RussEurope, 4 octobre 2015)
Notes :
[1] Ce qui fut déjà analysé par J-P. Chevènement La faute de M. Monnet, Paris, Fayard, 2006.
[2] Anderson P. Le nouveau vieux monde, Marseille, Agone, 2011 (en anglais The New Old World (2009) Londres, Verso).
[3] Kouvelakis S., in C. Durand (sous la direction de), En Finir avec l’Europe, Paris, La Fabrique, mai 2013, p. 51
Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 7 septembre 2015 et consacrée à la crise agricole...
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