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  • La bureaucratisation du monde...

    Les éditions La Découverte viennent de publier La bureaucratisation du monde à l'ère néolibérale, un essai de Béatrice Hibou. Directeur de recherches au CNRS, Béatrice Hibou est déjà l'auteur d'un autre  essai intitulé Anatomie politique de la domination.

     

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    "Nos sociétés modernes sont victimes d'un envahissement croissant de la vie professionnelle et quotidienne par la bureaucratie. Comment qualifier autrement l'exigence toujours croissante de papiers, fussent-ils numériques ? Et que dire de la confrontation incessante avec des procédures formelles pour avoir accès au crédit ou à un réseau informatique, pour louer un logement, noter des banques ou bénéficier de la justice ? Ou encore du besoin de respecter des normes pour que les comptes d'une entreprise soient certifiés ou qu'un légume soit qualifié de biologique ? Au point de rencontre entre Max Weber et Michel Foucault, Béatrice Hibou analyse les dynamiques politiques sous-jacentes à ce processus. La bureaucratie néolibérale ne doit pas être comprise comme un appareil hiérarchisé propre à l'Etat, mais comme un ensemble de normes, de règles, de procédures et de formalités (issues du monde de l'entreprise) qui englobent l'ensemble de la société. Elle est un vecteur de discipline et de contrôle, et plus encore de production de l'indifférence sociale et politique. En procédant par le truchement des individus, la bureaucratisation ne vient pas "d'en haut", elle est un processus beaucoup plus large de "participation bureaucratique". Pourtant, des brèches existent, qui en font un enjeu majeur des luttes politiques à venir."

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  • Comment la finance contrôle le débat économique...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Bertrand Rothé, professeur d'économie, cueilli sur son blog intitulé Il n'y a pas d'alternative, dans lequel il constate que l'information du public est faite, pour l'essentiel, par des experts "autorisés", qui diffuse la bonne parole, celle des marchés...

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    Comment la finance contrôle le débat économique

    La crise fait rage, mais le débat n’avance pas. La seule solution qui émerge, se serrer la ceinture pour payer les banques. Mais n’est ce pas la définition même de la crise : « quand le vieux se meurt et que le jeune hésite à naître » ? Sauf que cette fois la formule d’Antonio Gramsci ne fonctionne pas : les économistes hétérodoxes, les Lordon, Sapir, Gréau… ont des solutions. Le vrai problème : ils ne sont pas entendus. Est-ce surprenant ? La finance contrôle le débat économique.


    Y'en a que pour les banquiers

    Qui nous a informé sur la crise cet été ? Essentiellement des banquiers. En août, dix articles du Monde traitent du fond du problème dans les pages débat. Sur ces 10 articles, 16 citations proviennent d’individus liés aux institutions financières, et 6 d'individus non liés directement à la finance. 76,6 % de citations pour les financiers, c'est beaucoup pour les responsables de la crise. Le Monde n’est pas le seul. Le 11 Août, le Nouvel Obs titre sur : « Les incendiaires. Comment ils nous plongé dans la crise ». Là encore les banquiers ne sont pas les incendiaires, mais les experts ! Anton Brender, autrefois réputé de gauche, directeur des études économiques de Dexia Asset Management – vu les performances de son entreprise on s’attendrait à davantage d’humilité – dispose de deux pages pour clamer que : « Ce ne sont pas les marchés qui sont en cause mais l’impuissance politique ». Géniale novlangue : les marchés remplacent les banques, car ce sont elles qui spéculent contre l’euro. Mais comment un économiste pourrait-il cracher dans la main qui le nourrit ?

    Pourquoi les journalistes sont-ils si prompts à gober pareilles mystifications ? Leur réponse est invariable : « On n’a pas le temps ». Et c’est le génie des banques de l’avoir compris, comme l’explique une journaliste de l’Expansion : « Les banquiers savent répondre vite, ils sont payés pour ça. Ce qui n’est pas le cas des universitaires qui réfléchissent, et dont les nuances sont difficiles à retranscrire ». Et c’est vrai, la pression est importante. Au Monde, une journaliste économique a signé 29 articles au mois d’août, soit plus d’un par jour travaillé, une autre en a signé 18, et ce n’est pas le journal le plus mal doté.

    Jacques Sapir pense différemment. Il distingue les journaux grand public, chargés de faire la pédagogie du libéralisme, et les médias économiques pour lesquels l’information a une vraie valeur marchande et qui, paradoxalement, sont plus ouverts : en pleine crise, les Echos ont ainsi édité un supplément très intéressant sur le « bon » capitalisme. Comme le signale le journaliste François Ruffin (Fakir), le Monde, qui pose une - bonne - question : « L'inflation peut-elle résorber les dettes publiques ? », réussit à publier … six  experts qui condamnent l’inflation, sans même un autre son de cloche. La Pravda n’aurait pas osé.

    De plus les banques ont compris que la presse est le média de référence. Les télévisions et les radios viennent y puiser leur inspiration. Ainsi la télé permet aux banques de faire entendre leurs voix bien plus loin que le simple cercle des lecteurs. Une pierre, deux coups.
     

    Un enseignant peut cacher un supplétif du système financier

    Le système peut être un peu plus complexe. Le 12 août, en pleine déroute financière, l’Autorité des Marchés Financiers interdit la vente à découvert pendant 15 jours, pour vérifier si la décision réduit la volatilité des marchés. A mi-parcours le Monde enquête. Verdict publié le 20 août : « La suspension des « ventes à découvert » ne permet par d’éviter de lourdes chutes en Bourse ».  Cette fois-ci, c’est du sérieux, seul un banquier juge que l’ « on ne peut pas arrêter tous les bandits ». Chapeau ! La journaliste a interrogé deux professeurs de l’Edhec, une des plus célèbres écoles de gestion françaises. Interdire les ventes à découvert est « au mieux démagogique, au pire dangereux ». La messe est dite. Sauf que l’on découvre, moyennant deux clics sur Google, que le laboratoire de ces deux spécialistes est financé par la banque Rothschild. Et là, de clics en clics, on apprend que le même labo vend de la formation aux professionnels… 2 000 euros pour deux jours et par participant, logement non compris. Excusez du peu. Si vous avez dix élèves… A ce prix-là, mieux vaut éviter de se fâcher avec ses clients. Les ventes à découvert sont très rémunératrices pour les institutions financières. On reste sur la toile et l’on découvre que l’un des experts est aussi le patron de l’Edhec, Noël Armenc pour lequel « le débat entre marché et science n'a pas lieu d'être dans une grande école de commerce ! ». Circulez, pas de débat. Dommage.
     

    « Aucun n’est directement corrompu mais la plupart sont payés par les banques… »

    Reste la télévision et la radio... Là pas d’experts inconnus, pas de seconds couteaux, seules les stars sont invitées, comme Elie Cohen que les chaînes se disputent, lui qui, en juin, nous expliquait que la crise était derrière nous.

    En dehors de ce genre de fantaisiste, pour avoir accès à ces médias les banques prennent comme consultants des professeurs d’école prestigieuses : Ulm, Sciences Po Paris, Dauphine et Polytechnique. Difficile de résister. Même les plus grands ont accepté cette compromission. Michel Aglietta, par exemple, conseille Groupama Asset Management. Lequel précise à la fin de ses livres qu’il est rémunéré par cette institution. Tout le monde ne le fait pas. Daniel Cohen par exemple signale très rarement qu’il travaille pour la banque Lazard. Il préfère rappeler qu’il forme les futurs Jean Paul Sartre de la rue d’Ulm, réservant son engagement chez Lazard aux lecteurs de Challenges.
     

    Pourquoi se cacher quand on est entre amis ?

    Pour l’ordinaire, les institutions financières embauchent des seconds rôles. Anton Brender s’est retrouvé directeur des études économiques de Dexia, Jean Paul Betbéze sévit au Crédit Lyonnais puis au Crédit Agricole. En choisissant de passer du côté obscur de la force, nos hommes sont moins demandés pour les grands médias, mais ils vont pouvoir porter la bonne parole parmi les importants. Jean-Luc Gréau, qui a œuvré pour le Medef, rappelle que le débat économique sert aussi à prendre des décisions politiques. Et là aussi les banquiers ont souhaité être présents. Sur les trois économistes qui siègent au prestigieux Siècle, deux, Christian de Boissieu et Daniel Cohen, sont liés à des banques et siègent au Conseil d’Analyse Economique.

    Ce Conseil d’Analyse Economique, créé par Lionel Jospin, est aussi une citadelle imprenable de la planète finance. L’enjeu est de taille. Le CAE conseille le premier ministre. La finance monopolise cet accès à l’oreille du gouvernement. Sur les 28 membres, 19 sont directement ou indirectement liés à la finance. La Société Générale, le Crédit Agricole, HSBC et Natixis sont ainsi représentés directement par leurs subordonnés. On découvre à la lecture des CV des membres que l’on peut être professeur à Dauphine et Conseiller du Directoire de La Compagnie financière Rothschild comme Jean-Hervé Lorenzi. Les jeunes ne sont pas en reste. Augustin Landier enseigne à la Toulouse School of Economics, mais a aussi créé un hedge fund. A Claire Derville qui lui demandait si on avait raison de penser que les fonds spéculatifs avait fomenté cette crise, il rétorque : « Non... Au contraire, en corrigeant les excès des marchés, ils contribuent à les assainir. Mais c’est vrai qu’en étant obligé de liquider leurs positions…, ils ont amplifié la spirale baissière. Ce sont les victimes collatérales de la crise du crédit ». Il fallait oser présenter les fonds spéculatifs comme des victimes de la crise... Le président du Conseil a aussi ses pudeurs, et on le comprend, notre homme est gourmant, il ne mange pas à un seul râtelier. Le CV de Christian de Boissieu qui affiche ses titres universitaires, ferait rougir de jalousie n’importe quel colonel de retour d’Afghanistan : économiste de l’année, lauréat à deux reprises, puis des titres en anglais non traduits, total respect… Mais notre président oublie de préciser qu’il conseille aussi un hedge fund, excusez du peu, le Crédit Agricole, qu’il siège au conseil de surveillance d’une banque privée, une paille, et la liste est encore plus longue.

    Quand on interroge les membres de cette institution sur les dérives que peut générer ce quasi monopole de la finance dans le CAE, la réponse fuse: « On est libre, Patrick Arthus propose par exemple d’augmenter les salaires depuis longtemps ». L’institution accepte un ou deux trublions à condition qu’ils ne mettent rien en cause d’essentiel. Au CAE et au Cercle des économistes, c’est la fonction de Patrick Arthus. L’homme est sans danger. Il a de nombreux fils à la patte. Le directeur des études de la banque Natixis - aussi conseiller d’administration de Total, généreusement payé 55 000 euros par an pour sept réunions - ne se précipitera pas pour inviter à la révolution, ni pour augmenter la fiscalité du CAC 40. Il s’est aussi vanté de conseiller les dirigeants chinois dans des cercles privés.
     

    « A la soupe »

    Les banques sont les premiers employeurs d’économistes. Les débouchés pour les économistes sont très réduits. Traditionnellement, l’enseignement arrivait en tête et il existe quelques postes dans la fonction publique. Aujourd’hui les banques ont énormément augmenté leurs effectifs : dans les salles de marché, les risques pays, les services marketing… Il est fréquent de passer du public au privé. Les conditions de travail sont meilleures, les salaires aussi, entre 4000 euros par mois pour un économiste confirmé et 15 000 euros pour une star, bien plus qu’un agrégé d’économie en fin de carrière. Et voilà nos économistes dans le toboggan.

    Evidemment quand ils passent au privé, ils se jurent bien de ne pas changer. Sauf que Philippe Labarde, dans sa longue et belle carrière qui l’a mené du service économique du Monde à France Inter se souvient d’évolutions : « Quand celui–là travaillait dans un organisme public, il n’avait pas le même discours que depuis qu’il dirige le service d’une grande banque ». Evidemment personne n’a envie de revenir en arrière. Le paradoxe de cette histoire c’est que les économistes ont inventé un terme pour expliquer cette « laisse » qui n’annonce pas son nom. C’est à Joseph Stiglitz que l’on doit « le salaire d’efficience ». Sa description est relativement simple : comment s’assurer de la fidélité de ses salariés ? Il suffit de les payer un peu au-dessus du marché, et par peur de perdre ce petit avantage, ils fourniront un maximum d’efforts et se comporteront en chiens fidèles.

    Comme d’habitude c’est ceinture et bretelles, il est évidemment interdit de dire du mal de son employeur, voir des clients de son employeur, Etats ou autres. Le chemin est étroit. Antoine Brunet, un ancien de chez HBC, nous affirme avoir signé une clause qui lui interdisait de publier des livres sans l’autorisation de sa hiérarchie. Il existe des cas de licenciements. Un économiste que nous avons rencontré nous a expliqué sa situation : sa banque s’est séparé de lui pour avoir dit du mal de la Chine. Comme il a négocié son départ, il refuse que l’on cite son nom.


    Je tiens à remercier Antoine Brunet ancien économiste d’HSBC, Google, Philippe Labarde, ancien membre du CSA, Frédéric Lordon du CNRS, François Ruffin de Fakir, Jacques Sapir de l’EHESS, Jean Luc Gréau, et ceux qui ont accepté de me parler à condition que je ne les cite pas pour « continuer à être invité dans les colloques » voire d’intégrer un jour une banque. Sans eux, je n’aurais pas pu écrire cet article.
     


    Bertrand Rothé (Il n'y a pas d'alternative, 16 novembre 2011)


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  • La fabrique de l'homme endetté...

    Nous vous signalons la parution aux éditions Amsterdam de La fabrique de l'homme endetté - Essai sur la condition néolibérale de Maurizzio Lazzarato. Sociologue et philosophe, Maurizzio Lazzarato est déjà l'auteur d'un essai intitulé Les révolutions du capitalisme (Les empêcheurs de penser en rond, 2004).

     

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    "La dette, tant privée que publique, semble aujourd'hui une préoccupation majeure des "responsables" économiques et politiques. Dans La Fabrique de l'homme endetté, Maurizio Lazzarato montre cependant que, loin d'être une menace pour l'économie capitaliste, elle se situe au coeur même du projet néolibéral. A travers la lecture d'un texte méconnu de Marx, mais aussi à travers la relecture d'écrits de Nietzsche, Deleuze, Guattari ou encore Foucault, l'auteur démontre que la dette est avant tout une construction politique, et que la relation créancier/débiteur est le rapport social fondamental de nos sociétés. La dette ne saurait se réduire à un dispositif économique ; c'est également une technique sécuritaire de gouvernement et de contrôle des subjectivités individuelles et collectives, visant à réduire l'incertitude du temps et des comportements des gouvernés. Nous devenons toujours davantage les débiteurs de l'Etat, des assurances privées et, plus généralement, des entreprises, et nous sommes incités et contraints, pour honorer nos engagements, à devenir les "entrepreneurs" de nos vies, de notre "capital humain" ; c'est ainsi tout notre horizon matériel, mental et affectif qui se trouve reconfiguré et bouleversé. Comment sortir de cette situation impossible ? Comment échapper à la condition néolibérale de l'homme endetté ? Si l'on suit Maurizio Lazzarato dans ses analyses, force est de reconnaître qu'il n'y pas d'issue simplement technique, économique ou financière. Il nous faut remettre radicalement en question le rapport social fondamental qui structure le capitalisme : le système de la dette."

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  • Tour d'horizon... (9)

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    Au sommaire :

    - sur Polémia, Andrea Massari analyse la normalisation en cours dans les médias...

    Présidentielle 2012 : après Zemmour, Ménard, vers la surnormalisation des médias

     

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    - sur Causeur, Jérôme Leroy nous rappelle que l'école mériterait de figurer au menu de la présidentielle.

    L'Ecole est finie

     

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  • Fessée et contrôle totalitaire...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Claude Bourrinet, publié sur Voxnr, consacré à la campagne télévisée de la Fondation pour l'enfance qui milite en faveur de l'interdiction de l'utilisation des claques et des fessées dans l'éducation des enfants.

    Pendant des semaines, l'"empire du Bien" va marteler son message : "La violence engendre la violence". Comme le souligne Natacha Polony, dans un excellent article publié sur son blog, Eloge de la transmission :

    "Le plus grave réside évidemment dans la manipulation intellectuelle dont relève ce message. Grave, parce qu’il s’agit de focaliser l’attention sur des gestes, gifles et fessées, qui sont courants, pour faire croire que les parents qui en usent sont des monstres, au même titre que ceux qui attachent leur enfant à un radiateur ou lui assènent des coups de ceinture. Le meilleur moyen, bien sûr, de laisser ceux-là agir en toute impunité.[...] Les milliers d’enfants qui verront ce petit film (car le premier renoncement au bon sens se manifeste face à cette télévision qu’on laisse allumée devant eux) comprendront parfaitement le message : sanction et brutalité aveugle sont de même nature, et le parent qui voudrait leur imposer quoi que ce soit, éventuellement par la force, est un bourreau. Détruire ainsi l’image d’un parent aux yeux de son enfant est une grave responsabilité. Car on ne sait jamais quels modèles de substitutions celui-ci se choisira."

     

     

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    Fessée et contrôle totalitaire

    Une campagne télévisuelle destinée à dénoncer les réprimandes corporelles perpétrées par les parents contre leur progéniture va sévir à une heure de grande écoute publicitaire. On voit à l’occasion une charmante maman péter les plombs et gifler sa mignonne fillette braillant comme un porcelet qu’on égorge, sous l’œil chagriné et désapprobateur de la grand-mère, qui va finalement compatir à la détresse de l’exécutrice des basses œuvres. Parce que pour l’idéologie dominante, héritière d’un Socrate parfois mal inspiré, il n’existe pas de véritable méchanceté, il n’y a que des personnes qui se trompent. Le mélodrame est tout trouvé : la victime n’est pas tant l’être qui éprouve la violence que celui qui l’engendre, car l’erreur rend malheureux, et, dans notre société où les excès sont traduits en termes cliniques, tout égarement est signe de maladie. Le scénario est donc conçu pour ne diaboliser personne, la scélératesse relevant d’un imaginaire quasi fantasmatique, presque hors du monde, innommable, livrée au monde légendaire des Hitler et des Staline, lesquels règnent en enfer aux côtés de Belzébuth. Mais nous sommes, en ce glorieux 21e siècle, qui voit le triomphe du dernier homme, entre gens biens, normalement voués à prendre leur pied dans les parcs d’attraction, à communier dans les supermarchés, et à n’imaginer de fessée qu’entre adultes consentants.

    Si l’on voulait pousser le vice jusqu’au petit bout, il nous faudrait invoquer notre Jean-Jacques Rousseau, qui, crypto-calviniste, comme certains contempteurs de la fessée, n’était pas avare de contradictions, notamment entre une conception irénique, idéaliste, béatifiante, de l’homme, vu comme un bon sauvage égaré dans la civilisation mauvaise et corruptrice, et les faits, rien que les faits. Par exemple, que l’homme est naturellement violent, ce qu’aucun psychologue, aucun psychiatre ne niera, et que même cette violence, à condition qu’elle soit canalisée et obéisse à des finalités de sociabilité, peut s’avérer utile. Au fond, on voit des animaux supérieurs utiliser la patte, la griffe ou le croc pour corriger, éduquer les petits, et l’être humain user de ce moyen depuis l’aube des temps, sans qu’on y ait trouvé à redire.

    Au moins, si nos puritains, qui veulent rendre l’homme, ce pécheur involontaire, parfait, propre et reluisant comme un article des droits de l’homme, avaient argué des conséquences perverses d’une correction appliquée au bon endroit. Ne voyons-nous pas notre Rousseau jouir à dix ans des mains sévères de Mademoiselle Lambercier, et avouer qu’il ne peut prendre de plaisir sexuel que de cette façon-là ? On est bien fesse-mathieu ! Voilà pourtant qui pourrait accroître le marché du sexe, lequel se porte bien dans l’univers des tartuffes libidineux qui s’occupent de nos fesses. Ce sont ces gens qui considèrent que la condition de travailleuse sexuelle est légitime, et doit même contribuer aux ressources de la sécurité sociale, tout en s’inquiétant, sur le ton indigné qu’on connaît bien, de l’intégrité de femmes abandonnées au dangereux environnement machiste. Ce sont ces eux aussi qui désirent préserver l’innocence des enfants, si tant est qu’une telle singularité existe, et qui les livrent aux jeux vidéo ultraviolents, à une télévision débilitante, à une accumulation sans bornes d’images pornographiques, invoquant dans la rhétorique jésuitique qui est la leur, la liberté du consommateur, celle du marché, et la réalité de temps permissifs.

    Ce qui ne les empêche pas de s’immiscer de façon intolérable dans l’univers privé de la famille. Déjà, dans certains pays scandinaves, les enfants ont le droit de dénoncer leurs parents et de leur intenter des procès. Par la même occasion, l’Etat obtient le droit de juger de l’éducation que donnent les adultes. D’aucuns, il y a quelques années, auraient même voulu traîner devant les tribunaux ceux dont les enfants auraient proféré des propos jugés racistes. Le délit de mauvaise éducation ne va pas tarder à être instauré. On croyait ces abus propres aux sociétés totalitaires, pourtant si dénoncés dans nos régimes « démocratiques ».

    En fait, si l’on écarte les cas notoires (il n’y a qu’à ouvrir les yeux et les oreilles) des dérangés du bocal, qui semblent prospérer parmi notre élite travaillée par les tensions contradictoires de la répression et de la permission, du contrôle universel et de l’anarchie marchande, et si l’on met aussi de côté les lubies pudibondes, nombreuses chez les scandinaves et les anglo-saxons, les travaillés du droit-à, et les fanatiques d’une société écologiquement purifiée, dont certains, comme on le sait, boivent abondamment de l’alcool fort, sans doute pour se fouetter le sang, ou s’hallucinent avec certaines substances, pour se donner des airs de Big Brother planant, on mettra en parallèle cette entreprise ubuesque avec d’autres qui visent à dénoncer les mâles (souvent de type européens) qui violentent les femmes, les Occidentaux (souvent blancs) qui maltraitent les sans papiers ou les enfants du tiers-monde, ou encore les personnes d’une autre race, les chasseurs, qui massacrent vilainement les animaux et, de toute façon, ont le tort d’être des beaufs, les curés, qui sont tous des pédophiles, les profs, qui se lèvent le matin en tirant au sort les élèves qu’ils tortureront dans la journée, les flics, qui sont d’affreux gestapistes … bref, qui s’en prennent à tout ce qui, de près ou de loin, paraît tenir lieu d’autorité ou de modèle susceptible de lier le présent au passé, et d’asseoir, si tant est que ce soit encore possible, la société européenne sur une base quelque peu solide.

    Le symbole vaut ce qu’il peut. Mais quand les parents ne pourront plus donner de gifle à leurs enfant, le marché aura le loisir absolu de leur foute un bon coup de poing dans la gueule.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 28 avril 2011)

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  • RFID, la police totale...

    Vous pouvez visionner ci-dessous un passionnant petit film consacré à la technologie des puces RFID et à son rôle dans le dispositif de surveillance globale qui se met en place insidieusement...

     

    RFID LA POLICE TOTALE from SUBTERFUGE on Vimeo.

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