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alain de benoist - Page 37

  • « Les Gilets jaunes ont rendu visible la partie la plus française de la France »...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Breizh Info, dans lequel il évoque la révolte des Gilets jaunes et le "débat" lancé par Emmanuel Macron et fait un tour d'horizon de l'actualité... Philosophe et essayiste, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Décroissance ou toujours plus ? (Pierre-Guillaume de Roux, 2018).

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    Alain de Benoist : « Les Gilets jaunes ont rendu visible la partie la plus française de la France »

    Breizh-info.com : Tout d’abord en France, le mouvement des Gilets jaunes se poursuit, tandis que s’annonce un grand débat national qui semble n’intéresser personne. Où va-ton ?

    Alain de Benoist : Que le mouvement des Gilets jaunes se poursuive encore et que plus de la moitié des Français souhaitent voir ce mouvement se poursuivre est déjà un événement extraordinaire. Je m’en réjouis, bien sûr. Après une période d’inquiétude, les médias se plaignent maintenant d’avoir fait l’objet de « violences » sans se s’interroger un seul instant sur les raisons de leur discrédit. Le chef de l’État écrit des lettres et organise un « grand débat » dont on sait d’avance qu’il ne répondra pas aux attentes essentielles des Gilets jaunes. Tout cela serait risible, si cela ne relevait pas d’un mépris de classe qui s’avère apparemment indéracinable. Cela dit, il est vain de se demander sur quoi le mouvement peut déboucher.

    Il a déjà débouché sur ce qui faisait sa raison d’être : rendre visible la partie la plus française de la France. Pour le reste, les causes n’ayant pas changé, il faut s’attendre à un nouvel épisode dans l’ordre des conséquences. C’est la raison pour laquelle j’ai parlé de « répétition générale ».

    Breizh-info.com : La question cruciale de l’immigration est reléguée au second plan, y compris par les meneurs des Gilets jaunes (alors que sur certains ronds-points, elle est très présente). N’est-ce pas pourtant la préoccupation principale ?

    Alain de Benoist : C’est en effet une préoccupation dont on sait très bien qu’elle est présente à l’esprit des Gilets jaunes (et c’est un euphémisme). Mon hypothèse est qu’ils ont très bien compris qu’en mettant ce problème en avant, ils auraient donné des raisons supplémentaires de les diffamer à ceux qui les détestent, ce qui aurait permis de faire l’impasse sur leurs autres revendications. N’oubliez pas que, lorsque des Gilets jaunes ont découvert des migrants clandestins dans un camion qu’ils contrôlaient, et qu’ils les ont remis à la police, cela a suffi à déclencher contre eux une plainte de la CGT des Douanes (!). L’explication vaut ce qu’elle vaut, mais on ne peut oublier qu’il n’y a populisme que lorsque l’insécurité culturelle (l’immigration) s’ajoute à l’insécurité sociale (le pouvoir d’achat).

    Or, ce sont les classes populaires et la fraction inférieure des classes moyennes qui sont le plus victimes de cette double insécurité Si le référendum d’initiative populaire (ou « citoyenne ») était adopté, les choses pourraient devenir beaucoup plus claires, mais on sait bien qu’il y a toutes chances pour que les pouvoirs publics s’arrangent pour exclure l’immigration des questions qu’il serait possible de poser.

    Breizh-info.com : Vous avez vivement critiqué le programme de Jair Bolsonaro au Brésil. Pourquoi ? 

    Alain de Benoist : Indépendamment du fait que l’homme m’est profondément antipathique, la réponse est simple : j’ai critiqué le programme de Jaïr Bolsonaro parce que c’est un programme libéral (et même ultralibéral) et que je suis un adversaire du libéralisme.

    Breizh-info.com Par ailleurs, un mot sur l’arrestation de Battisti ?

    Alain de Benoist : Je vais sans doute encore choquer quelques bons esprits, mais je ne suis pas de ceux qui se réjouissent de l’arrestation de Cesare Battisti. Les faits qui lui sont reprochés sont vieux de quarante ans et s’inscrivent dans le cadre d’un contexte politique (les « années de plomb ») qui est aujourd’hui révolu. En pareil cas, je suis partisan de l’amnistie. Carl Schmitt, qui a écrit de très belles pages sur ce sujet, a maintes fois rappelé que, par opposition à la loi du talion qui ne veut jamais rien oublier, l’amnistie est l’une des formes les plus civilisées de la pensée et de la pratique judiciaires en Europe. C’est aussi mon avis.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh infos, 17 janvier 2019)

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  • Demain le transhumanisme ?...

    Dans ce nouveau numéro de l'émission de TV Libertés, « Les idées à l’endroit », Alain de Benoist reçoit  le philosophe Olivier Rey, l'historien Olivier Dard et Marie David, l'animatrice de l'Association française contre l'intelligence artificielle, pour évoquer la question du transhumanisme et des perspectives d'une augmentation de l'homme grâce à la technologie.

     

                                      

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  • Le marché, est-ce la même chose que le capitalisme ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Javier Portella, cueilli sur Polémia et consacré à la question du capitalisme et du marché. Javier Portella est l'auteur d'un essai intitulé Les esclaves heureux de la liberté (David Reinarch, 2012).

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    Le marché, est-ce la même chose que le capitalisme ?

    Lors de récentes déclarations au Figaro, Jean-Claude Michéa, reprenant une idée déjà exposée dans L’Empire du moindre mal, s’en prenait à « la droite qui vénère le marché et vomit ses conséquences ». Ce qu’il entend par là est très clair : il faut vomir tous les deux à la fois, s’attaquer aussi bien à la cause du mal qu’à ses conséquences. Le contraire relève de l’ignorance ou de l’hypocrisie.

    L’idée, exprimée d’une façon percutante, est clé : elle condense ce que pense aussi bien la gauche anticapitaliste, incarnée de façon notoire par un Michéa, que la droite qu’on peut qualifier aussi d’anticapitaliste (« nouvelle », l’a-t-on appelée il y a cinquante ans) et dont la pensée est incarnée, de façon également notoire, par un Alain de Benoist.

    Parlons donc du marché, ou du capitalisme, puisqu’on les tient d’habitude pour la même chose. Que faut-il entendre par combattre et abolir les méfaits du marché ou du capitalisme ? Il a raison, Michéa : c’est absurde (ou hypocrite) de vomir seulement l’état de fait d’un monde dont la précarité frappe de plus en plus de gens, et dont la perte de principes,de racines et de beauté fait que tout plonge dans l’absurdité et le non-sens. Il faut s’attaquer à la cause – l’une des causes, la plus immédiate, sans doute – de tant d’errements. Il faut combattre le marché qui, dominant l’ensemble de la vie, a pour nom capitalisme.

    Il faut combattre le marché. Mais pour mettre à sa place… quoi donc ?

    Ah, la grande question ! Car cette question a reçu dans la réalité historique une réponse aussi claire que tranchante – et qui fait froid dans le dos. C’est la réponse bien connue selon laquelle on met fin aux errements du capitalisme en éradiquant le marché, en liquidant la propriété privée et en la remplaçant par la propriété collective (enfin, collective… : étatique) des moyens de production.

    Ce n’est pas là ce que proposent un Jean-Claude Michéa ou un Alain de Benoist. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Mais de quoi s’agit-il alors ? Il s’agit de transformer de fond en comble le capitalisme, d’en combattre les turpitudes, outrecuidances et folies sans pour autant démolir sa base : la propriété et l’économie de marché qui sont le substrat sur lequel elles se tiennent – tout comme ce même substrat soutient l’ensemble des systèmes économiques qui, avec la seule exception du communisme, ont vu le jour depuis le début des temps.

    Il reste la question essentielle : en quoi consisterait, de quelle façon s’articulerait une telle conjonction, disons-le ainsi, de marché et d’antimarché, de capitalisme et d’anticapitalisme ? Il reste une telle question (rien de moins !), mais c’est bien de cela – d’une pareille conjonction des contraires – qu’il s’agit. Du moins pour moi, et j’entends que pour les auteurs dont je parlais aussi, même si je ne suis pas tout à fait sûr qu’ils approuveraient une telle façon, si « réformiste », diront certains, de voir les choses.

    Et c’est là justement le problème. Car voilà quelque chose qui, tout en étant d’une importance décisive, est susceptible d’être mis en discussion. Ce n’est pas quelque chose qui serait absolument clair, d’emblée, sans l’ombre d’un doute.

    Mais si l’affaire n’est pas aussi claire qu’il le faudrait, c’est aussi parce qu’il y a une question terminologique qui l’embrouille. Les noms n’ont rien d’éthéré ou d’évanescent : ils sont pleins de poids et de densité, d’odeur et de saveur. Les noms capitalisme et socialisme sont gros de la signification qu’ils ont acquise tout au long de leur parcours historique et, en particulier, à travers l’action de ceux qui ont prétendu nous libérer du premier des deux. Si l’on veut donc libérer vraiment le monde des méfaits du capitalisme, la première chose qui s’impose, c’est de trouver un terme exprimant aussi bien ce qu’il faut maintenir que ce qu’il faut abolir.

    En ce sens, un nom comme celui d’illibéralisme, lancé par le dirigeant hongrois Viktor Orbán, reflète assez bien, quant à la dimension politique de la chose, ce que je veux dire. Des termes comme social-marché ou capital-socialisme– tout un oxymoron : indispensable quand il s’agit d’une conjonction des contraires – pourraient exprimer la même chose pour ce qui est de la dimension économique de celle-ci.

    Le marché, ce n’est pas le capitalisme

    Ce qui a été dit jusqu’ici (et ce qui va suivre) n’a strictement rien à voir avec la vision social-démocrate des choses. En accomplissant des réformes et en lui apportant des raccommodages voués à le renforcer, c’est le capitalisme que la social-démocratie défend et encourage de toutes ses forces : le capitalisme dans sa puissance maximale, dans ce qu’il a de plus essentiel.

    C’est tout le contraire qui est défendu ici. Or, voilà que le malentendu perce à nouveau et il convient de le dissiper une fois pour toutes : le marché et la propriété ne sont pas l’essentiel du capitalisme. Ils n’en sont que la base, le substrat. Comme ils étaient aussi le substrat – nous l’avons déjà souligné – sur lequel, mettant chaque fois en œuvre un esprit, un imaginaire profondément différent, se tenaient, entre autres, la vie économique de l’Antiquité gréco-romaine, celle du Moyen-Âge ou celle de la Renaissance. Ce qui définit le capitalisme, ce qui le rend unique, c’est l’ambition de tout soumettre – la vie, le monde, la nature, les espoirs, les rêves… – à l’emprise de l’économique, à l’avidité marchande. À cette avidité sans bornes qui imprègne l’air du temps et dont la démesure effrénée fait, par exemple, que le grand capital s’intéresse de moins en moins à la production de choses pour, développant la spéculation autour de chiffres, titres et monnaies, tourner en rond sur lui-même, inépuisable, comme s’il était à la recherche de l’infini – de ce progrès infini, disaient-ils quand ils y croyaient encore, qui ne peut déboucher que sur la mort de la terre. Et sur celle de l’esprit.

    C’est cela, c’est cette mort qu’il faut extirper. Avec des forceps, si c’est nécessaire. Non pas, pourtant, pour qu’on arrête d’avoir et de posséder, non pas pour qu’on arrête de produire et d’échanger, d’investir et de gagner. De gagner aussi ! Disons-le clair et net : il s’agit aussi de gagner, de profiter, de prendre des bénéfices sur ce qu’on a investi… Ce n’est pas le plus important dans la vie, l’obsession du gain et de l’argent doit absolument quitter le centre du monde. Mais s’il ne s’agissait plus de gagner et de profiter– tout en y mettant de la mesure, des bornes, des limites –, qui diable se risquerait, investirait, produirait ?

    Tout cela doit rester, tout cela doit être sauvegardé. Non pas à la façon d’aujourd’hui, mais dans des termes différents. Dans des termes semblables en un sens  – disons-le avec cet exemple – à ceux qui sont de mise dans ce qu’on appelle le domaine des petites et moyennes entreprises : ce domaine de la production qui sait et assume que l’hybris de l’illimité n’est pas de mise ; ce domaine essentiel pour produire des choses et non pas du vent, qui n’a rien à voir avec la spéculation financière, usurière et mondialiste. Il a si peu à voir avec lui qu’il fait même partie de ses victimes.

    Voilà le principe, voilà l’idée. Mais comment la mettre en œuvre ? Comment, à partir de là, les choses peuvent-elles s’agencer, s’articuler ? Quelles digues faudrait-il dresser, quels vannes ouvrir, quels encouragements donner, quelles contraintes fixer, quelles institutions créer pour que les hommes – ces hommes qui n’ont plus rien de grand, de beau, de sacré à leur portée –arrêtent de faire ce qui semble être devenu leur impulsion première : avoir et posséder des objets, des produits, voire des signes et des virtualités ;impulsion folle, effrénée,pour avoir e t posséder qui s’est emparé des hommes (je parle de l’esprit du temps, pas des seuls possédants) dès qu’on a décrété qu’il était aussi possible que nécessaire de « laisser faire[et] laisser passer » tout ce qui par la tête des hommes passerait.

    Répondre à de telles questions est une tâche immense, énorme. Raison de plus pour l’aborder d’urgence quand on dénonce – et la dénonciation est plus que justifiée – qu’il est ridicule de « vénérer le marché et de vomir ses conséquences ». Aussi ridicule que si on continuait de vomir tous les deux sans savoir (ou sans dire) quoi mettre à la place.

    Javier Portella (Polémia, 23 décembre 2018)

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  • A propos des Gilets jaunes...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à l'United World International, un centre de réflexion indépendant favorable à la souveraineté des nations, à propos de la révolte des Gilets jaunes. Philosophe et essayiste, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Décroissance ou toujours plus ? (Pierre-Guillaume de Roux, 2018).

     

                                

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  • Sur les pas de Spengler...

    Dans ce nouveau numéro de l'émission de TV Libertés, « Les idées à l’endroit », Alain de Benoist reçoit  Gilbert Merlio, germaniste et historien des idées, et David Engels, historien, pour évoquer la pensée et l’œuvre du penseur allemand Oswald Spengler, auteur, notamment, de l'essai intitulé Le Déclin de l'Occident.

     

                                      

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  • Quoi qu’il se passe, les Gilets jaunes ont déjà gagné !...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Breizh Info, dans lequel il évoque la révolte des Gilets jaunes... Philosophe et essayiste, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Décroissance ou toujours plus ? (Pierre-Guillaume de Roux, 2018).

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    Alain de Benoist : « Quoi qu’il se passe, les Gilets jaunes ont déjà gagné »

    Breizh-info.com : Tout d’abord, comment analysez-vous les événements de ces derniers week-ends ?

    Ce que je trouve le plus frappant, c’est d’abord la continuité du mouvement. Alors que le gouvernement s’attendait à ce que la pression se relâche, elle ne se relâche pas. C’est le fruit d’une extraordinaire détermination, à laquelle s’ajoute encore une étonnante maturité. Non seulement les Gilets jaunes refusent de se définir en termes de « droite » ou de « gauche », non seulement ils se déterminent sans le moindre souci de ce que pensent les partis et les syndicats, mais ils ne se laissent prendre à aucun piège des journalistes, pour lesquels ils n’ont d’ailleurs que mépris. Sur les plateaux de télévision, ils tiennent des propos de bon sens, ils ne se démontent pas, ils restent d’une fermeté exemplaire sans pour autant apparaître comme des excités.

    Leur colère et leur résolution montrent qu’au point où la plupart d’entre eux sont arrivés, ils estiment n’avoir plus rien à perdre. Et en cela ils représentent parfaitement une France qui, au fil des années, s’est aperçue qu’elle ne parvient plus à vivre, et a même désormais du mal à survivre. D’où ce mouvement de révolte, qui s’est d’abord transformé en soulèvement populaire, puis en insurrection.

    Breizh-info.com : On a beaucoup reproché aux gilets jaunes de faire usage de la violence ?

    Disons-le d’abord d’emblée : le casseur en chef, c’est Emmanuel Macron. C’est lui qui a cassé les corps intermédiaires, déclassé les classes moyennes, rogné sur les acquis sociaux, permis aux revenus du capital de progresser au détriment de ceux du travail, augmenté les taxes et le poids des dépenses contraintes. C’est lui qui a été installé à la place qu’il occupe pour réformer le pays en sorte d’imposer aux « Gaulois réfractaires » les exigences de la logique du capital et les diktats du libéralisme. Le peuple ne s’y trompe pas, qui a immédiatement adopté comme mot d’ordre le slogan « Macron démission ! »

    Les violences enregistrées le 1er décembre, notamment sur les Champs-Élysées, ont surtout été le fait de casseurs et de pillards qui étaient totalement étrangers au mouvement des Gilets jaunes. On l’a bien vu place de l’Étoile quand ces derniers ont protégé la flamme du Soldat inconnu en entonnant la « Marseillaise » tandis que des individus cagoulés se livraient à des déprédations. Alors que la police connaît parfaitement les noms et les adresses de ces casseurs, on les a volontairement  laissés intervenir dans l’espoir de discréditer le mouvement, mais personne n’a été dupe. Si les violences ont été moindres le 8 décembre, c’est tout simplement que la police avait procédé dans ces milieux à des arrestations préventives.

    Cela dit, le vieux lecteur de Georges Sorel que je suis est sans naïveté devant la violence : elle peut en certaines circonstances être justifiée, sous réserve d’une certaine cohérence. Quand un pouvoir est devenu illégitime, l’insurrection est non seulement un droit, mais un devoir. On peut le regretter, mais aucun mouvement historique n’a jamais échappé complètement à la violence. Que je sache, la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, aujourd’hui célébrée comme une journée fondatrice de la République, s’est elle aussi accompagnée de quelques « débordements ». Mais surtout, il faut bien constater que, sans recours à la force, les Gilets jaunes n’auraient jamais rien obtenu. La « Manif pour tous », il y a quelques années, avait rassemblé des foules immenses, qui étaient finalement reparties bredouilles. On ne fait pas la révolution avec des gens bien élevés ! Les pouvoirs publics ont reculé cette fois-ci parce qu’ils ont pris peur. Cette peur se transformera un jour en panique.

    A la veille de la journée de samedi dernier, on a vu tous les représentants de la caste au pouvoir annoncer l’apocalypse pour le lendemain et lancer des « appels au calme » et « à la raison ». C’est une stratégie classique : après avoir diabolisé, condamné, diffamé, jeté de l’huile sur le feu, on essaie de désarmer la contestation en conviant tout le monde à se « réunir autour d’une table », ce qui est évidemment la meilleure façon de tourner en rond. Il est triste à cet égard que l’opposition « de droite » n’ait pas hésité à entonner le même refrain : mais il est vrai que ce n’est pas d’hier que la droite bourgeoise préfère l’injustice au désordre.

    Breizh-info.com : Comment expliquez-vous l’omniprésence des femmes dans le mouvement des gilets jaunes ?

    Quand on ne parvient plus à vivre avec le produit de son travail, ce sont les femmes qui s’aperçoivent les premières qu’il n’y aura plus rien à manger à la fin du mois. La situation des mères célibataires, aujourd’hui de plus en plus nombreuses, est encore plus dramatique. Mais cette omniprésence est éminemment révélatrice. L’une des caractéristiques majeures des grands soulèvement sociaux et populaires, c’est que les femmes y participent et sont même souvent au premier rang. C’est leur façon à elles de réaliser concrètement la parité, autrement que comme l’imaginent les précieuses ridicules qui, à Paris, ne jurent que par la théorie du genre, l’écriture « inclusive » et la lutte contre le « harcèlement ».

    Breizh-info.com : Vous parleriez d’un événement historique ?

    Oui, sans aucun doute. Le soulèvement des gilets jaunes est radicalement différent de tout ce à quoi on a assisté depuis des décennies. Les comparaisons avec le 6 février 1934 sont grotesques, celles avec Mai 68 le sont plus encore. Pasolini, en mai 1968, avait scandalisé ses amis de gauche en déclarant qu’il se sentait plus proche des CRS, qui étaient au moins des prolétaires, que des étudiants, qui n’étaient que des petits-bourgeois. Aujourd’hui, certains membres des forces de l’ordre ont osé fraterniser avec les gilets jaunes, parce qu’ils sont les uns et les autres issus des mêmes classes populaires. A la fin des émeutes de Mai 68, la France profonde avait défilé sur les Champs-Elysées pour dire son désir d’un retour au calme ; aujourd’hui, si elle manifeste de l’Etoile à la Concorde, c’est pour dire à Macron qu’il s’en aille. La nuance est de taille. En fait, pour trouver des précédents au mouvement des gilets jaunes, il faut revenir aux révolutions de 1830 et de 1848, ou à la Commune de 1871, pour ne rien dire des sans-culottes, des Cahiers de doléances et des états-généraux de 1789.

    Ce qui était au départ une simple révolte fiscale s’est très vite transformé en révolte sociale, puis en révolte généralisée contre un système dont le peuple de France ne veut plus entendre parler. Est-ce l’annonce d’une révolution ? Les circonstances pour cela ne sont sans doute pas encore réunies. Mais c’est pour le moins une répétition générale. Pour l’heure, le peuple fait usage de son pouvoir destituant. Il lui reste à réaliser qu’il possède aussi le pouvoir constituant et que ce à quoi il aspire ne pourra se réaliser que lorsque nous aurons changé, non seulement de régime, mais aussi de société. C’est alors qu’il sera temps de parler de VIe République, sinon de Deuxième Révolution française.

    Breizh-info.com : Et maintenant, que va-t-il se passer ?

    Difficile à dire. Macron ne remettra évidemment pas sa démission. Un référendum est plus qu’improbable (on ne sait d’ailleurs pas trop quelle pourrait être la question posée), une dissolution de l’Assemblée nationale risque d’ouvrir la voie à une cohabitation, un changement de Premier ministre (François Bayrou ?) est possible, mais ne résoudrait sans doute pas grand-chose. Le gouvernement a, comme d’habitude, réagi à la fois trop tard et trop maladroitement. Mais le résultat est là. Les élites sont paralysées par la trouille, les commentateurs ne comprennent toujours pas ce qui se passe, le programme de réformes macronien est définitivement compromis, et Macron lui-même, qui se rêvait en Jupiter siégeant sur l’Olympe, se retrouve petit Narcisse flageolant sur sa Roche tarpéienne face à un peuple qu’il dit entendre, mais qu’il n’écoute pas.

    Quoi qu’il se passe, les Gilets jaunes ont déjà gagné. Ils ont gagné parce qu’ils sont parvenus à faire reculer les pouvoirs publics, ce que n’avaient pas réussi à faire les familles bourgeoises hostiles au mariage gay, les adversaires de la GPA, les cheminots, les syndicats, les retraités, les fonctionnaires, les infirmières et les autres. Ils ont gagné parce qu’ils sont parvenus à rendre visible ce qu’on cherchait à rendre invisible : un peuple qui est l’âme de ce pays. Ils ont gagné en montrant qu’ils existent, qu’ils bénéficient du soutien presque unanime de la population, et qu’ils sont bien décidés à préserver leur pouvoir d’achat, mais aussi leur sociabilité propre. Ils ont gagné parce qu’en refusant d’être plus longtemps humiliés et méprisés, ils ont fait la preuve de leur dignité. Au second tour de la dernière élection présidentielle, l’alternative était paraît-il « Macron ou le chaos ». Les gens ont voté Macron, et en prime ils ont eu le chaos. Ce chaos s’étend désormais partout, en France comme ailleurs en Europe. A la merci d’une crise financière mondiale, l’idéologie dominante, responsable de la situation, a désormais son avenir derrière elle. Les temps qui viennent seront terribles.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh Info, 11 décembre 2018)

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