Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 3

  • Europa !...

    Les éditions Tallandier viennent de publier une étude de Georges-Henri Soutou intitulé Europa ! - Les projets européens de l'Allemagne nazie et de l'Italie fasciste. Professeur émérite d'histoire contemporaine à l'université de Paris-Sorbonne et membre de l'Académie des sciences morales et politiques, Georges-Henri Soutou est l'un des meilleurs connaisseurs européens de l'histoire des relations internationales. Il est notamment l'auteur, avec Martin Motte, d'un ouvrage consacré aux vues de Charles Maurras sur la politique extérieure de la France, Entre la vieille Europe et la seule France : Charles Maurras, la politique extérieure et la défense nationale (Economica, 2009), et a aussi été l'un des contributeurs du traité de stratégie de l’École de guerre, La mesure de la force (Tallandier, 2018).

    Soutou_Europa.jpg

    " Rejetant les traités conclus à la fin de la Première Guerre mondiale, et travaillées par des idéologies mortifères – racisme biologique et hypernationalisme –, les puissances européennes de l’Axe ont occupé la quasi-totalité du continent (hormis les pays neutres et la Grande-Bretagne) et ont initié de nombreux projets pour le réorganiser et le dominer.

    On sait que certains territoires avaient vocation à être purement et simplement annexés. D’autres, à devenir des colonies de peuplement, comme une partie de la Pologne et la Russie, dont trente millions d’habitants devaient être expulsés. Enfin, les pays de l’Europe occidentale et des Balkans seraient durablement vassalisés, avec des régimes alignés.

    Mais on sait moins que Rome et Berlin préparaient un « ordre nouveau en Europe », totalitaire et autarcique, certes dirigé de Berlin et dans une moindre mesure de Rome, mais avec une union géopolitique et économique du continent, et un projet culturel et social « corporatiste » original. Les divisions internes à Rome et à Berlin, les désaccords entre les deux capitales et, à partir de 1943, les défaites, firent échouer tout cela, même si le projet d’une organisation de l’Europe survécut à 1945.

    Remontant en amont, en particulier aux idées politiques de l’entre-deux-guerres et prolongeant ses observations sur l’après-guerre et les premières réorganisations du continent, Georges-Henri Soutou aborde ce sujet capital sous ses multiples aspects : intellectuel, politique, militaire, diplomatique et économique. Fort d’une documentation recueillie aux quatre coins de l’Europe, il en vient à renouveler entièrement l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. "

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • Mondialisation : le « dernier clou dans le cercueil » ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un échange entre Yves Perez et Jacques Sapir, dans l'émission RussEurope Express sur Sputnik France, consacré à la question du protectionnisme. Économiste, professeur émérite de l’Université catholique de l’Ouest à Angers, Yves Perez est l'auteur d'un essai intitulé Vertus du protectionnisme (L’Artilleur, 2020).

     

                                              

    Lien permanent Catégories : Economie, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • La colère et la grâce...

    Les éditions du Seuil viennent de publier Georges Bernanos - La colère et la grâce, une biographie de l'auteur de Sous le soleil de Satan écrite par François Angelier. Producteur de l'émission « Mauvais genres » sur France Culture, il est déjà l'auteur d'une biographie de Bloy ou la fureur du juste (Seuil, 2015) et d'un Dictionnaire Jules Verne (Pygmalion, 2006).

    Angelier_Georges Bernanos.jpg

    " Georges Bernanos fut, de 1926 où il fit se lever le Soleil de Satan sur la France des années folles à l'ultime Dialogue des Carmélites en 1948, un romancier de la sainteté et de l'enfance autant qu'un écrivain de combat. De L'Action française à L'Intransigeant, il emboucha la presse comme une trompette de l'Apocalypse, et ses innombrables articles se confrontèrent sans répit à la ploutocratie démocratique et à la bien-pensance bourgeoise. Son engagement, mené seul au nom du Christ pauvre et de la vocation religieuse de la France de Jeanne d'Arc et de Péguy, le conduisit du tableau d'honneur des Camelots du roi aux rangs de la France libre. Véritable lanceur d'alertes politiques, il donna aussi l'assaut à l'Europe fasciste comme aux États-empires de la guerre froide et à leurs contingents d'hommes-machines. Monarchiste et catholique, nourri de Drumont et de Balzac, de Bloy et d'Hello, celui qui déclarait en 1935 : " le bon Dieu ne m'a pas mis une plume entre les mains pour rigoler ", a vécu sans filet ni garde-fou, dans la main de Dieu. Père d'une famille chimérique, accompagné d'une élite d'amis fervents, il mena, entre la Picardie, Majorque, la Provence et le Brésil, une vie d'errance et d'écriture, de clameurs et d'espérance. C'est cette vie que nous entreprenons de raconter. "

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • Habermas et l’hypothèque idéologique allemande

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Gérard Dussouy, cueilli sur Polémia  et consacré à l'influence néfaste de la pensée du philosophe Jürgen Habermas sur la politique allemande. Professeur émérite à l'Université de Bordeaux, Gérard Dussouy est l'auteur de plusieurs essais, dont Les théories de la mondialité (L'Harmattan, 2011) et Contre l'Europe de Bruxelles - Fonder un Etat européen (Tatamis, 2013).

     

    Habermas.jpg

    Habermas et l’hypothèque idéologique allemande

    Angela Merkel prend sa retraite et il est probable que le SPD va remporter les législatives ou fédérales du 26 septembre 2021. Que le résultat soit celui-là ou qu’il soit autre, cela ne changera pas grand-chose. En effet, l’Allemagne est depuis plus de cinquante ans recouverte par la même chape idéologique qui l’inhibe sur le plan politique et qui, du même coup conditionne l’action politique de l’Union européenne. Cette idéologie qui explique, quels que soient les partis ou les coalitions au pouvoir, que sa politique extérieure demeure fixe, c’est-à-dire systématiquement alignée sur les États-Unis, et qu’elle se fasse le porte-drapeau de tous les desiderata onusiens. Elle explique aussi pourquoi, bien que l’Allemagne soit la puissance industrielle et financière qu’elle est, elle ne fait guère entendre sa voix sur la scène internationale, et surtout pourquoi elle ne l’élève jamais quand il s’agit de revendiquer une émancipation de l’Europe.

    Bien entendu, pour comprendre cette apathie, il faut compter avec le statut international de l’Allemagne depuis 1945 qui est celui d’une « souveraineté limitée », comme on le disait des Démocraties Populaires à l’époque de l’Union soviétique, ou si l’on préfère « surveillée ». Cependant, comme l’a dénoncé le philosophe Peter Sloterdijk il y a quelques années déjà, le consensus idéologique allemand, tel qu’il a été imposé, vient principalement de ce que « dans les années 1970 lorsque Habermas a pris le pouvoir, […] l’anti-nietzschéisme de la Théorie critique, de l’École de Francfort, est devenu la tonalité dominante en Allemagne. La Théorie critique […] montant une espèce de « garde sur le Rhin », elle a tout fait pour minimaliser la pensée française en Allemagne qu’il s’agisse de gens comme Deleuze, comme Foucault ou d’autres »[1]. A tel point que, selon Sloterdijk, la philosophie désormais dominante en Allemagne est devenue productrice d’une « hypermorale » (selon le concept d’Arnold Gelhen) qui s’oppose à toute pensée critique, et qui exerce son interdit sur toute orientation politique non conforme avec le statuquo établit.

    Il faut savoir que la majeure partie de l’œuvre de Jurgen Habermas est consacrée à la récusation du paradigme de la domination présent dans presque tous les courants de la philosophie politique. Dans l’étude qu’il a consacrée à ce philosophe, Arnauld Leclerc en arrive à la conclusion suivante :  « premièrement, contre Arendt, Habermas fait valoir l’impossibilité de penser le pouvoir en excluant la domination ; deuxièmement, contre Hobbes, Schmitt et Weber, Habermas fait valoir l’impossibilité de réduire le pouvoir à la domination qui peut, certes, être rationalisée, mais jamais être légitime ; troisièmement, contre les théories critiques de la domination, allant de Marx à  Bourdieu, en passant par l’École de Francfort et Foucault, Habermas fait valoir l’impossibilité absolue de faire de la domination un paradigme de la théorie politique »[2]. C’est à ce titre qu’il prône le passage à l’ère postnationale, qui fait des Allemands des citoyens du monde et non plus un peuple en soi, et qu’il veut voir dans la mondialisation un « horizon sans domination » par suite de l’homogénéisation des hommes. Il faut dire que ce nouvel état des choses a plutôt été facilement accepté par les Allemands, sachant que leur économie, remarquablement spécialisée, a profité à plein de la mondialisation.

    Afin de dissoudre l’ethnocentrisme inhérent à chaque individu et à chaque peuple, Habermas entendait faire appel à la « raison communicationnelle » qu’il interprète, note le philosophe pragmatiste américain Richard Rorty, « comme l’intériorisation de normes sociales, plutôt que comme une composante du « moi humain ». Habermas entend « fonder » les institutions démocratiques ainsi que Kant espérait le faire ; mais il ambitionne de faire mieux en invoquant, à la place du « respect de la dignité humaine » une notion de « communication exempte de domination », sous l’égide de laquelle la société doit devenir plus cosmopolite et démocratique »[3]. L’objectif de Jurgen Habermas est que l’action communicationnelle, couplée à une sphère publique bien structurée, puisse conduire l’homme à se débarrasser de son identité nationale, romantique, et autoriser l’humanité à s’unir dans une paix perpétuelle en dépassant les souverainetés et en écartant ainsi toute velléité de conflit[4].

    Dans les faits, le triomphe d’Habermas et l’adoption de ses idées par les milieux officiels (tel celui de l’éducation) ont abouti à l’hégémonie communicationnelle et idéologique de son camp en Allemagne, avec l’aval de ses « alliés » satisfaits de la passivité politique induite, plutôt qu’à un dialogue digne de ce nom. A la suite du contrôle de l’information, des médias et des différents processus de socialisation, a été possible le formatage de la représentation collective, jusqu’à changer radicalement la culture politique de la nation allemande. Analysant le programme de rééducation politique et historique dont ont été gratifiés les Allemands, mais aussi les Japonais, Thomas U. Berger n’hésite pas à écrire « qu’ils furent bombardés par une propagande antimilitaire qui fut au moins aussi violente que la propagande de la période de la guerre qui l’avait précédée »[5].

    L’ankylose idéologique dont souffrent les partis politiques allemands explique notamment le peu d’entrain de l’Allemagne à suivre Emmanuel Macron quand il parle de « souveraineté européenne » et qu’il propose des avancées en matière de défense communautaire ou d’armée européenne. Le président français, adepte lui-même des thèses d’Habermas qu’il est allé visiter au début de son quinquennat, aurait pourtant dû s’y attendre.

    Or, le dilemme est d’autant plus difficile à résoudre que dans le même temps plusieurs pays partenaires de l’Allemagne, notamment ceux du sud de l’Union européenne dont la France,  demeurent tributaires d’elle dans la mesure où elle leur sert de « parapluie monétaire » ; et qu’en cas de désaccord profond ou de séparation, c’est la banqueroute qui les menace. Il faudra donc attendre que des événements exceptionnels se produisent pour que l’hypothèque idéologique allemande soit levée.

    Gérard Dussouy (Polémia, 19 septembre 2021)

     

    Notes :

    [1] Sloterdijk Peter, Le Magazine Littéraire, entretien, n°406, février 2002, p.34.
    [2] A. Leclerc, « La domination dans l’œuvre de Jürgen Habermas. Essai sur la relativisation d’une catégorie », Politeia, N°1 Politique et domination à l’épreuve du questionnement philosophique, Novembre 1997, p. 53-85.
    [3] R. Rorty, Contingence, ironie et solidarité, Paris, Armand Colin, 1993, p. 205.
    [4] J. Habermas, La paix perpétuelle. Le bicentenaire d’une paix kantienne, Paris, Le Cerf, 1996.
    [5] T. U. Berger, « Norms, Identity and National Security in Germany and Japan », Peter J. Katzenstein, The Culture of National Security, New York, Columbia University Press, 1996, p. 317-356.

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • L'enfer numérique...

    Les éditions Les Liens qui Libèrent viennent de publier une enquête de Guillaume Pitron intitulée L'enfer numérique - Voyage au bout d'un like. Journaliste et réalisateur de documentaires, Guillaume Pitron, qui s'intéresse aux enjeux économiques, politiques et environnementaux de l'exploitation des matières premières, est déjà l'auteur de La Guerre des métaux rares - La face cachée de la transition énergétique et numérique (Les Liens qui libèrent, 2018).

    Pitron_l'enfer numérique.jpg

    " Quelles sont les conséquences physiques de la dématérialisation ? Comment les données impalpables pèsent elles sur l’environnement ? Quel est le bilan carbone du numérique ? Autant de questions que les utilisateurs d’outils connectés en tout genre ne se posent pas. Et pourtant, la légèreté du net pourrait bien s’avérer insoutenable. Trois ans après sa formidable enquête sur les dessous des énergies vertes, "La guerre des métaux rares", Guillaume Pitron nous propose une enquête fascinante qui interroge le coût matériel du virtuel. "

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • Vers la fin de l'Etat-Léviathan ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Robert Redeker à Breizh Info à l'occasion de la sortie de son essai intitulé Réseaux sociaux, la guerre des Léviathans (Rocher, 2021). Philosophe, Robert Redeker est notamment l'auteur de Egobody (Fayard, 2010), Le soldat impossible (Pierre-Guillaume de Roux, 2014), Le progrès ? Point final. (Ovadia, 2015), L'école fantôme (Desclée de Brouwer, 2016), L'éclipse de la mort (Desclée de Brouwer, 2017) ou dernièrement Les Sentinelles d'humanité (Desclée de Brouwer, 2020).

     

    Léviathan.jpg

    Robert Redeker : « Il est possible que nous vivions la fin de l’Etat tel que Hobbes l’avait pensé : l’Etat-Léviathan »

    Pouvez vous faire un rappel historique et philosophique synthétique à nos lecteurs : qu’est-ce que le Léviathan ?

    Robert Redeker : Dans la Bible, le Léviathan est un monstre marin. En philosophie il est un concept forgé par Thomas Hobbes, au XVIIème siècle, pour désigner l’Etat que les hommes instaurent à l’issu d’un contrat d’association dans le but de mettre fin à « la guerre de tous contre tous », l’état de nature dans lequel « l’homme est un loup pour l’homme ». Autrement dit il n’y a que sous la tutelle de l’Etat, dans la mesure où il supprime la violence, que l’on peut vraiment devenir un homme.  Le Léviathan est la solution trouvée par l’Europe pour sortir de l’anarchie des guerres de religion. La conception de Hobbes est la source de l’Etat moderne.

    Vous dédiez votre livre à Martin Heidegger, « sans qui ce livre n’aurait pu être pensé ». Pourquoi ?

    Robert Redeker : C’est la lecture du plus grand philosophe du XXème siècle, Martin Heidegger, qui m’a appris à penser. Depuis 1975, pas un jour ne se passe sans que je pense à certains de ses textes, que je m’y réfère. Mais je ne suis pas un sectateur, je suis un écolier qui se sert d’outils fabriqués par le maître, et qui explore certains des chemins qu’il a ouverts, sans forcément parvenir aux mêmes conclusions que lui. Heidegger a donné comme maxime à l’ensemble de son œuvre : « Wege, nicht Werke », des chemins, pas des œuvres. Nous pouvons la reprendre à notre compte.

    En quoi les réseaux sociaux forment-ils un Léviathan nouveau, et une menace pour l’Homme selon vous ?

    Robert Redeker : Ils sont une nouvelle forme de pouvoir qui se fait passer pour un contrepouvoir. Ils inventent une nouvelle forme de politique, permettant à des minorités d’exercer une sorte de dictature. En ce sens : dicter leur volonté aux pouvoirs en place pour qu’ils s’y plient, et toute la société à leur suite. Ce n’est pas une dictature directe, mais indirecte : ils dictent aux Etats les mesure qu’ils doivent prendre. Non seulement le wokisme a trouvé dans les réseaux sociaux le véhicule idéal pour exercer le pouvoir partout où il le peut, mais il est structurellement lié aux réseaux sociaux, intimement, quasi généré par eux.. Sans eux il ne serait rien. 

    Vous citiez en 2020 l’affaire Griveaux et le personnage de Greta Thunberg comme deux symboles de ce changement des temps, anthropologique dites vous, lié aux réseaux sociaux. Expliquez-nous ?

    Robert Redeker : Les deux sont une pure création des réseaux sociaux. L’affaire Griveaux n’aurait jamais pu se produire en dehors des réseaux sociaux. Elle est impensable il y a dix ans. La technique créé l’évènement, qui est un spectacle. De même que la technique cinématographique créé le film. Mais, dans le cas des réseaux sociaux,  les spectateurs agissent sur le film, lui donnent une certaine direction, et finalement sont intégrés en lui, font partie de la machinerie. Nous en arrivons au point où l’on peut dire : il n’y a plus de réel en dehors des réseaux sociaux. S’il vivait encore, Jean Baudrillard le dirait, et il n’aurait pas tort. L’analogique laisse subsister le réel en dehors de la technique, tandis que le digital absorbe le réel et le dissout.

    Vous expliquez que les GAFA sont dans une guerre avec les Etats. Mais les Etats ne sont-ils pas finalement les complices, les instruments des GAFA désormais, et vice-versa (on pense aux lois restreignant la liberté d’expression, mais aussi aux collaborations communes avec journalistes, communicants du pouvoir, etc…) ?

    Robert Redeker : Il est possible que nous vivions la fin de l’Etat tel que Hobbes l’avait pensé : l’Etat-Léviathan. Nous serons sans doute amener à regretter ce grand protecteur. Cependant, dans toute guerre il y a des compromis provisoires passés avec l’adversaire, et des ruses. Les GAFA ne veulent pas prendre le pouvoir à l’intérieur des Etats, ils veulent se substituer à eux, devenir le pouvoir de l’avenir. Ils sont les éclaireurs du post-Etat. Selon eux l’Etat est dépassé, il n’y aura pas à le détruire, il va s’écrouler de lui-même. Vous vous souvenez de Lénine : l’Etat n’est pas aboli, il dépérit.

    L’hypercapitalisme des réseaux sociaux est en passe de réaliser le programme de Lénine : le dépérissement de l’Etat.

    Notre époque est au grand déballage, notamment de sa vie privée, de ses chagrins, de ses joies, de ses peines et de son Moi, sur les réseaux sociaux, qui en tirent d’ailleurs algorithmes, outils publicitaires et de contrôle. Ne sont-ce pas les individus qui finalement, à travers le monde, sont devenus les propres acteurs de leur servitude volontaire, ce que Javier Portella appelle « des esclaves heureux de la liberté » ?

    Robert Redeker : Je ne saurais mieux dire. Nous allons vers la société de l’homme sans jardin secret, de l’homme transparent, c’est-à-dire aplati, de l’homme-vitre.

    Vous expliquez que cette guerre des Leviathan mènera à l’abolition de l’homme. Quelle est-elle ? N’est-ce pas profondément pessimiste ? Un renversement est-il encore possible selon vous ?

    Robert Redeker : Malheureusement le pessimisme a souvent raison dans l’histoire. De nombreuses formes d’humanité ont été englouties par le devenir. Michel Foucault ne disait pas autre chose en annonçant « la mort de l’homme » tel que l’Occident l’avait constitué depuis l’âge classique. Toute révolution technique est une anthropofacture : une re-formation de l’homme. La particularité de l’univers du numérique tient dans l’effacement de l’intériorité. L’homme qu’il fabrique est l’homme sans intériorité, c’est-à-dire sans vie privée, bref sans âme. Comment résister à cette évolution ? Par l’attention à la vie intérieure, sous la forme de la poésie, de la prière, de la méditation, de la philosophie.

    Robert Redeker, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh Info, 11 septembre 2021)

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!