Antifa, FEMEN, LGBT and co : poisons pour la démocratie ?
La période actuelle est fort peu agréable. On pourrait même dire qu'elle pue très franchement. Avec le mariage pour tous et les affrontements idéologiques qui l'ont entouré, les associations de lutte contre l'homophobie ne cessent de monter au créneau pour dénoncer aujourd'hui la "libération" du discours homophobe sous toutes ses formes. Avec la mort de Clément Méric, les associations antifascistes dénoncent le retour du fascisme et de la bête immonde. Bref, ces associations de lutte contre les -phobes et les -istes de tous poils font ce qu'elles ont toujours fait, à savoir entretenir un fond de commerce communautaire, mais avec en plus le sentiment d'urgence que confère l'actualité des dernières semaines. Clément Méric est mort dans une bagarre de rue entre skinheads et militants antifas que l'on peut qualifier de skins rouges, ce qui n'est pas leur faire beaucoup plus d'honneur qu'aux amateurs de bras levés. Lacets blancs, lacets rouges, blanc bonnet et bonnet blanc. Les antifascistes qui dénoncent la violence à laquelle ils sont confrontés oublient de mentionner leurs propres exploits : attaque d’une librairie catholique à Nantes, dégradation de biens publics lors de la manifestation nationale et, chose encore plus surprenante, interruption d’une conférence de Michel Collon à Lille organisée par le Mouvement des Jeunes Communistes du Nord ! On cherche encore où est la lutte contre l’infamie néo-nazie dans ces événements. En revanche, on comprend très bien que le système fait preuve d’une tolérance bienveillante, pour ne pas dire d’un laxisme coupable, à l’égard de ces représentants du Bien; lesquels pourront sûrement “servir” en d’autres occasions.
Le discours politique ne cesse par ailleurs d'ajouter à la dramatisation constante du propos chez nos amis associatifs. Ceux-ci voyaient dans la manif pour tous le retour des 666 légions de l'enfer fasciste sorties du ventre (toujours fécond) de la bête immonde pour détruire les homosexuels (toujours discriminés), la démocratie (toujours menacée) et la gay pride (toujours festive) ? Qu'à cela ne tienne, un parlementaire socialiste en rajoutait une couche en évoquant avec beaucoup de finesse le triangle rose des victimes de la déportation et le souvenir des exactions nazies pour qualifier le mouvement de contestation à l'ouverture du mariage civil aux couples homosexuels. Il s'en fallait de peu qu'il traite manifestants et organisateurs d'ordures nazies, un pas que Pierre Bergé, la pasionaria bling bling du mariage pour tous, n'hésita pas à franchir en arrivant à la conclusion, par un miracle réthorique qui assurera pour longtemps sa postérité, que les opposants au mariage gay ne pouvaient être que de répugnants antisémites. CQFD. De la même manière, les associations anti-homophobie se sont émues récemment de l'interdiction de l'affiche de L'inconnu du lac, y voyant la preuve supplémentaire que les gays en France subissent le même sort que le peuple d'Israël en Egypte, (histoire de continuer à filer la métaphore Bergé, la France étant peu dotée en vastes étendues arides, on conseillera la mer de sable d'Ermenonville ou la dune du Pyla pour la traversée du désert tandis que la butte aux cailles fera un parfait mont Sinaï). Les représentants des associations LGBT ont tout de suite dénoncé avec force les manoeuvres des partisans de la réaction, gênés par la poésie sulfureuse de ce baiser entre deux hommes, aux chaudes couleurs pastel, omettant cependant de préciser un détail secondaire de l'affiche, à savoir une bonne séance de turlute entre deux personnages étendus au loin sur le sable du lac éponyme, une illustration certes un peu moins gentillette et Lac des Cygnes que la romantique étreinte du premier plan.
De même, après les dégradations infligées à l'exposition photo d'Olivier Ciappa il y a quelques jours, il n'est pas une seconde venu à l'idée du principal intéressé, qui a dénoncé une agression de "personnes homophobes" dirigée "contre l'amour", que son exposition, loin d'"apaiser les tensions" comme il le prétend avec ingénuité, contribuait au contraire largement à l'exaspération générale en renforçant l'impression d'un véritable envahissement de l'espace public par un discours anti-discrimination devenu un credo politique omniprésent. Le fait que le portrait vedette de l'exposition soit celui de Roselyne Bachelot et d'Audrey Pulvar, dans une mise en scène si grotesque qu'elle devrait susciter l'ire de nombre de couples homosexuels, renforce l'idée que le combat des associations, telles que SOS Homophobie qui a participé au montage de l'exposition, correspond surtout à un cirque médiatique orchestré par une minorité agissante, à laquelle des clowns comme Bergé, Bachelot ou Pulvar, servent de caution people. Cette minorité agissante ultra-communautariste use et abuse cyniquement du discours victimaire et dispose d'une audience qui paraît démesurée et de plus en plus insupportable aux yeux d'une majorité de moins en moins silencieuse, comme l'a montré l'ensemble des débats et des contestations entourant la manif pour tous. Ces associations auront contribué plus que tout autre acteur du débat à "libérer la parole homophobe", pour reprendre leur terminologie, par leur surenchère et leur agressivité systématique.
Que dire également des FEMEN et de leurs piteuses démonstrations, qui semblent avec tant de constance bénéficier de la bienveillance des pouvoirs publics ? Une bienveillance si efficace que Nicolas Bernard-Busse, manifestant anti-mariage gay coupable de rébellion à l'encontre des forces publiques, écope de deux mois de prison ferme et est immédiatement écroué, pour avoir, rappelons-le, délivré une identité imaginaire et tenté de fuir l'arrestation, tandis que les militantes aux seins nus n'ont pas été inquiétées plus de quelques heures après leur intervention à Notre-Dame (pour laquelle le recteur et archiprêtre a déposé une plainte pour dégradation et coups et blessures). Les faits d'armes pathétiques (Inna et Sacha Chevtchenko se sont vantées d'avoir emporté un morceau de la feuille d'or qui recouvrait la cloche Saint-Denis), qui accompagnent l'attitude torquemadesque des dirigeants et principaux membres de ses associations de soi-disant lutte pour les droits, et le soutien évident qu'elles reçoivent de la classe politique et médiatique, provoquent un rejet de plus en plus évident au sein de la population vis-à-vis des petits matamores et des divas de la subversion-spectacle qui parviennent à régenter aujourd'hui le discours public.
Ce n'est pas la "parole homophobe" qui se libère actuellement, c'est plutôt un raz-le-bol généralisé vis-à-vis de tous ces emmerdeurs en bandes organisées que sont ces associations de flicage en tout genre. Comment ne pas les détester en effet ces fonctionnaires de l'indignation, ces petits juges arrogants, ces professionnels de la victimisation, qui s'invitent partout, sous prétexte d'égalitarisme, pour asséner leur morale niaise et autoritaire qui contribue plus certainement à alimenter le ressentiment à l'encontre de ceux qu'ils prétendent défendre que n'importe quel "discours de haine" ? Comment ne pas les trouver ridicule ces tartuffes, quand ils interviennent dans les salles de classes, avec la bénédiction et les deniers des pouvoirs publics, pour dispenser face à des gamins incrédules un cours de bienséance universaliste que même le plus bigot des jésuites n'aurait pas osé produire ? Comment ne pas se tenir les côtes quand ils annoncent vouloir favoriser la lutte (encore et toujours) contre les discrimination professionnelles et oeuvrer en faveur du coming out au travail, comme si la majorité des salariés se souciaient plus de l'homosexualité révélée de leur collègue de bureau que du menu de la cantine ?
La dramatisation de ce discours que l'on a appelé tour à tour "politiquement correct", "pensée unique" ou "bienpensance" est responsable, non seulement d'une exacerbation très nette des tensions au sein de notre société, mais d'une asphyxie idéologique contre laquelle il est peut-être trop tard pour se prémunir. Nous nous trouvons dans une situation où le communautarisme est devenu une politique imposée sous couvert d'égalitarisme à une société parfaitement atomisée hésitant encore entre la nostalgie du holisme et la désagrégation individualiste. Comme Tocqueville l'avait fort bien examiné dans De la démocratie en Amérique, l'association est devenu un corps intermédiaire et un indispensable relai entre le pouvoir politique et une société d'individus ou d'agrégats locaux. Les associations sont devenues aujourd'hui le relai autoritaire d'une idéologie qui ne sert plus que les intérêts particuliers de catégories de la population qui, prenant prétexte de la lutte contre différentes formes de discrimination réelles ou largement fantasmées, assurent un lobbying efficace et leur domination de fait en tant que vainqueurs autoproclamés de l'utopie mondialisée dont elles alimentent sans cesse la réthorique uniformisante.
Elles bénéficient malheureusement de façon très évidente du soutien du pouvoir socialiste qui passe sans honte de la caricature mitterandienne au vaudeville gay friendly avant de se prendre pour le Front Populaire qui interdit les ligues en 1936. Cette politique permet au moins à François Hollande et à son gouvernement de camoufler derrière un engagement sociétal l'absence complète de propositions politiques qui justifie un immobilisme complet. Dans tous les domaines, les associations, SOS Racisme, le CRAN, le Crif, SOS Homophobie (...etc...etc), ont pris le relais du discours politique qu'elles contribuent à la fois à déterminer et à appauvrir en rendant plus prégnante encore la logique rétributive et strictement communautaire qui anime la société du spectacle à la française. Dans tous les domaines, le politique s'est enfermé dans une logique compassionnelle parfaitement artificielle et ne répond plus qu'au pathos et à l'injonction distributive en matière de droits, dont les associations de tous bords sont devenues le fer de lance et leurs membres les premiers bénéficiaires. Ces associations, devenant de véritables antichambres du pouvoir politique et des groupes de pression bénéficiant de larges financements publics, rappellent la dérive connue par les thinktank américains et dénoncés aujourd'hui par de nombreuses voix. Elles contribuent à instituer un verrouillage du discours et une forme de clientélisme au coeur des institutions culturelles et politiques qui est un poison pour la démocratie.
Des idiots (Idiocratie, 26 juin 2013)