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hervé juvin - Page 11

  • La liberté ou la mort ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à l'allergie à la mort dans notre société. Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

     

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    La liberté ou la mort ?

    La parabole du maître et de l’esclave constitue pour Hegel la clé de la condition politique. Elle se résume ainsi. La vie est un conflit où ceux qui mettent leur vie en jeu commandent, ceux qui choisissent de vivre à tout prix deviennent esclaves. La liberté a un prix, et c’est celui de la vie. Ceux qui placent la vie au-dessus de tout, ceux qui font des joies de ce monde leur religion, ceux-là qui refusent qu’aucune cause ne vaille qu’on tue ou qu’on meure pour elle, se condamnent à la soumission. La règle connaît peu d’exceptions dans l’histoire. Et les réactions collectives face à l’épidémie de COVID19 ont beaucoup à nous dire sur la parabole du maître et de l’esclave, et sur son actualité.

    Le mensonge de la promesse de ne pas mourir

    Nous choisissons la vie. La promesse implicite de tout gouvernement européen est que chaque femme, chaque homme a droit à plus de 80 ans de vie heureuse, sans souffrance, sans handicap, sans accident. Voilà pourquoi est jugée scandaleuse une épidémie qui a tué des patients dont l’âge médian est de 84 ans — rappelons que dans toutes les sociétés jusqu’à la nôtre, l’immense majorité de la population n’avait aucun espoir d’atteindre cet âge ! Tout ce qui arrive doit trouver une réponse collective, rien ce qui arrive ne doit plus arriver vraiment, et tous les accidents de la vie doivent être corrigés par l’action bienfaitrice et consolante de l’État. Big Mother est là pour tout et pour tous, tout le temps, mère possessive et étouffante, comme l’a merveilleusement décrit Michel Schneider. Voilà pourquoi une pandémie qui touche une faible proportion des moins de 70 ans, presque exclusivement souffrant d’une ou plusieurs pathologies graves, est insupportable. La mort est exclue du tableau moderne, elle est cachée, dissimulée, le plus souvent noyée dans les brumes de l’inconscience et l’isolement de l’hôpital. Qu’il est loin le temps où Greuze montrait le chef de famille mourant entouré de ses enfants, petits enfants, domestiques, dans la conscience de la vie accomplie !

    Le refus de la mort n’est pas qu’une formule. Tout décès devient un scandale. En témoignent ces parents qui portent plainte contre l’armée quand leur fils est mort au combat, parce que le commandement ne l’a pas suffisamment protégé – et que le feu tue. En témoignent ces normes partout imposées pour que tout handicap se voie compensé par les aménagements collectifs — des ascenseurs dans les services publics, chez les médecins ou les dentistes à la demande de tapis roulants au long des sentiers de randonnée. En témoigne plus encore l’extraordinaire effet de sidération causé par une pandémie qui, comme on le dit dans les quartiers, ne tue que des vieux blancs malades — moins de 10 % ont moins de 60 ans et ne sont ni obèses, ni déficients cardiaques ni affectés de maladies respiratoires ou de cancers — bref ; rarement pandémie aura fait perdre moins d’années de vie à ceux qu’elle frappe. Rarement aussi aura-t-elle ouvert de telles espérances aux marchands du contrôle social, du traçage individuel et du pouvoir sanitaire universel — que ne ferait-on pas, non pour une poignée de dollars, mais pour quelques dizaines de milliards de dollars de plus ? Le système de corruption global mis en place par les Fondations nord-américaines peut se réjouir, le choc de la pandémie répète celui du 11 septembre en mettant à bas toutes les protections que l’histoire, les identités et la démocratie avaient érigées contre l’extraterritorialité de la cupidité globale.      

    Démocratie libérale, vraiment ?

    Une fois de plus, les complotistes qui s’agitent ont tort. Car la question n’est pas que certains cherchent à profiter de toutes les occasions, ni que d’autres y voient l’opportunité de museler les mouvements sociaux et leur opposition politique, le problème est que les occasions leur sont données. La trouble fascination des démocraties occidentales, ou de ce qu’il en reste, pour les régimes autoritaires et l’acceptation quasi-totale par les populations françaises et européennes d’une dictature sanitaire hors des lois, du débat et de la raison, exprime un trouble profond et peut-être un changement de nature anthropologique.

    Le refus de la mort, l’idée que rien ne vaut une vie, la conviction que rien n’est de trop pour ajouter des jours aux jours, et un autre souffle au dernier souffle, ont conduit les gouvernements à des décisions aberrantes au regard des libertés publiques, incohérentes par rapport au discours libéral, mais furieusement pertinentes par rapport à cette croyance ; la mort n’a plus de place dans la société du bien-être ; l’État est comptable d’une assurance de longue vie pour tous. Voilà ce qui fait des industries du corps, de la pharmacie au voyage, la première activité mondiale ; les aliments deviennent une annexe de la pharmacie, et les loisirs, l’occasion de remplir les prescriptions du médecin ; quant à l’amour, l’exercice est recommandé, hygiénique et contrôlé. Voilà ce qui sépare les pays où l’on sait pourquoi tuer ou mourir, de ceux où il s’agit seulement d’en profiter tant qu’on peut, à tout prix. Voilà ce qui sépare l’Europe de ces pays, des États-Unis à l’Afrique, où la population s’insurge contre les fermetures imposées, la mort forcée de la vie sociale et la suppression des libertés publiques. Voilà une soumission qui ne ressemble pas à la France et aux Français. Auraient-ils perdu jusqu’à leur identité, tétanisée par l’indécente propagande des chiens de garde du pouvoir sanitaire qui saturent les écrans ? Et voilà qui promet l’Europe, qui ne sait plus se battre qu’à distance, par drones ou robot interposés, et sans souffrir chez soi, à toutes les défaites.

    Le vieux cri révolutionnaire, la liberté ou la mort, résonne étrangement en ces temps de défaite de la vie. Quand il faut donner son mot de passe, il ne s’agit plus de jouer d’identités multiples et de minorités ignorées, il s’agit de savoir qui est ami, qui est ennemi, et qui tue qui. Nul ne peut souhaiter que revienne le temps où donner le mot de passe est affaire de vie ou de mort. Du Liban au Soudan, du Yémen à la Syrie, du Pakistan à l’Inde ou l’Iran, ils sont des millions à vivre en ce temps-là. Mais nul ne peut douter que le temps est déjà proche où ceux qui ne savent reconnaître leurs amis et les distinguer de leurs ennemis se condamnent eux-mêmes à la confusion d’abord, où nous sommes, à la soumission ensuite, où nous plongeons sans frémir, et enfin à la défaite et à la mort, qui déjà nous font signe sous le masque.

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin,14 mai 2020)

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  • La France doit engager la renégociation des traités européens !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à l'avenir de l'Union européenne et à la caducité des traités européens. Économiste de formation, vice-président de Géopragma et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

     

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    La France doit engager la renégociation des traités européens : Pour une Europe des Nations

    Toutes les règles établies au moment de la préparation de l’euro ont été oubliées, tous les traités européens rompus, toutes les limites dépassées.

    Ces traités européens caducs

    C’est le cas du traité instituant la BCE. L’objectif unique de stabilité des prix est oublié. La BCE pratique la monétisation des dettes, se prépare à acheter des titres de toute nature (y compris des titres de titres ayant un rating de junk-bonds) et annonce qu’elle fera tout ce qu’il faut (selon Mario Draghi, repris par Christine Lagarde, le 30 avril encore, « whatever it takes ») pour sauver l’euro. Elle assume un rôle politique, s’engage dans le soutien du prix des actifs financiers, et se permet des opérations strictement interdites aux banques centrales des États membres, comme la monétisation des dettes publiques. Et la règle qui limitait l’aide de la BCE à des pays en difficulté en fonction de leur participation à son capital elle aussi a été suspendue.

    C’est le cas du Pacte de stabilité, plus connu sous le nom de « traité de Maastricht. La majorité des pays de l’Union ne respectera ni le critère de dette publique sur PIB, ni celui de déficit budgétaire, et celui d’inflation est oublié. Les colonnes du temple de la rigueur budgétaire et de la vertu des finances publiques devaient assurer la convergence des nations membres de l’union monétaire ; tous, tous Allemands, derrière l’euro-mark ! Chacun peut voir ce qu’il en est advenu !

    C’est le cas de dispositifs comme le Mécanisme Européen de Stabilité, dont les concours sont subordonnés à des conditions rigoureuses de rigueur budgétaire (appliquées par exemple à la Grèce). Après l’Eurogroup du 8 avril, il semble que ces conditions soient suspendues, sans que les Italiens et les Français d’un côté, les Néerlandais ou les Allemands de l’autre, aient le même avis à ce sujet (d’ailleurs l’Italie refuse à ce jour d’y avoir recours).

    C’est le cas du Pacte de stabilité et de croissance, de 1997, comme du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de la zone euro de 2013, qui le précise et le renforce, avec ses prescriptions budgétaires imposées en violation manifeste de la souveraineté des États.

    C’est aussi le cas de l’équilibre entre les institutions de l’Union européenne. Sous des prétextes divers, la Commission européenne a continué à s’insinuer dans les domaines réservés aux États, jusqu’à s’inventer une diplomatie, jusqu’à se prétendre gardienne de “valeurs” autoproclamées, jusqu’à financer des Fondations et des ONG ouvertement hostiles à la souveraineté des Nations.

    C’est enfin le cas de l’accord de libre-circulation, dit accord de Schengen, qui a considérablement facilité l’immigration illégale et le pillage des systèmes les plus favorables par les migrants. 16 pays participant à cet accord en ont suspendu les effets, fermant tout ou partie de leur frontière ; parmi eux, beaucoup des pays, comme l’Autriche ou la Hongrie, qui ont le plus efficacement contenu la pandémie. Et certains pays, comme l’Italie, n’ont pas jugé utile d’avertir l’Union européenne de leur décision de fermer leurs frontières ; d’ailleurs, à quoi bon ?

    Un aveuglement idéologique

    L’Union européenne refuse de voir l’évidence ; si le sol sur lequel est construit le Parlement européen de Bruxelles menace d’effondrement, le sol des traités et des institutions sur lequel l’Union affiche son arrogance s’est déjà effondré, miné par le coronavirus, et plus profondément, par la réalité nationale plus forte que tous les traités, les pactes et les injonctions étrangères. Plus rien de ce sur quoi la nouvelle Union européenne s’est construite depuis l’Acte Unique et le traité d’union monétaire ne tient debout. Inconsciente, ou provocatrice, l’Union n’en tient aucun compte, signe le 28 avril un accord de libre-échange avec le Mexique sans aucune garantie environnementale et sanitaire (voir le communiqué d’Interbev), appelle à garder les frontières ouvertes, et entend ouvrir les négociations de préadhésion avec l’Albanie et la Macédoine du Nord, sans tirer aucune conclusion de l’échec avéré des adhésions récentes, sans remettre en cause le principe “un État, un commissaire” — l’Albanie avec un commissaire européen, comme l’Allemagne ou la France ! Autrement dit, l’Union européenne continue de courir sur la vitesse acquise parce que tout arrêt la condamnerait sans recours.

    La lucidité commande d’en tirer toutes les conséquences. L’Union telle qu’elle a été subvertie dans les années 1980, telle qu’elle a été soumise à la globalisation marchande, n’est pas l’Union voulue par ses fondateurs. Et l’Union monétaire a été conclue à des conditions qui creusent un écart à terme insurmontable et insupportable entre pays du Nord et du Sud. Elle n’est pas durable en l’état.

    L’Europe soumise à l’union monétaire, l’Europe de Maastricht a vécu.

    Nous n’en conclurons pas qu’il faut ajouter de la crise à la crise, comme ceux qui voient dans l’effondrement économique actuel un bon prétexte pour sortir de l’euro, faire éclater l’Union, et abandonner tout espoir réel d’indépendance et de souveraineté, qui ne peuvent exister que si elles sont coordonnées et partagées.

    Un avenir pour l’Union ?

    Pourtant, les circonstances banalisent la sortie d’un pays de l’Union de la monnaie unique. Sortir de l’euro n’est plus l’épouvantail agité partout, depuis que la pandémie menace de ruiner l’épargne et l’entreprise.

    D’abord en raison du “Brexit”. L’Union n’est plus un club dont nul ne peut sortir. Ce qui s’est produit peut se reproduire, même si l’euro introduit une dépendance de niveau supérieur entre ses participants.

    Ensuite et surtout parce que les conséquences considérables de la pandémie sur les équilibres macro-économiques de la plupart des pays de la zone euro relativisent considérablement les effets d’une sortie de l’euro, qui peuvent sembler noyés dans le brouillard macroéconomique provoqué par la pandémie. Les prévisions apocalyptiques – – 3 % de croissance, 2 % de déficit public, etc. — associés à la sortie de l’euro semblent aujourd’hui anecdotiques par rapport aux impacts annoncés de la pandémie — jusqu’à 8 % ou 10 % de déficit public, -8 % de croissance, etc.

    Enfin, parce que plusieurs pays membres de l’Union considèrent que l’Union a fait preuve d’une indifférence coupable, voire d’une absence totale de solidarité à l’occasion de l’impact asymétrique de la pandémie. Les excuses publiques de Mme Van der Leyen veulent tout dire. Il leur manque seulement de reconnaître que les déficits des pays du Sud ont pour une part non négligeable leur contrepartie dans les excédents commerciaux de l’Allemagne et des pays du bloc mark. Face à la pandémie, comme face l’invasion migratoire, seuls, des Etats ont tenu, des Nations se sont levées, et l’Union a manqué, quand elle n’a pas trahi.

    L’expérience commande de reconnaître que l’union monétaire repose sur la croyance que les peuples des Nations membres vont peu à peu adopter les mêmes comportements en matière d’épargne, de discipline budgétaire, de tenue des déficits publics, etc. Cette croyance est démentie par les faits. Les identités nationales sont plus puissantes que tous les mécanismes de convergence forcée institués par l’Union européenne, que les traités et les engagements chiffrés.

    Voilà pourquoi il est urgent que la France prenne l’initiative d’une conversation entre chefs d’État, préparant un nouveau traité d’Union des Nations européennes, sur la base de la diversité et de la souveraineté des Nations, sur la base aussi d’une commune recherche de puissance et d’indépendance.

    La seule condition qui puisse rendre pertinent le maintien de l’euro, rallier les opinions qui doutent et permettre de dépasser les spécificités nationales légitimes est le projet d’une Europe puissance, de l’Atlantique à l’Oural, capable d’améliorer la sécurité et l’indépendance des Nations européennes, notamment par la tenue des frontières extérieures, le contrôle des migrations, l’autonomie industrielle, financière et de Défense. Cette Europe puissance serait l’Europe des Nations telles que le traité de l’Élysée, signé par le Général de Gaulle et le chancelier Adenauer, en avait jeté les bases (22 janvier 1963).

    C’est le moment français !

    Il appartient à la France de restaurer l’Union européenne, la seule qui serve l’Europe, celle des Nations d’Europe — des Nations européennes libres. Cosignataire du Traité de Rome, initiatrice du Traité de l’Élysée, seul membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, la France doit prendre l’initiative d’une refondation de l’Union sur la base d’un accord réaliste et durable des Nations européennes. Elle est seule à pouvoir le faire, ce qui lui donne le devoir de le faire.

    La France doit prendre l’initiative que son engagement dans la fondation de l’Union européenne, son autorité internationale, l’autonomie de sa Défense, lui permettent de prendre, et elle seule.

    La France invite les chefs d’État et de gouvernement des États membres à prendre acte de l’effondrement des traités et des accords qui ont présidé à la naissance de la monnaie unique et à la construction d’une Europe ouverte au libre-échange, aux mouvements de populations, à la globalisation.

    La France appelle les pays européens à refonder leur union dans un projet de puissance et d’indépendance de l’Europe, sur la base de leur souveraineté nationale et de frontières extérieures tenues.

    La France appelle les dirigeants des Nations signataires du traité de Rome à une conférence de refondation de l’Europe, à Paris, en juillet prochain.

    Cette conférence aura pour but d’élaborer les principes fondateurs d’une nouvelle Union, principes qui seront ensuite proposés à tous les États membres de l’Union, sur la base de la souveraineté des Nations et de la puissance de l’Europe, dans le but d’assurer l’intégrité de leurs territoires, de protéger les modes de vie et la liberté de leurs citoyens, leur identité et leur diversité, de garantir la défense efficace de leurs frontières extérieures et leur indépendance par rapport à toute puissance extérieure, de gérer dans l’intérêt commun leur monnaie commune en vue du progrès social, de l’équilibre des échanges et de la stabilité des prix.

    Cette conférence prendra acte de la rupture des traités fondateurs de l’Union monétaire. Elle engagera la redéfinition du mandat de la BCE, les conditions de négociation des traités commerciaux et de Défense, les modalités de tenue des frontières, de contrôle des mouvements de personnes, de capitaux, de produits et de services, de données et d’informations. Elle travaillera à construire les nouveaux équilibres institutionnels au sein de l’Union, et notamment les rôles respectifs de la Commission européenne, secrétariat permanent du Conseil de l’Europe, et du Parlement européen, représentant des Nations auprès du Conseil.

    En cas de refus des Nations invitées à participer à cette conférence, ou d’échec des négociations engagées pour la refondation de l’Union de l’Europe avec tous les États membres, la France devra en tirer toutes les conséquences que comportent la défense de son territoire, l’indépendance nationale, et le principe de souveraineté du peuple français.

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 3 mai 2020)

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  • Économie : En territoire inconnu

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Économiste de formation, vice-président de Géopragma et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

     

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    Économie : En territoire inconnu

    Wall Street a connu début avril sa meilleure semaine depuis… 1938 ! Au moment même où les États-Unis annonçaient un nombre record d’inscriptions au chômage : 16 millions ! Malgré l’extension mondiale de la pandémie de Covid19, la paralysie d’un nombre croissant d’économies et la réduction du commerce international, de l’ordre de 30 %, ni les produits de taux, ni les actions n’ont subi les conséquences de la crise en proportion des effets attendus sur les résultats des entreprises, à l’exception des valeurs directement impactées ; tourisme, aéronautique, etc.

    Les marchés lead l’économie

    Que se passe-t-il ? Aucun hasard dans cet apparent paradoxe, aucune raison non plus d’en appeler à la ritournelle de ceux qui veulent que tout ça n’ait aucun sens, que les marchés aient perdu toute utilité, et qu’il suffise de fermer les Bourses, d’interdire le versement des dividendes, et accessoirement de nationaliser les entreprises. Les Cassandre finissent toujours par avoir raison, elles ne savent ni quand ni pourquoi, ce qui les rend dérisoires.

    Mieux vaut regarder en face les trois faits révolutionnaires qui changent tout ce que nous croyions savoir sur les marchés.

    D’abord, ce ne sont plus les chiffres d’affaires et les résultats qui font les mouvements des valeurs d’actifs, c’est l’action des Banques centrales. Business ne fait plus-value. Ceux qui croient encore que les sociétés privées dirigent le monde doivent y réfléchir. Depuis un mois, les États décident du versement des dividendes et des rachats d’action, les États décident de l’implantation des usines et des autorisations de vente à l’étranger ou d’importation de produits industriels, et les États décident de la vente ou non d’entreprises privées à d’autres entreprises privées, le blocage de la vente de Photonis à Télédyne en France en donnant un bon exemple !

    Nous sommes loin de l’abandon d’Alcatel, d’Alstom, de Morpho-Safran, de Technip, des Chantiers de l’Atlantique, etc. Et ceux qui croient encore que les marchés s’autorégulent doivent abandonner leurs illusions ; les banques centrales ont tiré la leçon de 2008, elles savent que les marchés s’autorégulent encore moins qu’ils ne sont transparents et équitables, et elles en tirent la conséquence ; à elles de faire les prix de marché — pour le meilleur ou pour le pire, c’est une autre histoire !

    L’endettement

    Ensuite, la Nouvelle Politique Monétaire (NPM) et son application signifient que l’émission de monnaie est devenue le vrai moteur des économies, et que tout peut être fait, rien ne doit être exclu, qui assure le maintien des valorisations boursières. Les banques centrales sont le premier acteur de l’économie nouvelle. Les marchés ont été nationalisés ; ou, plutôt, les marchés financiers sont devenus trop importants pour les laisser à la confrontation des acheteurs et des vendeurs. Le citoyen avait disparu, effacé par le consommateur, le consommateur disparaît, effacé par l’investisseur, devenu l’acteur central de la société globale, ou par son symétrique, le consommateur endetté, État ou particulier, qui doit avoir la certitude, non de rembourser ses dettes, ne rêvons pas, mais de pouvoir s’endetter davantage !

    Nous sommes passés d’un univers dans lequel le crédit bancaire et les aides d’État déterminaient l’activité, au monde dans lequel la valorisation boursière commande la propriété et in fine décide de l’activité du crédit. Quelle Nation pourrait accepter que les plus belles entreprises nationales soient rachetées à vil prix parce que les cours de leurs actions ont baissé ? Trois solutions : la nationalisation, à la fois suspecte et coûteuse ; l’interdiction par la loi, qui trouve vite ses limites géopolitiques ; le soutien des cours. D’où cette conviction appliquée, il faut faire tout ce qu’il faut pour que les valorisations demeurent élevées, et progressent, c’est la condition de la stabilité économique ! La surabondance monétaire booste les cours des actions. Est-ce la nouvelle règle du jeu ? 

    Enfin, c’en est fini de la diversité des anticipations, cette fiction convenable des marchés où les prix étaient le résultat de l’appréciation du risque, et des anticipations d’acteur divers par leurs horizons de gestion, leurs objectifs de rendement, leur appétence pour le risque, etc. Jamais la détention d’actions n’a été aussi massivement concentrée entre les mains des 1 % de « superriches » — aux États-Unis, de toute leur histoire ! Et jamais la concentration des pouvoirs (ou la confiscation de la démocratie) n’a joué aussi manifestement pour protéger les super-riches contre tout événement fâcheux, et leur garantir la poursuite accélérée de leur enrichissement !

    Les banques centrales sont prêtes à tout

    Les données publiées par le site « Zerohedge » indiquent plus de 16 000 milliards de dollars ont été engagées par la FED pour sauver les banques américaines, leurs actionnaires et leurs dirigeants, de la faillite et de ses conséquences judiciaires pour les uns, financières pour les autres ! Ce qu’elles n’indiquent pas, c’est ce phénomène bien connu et si bien exploité ; la surrèglementation nourrit l’hyperconcentration. Seuls, les très gros, très riches et très forts bénéficient des seuils réglementaires et normatifs qui excluent les plus petits, plus faibles, moins riches.

    Le temps est venu de ranger au bazar des accessoires défraîchis les enseignements de l’économie classique sur la fabrication des prix et les racontars sur « la concurrence libre et non faussée » que nul n’a jamais rencontrée nulle part ailleurs que dans les manuels d’économie et les discours de la Commission européenne à la Concurrence ! Les marchés actions doivent progresser, les Banques centrales en sont garantes, et on ne gagne jamais contre les banques centrales, c’est bien connu ! Voilà qui met à bas tout ce que nous croyions savoir sur les politiques de gestion d’actifs. Les politiques de gestion raisonnables, différenciées, basées sur les fondamentaux des entreprises ou des États n’ont plus de sens quand ce sont les injections de liquidités et les politiques de rachat de tout et n’importe quoi par les banques centrales qui font les cours. S’il est une conclusion à tirer de l’énormité des engagements des banques centrales, Fed comme BCE, c’est bien qu’elles sont prêtes à acheter n’importe quoi pour que la musique continue !

    Dans ces conditions, le couple risque-rentabilité qui dirigeait les allocations d’actifs raisonnées n’est plus de saison. La sélection des titres est un exercice vain. Tout simplement parce que la partie « risque » s’est évanouie, ou que l’action des banques centrales fait qu’il est impossible de l’évaluer. Il n’y a plus de prix pour le risque, ce qui interroge au passage sur le nouveau tour du capitalisme et le sens du mot « entrepreneur ». La logique est : qui va bénéficier des actions de la FED et du Congrès, de la BCE et des décisions du Conseil et de l’Eurogroupe ?

    La richesse ne vient plus du travail

    Au moment d’entrer en territoire inconnu, que conclure ? D’abord, essayer de comprendre les règles du « new normal ». Les règles ne sont pas les mêmes, ce qui ne signifie qu’il n’y a pas de règles ; elles sont nouvelles, c’est tout. Ensuite, s’efforcer de prévoir l’évolution dans le temps de ces règles et de leurs impacts, leur nouveauté même pouvant réserver toutes les surprises. Enfin, reconnaître l’intérêt de la France, et faire en sorte que la France sorte gagnante d’un jeu qui fera des gagnants et des perdants.

    Sauver l’effet richesse, c’est la nouvelle règle du chef d’orchestre. La richesse dans les pays riches ne vient plus du travail, mais de la détention ou de l’attraction du capital (cas exemplaire des start-up qui ne sont riches ni de produits, ni de clients, ni de chiffre d’affaires, mais du capital qu’elles lèvent sans limites, et qu’elles consomment également sans limites ; voir Uber, Tesla, etc. !) Et voilà comment des compagnies aériennes américaines qui ont racheté pour 45 milliards de leurs propres actions (soit 96 % de leur cash flow disponible) pour enrichir leurs actionnaires demandent… 54 milliards d’aides au gouvernement pour ne pas faire faillite (Boeing a suivi la même politique, consacrant la totalité de son cash flow disponible en dix ans au rachat de ses propres actions et demande également le sauvetage par l’argent public) !

    Le compromis entre le capital et le travail a été rompu dans les années 1990 pour être remplacé par un compromis entre les détenteurs du capital et les banques centrales ; il ne s’agit plus de partager des gains de productivité, il s’agit de s’enrichir sans fin ! Il ne s’agit plus de redouter une « stagnation séculaire » de la croissance dans les pays riches, il s’agit d’assurer l’enrichissement des plus riches par la création monétaire déversée sur les marchés d’actifs ! Ce ne sont plus les plus vulnérables qui sont protégés, ce sont les plus riches qui peuvent se servir. Il est permis d’espérer, mais ce n’est pas demain que le monde du travail retrouvera les leviers qui lui avaient permis de négocier le partage des gains de productivité qu’assurait l’industrie — d’ailleurs, il n’y a plus chez nous ni industrie ni gains de productivité ! Pour s’en convaincre, et contrairement à tout ce que suggèrent la situation actuelle et la célébration méritée du courage des soignants, des gendarmes et des policiers, des caissières et des livreurs, il suffit de regarder où va l’argent émis par les banques centrales ; les marchés ont l’argent, les soignants ont l’ovation de 20 heures aux fenêtres chaque soir ! Paradoxalement, la pandémie marque un nouveau bond en avant du capitalisme libéral. Certains peuvent rêver que ce soit le dernier.

    L’Europe laissée de côté pour le véritable affrontement

    Éviter la confrontation au réel et ruiner l’adversaire, c’est le jeu du moment. Un jeu impitoyable dans la confrontation des faibles aux forts. La Chine est annoncée grande gagnante de l’épreuve actuelle. Attendons. Il serait paradoxal que le pays d’où est parti la pandémie, qui l’a probablement aggravé par sa politique de censure des informations critiques, ou simplement des mauvaises nouvelles, et par le retard mis à en reconnaître le caractère expansif et non maîtrisé, en tire un bénéfice géopolitique et financier, mais nous sommes installés en plein paradoxe (le fait qu’une chose et son contraire puissent être affirmés en même temps est caractéristique de la situation présente, c’est-à-dire du chaos cognitif et de la confusion mentale) ! Attendons pour en juger de voir quels engagements en faveur de la relocalisation massive de nos productions stratégiques seront effectivement tenus.

    Tout indique que les États-Unis se détournent de l’Europe pour engager la confrontation avec le pays qu’ils jugent leur premier adversaire du XXIè siècle, une confrontation dont tout indique qu’elle mobilisera la gamme entière des stratégies non conventionnelles et des armes non militaires, les moyens de paiement, les systèmes d’information et les attaques biologiques constituant quelques-uns des moyens d’un arsenal varié. Bitcoin, 5G, biotech — nous n’avons encore rien vu des ressources que la monnaie et la finance de marché peuvent mobiliser pour appauvrir l’ennemi, pour diviser l’ennemi, pour obliger l’ennemi à composer.

    Plus besoin des canonnières du commodore Perry pour obliger un pays à s’ouvrir et à se plier ! Au choix, on considérera les milliers de milliards de dollars mis sur la table par la FED depuis ces dernières années comme une arme de destruction massive pour les détenteurs de papier libellé en dollar, ou pour le système financier occidental lui-même… les paris sont ouverts ! Et on sera attentif au projet attribué au macronisme de confier la gestion des réserves d’or de la France à une banque américaine ; après le pillage d’Alstom, le pillage de la Banque de France ? Pendant la pandémie, le hold-up continue !

    Protéger le patrimoine national et l’activité nationale devient une priorité pour chaque État. C’est la priorité de la France. La sécurité monétaire, la sécurité économique et patrimoniale, s’imposent au premier rang des enjeux de sécurité globale. Derrière les soubresauts boursiers, les risques de prise de contrôle de tel ou tel fleuron technologique ou industriel sont multipliés. Derrière la suppression de la monnaie papier, les enjeux de contrôle, de détournement, et de vol, sont gigantesques. Derrière la naïveté avec laquelle les administrations européennes prétendent se moderniser en substituant au papier et au guichet l’Internet obligé se cache mal l’exploitant américain ou chinois et un retour au temps des colonies, quand quelques compagnies privées, aventureuses et pirates, se partageaient des continents.

    Et qu’en sera-t-il si le traçage individuel grâce aux données collectées à partir des téléphones portables se justifie par des motifs sanitaires pour devenir la règle imposée à toute la population, au bénéfice des prestataires qui s’en félicitent déjà ? La pandémie n’arrête pas les (bonnes) affaires d’Atos et de ses concurrents (écouter à ce sujet sur RTL l’étonnant discours du commissaire européen Thierry Breton, ex-PDG d’Atos, ouvrant sereinement la voie au contrôle numérique de la population européenne !) Derrière l’échappée belle de toutes les règles budgétaires de rigueur imposées par l’Union, s’annonce une course qui fera des gagnants et des perdants.

    La France doit saisir dans la pandémie une bonne occasion de rompre avec les contraintes que l’Union européenne impose aux choix nationaux, à la protection du marché national, à la préférence pour les entreprises nationales. La France doit utiliser au maximum les facilités qui sont offertes par la BCE, par un mécanisme européen de solidarité (MES) débarrassé de toute conditionnalité, par le fonds européen de relance annoncé.

    Elle doit le faire au profit des entreprises françaises, des projets français, de l’indépendance de la France – et sauver les entreprises familiales du commerce et de la restauration, contre les ambitions prédatrices des chaînes mondiales de « malbouffe ». Elle doit mobiliser toutes les capacités que l’Union européenne peut offrir dans son propre intérêt, comme l’Allemagne, comme les Pays-Bas, comme les autres Nations le font. Et elle doit plus encore considérer les marchés financiers pour ce qu’ils sont, un outil à la disposition de qui choisit de s’en servir. Voilà qui n’invalide pas le rôle des marchés, mais qui le transforme.

    Tout simplement parce que nous sortons du monde du bon père de famille qui savait que rembourser des dettes enrichies. Dans le nouveau monde, non seulement les dettes ne seront jamais remboursées, mais celui qui s’enrichit est celui qui peut émettre le plus de dettes. Dans le nouveau monde, ce ne sont plus des créanciers exigeants et sourcilleux qui achètent la dette, ce sont des banques centrales d’autant plus accommodantes qu’elles jouent elles-mêmes leur survie — au cours des dernières semaines, la nouvelle Présidente de la BCE, Christine Lagarde, l’a bien compris !

    Et l’impensable arrive. La France de 2020 doit savoir s’enrichir de sa dette et mobiliser sans freins la dépense publique, si elle sait l’employer à relocaliser son industrie, à relancer une politique territoriale qui commence par le soutien au secteur de l’hôtellerie, de la restauration familiale et du petit commerce, à relancer de grands projets (le second porte-avion, le cloud français ?) et à réduire le coût du financement de son économie, l’exemple allemand étant sur ce sujet à méditer.

    Mieux vaut danser en cadence quand s’arrêter donne le vertige. Les colonnes du temple européen s’effondrent les unes après les autres, de Maastricht à Schengen, ce n’était que des colonnes en papier. Mais que l’entreprise privée, libre de sa stratégie, que les marchés concurrentiels où se forment les prix, que l’allocation des capitaux selon le rapport rendement-risque disparaissent par la magie complaisante des banques centrales, voilà qui mérite attention ; ce sont cette fois les bases du libéralisme qui sont mises à mal. Certains diront ; changeons de partition ! D’autres diront plus simplement ; tant que la musique joue, il faut continuer à danser, seuls ont tort ceux qui pensent d’en tirer en s’isolant dans leur coin. Mais la seule question qui compte est tout autre ; vaut-il mieux être celui qui joue dans l’orchestre, celui qui danse sur la piste, ou celui qui agite son mouchoir sur le quai en regardant partir le Titanic, tous pavillons flottant au vent ?

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 13 avril 2020)

     

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  • Vivre un monde où plus rien n’est humain, où l’homme est un masque ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à la crise sanitaire et à ses responsables. Économiste de formation, vice-président de Géopragma et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

     

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    Vivre un monde où plus rien n’est humain, où l’homme est un masque ?

    La cause est entendue, contrairement à ce qu’ont asséné avec certitude les autorités sanitaires françaises en mars dernier encore, le port du masque est efficace et conseillé. Deviendra-t-il obligatoire et durable ? Porter le masque deviendra-t-il le nouvel état normal des contacts humains ? Certaines municipalités ont franchi le pas. À Nice, par exemple, plus question de sortir sans un masque. Et le déconfinement pourrait bien être subordonné au port du masque – et à leur mise à disposition…

    Le masque, la nouvelle frontière

    Je me souviens de ces arrivées dans les capitales de l’Asie en ébullition, où l’exotisme n’était pas dans les palmiers, les filets anti-requins ou les odeurs d’épices, mais dans les masques portés par une majorité de passants dans la rue. Et de ces deux réactions spontanées : quelle tristesse que ce monde où il faut porter un masque pour sortir dans la rue ! Et, aussitôt après, heureusement que chez nous, ça n’arrivera jamais !

    Naïveté du visiteur, persuadé que chez lui… et bêtise devant la réalité criminelle de la globalisation, de la mobilité des hommes, de l’ouverture des frontières et des migrations de masse. Quand le monde se déverse dans les aéroports et le métro, le virus aussi y arrive. Et quand la frontière n’arrête plus la mobilité globale, la dernière frontière, c’est la peau.

    Nous ne pouvons plus ne pas regarder la réalité en face. Quand les Nations n’ont plus de frontières, les individus se masquent. Quand les communautés ne se séparent plus les unes des unes, ce sont les individus qui se séparent les uns des autres, et de la manière la plus radicale. Après le préservatif, la distance sociale. Après la distance sociale, le masque sur le visage. Après le masque, quoi ? Sinon l’interdiction de se serrer la main de s’embrasser, de se promener main dans la main, d’ouvrir son lit à l’inconnu(e) de rencontre… voilà le résultat du globalisme, du sans frontiérisme, de l’affirmation stupide que tous les hommes sont les mêmes, que nous ne sommes de nulle part et que la frontière est une barbarie antique.

    La globalisation tue.
    Les mouvements de population tuent.
    L’ouverture des frontières tue.

    Le Crime des Davos’guys

    Le nomadisme imposé à ceux à qui le marché vole leurs terres et promet l’idéal des mobiles sans terre, tue. Ceux qui ont promu le nomadisme comme la condition humaine de la modernité savent-ils le mal qu’ils commettent ? Car le nomadisme comme adaptation forcée des modes de vie à la globalisation, fait des hommes d’une Nation, des citoyens d’une terre, d’une loi et d’une société, des hommes hors sol, des hommes de rien, ceux qui se croient plus que des hommes parce qu’ils vont d’un aéroport à un centre de congrès, et qui sont moins qu’un homme, celui qui sait qu’il doit sa terre à ceux qui l’ont conquis, défendue et travaillée pour lui, et aux enfants de ses enfants qui la défendront et la travailleront comme il l’a fait.

    Le développement, qui provoque l’explosion démographique africaine sans offrir la contrepartie en ressources, en capital et en formation, tue.

    Le pouvoir sanitaire qui interdit que soient rendus les devoirs les plus universels, comme celui de l’assistance aux mourants, qui ferme les lieux de culte, les forêts et les sentiers, entérine un nouveau recul du sacré. Car le sacré commence avec l’idée qu’il y a plus que la vie, et qu’un homme commence avec ce qui justifie qu’il puisse tuer ou mourir pour autre chose que son intérêt individuel. Voilà pourquoi l’ordre nouveau des marchands et des financiers veut en finir à jamais avec la Nation, comme avec la religion, comme avec la famille et la nature ; car elles sont ce pourquoi tuer ou mourir, car elles sont tout ce qui s’oppose à la liquidation universelle de la vie pour le rendement financier.

    La séparation des proches de leurs proches au moment de leur mort, la séparation des fidèles de leur lieu de culte, église, synagogue, temple ou mosquée, appellent Antigone. Mais où est-elle, celle qui se lèvera face à l’inhumanité des règles de confinement, face aux manipulations des laboratoires pharmaceutiques et des édiles de la santé publique, pour dire qu’il y a plus que la vie, et qu’autre chose compte que la loi des hommes ?

    Nous ne pouvons plus voir les masques, porter les masques, faire face au masque obligé sur le visage de nos amis, de nos voisins, de nos proches, sans être certains du recul de la civilisation. Et nous ne pouvons suivre le chemin parcouru depuis le préservatif jusqu’au masque, sans constater que le rapport humain direct, amical et confiant est la victime achevée de l’individualisme radical, cette autocréation de chacun par lui-même, cette quête de l’indétermination absolue, cette négation de notre condition politique et humaine.

    Il faudra que les socialistes qui ont tout sacrifié à un internationalisme forcené mesurent ce qu’ils ont fait quand ils ont abandonné l’ouvrier français pour le migrant, le combat social pour la promotion des minorités autoproclamées, et le progrès du citoyen dans sa Nation pour l’utopie de la société globale et de l’humanité unie. Quant aux écologistes qui s’accrochent encore au discours global, mesurent-ils que c’est l’urgence écologique qu’ils mettent en danger à force de la détourner pour un agenda libéral totalement et définitivement hostile à la vie — celui de la climatisation généralisée et de la vaccination universelle ?

    Il faudra tôt ou tard que ceux qui ont imposé leur agenda criminel par haine de l’Europe et des Nations paient. Derrière leurs Fondations et leurs ONG qui blanchissent si bien l’argent du crime, les Davos’guys, les prêcheurs du nomadisme, les pirates de la Silicon Valley, sont coupables de crime contre la civilisation, cette civilisation qui n’existe que dans la diversité, donc la séparation, donc la discrimination.

    Qu’en aurait dit le grand ethnologue défenseur passionné de la diversité des sociétés humaines, Claude Lévi Strauss ? Lui qui, âgé alors de plus de cent ans, confiait qu’il allait quitter sans regret un monde où plus rien ne demeurait de ce qu’il avait aimé ? Que dirait-il devant la prolifération de ces masques qui font de chacun, de chacune, un fantôme aseptisé ? Et que dirait Emmanuel Levinas, lui qui a fondé sa philosophie de l’altérité sur le contact direct avec le regard et le visage de l’autre, dans des villes où le masque cache à chacun le visage de l’autre ?

    Le port du masque instaure cette Grande Séparation qui s’annonçait, voici bientôt dix ans (1). Nous vivons l’effet monstrueux de la négation de la distance, de la séparation, de l’éloignement. S’il faut porter un masque dans la rue, s’il faut se cacher derrière un masque pour sortir, rencontrer, côtoyer, la question se posera à beaucoup ; est-ce vraiment là le monde dans lequel nous avons envie de vivre ? Et la réponse s’imposera ; que paient ceux qui ont fait de lui ce qu’il est devenu ! Le prix ne sera jamais trop élevé.

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 11 avril 2020)

     

    Note :

    1) pour une fois, je ne peux que rappeler mon livre, « La Grande Séparation », Gallimard, « Le Débat », 2014.

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  • Géopolitique de la BD...

    Le nouveau numéro de la revue Éléments (n°183, avril 2020 - mai 2020) est en kiosque !

    A côté du dossier consacré à la bande-dessinée, on retrouvera l'éditorial d'Alain de Benoist, les rubriques «Cartouches», «Le combat des idées» et «Panorama» , un choix d'articles variés et des entretiens, notamment avec le prix Nobel d'économie Angus Deaton, le philosophe Dany-Robert Dufour, l'historien et analyste militaire Michel Goya, le sinologue François Julien et le contre-cool Pierre Robin, ainsi que les chroniques de Xavier Eman, d'Olivier François, de Laurent Schang, d'Hervé Juvin, de Ludovic Maubreuil, de Fabien Niezgoda, de Bruno Lafourcade, de Guillaume Travers, d'Yves Christen et de Bastien O'Danieli...

    Bonne lecture !

    Vous pouvez commander ce numéro ou vous abonner sur le site de la revue : http://www.revue-elements.com.

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    Au sommaire :

    Éditorial

    Halte à la transparence, par Alain de Benoist

    L’entretien

    Dany-Robert Dufour : « Nous allons vers le chaos » , propos recueillis par Thomas Hennetier

    Cartouches

    Roland Jaccard est mince, le regard d’Olivier François

    Une fin du monde sans importance, par Xavier Eman

    1917, la guerre comme dans un jeu vidéo, par Ludovic Maubreuil

    Carnet géopolitique : Coronavirus, l’extension du contrôle social, par Hervé Juvin

    À la Saint-Crépin, les Français voient leur fin, par Laurent Schang

    Les leçons de Delphes (4/4) : la gestion du commun, par Fabien Niezgoda

    Le rhinocérat, par Bruno Lafourcade

    Économie, par Guillaume Travers

    Bestiaire : une même conscience du corps chez le chien, l’éléphant et l’homme, par Yves Christen

    Sciences, par Bastien O’Danieli

    Le combat des idées

    Le « privilège blanc » à l’épreuve des faits, par François Bousquet

    Angus Deaton, l’agonie de la classe ouvrière blanche, propos recueillis par Guillaume Travers

    Les viols de masse en Grande-Bretagne, par François Bousquet et Thierry Dubois

    La France de Johnny et la France de Marine, par François Bousquet

    Portfolio : Le peuple jaune dans les rues de Paris

    Connaissez-vous la bourgeoisie blanquette de veau ? par François Bousquet

    Vincent Lapierre au cœur de la guérilla médiatique, propos recueillis par David L’Épée

    Xavier Eman, une fin du monde très importante, par Jean Ernice

    Michel Goya, l’avenir de la guerre, propos recueillis par Laurent Schang

    François Jullien, le détour par la Chine, propos recueillis par Claude Chollet

    Le prince et l’idiot, psychologie de l’enfant unique, par Christophe A. Maxime

    Patrick Eudeline et Nicolas Ungemuth : la chanson française ? propos recueillis par Nicolas Gauthier

    Pierre Robin, l’homme qui n’a jamais voulu être cool, propos recueillis par Olivier François

    De l’usage du tatouage dans la société du spectacle, par Marie Chancel

    Dossier

    Géopolitique de la bande dessinée

    François Pernot : les mangas et les comics vont-ils tout écraser ? Propos recueillis par Guillaume Travers

    Monsieur le chien, un provocateur à poil dur, par David L’Épée

    Jean-Christophe Delpierre : l’Umour au temps de Macron, propos recueillis par David L’Épée et Pascal Eysseric

    L’érotisme discret de la bande dessinée franco-belge, par David L’Épée

    Les 19 bandes dessinées préférées d’Éléments, par la rédaction

    Tintinophiles, tintinologues, tintinopathes… , par Fabien Niezgoda

    Olrik, l’interrogatoire secret, un document pour l’histoire, par Jean-Jacques Langendorf

    Panorama

    L’œil de Slobodan Despot

    Reconquête : le grand défi du coronavirus, par Slobodan Despot

    Un païen dans l’Église : l’ours cordé de Saint-Lizier en Ariège, par Bernard Rio

    Séries télé & politique : The Capture, par Pascal Eysseric

    L’anti-manuel de philosophie : la raison suffit-elle à connaître le réel ? par Jean-François Gautier

    L’esprit des lieux : Dresde sous les bombes, par Hélène Meyer

    C’était dans Éléments : lire Rabelais avec Michel Ragon, propos recueillis par Sophie Massalovitch

    Éphémérides

     

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  • Misères françaises...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré aux misères qui accablent la France. Économiste de formation, vice-président de Géopragma et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

     

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    Misères françaises

    Misère identitaire, d’abord, quand il est interdit d’être fier de la France, fier de son histoire, fier de la puissance et de la grandeur de la France – qu’en reste-t-il quand le nucléaire est bradé, que l’armement est sous occupation allemande, et que l’étranger fait la loi en France même ?

    Misère morale également, quand tout ce qui était bon et bien, tout ce qui faisait d’eux un père ou une mère de famille, un élu local, un croyant, est tourné en dérision, quand l’honnêteté et le travail bien fait deviennent le propre des imbéciles et que les escrocs de la finance s’affichent en modèles ?

    Quels juristes dénoncent la pratique importée des États-Unis du « efficient breach of contracts », qui signifie que chacun peut renier sa parole et déchirer un contrat, s’il y trouve intérêt ? Misère morale plus encore quand l’inversion des valeurs devient la règle, et quand défendre son territoire et exiger de parler français dans son entreprise ou chez le boulanger du coin devient coupable, quand dénoncer le pillage des aides sociales et la fraude massive à la Sécurité Sociale est interdit (voir le sort malheureux de la commission d’enquête parlementaire récente), quand c’est le voleur qui a raison devant le tribunal si sa victime ou le policier ont osé se défendre ?

    Misère territoriale aussi, quand les villages perdent le nom des Saints qui ont veillé sur eux depuis des siècles, quand des régions qui ont fait l’histoire de France se voient confondues dans d’impossibles fusions copiées des Länder allemands, quand le Maire de Paris déclare que ses voisins s’appellent Londres ou San Francisco, et surtout pas Lozère ou Finistère.

    Misère sécuritaire tout aussi bien, quand les statistiques grossièrement faussées du Ministère de l’Intérieur (lire sur Atlantico Xavier Raufer) échouent à cacher la montée des vols aggravés et des agressions, quand le mélange de banditisme et d’islamisme radical ferme des territoires entiers à l’ordre républicain et s’attaque à ces symboles honnis de la France que sont écoles et centres de culture, quand les Français oubliés de la « diagonale du vide » voient leurs impôts manquer pour garder le bureau de Poste ou la gendarmerie, mais nourrir les flots d’aides qui achètent la paix civile dans le « 93 » en payant ceux qui chantent et dansent leur haine de la France et des Français — curieusement, même les guets-apens contre des policiers ou des pompiers s’y concluent par « il n’a été procédé à aucune interpellation » ?

    Misère sécuritaire encore plus quand un gouvernement affiche sa volonté de faire payer tout ce qui demeure, qui tient et qui dure, en concentrant l’impôt sur la propriété immobilière et foncière (l’IFI qui a remplacé l’ISF), en fragilisant la propriété par l’atteinte au statut des notaires, en laissant l’escroquerie des éoliennes violer les paysages français. Et le pire est à venir ; en travaillant à séparer la propriété de la terre de celle du bâti, sous prétexte de faciliter l’accès à la propriété, le gouvernement réalise la prophétie de Marx ; « le capitalisme finira par enlever la propriété de la terre à ceux qui y vivent » pour que la terre accaparée par la finance et les fonds d’investissement fasse de tous les Français des migrants comme les autres, des hommes de nulle part et de rien, remplaçant la pauvreté digne du village par la misère muette des métropoles.

    Sauvagerie morale et écologique, culturelle et territoriale tout aussi bien. Sauvagerie de l’alliance entre des élites hors sol et les migrants à disposition, sans salaires, sans syndicats, sans contraintes. Sauvagerie des métropoles et de leurs bataillons d’employés de service livrés aux conditions indignes des transports, de l’habitat, de l’incivilité. Sauvagerie d’un pouvoir qui ne tient plus compte du vote, passe outre les referendums et sacrifie la volonté nationale au gouvernement des indicateurs et des gérants de fonds, pour en finir avec toute expression de la liberté politique et de la démocratie. Sauvagerie surtout d’élites autoproclamées qui se considèrent au-dessus de la France, de la République, et des citoyens, et qui se pensent et se vivent déjà autres, sortis de la condition humaine, hors sexe, hors âge, hors terre. Il leur suffit d’avoir un chauffeur.

    Voilà probablement la forme la plus actuelle de sauvagerie à l’œuvre, la sauvagerie de ceux qui considèrent depuis leur ministère ou leur tour de verre et d’acier que tous les autres sont des sauvages, la sauvagerie de l’individu globalisé contre l’indigène de chez lui. Elle appelle en retour une haine anthropologique, la haine de ceux d’ici, d’une terre et des leurs, contre ceux qui prétendent échapper à la condition humaine, à la nature et à la Nation. Cette haine est nouvelle. Elle s’est entendue dans les rues de Paris, de Carhaix, de Rodez ou de Caen. Elle rejoue la scène originelle des sociétés humaines, quand ceux qui n’étaient pas des hommes, ceux qui n’avaient pas droit de faire partie de la société, étaient éliminés comme boucs-émissaires. Cette violence fondatrice assurait la paix, la concorde et la solidarité entre ceux qui savaient dire « nous » et regarder l’avenir ensemble. Ferons-nous l’économie de cette forge où se trempe l’unité d’un peuple ?

    La sauvagerie globale de l’individualisme libéral à ses derniers soubresauts appelle le collectif, l’Etat et la République à reprendre la main. Elle explique la réaction de ceux qui ne font que répondre à la sauvagerie qu’ils subissent chaque jour. Elle indique que les vrais fronts où se jouent la souveraineté, l’unité et la sécurité nationales, ne sont pas extérieurs, ils sont intérieurs. Elle appelle l’État, la justice, et cette sécurité morale et nationale qui est la condition d’une société apaisée.

    Le destin de la France se joue dans la réponse qui sera apportée à la sauvagerie d’un système qui emploie le chaos pour survivre. Et celles et ceux qui ont chaque jour à préserver de l’ordre et de la Nation ce qui peut l’être, celles et ceux qui sont confrontés à la vente au plus offrant des entreprises et des terres françaises, à la destruction de l’État au nom des intérêts privés, doivent réfléchir à qui sont leurs vrais ennemis, à ce et ceux qu’ils ont pour mission de défendre, et à ce qu’a signifié dans l’histoire collaboration.

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 2 décembre 2019)

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