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coronavirus - Page 8

  • Anatomie d'un désastre...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Jean-Dominique Michel au média suisse Athlé. Genvois, Jean-Dominique Michel est un anthropologue spécialiste des questions de santé, qui s'est également intéressé aux médecines alternatives.

     

                                         

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  • Gilets jaunes et blouses blanches : des «métiers de merde» ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François Bousquet, cueilli sur le site de la revue Eléments et consacré à la remise en lumière, provoquée par la crise sanitaire, des métiers essentiels à la survie de la société. Journaliste et essayiste, rédacteur en chef de la revue Éléments, François Bousquet a notamment publié Putain de saint Foucauld - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015), La droite buissonnière (Rocher, 2017) et Courage ! - Manuel de guérilla culturelle (La Nouvelle Librairie, 2019).

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    Biopolitique du coronavirus (7). Gilets jaunes et blouses blanches : des «métiers de merde» ?

    Est-ce que je fais un « bullshit job », un boulot à la con, ou pas ? That is the question. De ce point de vue, le confinement a agi un peu comme un sérum de vérité : si je suis confiné, si je télétravaille, ne serait-ce pas parce que j’exerce un de ces boulots à la con ? Aïe, aïe, aïe ! Cette question a été posée pour la première fois par David Graeber dans un article qui a défrayé la chronique altermondialiste en 2013, avant de devenir cinq ans plus tard un livre à succès, passionnant et foutraque, au ton joyeusement persifleur, Bullshit jobs (2018). Lisez-le. Le coronavirus lui a donné une actualité nouvelle et brûlante (merci à Dominique Méda de nous avoir récemment rappelé son existence).

    David Graeber ressemble à son livre : il est aussi anarchiste que son bouquin est anarchique. Méthodologiquement parlant, il a même un côté professeur Didier Raoult. Ses sources sont parfois fantaisistes, il glane ses exemples au fil des discussions sur les réseaux sociaux. Bref, il est contre les échantillons représentatifs là où il n’y a pas de raison de les convoquer. C’est ce qui rend ses intuitions si stimulantes. Même s’il ne l’avouera pas, le slogan d’Occupy Wall Street : « Nous sommes les 99 % », c’est lui. Il faut dire qu’il les connaît bien, ces 1 % restants puisque dans son domaine d’élection, l’enseignement de l’anthropologie à la London School of Economics, l’une des écoles les plus sélectes au monde, il appartient à cette élite, académique en l’occurrence, et que partout ailleurs son gauchisme débraillé lui confère le capital culturel légitime pour faire l’intéressant sur les ondes de la BBC et de Radio France. À part cela, c’est un type très attachant.

    Nomenclature des jobs à la con

    Marx distinguait deux classes sociales antagonistes, Graeber s’en tient à deux types de boulots qui recoupent sur un mode désopilant la vieille rivalité marxiste : les « bullshit jobs », les boulots à la con, qui n’apportent rien à la communauté, mais rapportent beaucoup d’argent à ceux qui les exercent ; et les « shit jobs », les métiers de merde, qui apportent beaucoup à la communauté, mais qui ne rapportent rien à ceux qui les exercent.

    À dire vrai, Graeber est surtout intarissable sur les « bullshit jobs », peut-être parce que, comme activiste d’extrême gauche, il n’a jamais eu accès qu’à des gars qui en faisaient partie. Mais je l’ai dit, c’est un garçon sympathique et drôle. De toutes les catégories de jobs à la con qu’il recense, ma préférée demeure « cocheur de cases », qui rappelle ce chef-d’œuvre absolu de critique sociale (et métaphysique) qu’est « Le journal d’un fou » de Nicolas Gogol dans ses Nouvelles pétersbourgeoises, avec son petit fonctionnaire qui taille des crayons et consigne dans son journal une folie grandissante de plus en plus inaccessible.

    À part ça, Graeber passe en revue tout ce que les « bullshit jobs » comptent d’analystes financiers, d’agents immobiliers, de personnel administratif (il y a autant de « bullshit jobs » dans le privé que le public, mais ce dernier a déjà donné lieu à une littérature surabondante, inutile de s’y attarder), d’avocats d’affaires, de forçats du télémarketing qui vous appellent depuis Madagascar, de responsables des ressources humaines, de vendeurs de joujoux connectés débiles, d’organisateurs de séminaire, d’utilisateurs de Power Point, de coiffeurs pour chien, d’animateurs de réunion et, last but not least, tous ces types qui pondent des rapports d’activité aussi volumétriques que des piles de containers métalliques, le « reporting », comme disent les néomongoliens quand ils sont en mode « corporate » – la maladie verbomotrice du capitalisme terminal.

    La soviétisation du néolibéralisme

    C’est ce qui pousse Graeber à comparer le néolibéralisme à la bureaucratie soviétique, deux armées de parasites en miroir. En régime capitaliste avancé, le travail inutile gagne du terrain partout. Ainsi selon Graeber, jusqu’à la moitié du travail utile – les métiers socialement utiles donc – est perdue en travail inutile (rédaction de rapports chronophage, perte de temps en réunions interminables et autres stages de formation superflus, etc.).

    Mais le problème est plus vaste. Songez au temps fou gâché à remplir des formulaires, à renseigner des demandes d’inscription numériques, à noter des identifiants qu’on perd et des mots de passe qu’on ne retrouve pas. Ou encore à télécharger des séries addictives au lieu de bosser, à se gratter le nez au lieu de réfléchir à ce qu’on fera à Macron après le déconfinement ou à faire défiler des applications sur son smartphone pour écrire des informations aussi capitales que : « Tu as bien fermé la porte du frigo ? » ou « Qu’est-ce qu’elle est cruche, Cindy ! Non, mais allô quoi ! »

    Où sont passés les analystes financiers ?

    En résumé, le néocapitalisme est un mélange de productivisme et de parasitisme. Comment est-ce possible ? Il suffit de lire les travaux d’Ivan Illich sur la contreproductivité. Passé un certain stade, tout gain se transforme en perte. Les cercles vertueux dégénèrent en cercles vicieux. C’est vrai plus encore des institutions en situation de monopole, sans autre prédateur qu’elles-mêmes, ce qu’est le système capitaliste, qui multiplient les activités inutiles chargées d’encadrer d’autres activités qui finissent par devenir à leur tour inutiles. Si inutiles qu’elles pourraient disparaître sans que personne ne s’en aperçoive. La preuve par le Covid-19. Qui a remarqué la disparition des promoteurs immobiliers et des analystes financiers ?

    On en arrive ainsi, de job foireux en boulot oiseux, à un tiers de personnes, aux États-Unis, au Royaume-Uni et sûrement en France, qui pensent que leur boulot n’a pas plus de sens qu’il n’a d’utilité sociale. Cela a même donné lieu à un nouveau syndrome : le « brown-out », littéralement la baisse de courant ou chute de tension. Une sorte de neurasthénie molle et ouateuse, sensation plus houllebecquienne que kafkaïenne, qui s’incarne ou se désincarne dans la figure du déprimé déprimant.

    Les nouveaux galériens

    Voilà pour les « bullshit jobs », venons-en aux « shit jobs », les métiers de merde, socialement dévalorisés, mais indiscutablement utiles. Si jamais ils venaient à disparaître, la société s’effondrerait sur elle-même. Sans eux, pas de pain, pas de soins dentaires, pas de pâtes alphabet pour les enfants, pas d’enlèvement des poubelles. Ceux qui les exercent sont les soutiers de la société de consommation et les galériens de la société de service : ils en assurent le « back office », selon les termes de Denis Maillard dans Une colère française (2019). On admettra volontiers qu’aucun d’entre eux ne peut bosser en télétravail.

    Macron les a gazés, éborgnés, matraqués, poursuivis. Sans pitié. Aujourd’hui, il les félicite. Subitement, les zéros sont devenus des héros, les derniers de cordée des premiers de tranchée et les Gilets jaunes sont passés sans transition des gardes à vue aux nuits de garde. Ça ne les a pas beaucoup changés, me direz-vous. Le gouvernement qui n’a jamais été avare en LBD et grenades lacrymogène (la notion de stock stratégique trouve ici tout son sens) n’a pas cru bon de leur fournir des masques !

    Jérôme Fourquet et Chloé Morin ont comparé la sociologie des professions jugées de première nécessité, sinon vitales, en période de pandémie, et celle des Gilets jaunes : le moins qu’on puisse est qu’elles présentent nombre de points communs. On y trouve pêle-mêle des caissières, des chauffeurs routiers, des aides-soignantes, des livreurs, des facteurs, des éboueurs, des magasiniers, les fameux « caristes ». C’est un prolétariat sans gloire et sans mythe mobilisateur. La maison du peuple, c’est désormais l’entrepôt. Chez les hommes, l’entrepôt a désavantageusement remplacé l’usine. Chez les femmes, c’est l’aide à la personne – et elle n’a pas avantageusement remplacé le personnel des maisons bourgeoises d’antan.

    L’inégalité devant le risque

    Une des thèses centrales d’Ulrich Beck, l’auteur de La Société du risque (1986), livre central pour comprendre notre temps, c’est que, à l’heure de la globalisation, les risques sont de plus en plus indiscriminés, singulièrement dans les sociétés dominées par ce qu’il appelle la « subpolitique technologique » : plus le risque se mondialise, plus il est socialement indifférencié – bref il se « démocratise ». Ainsi les particules fines ou le réchauffement ne font-elles pas le tri entre le cadre supérieur et l’ouvrier. C’est vrai. Mais il faut néanmoins des décontamineurs à Fukushima ou à Tchernobyl, et, sauf erreur, ce ne sont pas des militantes d’Osez le féminisme qui sont les premières à se porter volontaires. Pas plus que ce ne sont des suffragettes ou des cadres supérieurs qui achètent des pavillons pourris avec vue sur la centrale de Flamanville ou de Fessenheim en espérant faire une plus-value immobilière avant leur cancer de la thyroïde. Aussi convient-il de nuancer cette sociorépartition du risque et son exposition, hier aux coups de grisou, aujourd’hui aux virus ou autres.

    Cette inégalité devant la mort s’observe plus chez les hommes. Les ouvriers vivent six ans de moins que les cadres (pas les ouvrières), chiffre jusqu’ici incompressible. Une réserve, mais de taille, dans ce tableau aussi implacable qu’une tragédie grecque : l’inégalité par temps de guerre. Si de tout temps c’est l’infanterie qui a été l’arme la plus exposée, la plus sacrifiée, celle où on dénombre le plus de morts, il est faux d’imaginer que cette saignée n’affecte que le prolétariat troupier. Aujourd’hui, les médecins sont en première ligne, les pharmaciens aussi, sans parler des élus locaux, des commerçants-artisans et dans une moindre mesure des enseignants. Et pour mémoire, ce furent les officiers inférieurs, en 1914-1918, qui subirent les plus lourdes pertes. Pour un fantassin sur quatre massacré dans les tranchées, un officier d’infanterie sur trois, dont son lot de saint-cyriens certes, mais aussi de profs – depuis le normalien jusqu’à l’instit (au statut autrement supérieur qu’aujourd’hui), la profession proportionnellement la plus touchée.

    Compter les sous ou compter les morts

    Le gouvernement français n’est pas pressé de donner le bilan des personnels de santé infectés par le Covid-19. En Italie, on sait qu’il y a déjà eu une centaine de médecins décédés. En France ? Circulez, y’a rien à voir. Il serait pourtant très simple de réunir les données des agences régionales de santé. Mais Macron en a peur, Olivier Véran ne sait pas qu’elles existent et Jérôme Solomon s’embrouille tout le temps dans ses tables de multiplication. Ces Messieurs savent pourtant compter, mais les sous, pas les morts (le prémonitoire « Vous comptez les sous, on comptera les morts ! » scandé à l’automne dernier par des blouses blanches en grève).

    Alors bien sûr, on ne va pas ajouter sa voix au concert de louanges quotidiennes douteuses adressées aux soignants – trop attendues et trop entendues pour être crues sur parole. Mais une fois de plus on vérifie que la société abrite des trésors de dévouement en dépit du laminage constant de la philosophie utilitariste qui postule la recherche de l’intérêt individuel, seule unité de mesure des peines et des plaisirs. Cette philosophie, qui au cœur du néolibéralisme, ne résiste pas un instant à l’analyse. Son contraire non plus du reste. Nous sommes ainsi faits que nous recherchons le gain et la sympathie, nous nous débattant en permanence entre la sociabilité naturelle de notre espèce et un quant à soi non moins naturel, la recherche de l’intérêt et le désintéressement, la confiance et la défiance, l’ami et l’ennemi. Ni ange ni bête, comme dit Pascal, qui, pourtant en bon janséniste, voyait le mal partout.

    Rendons grâce au virus. Il a rappelé à une certaine médecine dorée et dévoyée ses missions hippocratiques essentielles, qu’elle avait eu parfois tendance à négliger. Un peu comme dans le sketch que les Inconnus avaient consacré aux hôpitaux publics, avec un chef de service aussi crâneur que branleur qui arrive en retard, traverse négligemment les couloirs, visite en dilettante les malades, avant de s’éclipser prématurément en confiant à son assistant : « Bon, je file, j’ai un cours. »

    – À la Sorbonne ?

    – Non, à Roland-Garros !

    De toute évidence, on n’en est plus là.

    L’hôpital ne se fout plus de la charité

    Sans le coronavirus, l’hôpital public français était programmé pour finir à l’institut médico-légal. Vingt ans qu’on le démolit, lit après lit, bâtiment après bâtiment, service d’urgence après maternité. Vingt ans de coupes budgétaires avec pour conséquence une centaine de milliers de lits perdus. En dix ans, près de 12 milliards d’économie (tout cumulé). Dès avant 2008, on a choisi de sauver « nos » banques, pas notre hôpital. Pour un banquier sauvé, combien de lits sacrifiés ? Ici comme ailleurs, le service de la dette est devenu une servitude insupportable. Avec la tarification à l’activité, qui a généralisé l’abattage médical et son illusoire culture du résultat, on a instauré un hôpital d’entreprise mis au régime forcé du management automobile, suivant la logique du « lean management » (to lean, « dégraisser, mincir »). L’administration hospitalière cherche partout des gains de productivité.

    Enfin pas partout ni pour tout le monde : ce régime décharné ne vaut que pour le patient français, pas pour l’immigré clandestin. Car étonnamment, les syndicats qui braillent à raison leur mécontentement ne pointent jamais le coût délirant de l’AME, l’Aide médicale de l’État, près d’1 milliard par an, pour des pseudo-migrants qui viennent faire soigner gratuitement – tant qu’à faire – de lourdes et très coûteuses pathologies. Savez-vous que la Sécurité sociale engage en moyenne chaque année plus de dépenses de soin pour un « sans-papiers », qui n’a jamais cotisé, que pour un Français, qui a cotisé toute sa vie ?

    Ni bonnes ni nonnes

    L’hôpital, c’est aujourd’hui trente infirmiers agressés chaque jour, une douzaine d’infirmiers depuis 2016 suicidés sur leur lieu de travail, des patients de moins en moins patients, 30 % d’infirmiers qui abandonnent leur métier dans les cinq ans qui suivent l’obtention du diplôme d’infirmier et plus des deux tiers des effectifs qui travaillent en horaires décalés. Eh bien, nonobstant cela, nonobstant ce gâchis, nonobstant ces cadences infernales, l’hôpital a tenu, singulièrement les femmes surreprésentées. Ni bonnes ni nonnes, hurlaient hystériquement les féministes dans les convulsions de 1968. Oui-da, Mesdames ! Mais enfin, il n’y a rien de déshonorant à servir les malades. Il suffit de relire un des plus grands témoignages sur que soigner veut dire pour s’en assurer, je veux parler du prodigieux Un Souvenir de Solferino (1862) du futur fondateur de la Croix rouge, Henry Dunant. À lire et à relire. Avec les vieilles chroniques par temps de peste où les plus beaux témoignages, les plus déchirants, à tous les coups, sont ceux adressés aux religieuses – vos ancêtres. On naît femme, on ne le devient pas.

    François Bousquet (Éléments, 28 avril 2020)

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  • Quartiers sensibles et pouvoir criminel...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Xavier Raufer à Sputnik, dans lequel il évoque la criminalité et la situation dans les cités à l'heure de la crise sanitaire.

    Criminologue et auteurs de nombreux essais, Xavier Raufer a publié ces dernières années Les nouveaux dangers planétaires (CNRS, 2012) et Criminologie - La dimension stratégique et géopolitique (Eska, 2014) et, tout récemment, Le crime mondialisé (Cerf, 2019).

     

                                           

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  • Les snipers de la semaine... (199)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Bonnet d'âne, Jean-Paul Brighelli flingue l'esprit moutonnier qui règne depuis le début de la crise sanitaire...

    L'instant mouton

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    - sur Polémia, Michel Geoffroy n'est pas en reste en opposant la France cocue  et contente à celle qui se révolte...

    La France confinée contre la France en gilet jaune

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    - sur son site, Michel Onfray dézingue la meute qui attaque le docteur Raoult et son traitement contre le coronavirus...

    Le loup et les chiens

    jean-paul brighelli,michel geoffroy,confinement,coronavirus,soumission,moutons,gilets jaunes

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  • Docteur Molière et Mister Diafoirus...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François Bousquet, cueilli sur le site de la revue Eléments et consacré aux descendants du docteur Diafoirus, qui occupent le devant de la scène depuis le début de la crise sanitaire. Journaliste et essayiste, rédacteur en chef de la revue Éléments, François Bousquet a notamment publié Putain de saint Foucauld - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015), La droite buissonnière (Rocher, 2017) et Courage ! - Manuel de guérilla culturelle (La Nouvelle Librairie, 2019).

     

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    Biopolitique du coronavirus (6). Docteur Molière et Mister Diafoirus

    – Quoi de neuf ?
    « Molièrrre », répondait inlassablement Sacha Guitry, de sa voix de velours. Molière toujours recommencé. On aurait pu croire notre gloire nationale dépassée par les progrès de la science, renvoyée dans d’obscurs âges médicaux quand la secte des médicastres formait une redoutable bande de fossoyeurs – en plus chers et plus verbeux. Il n’en est rien. La médecine coronavirale sous tutelle publique confine toujours comme au bon vieux temps de la peste, elle interdit toujours de voir la dépouille des défunts comme au temps du choléra et elle dépêche aux cas désespérés Michel Cymes, la coqueluche des Ehpad, pour annoncer aux derniers résidents qu’ils ne survivront pas à ses blagues. Mais pas de panique, les vieux, y’aura des masques pour la prochaine épidémie !

    Le coup est rude pour Hippocrate. Il y a à peine trois mois, la médecine rêvait en grand, une nouvelle ère s’ouvrait, l’homme augmenté, les nanotechnologies, l’intelligence artificielle. Aux dernières nouvelles, seuls les respirateurs sont artificiels. La médecine, qui avait avantageusement remplacé les curés, du moins avait-elle fini par s’en convaincre, avait oublié l’essentiel : il faut quelqu’un pour administrer les derniers sacrements – en débranchant les malades. La voici donc de nouveau aussi désarmée, aussi hébétée, aussi impuissante, qu’au temps de Molière. Bien sûr, elle ne dit plus aux malheureux : « Souffrez, on s’occupe du reste ! », elle a ajouté une pincée de paracétamol. Prenez du Doliprane en somme, et on s’occupera du reste !

    Pharmafoirus en digne héritier

    On peine à déceler sous les traits des bureaucrates du ministère de la Santé et des barbons sortis de cet Ehpad qu’est l’Académie de médecine, tous choisis par Macron en personne, des avatars, même lointains, du docteur Diafoirus. C’est pourtant lui qui régente notre santé. Son champ de rayonnement s’est même considérablement élargi, si bien qu’il faudrait l’appeler Pharmafoirus. Comme son ancêtre, Pharmafoirus s’est fait une spécialité de soigner des maladies qui n’existent pas, selon la forte doctrine et parole du docteur Knock. Là où Diafoirus assommait de noms latins les dupes qu’il dénichait, il vous abreuve de molécules aux formules alambiquées. Là où son ancêtre multipliait les lavements purgatifs en vous enfonçant dans les fesses des seringues anatomiquement monstrueuses, grosses comme des pompes à vélo rustiques, lui vous vaccine des shoots fixés à l’alu. Là où il faisait des saignées à en crever, il intube jusqu’à l’asphyxie.

    La peste soit de Didier Raoult

    Pharmafoirus n’a pas de visage, rien que des masques successifs (quelle ironie à l’heure où il ne parvient pas en fabriquer en quantité suffisante). S’il y en a deux à épingler, bien grimaçants, farcis de morgue, dans le musée des horreurs médicales, c’est le couple infernal Agnès Buzyn-Yves Lévy. La survaccination précoce en France, c’est elle. Le lobbying vaccinal, c’est lui. La multiplication des conflits d’intérêt, c’est eux. La demande d’assouplissement des règles sur les conflits d’intérêt, c’est elle. Le Raoult bashing, c’est eux aussi, c’est eux d’abord – et Didier Raoult ne s’est pas privé de le rappeler, quand les « fondamentalistes de l’Inserm », alors dirigé par Yves Lévy, ont voulu mettre en coupe réglée les Instituts hospitalo-universitaires (IHU), dont le sien. Tout cela a été dit et redit.

    C’est la « génération Sida », pour parler comme l’infectiologue marseillais, la maladie des élites culturelles, pas des Gilets jaunes, comme on s’en doute, plus Téléthon que Sidaction, mais chut ! Pierre Bergé pouvait dauber autant que son argent le lui autorisait les priorités philanthropiques des ploucs, l’inverse n’est pas possible. Dont acte.

    Cette génération, ce n’est pas seulement Yves Lévy, c’est aussi Jean-François Delfraissy, à la tête du Conseil scientifique de l’Élysée et Françoise Barré-Sinoussi, à la tête du CARE (Comité analyse recherche et expertise) – encore un pseudopode inutile fraîchement créé par l’exécutif, qui vient redoubler les avis du Conseil scientifique (pour une affaire d’ego sûrement). Clemenceau recommandait de nommer des commissions pour enterrer les problèmes. Nous, on fait mieux : on crée des problèmes en multipliant les commissions.

    Génération Sida

    Au passage, quel linguiste charitable viendra couper le robinet d’eau tiède de ce vocabulaire psychologisant, compassionnel, anglicisé de surcroît, trempé dans les sucreries des niaiseries cucumanitaires. Quoi de plus saugrenu que le CARE ! L’État français n’est pas une ONG, que diable ! Et pourquoi lancer aussi prématurément (et triomphalement) une opération Résilience, alors qu’on vient à peine d’entrer dans la phase épidémique – et pas post-traumatique, que l’on sache. De quoi le Covid-19 serait-il résilient à ce stade, sinon de l’incurie et de l’incompétence de l’exécutif ? Tous ces kilotonnes de sollicitude recyclés par la novlangue des communicants finissent par ne plus rien dire à force de tout dire. Fatalité du macronisme né d’un coup de force médiatique, sa gestion de crise porte la marque de la communication dont il procède. Or, cette communication de crise a été conçue pour gérer les infidélités de Monsieur et la couleur des robes de Madame, pas pour affronter des pandémies. La gestion devient alors gesticulation.

    Revenons à cette génération dorée et tapis rouge, cliniquement parlant. Elle cherche un vaccin contre le Sida depuis bientôt 40 ans comme d’autres cherchaient l’or des Incas. La quête de cet Eldorado a englouti des milliards. À ce niveau de gabegie, la recherche ne se résume plus qu’à la recherche de financement pour financer le financement de la recherche de financement.

    Cocoricovid

    L’avenir dira si Raoult et ses équipes se sont trompés. Il suffira de comparer les niveaux de pénétration épidémique à Marseille et dans le reste de la France. Les déclarations du professeur auront en tout cas permis de donner un fantastique coup de pied dans la termitière médicale, et accessoirement de mettre le dépistage à l’ordre du jour en France. On s’étonne d’ailleurs que ce dépistage, dont la quasi-obligation est placardée dans tous les cabinets médicaux de France, ait pu faire l’objet d’un tel tir de barrage. Raoult ? Allez savoir !

    Curieux pays. On tient enfin une pointure internationale, il faut qu’on lui savonne la planche. Les Marseillais, enorgueillis et retrouvant les accents tarasconnais de Tartarin, croient rejouer gagnant le Classico, mais le vrai match, c’est celui qui oppose les élites, certes parisiennes, et le peuple. Ce dernier se tient prêt à lancer des Cococorico, Cocoricovid, en faisant une belle quenelle au Système. Raoult est son champion, n’a-t-il pas eu droit à un tweet décoiffant de Trump, le plus grand performer artistique du moment, qui soit dit en passant ressemble de plus en plus à Michou.

    Les fans de Raoult l’ont comparé au druide Panoramix. C’est flatteur. La vérité, c’est qu’on ne sait pas si Raoult est Panoramix ou Amnésix, le druide chargé de guérir Panoramix dans Le Combat des chefs, après qu’un lancer supersonique de menhir, œuvre de cette godiche d’Obélix, l’eut heurté (Amnésix aussi du reste) : génial tout court ou génial mais fou ? Pasteur ou Pastis ? Ou les deux peut-être.

    À son actif, il soigne les maladies sans traitement connu comme on devrait les traiter : empiriquement, à tâtons, en bricolant, en se trompant, comme les pionniers, comme les aventuriers.

    – Ouh là là, objectent ses détracteurs ! Vous n’y pensez pas ! Et la méthodologie ? Et le protocole thérapeutique ? Et le code de la route ?

    Oh les gars, il ne part pas en vacances, le Raoult, il conduit une ambulance à 180 km/heure dans un système hospitalier embouteillé par les malades.

    – Pfuit, populiste va !

    C’est ce qu’un chef de service, la cruche du jour, lui a reproché (du « populisme médical »). Il a été entendu. Pharmafoirus a donc décidé – très officiellement, très hippocratiquement et très méthodiquement – de tester l’hydroxychloroquine sur des souris pendant six mois, puis sur des lapins blancs en période de reproduction, puis sur Agnès Buzin, avant de délibérer aux voix entre le comité Théodule, j’ai nommé le Conseil scientifique, et le comité Théophraste, j’ai nommé le CARE et l’ego de Madame Barré-Sinoussi. Et quand il y aura 100 000 morts, on administrera enfin la chloroquine, mais aux survivants. La belle affaire !

    L’anti-discours de la méthode

    Franchement, la méthode, on s’en fout, comme du protocole. Il n’y a pas de méthode qui tienne ici. Feu le professeur Lucien Israël, un sacré bonhomme et une sacrée pointure, disait des protocoles thérapeutiques que c’était le sommet de la médiocrité médicale. Raoult ne dit pas autre chose, la truculence en plus. Le « paradigme du parachute » et la « méthode de Tom » racontés par lui, c’est du Jean Yanne. Ils devraient être enseignés dans tous les amphis de médecine. Leur irréfutabilité jetterait Karl Popper dans la perplexité.

    La vérité, c’est que la plupart des grandes choses qui ont changé le cour de l’histoire ont été faites sans protocole. Mieux et plus encore : elles n’ont été rendues possible que parce qu’il s’est trouvé quelqu’un qui a jeté par la fenêtre ce putain de protocole. Comment comprendre autrement « la lettre tue, l’Esprit vivifie », règle de vie ? Le protocole, c’est fait pour les cons, pour les docteurs de la loi, pour les pharisiens, pour Adolf Eichmann. Eichmann suivait le protocole à la lettre. Amen !

    Quand on sait d’ailleurs comment fonctionnent les comités de lecture « indépendant »… Les joyeux lurons qui ont publié le canular sur la culture du viol dans les jardins publics chez les chiens sont intarissables sur le niveau intellectuel de ces revues savantes. Mention spéciale dans leur papier aux discriminations contre la gent canine queer, même pas relevé par les membres du jury. À ce niveau d’« hénaurmité », la méthodologie rappelle furieusement la scolastique et la syllogistique brocardées par Rabelais. Alfred Jarry et le Docteur Faustroll ne sont pas loin. Il y a toute une littérature savante consacrée au sujet depuis l’étude pionnière de John Ioannidis, « Pourquoi la plupart des résultats de recherche publiés sont faux » (Stanford University, 2005). Les « Monsanto papers » ont révélé combien la FDA, la Food and Drug Administration, la principale agence américaine, était gangrenée jusqu’à l’os.

    Lisez l’excellent blog « Anthropo-logiques » de Jean-Dominique Michel, anthropologue médical suisse, parfait connaisseur des arcanes du monde médical. Lui parle de « corruption systémique », c’est-à-dire que la corruption est endogène au système de santé, elle en est même la signature génétique. Médecins, industriels, agences publiques, la relation est devenue incestueuse, au point d’accoucher elle aussi de monstruosités : les scandales sanitaires (Mediator, Dépakine, Vioxx, crise des opioïdes, etc.) Crime organisé, a pu dire le chercheur Peter Gøtzsche, cofondateur de la plus grande veille mondiale sur Big Pharma. Alors, après le crime en col blanc, le crime en blouse blanche ?

    La faillite d’un système

    C’est tout un système qui a fait faillite, privé et public dans le plus parfait mélange des genres – les labos, le ministère de la Santé, les agences sanitaires gouvernementales, les mandarins de la Faculté de médecine. Ah, ces mandarins ! Ouvrez Les Morticoles (1894) de Léon Daudet. C’est Molière à 250 ans de distance, une fable outrancière, swiftienne, contre les toquades médicales, très proche, la comparaison surprendra, de la Némésis médicale (1975) d’Ivan Illich.

    Et encore ni Léon Daudet ni Molière ne connaissaient le médecin fonctionnaire, le rond-de-cuir de la santé, le technocrate médical qui gèrent le coronavirus avec des tableaux Excel en télétravail. Le directeur de l’Agence régionale de Santé du Grand Est (évidemment nommé par l’État, à la tête d’une région sans autre existence qu’administrative) faisait les deux. Christophe Lannelongue de son nom. Il faut encadrer ce patronyme et le signaler à l’attention de la postérité. Auto-confiné à Paris, ce haut fonctionnaire pilotait depuis sa cuisine, chocolat chaud à la main, la réponse de l’État à l’offensive du Covid dans le Haut-Rhin, tout en déclarant, début avril, toujours depuis sa cuisine parisienne, à des journalistes de L’Est républicain interloqués, qu’il était hors de question, pandémie ou pas, d’interrompre la suppression de postes et de lits au CHRU de Nancy, alors qu’on en cherchait désespérément ! Macron l’a limogé, quand bien même il ne faisait qu’appliquer scrupuleusement la feuille de route présidentielle.

    De Max Weber à Michel Crozier, une sociologie plutôt conservatrice a montré comment dans les univers impersonnels et déshumanisés se développait parfois une « personnalité bureaucratique », généralement étriquée, vouée à élargir sans arrêt son périmètre de pouvoir. Le lebensraum du fonctionnaire et de son coup de tampon ! C’est fou ce que le pouvoir de donner un coup de tampon confère de pouvoir à celui qui tient le tampon. La délivrance des homologations pour fabriquer des masques ou faire des tests nous en a fourni un aperçu. Combien de laboratoires ont-ils couru après une autorisation administrative qui n’est peut-être toujours pas arrivée ?

    Mais ce n’est rien à côté de l’administration centrale. Du haut du ministère de la Santé, forte de son jacobinisme criminel, elle a fusionné les organismes comme on a fusionné les régions et les communes, avec une règle de calcul, des préjugés technocratiques et une méconnaissance totale des réalités du terrain. En est sortie une super-usine à gaz (les seules qu’on fabrique encore en France). Voici en deux mots l’histoire de l’Agence nationale de santé publique, créée en 2016, sur la base d’un rapport lui-même issu de rapports eux-mêmes issus de rapports qui ressemblent à tous les autres rapports qu’on peut lire dans d’autres rapports, les uns et les autres baptisés, par ironie on suppose, rapports d’activités, alors que l’activité principale se résume à rédiger des rapports. Inévitablement, cette Agence nationale qui a tout refondu a englouti l’organisme qui gérait les stocks stratégiques de médicaments et matériel. Zou, à la trappe.

    En rupture de stock

    On fera valoir que cette notion de stock est désormais une hérésie comptable appartenant à l’ancien temps. À l’heure de la mondialisation et des flux tendus, le meilleur des stocks, c’est l’absence de stocks, fussent-ils stratégiques. Si du reste il n’y a plus de stocks stratégiques, on en induit, comme on nous a appris à le faire à l’école, qu’il n’y a plus de stratégie du tout.

    Tout cela n’a d’ailleurs pas empêché l’État de préempter les stocks d’hydroxychloroquine – subitement les réserves stratégiques reprenaient tout leur sens –  pour les formes sévères de Covid alors qu’il apparaît que la molécule est inefficace quand elle est prise en phase de détresse respiratoire. Pour une fois, miracle, nulle pénurie à l’horizon. Aïe ! On a donc décidé d’en créer une, sur-le-champ, en asséchant les stocks de la molécule (et pendant ce temps-là, le groupe « français » Sanofi, fabricant de ladite molécule, a choisi de la distribuer gratuitement un peu partout dans le monde, 100 millions de doses quand même). En rupture de stock, ce pourrait être le titre de la tragi-comédie nationale qui tient l’affiche depuis deux mois. En rupture de masques, en rupture de tests, en rupture de soignants, en rupture de lits, en rupture d’imagination, en rupture de chefs. Régis Debray nous a récemment rappelé un des derniers mots de Malraux à qui on demandait peu de temps avant sa mort ce qui caractérisait notre âge : « L’absence de décision », répondit-il laconiquement, pour une fois. Que dirait-il aujourd’hui ? Des comités, des commissions, des instances consultatives à n’en plus finir. Toujours repousser la prise de décision, toujours les atermoiements. Personne ne veut choisir, on préfère en déléguer le soin à la « méthode ». La méthode, c’est indifféremment les protocoles, les procédures, les normes, les lois, les règles. Pour le reste, la procrastination préside à l’absence de décision. Ici aussi, le décisionnisme schmittien – on le redit, l’essence du politique, ce qui fonde sa souveraineté – a été battu en brèche par le normativisme, car il y a un normativisme médical, pas seulement juridique. Cette faillite de la décision est générale, elle affecte autant le savant que le politique, pour parler comme Max Weber, chacun dans son registre respectif. Plus encore peut-être en France où, tradition jacobine et saint-simonienne oblige, l’administration des choses depuis Paris s’est substituée au gouvernement des hommes depuis chez eux. Ce qui veut dire, en bon français, qu’on est vraiment dans la merde…

    François Bousquet (Éléments, 24 avril 2020)

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  • On ne voit qu'une solution, c'est la dissolution !...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique mordante et réjouissante de la France de Campagnol, par Christian Combaz, consacrée à la crise du coronavirus et à la manière dont elle est ressentie par les Français d'en-bas. A déguster !

    Romancier et journaliste, Christian Combaz est notamment l'auteur de Gens de Campagnol (Flammarion, 2012), de Portrait de Marianne avec un poignard dans le dos (Le retour aux sources, 2018) et de La France de Campagnol (La Nouvelle Librairie, 2020).

     

                                        

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