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  • La boussole s'est rompue !...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte du philosophe italien Costanzo Preve, traduit par Yves Branca et consacré au nécessaire dépassement du clivage Droite/Gauche...

    Marxiste critique et atypique, Costanzo Preve a noué un dialogue fécond avec Alain de Benoist depuis plusieurs années et est maintenant bien connu des lecteurs d'Éléments et de Krisis. Un de ses ouvrages, Histoire critique du marxisme, a été publié en 2011 aux éditions Armand Colin.

     

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    La boussole s'est rompue

    1: On ne peut décemment demander au marin de partir en mer sans compas, surtout lorsque le ciel est couvert et que l’on ne peut s’orienter par les étoiles. Mais qu’arrive-t-il, si l’on croit que le compas fonctionne, alors qu’il est falsifié par un aimant invisible placé dessous ? Eh bien, voilà une métaphore assez claire de notre situation présente. 


    2 : En Italie, avec le gouvernement Monti, les choses sont devenues à la fois plus claires et plus obscures. Plus claires, parce qu’il est bien évident que la décision politique démocratique (dans son ensemble, de gauche, du centre, de droite) a été vidée de tout contenu ; et que nous sommes devant une situation que n’avaient jamais imaginée les manuels d’histoire des doctrines politiques (bien évident : du moins pour ces deux pour cent de bipèdes humains qui entendent faire usage de la liberté de leur intelligence ; je ne tiendrai pas compte ici des quatre-vingt dix-huit pour cent restant).

    En bref, nous sommes devant une dictature d’économistes, à légitimation électorale référendaire indirecte et formelle. Il est évident  que cette dictature s’exerce pour le compte de quelqu’un, mais ce serait se tromper que de trop « anthropomorphiser » ce quelqu’un : les riches, les capitalistes, les banquiers, les américains, etc.. Cette dictature d’économistes est au service d’une entité impersonnelle (que Marx aurait qualifiée de «sensiblement suprasensible »), qui est la reproduction en forme « spéculative » de la forme historique actuelle du mode de production capitaliste (v. Diego Fusaro, Minima mercatazlia. Philosophie et capitalisme, Bompiani, Milan, 2012). A ce point de vue, les choses sont claires. 

    Ce qui n’est pas clair du tout, et même obscur, c’est la manière dont cette junte d’économistes peut « conduire l’Italie hors de la crise ». Elle est au service exclusif de créanciers internationaux ; son unique horizon est la dette. La logique du modèle néo-libéral consiste à « délocaliser » de Faenza jusqu’en Serbie la fabrication des chaussures Omca, afin de pouvoir payer les ouvrier deux cents euros. 

    Dans cette situation, le maintien du clivage Droite/Gauche n’est plus seulement une erreur théorique. C’est potentiellement un crime politique.   


    3 : Dernièrement, je suis resté ébahi en lisant un tract du groupuscule « La Gauche critique ». Je ne comprenais même pas pourquoi, et puis tout d’un coup j’ai cru comprendre. Le terme même de « gauche critique » est une contradiction, puisque le présupposé principal et très essentiel de toute critique, sans lequel le terme de « critique » perd tout son sens, est justement le dépassement de cette dichotomie « Droite/Gauche ». On ne peut plus être à la fois critiques, et de gauche ; non plus que de droite, ce qui revient au même.  

    Je viens de renvoyer au dernier livre de Diego Fusaro. Dans cette histoire philosophique du capitalisme, depuis ses origines au XVIe siècle jusqu’à aujourd’hui, ces deux petits mots, Droite et Gauche, n’apparaissent absolument jamais, par ce fait tout simple et nu que la mondialisation capitaliste, et la dictature des économistes qui   nécessairement en est la forme, a entièrement vidé ces catégories de leur sens. Norberto Bobbio(1) pouvait encore en parler en toute bonne foi, en un temps où existait encore une souveraineté monétaire de l’Etat national, et où les partis de « gauche » pouvaient appliquer des  politiques économiques de redistribution plus généreuses que celle des  partis « de droite ». Mais aujourd’hui, avec la globalisation néo-libérale, le discours de Bobbio ne correspond plus à la réalité. 

    Il y a, bien sûr, un problème, du moment que la dictature « neutre » des économistes a cependant toujours besoin d’être légitimée constitutionnellement par des élections, fussent-elles vides de tout sens de décision. C’est donc ici que se met en scène une comédie à l’italienne ; personnages : la « gauche responsable » : Bersani, D’Alema, Veltroni, tout le communisme togliattien recyclé ; le bouffon qui fait la parade, Vendola, dont on sait bien à priori que  ses suffrages iront de toute façon au Parti Démocrate (2) ; les « témoins du bon vieux temps » Diliberto et Ferrero, dont les suffrages iront toujours au même Parti Démocrate, sous le prétexte du péril raciste, fasciste, populiste, etc. ; les petits partis à préfixe téléphonique ( respectivement « Pour la refondation de la IVe internationale bolchevique », « refondateurs communistes » ), de Turigliatto et Ferrando, fidèles au principe olympique « l’important n’est pas de vaincre, mais de participer » ; enfin, les Témoins de Jéhovah du communisme (Lutte communiste), dans l’attente du réveil du bon géant salvifique, la classe ouvrière et salariée mondiale. 

    L’idéal serait que, selon la fiction du romancier portugais José Saramago, personne n’allât plus voter; je souligne : personne. Si personne n’allait plus voter, la légitimation formelle de la dictature des économistes s’écroulerait. Le magicien capitaliste trouverait encore le moyen de tirer un nouveau lapin de son chapeau, mais on s’amuserait bien en attendant. Hélas! Cela est un rêve irréalisable. La machine  Attrape-couillons est trop efficace pour qu’on la laisse tomber en désuétude.  


    4 : Et pourtant, la solution pourrait bien être à la portée de la main : une nouvelle force politique radicalement critique à l’égard du capitalisme libériste mondialisé, et tout à fait étrangère au clivage Droite/Gauche. Une force politique qui laisse tomber tous les projets de « refondation du communisme » (la pensée de Marx est encore vivants, mais le communisme historique est mort), et qui retrouve plutôt des inspirations solidaristes et communautaires (4). En théorie, c’est l’œuf de Christophe Colomb ; en théorie, il faudra encore plusieurs décennies, à moins d’improbables accélérations imprévues de l’histoire, pour que l’on comprenne bien que la boussole est hors d’usage, et que « droite » et « gauche » ne sont plus désormais que des espèces de panneaux de signalisation routière. 


    5 : Et c’est ici que je vais donner l’occasion à tous les scorpions, araignées, et vipères de m’accuser: « Preve fasciste ! ». Il est vrai que, si l’on a peur de briser les tabous, mieux vaut se reposer et lire des romans policiers. 

    Voici : un cher ami français vient de m’envoyer le livre qu’a écrit Marine Le Pen (Pour que vive la France, Grancher, Paris, février 2012). Je sais déjà qu’on va parler d’une astucieuse manœuvre d’infiltration populiste par l’éternel fascisme ; mais ce livre, lisez-le, au moins. Il est étonnant. Moi, il  ne m’étonne pas, puisque je connais bien la dialectique de Hegel, l’unité des contraires, et la logique du développement tant de la gauche que de la droite depuis une vingtaine d’années. 

    Voyons cela. A la page 135, Marine Le Pen écrit : « Je n’ai pour ma part aucun état d’âme à le dire : le clivage entre la gauche et la droite n’existe plus. Il brouille même la compréhension des enjeux réels de notre époque ». Je vois que ses principales références philosophiques dont deux penseurs « de gauche » : Bourdieu et Michéa (page 148). Je vois que Georges Marchais, ce représentant du vieux communisme français, est cité, favorablement. Plus de Pétain ni de Vichy. Sarkozy est condamné tant pour sa politique extérieure au service des Etats-Unis que pour sa politique intérieure qui aggrave l’inégalité sociale. Sur la question du marché, sa principale référence théorique est Polanyi (page26). Le Non français à la guerre d’Irak de 2003 est revendiqué (p.37). Marx est cité (page 61) ; le grand économiste Maurice Allais est souvent cité, pour soutenir l’incompatibilité du marché et de la démocratie. Mais surtout, j’y ai retrouvé avec plaisir ce qui me séduisait dans le communisme des années soixante, à savoir que la parlotte polémique à courte portée marche derrière, et non devant : le livre commence par un long chapitre intitulé, à la française « Le mondialisme n’est pas un humanisme ». La globalisation est très justement qualifiée d’«horizon de renoncement », et il y est réaffirmé que « l’empire du Bien est avant tout dans nos têtes », ce qui est vrai. 

    Je pourrais continuer. Je sais que j’ai donné aux vipères et aux scorpions une belle occasion de m’outrager; c'est ce qui va arriver. 

    Mais pour moi, tout ce que je veux, en réalité, c’est faire réfléchir. 


    6 : Pour comprendre ce que sont aujourd’hui la Droite et la Gauche, nul besoin de s’adresser à des défenseurs « idéal-typiques » de la fameuse dichotomie, en termes de valeurs éternelles et de catégories de l’Esprit, comme un Marco Revelli. Il suffit de lire des défenseurs du système comme Antonio Polito (dans le Corriere della sera, 25 février 2012). Polito dit ouvertement que la compétition politique peut désormais avoir lieu dans le seul cadre, tenu pour définitif, de l’économie globalisée ; que tout le reste, du pitre Nichi Vendola (Mouvement pour la gauche) à Forza Nuova (d’« extrême droite »), n’est qu’agitation insignifiante ; que cela est notre destin. 

    Que proposent donc les « gauches » encore en activité, d’Andrea Catone à Giacche et à Brancaccio ? Une relance du keynesisme  et de la dépense publique en déficit à l’intérieur de l’Union européenne ? Une nouvelle mise en garde après tant d’autres contre la menace du racisme, de la Ligue du Nord, du populisme ? Une « alter-globalisation à visage humain » ? A présent que le Grand Putassier n’occupe plus le devant de la scène, avec quoi va-t-on continuer à fanatiser comme des supporters de foot le «peuple de gauche» ?  

    Si on lit le dossier « Chine 2020 » de la banque mondiale, récemment présenté à Pékin, on verra que la dictature des économistes s’étend sur le monde entier. Aujourd’hui, la révolution n’est pas mûre ; elle n’est à l’ordre du jour ni selon sa variante stalinienne (Rizzo), ni selon sa variante trotskiste (Ferrando). Ni même le réformisme, puisque le réformisme suppose la souveraineté de l’Etat national. Et il y en a encore qui jouent comme des enfants avec la panoplie du petit fasciste contre le petit communiste ? Ou du petit communiste contre le petit fasciste ? Aujourd’hui, l’ennemi, c’est la dictature des économistes néo-libéraux. Avec ceux-ci, pas de compromis ! Voilà le premier pas. Si on le fait, on pourra faire les suivants. 


    Deux mots encore à propos de la manie du vote compulsif. 

    Il est probable que l’américanisation intégrale et radicale, bien plus grave encore que l’européisme, que va apporter le gouvernement Monti, produise une diminution de la participation électorale des italiens, qui depuis 1945 a toujours atteint des niveaux délirants. Cette compulsion électoraliste, qui est évidente chez les personnes âgées, était liée à l’opposition Démocratie Chrétienne/ Parti communiste; elle s’est prolongée, par inertie, au temps de Craxi, de  Prodi, et de Berlusconi. Mais à présent que l’Etat prend tout et ne donne plus rien, elle devrait diminuer ; pas assez vite, hélas ! Il y aura toujours du champ pour des clowns comme les Casini, les Veltroni, les Vendola, etc. 

    A côté de cet affaiblissement du vote compulsif, ou notera un second aspect de l’américanisation : le déclin des débats sur la politique extérieure. Aux USA, il est naturel que les gens ne sachent pas où sont l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie, etc. , dont les bombardements sont confiés à d’obscurs spécialistes. Les temps où tous s’intéressaient à la Corée ou au Vietnam sont bien passés, irréversiblement. Toute la caste journalistique, sans aucune exception, est devenus une parfaite machine de guerre qui produit joyeusement du mensonge. 

    Au temps de la guerre du golfe de 1991, il y avait encore de la discussion ; puis elle s’est tue. On a eu alors ce que Carl Schmitt a appelé la reductio ad hitlerum, c'est-à-dire l’attribution de tous les malheurs du monde à de féroces dictateurs, et l’invention (dont l’origine est « de gauche ») de peuples unis contre les dictateurs. Les peuples furent médiatiquement unis contre des Hitler toujours nouveaux, ennemis des droits de l’homme. Le jeu commença avec Caucescu, continua avec Noriega, puis ce furent Saddam Hussein, Ahmadinejad, Milosevic, Kadhafi, et maintenant Assad. L’histoire a été abolie; on l’a remplacée par un argument de comédie, toujours le même : un peuple uni contre le féroce dictateur ; le silence coupable de l’Occident ; les « bons » dissidents, auxquels est réservé le droit à la parole. Depuis un an, je n’ai jamais entendu à la télévision manipulée un seul partisan de Assad, et pourtant, la Syrie en est pleine. 

    C’est seulement lorsque le jeu se durcit qu’il importe que les durs commencent à jouer. Tant que règne la comédie italienne de la parodie Droite/Gauche, il en est toujours comme de ces spectacles de catch américain où tout n’est que simulation devant des spectateurs idiots. 

    Etat national, souveraineté nationale, programme de solidarité de la communauté nationale, non à la globalisation sous toutes ses formes, et à la dictature des économistes anglophones ! 

    Turin, le 3 mars 2012.

    Costanzo Preve 

    Traduit de l’italien par Yves Branca.    

     

    Notes:

    (1) : Norberto Bobbio, 1909-2004. turinois, professeur de philosophie politique socialiste, célèbre en Italie. Plusieurs de ses ouvrages ont été traduits en français. Signalons, Droite et gauche, Paris, Le Seuil, 1996 ; L'État et la démocratie internationale. De l'histoire des idées à la science politique, Bruxelles, Complexe, 1999. Ce dernier ouvrage est considéré comme son œuvre majeure. Costanzo Preve a correspondu avec lui et a écrit une étude critique courtoise, mais radicale, de sa pensée, comme forme classique d’un politiquement correct de gauche : Les contradictions de Norberto Bobbio. Pour une critique du bobbioisme  cérémoniel, Petite plaisance, 2004. 

    (2) : Fondé en 2007, par une coalition de divers courants de gauche et centristes (démocrates chrétiens) ; d’une tonalité analogue au Nouveau Centre de l’UMP en France. 

    (3) : respectivement trotskiste à la manière du Parti des travailleurs ou de Lutte ouvrière, et refondateur communiste. Susceptibles de s’unir dans une sorte de « front de gauche » à l’italienne. Diliberto et Ferrero cités auparavant sont les chefs de file d’autres courants gauchistes et « refondateurs communistes ». 

    (4) : Preve a quant à lui retrouvé l’inspiration aristotélicienne; à ses yeux, la communauté est la société même.

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  • Les emmerdeuses ont un dictionnaire !...

    Les éditions Grancher viennent de publier le Dictionnaire des Emmerdeuses - catalogue raisonné des origines à nos jours, de Patrick Gofman. Journaliste et correcteur, Patrick Gofman, qui a notamment collaboré à L'Idiot international et au Choc du mois, est l’auteur d’une dizaine de livres, parmi lesquels Les Blondes préfèrent les cons (Edition des Autres, 1979), coécrit avec Pierre Marcelle de “Libération”, ou l'excellent Cœur-de-Cuir (Flammarion, 1998) dans lequel il raconte son expérience trotskiste (lambertiste...). Il a également écrit Vengeances de Femmes (Fol’Fer, 2011).

     

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    Ce livre d’une drôlerie et d’une mauvaise foi totales nous présente une galerie de portraits au vitriol de femmes emmerdantes. L’auteur balaie Histoire, mythologie et littérature – d’Antigone à Eva Joly – et foule aux pieds toutes les avancées du féminisme. Le lecteur n’en sort pas grandi, mais il se sera bien marré.

    Dolorès Haze : Après vos livres “Bats ta femme”, et autres “Vengeances de femmes”, n’était-il pas temps de vous calmer un peu ?
    Patrick Gofman : Certes ! J’avais bien l’intention de changer de sujet… D’ailleurs il me reste sur les bras d’excellents romans noirs, inédits, “Dernier amour” ou “Une poupée gonflée”. Mais M. Grancher, prestigieux éditeur de Marine, a des arguments irrésistibles. 

     
    Je vois… Mais la loi antisexiste a ses arguments aussi ?
    Rassurez-vous : le “Dictionnaire des Emmerdeuses” ne discrimine nullement les femmes, ces anges de bonté, mais chahute doucement quelques exceptions d’entre elles, un peu moins vivables et sympathiques.
     
    Mais enfin, pour quoi faire ?
    Pour se marrer, en hâte, avant d’être obligé de pleurer.
     
    On se demande si vous n’êtes pas un peu snob, à prendre systématiquement le contre-pied des magnifiques avancées du droit des femmes, promu par tous les médias et toutes les autorités du monde industrialisé…
    En ce cas, je suis en bonne compagnie. Celle d’Eric Zemmour, mais aussi d’Elisabeth Badinter ou encore d’Evelyne Sullerot, féministe repentie devenue marraine de SOS Papa. Sous couleur de droit des femmes, le Système s’attache à humilier les hommes, pour mieux les dominer, les exploiter. Je ne l’accepte pas.
     
    Macho ?
    Mais oui. Pourquoi pas ? Fierté, dignité, protection des femmes et des enfants. Le programme machiste est inégalable. La vaste majorité des femmes le pense comme moi.




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  • Encore un effort pour être républicain !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré aux résultats des élections présidentielles en France et des élections législatives en Grèce... 

     

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    Encore un effort pour être républicain !

    Rien n’aura vraiment changé le 7 mai. Le grand vainqueur est évidemment le système. Non seulement parce que le parti du gouvernement mondialiste de cet « espace » néolibéral qu’est devenue la France, l’UMPS, est sorti conforté avec, au premier tour, un peu plus de 55% des voix, mais aussi parce que la puissante participation aux deux votes, plus de 80%, témoigne de l’attachement du peuple français au régime de despotisme éclairé postmoderne. Cette formidable adhésion à un scrutin qui n’est, somme toute, qu’un chèque en blanc, ne manque pas d’étonner si l’on se réfère à la défiance maintes fois réitérée à l’égard de la classe politique, tant dans les sondages qu’à l’occasion d’élections locales, et surtout lors du référendum, en 2005, sur le projet de constitution européenne, qui avait vu la victoire du nom, contre l’ensemble de la « France d’en haut ». Les 18% du score de Marine Le Pen, et les résultats d’autres mouvements protestataires, dont le total s’élève à peu près à 30%, montrent que cette méfiance s’exprime néanmoins, mais à un degré qui ne constitue pas une menace sérieuse pour l’oligarchie cosmopolite au pouvoir. Si l’on considère au surplus que 51% des électeurs du Front national ont reporté leurs voix sur un candidat frénétiquement libéral, destructeur du système de protection sociale issu du Conseil national de la Résistance, sur celui qui a vassalisé franchement notre pays, qui a mené une politique visant ouvertement à la disparition de notre nation, et qui a déconsidéré la plus haute fonction de l’Etat par sa vulgarité et son cynisme, on prend la mesure de l’ « illusion politique ». Il est encore prouvé, une fois de plus, que rien ne peut entamer, si le désastre n’y met bon ordre, le quasi envoûtement des maîtres chanteurs qui se partagent le pouvoir depuis des décennies, ni les faits, ni les critiques. 

    Hollande a, en effet, lourdement démenti les faibles mouvements de manches destinés à réinjecter quelque chaleur au rêve, désormais perdu, de l’anticapitalisme socialisant. Très rapidement, il s’est réclamé du blairisme, c’est-à-dire d’un grand parti « démocrate » à l’américaine, plus libéral que social. Il s’est empressé de rassurer les marchés et la finance, il n’est pas revenu sur la réforme des retraites imposée par le gouvernement Fillion, il ne conteste pas les délocalisations, l’ouverture des frontières, il avoue ouvertement sa préférence pour le métissage, il souhaite une intervention militaire en Syrie, s’inscrivant ainsi dans la continuité de la politique néocoloniale de Sarkozy, et dans un américanisme qui, sans être ostentatoire, n’en sera que plus réel, et il vante la « démocratie » israélienne, qui est un apartheid agressif. Quant à Sarkozy, outre son action extraordinairement dévastatrice pour la France et son identité, il a réussi, par des roulements de menton et d’épaule, à voiler la réalité de ses convictions, qui sont tout autant mondialistes, immigrationnistes, soixante-huitardes que celles de la gauche. 

    L’ensemble de la « droite » partage en effet les mêmes valeurs que la « gauche ». Bachelot n’a-t-elle pas augmenté de près de 50% de la rémunération des médecins pour une interruption involontaire de grossesse ? De même, le 22 novembre 2011, des responsables UMP, confortés par Chatel, l’inévitable Bachelot et Copé himself, avaient lancé un appel en faveur du mariage gay, comme l’avait fait, du reste, le premier ministre anglais et « ultra-conservateur » !, David Cameron ». Sarkozy n’était pas défavorable, en 2006, à un « contrat d’union civique » pour les homosexuels, comme d’ailleurs, à la même époque, il louait le « métissage ».

    Il serait relativement dérisoire de mettre l’accent sur ces péripéties appartenant au champ « sociétal », si cher à la « nouvelle gauche » américanisée, si elles ne dissimulaient, avec la peur rhétorique du « socialisme » ou du « fascisme », les questions de fond engendrées par les choix économiques et internationaux, celle, notamment, de la nécessaire rupture avec l’emprise des marchés financiers et de leur bras armé, l’empire hégémonique américain. Malheureusement, les réflexes conditionnés et les connotations idéologiques ont joué bien plus que la raison. Les foules en liesse à la Bastille, le soir du 6 mai, indiquent assez éloquemment le degré de mystification qui sidère encore une partie des masses.

    Au même moment avaient lieu des élections, dans une Grèce qui ressemble à ces ruines qui jonchent son sol chargé d’histoire. Le pays a rejeté, en bloc, les partis de gouvernement, la Nouvelle démocratie et le Pasok, l’équivalent de l’UMPS. Les Grecs montrent, en ayant choisi majoritairement des mouvements protestataires, qu’ils ne sont plus décidés à se laisser berner. C’est là évidemment un avertissement pour la caste bureaucratico-financière qui est en train d’emprisonner l’Europe dans un carcan libéral à tendances dictatoriales. Le pays d’Homère n’est donc plus gouvernable, et il est probable qu’on s’achemine vers de nouvelles élections, avec l’accompagnement propagandiste et les pressions que l’on augure.

    Quoi qu’il en soit, comme deux photographies d’une évolution dans le temps de la situation européenne, nous avons dans le même instant un passé qui cherche à perdurer illusoirement, et un avenir plein d’amertume et de colère. Les Français doivent attacher leur attention à ce qui se passe du côté de la mer Egée, car ils seront bientôt face au même dilemme : ou se résigner à l’esclavage, ou se révolter, voire mener une révolution. 

    Qu’est-ce donc, au fait, qu’une révolution ? Un tel chamboulement n’est possible que lorsque se conjuguent trois facteurs : un effondrement économique, avec la misère, le désespoir qui en résultent ; une démoralisation ou un amollissement de la classe dirigeante, et enfin une prise de conscience, par le peuple, de ses intérêts propres. Nous aurons le premier, fatalement ; la seconde est incertaine, car la caste européenne qui nous ment est partagée, mais reste conquérante et sûre d’elle, d’autant plus qu’elle sait compter sur la puissance de son maître américain ; la troisième n’est pas acquise, et c’est ce qui nous reste encore à parfaire, si nous voulons vraiment être républicains.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 7 mai 2012)

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  • Hommage à Schoendoerffer...

     

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    Le numéro de mai 2012 de la revue Le spectacle du monde est en kiosque. 

    Le dossier est consacré à un hommage au cinéaste Pierre Schoendoerffer, récemment décédé. On pourra y lire, notamment, des articles de Michel Marmin ("Le cinéaste des valeurs perdues"), de Bruno de Cessole ("L'heure des héros fatigués"), de Jérôme Leroy ("Willsdorf ou la gloire du sous-off"), de Marc Charuel ("Soldat de l'image") et de Philippe Franchini ("De l'Indochine au Vietnam"), ainsi qu'un entretien avec Jacques Perrin ("Pierre aura été un modèle pour beaucoup").

    Hors dossier, on pourra aussi lire des articles de François-Laurent Balssa ("Alain de Benoist à cœur ouvert"), de François Bousquet ("Drieu dans la Pléiade", "Virginia Woolf au féminin") ou de Jean-François Gautier ("Claude Debussy, génie tutélaire"). Et on retrouvera aussi  les chroniques de Patrice de Plunkett et d'Eric Zemmour ("La fin des modérés").

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  • Une victoire par défaut...

    Pierre Le Vigan, essayiste et collaborateur habituel de la revue Eléments, analyse pour Métapo infos la victoire par défaut de François Hollande dans une France qui paraît rester majoritairement à droite...

     

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  • Vae victis !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré aux raisons de la défaite de Nicolas Sarkozy... 

     

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    Vae victis : la défaite méritée de la droite la plus bête du monde

    La défaite de Nicolas Sarkozy aux élections présidentielles de 2012 n’est pas seulement celle d’un homme qui a très rapidement dilapidé son capital politique. Car en cinq ans le président sortant a réussi non seulement à faire gagner la gauche mais aussi à remettre en selle l’extrême gauche et le parti communiste, en catalysant le rejet autant de sa personne que de sa politique, tout en décourageant ses soutiens.

    Et la crise n’explique pas tout, car cet échec est aussi celui de toute la droite française, qui est vraiment « la plus bête du monde », selon la fameuse expression attribuée au socialiste Guy Mollet !

    La droite en France est, certes, en dormition depuis les épurations et diabolisations successives dont elle n’a cessé d’être frappée. Mais cela ne saurait tout excuser. La triste vérité est que la droite en France est bête et qu’elle ne cesse de commettre des bêtises. Retour sur cinq d’entre elles :

    La première bêtise, la plus ancienne, est d’avoir délaissé la lutte des idées

    Jusque dans la première moitié du XXe siècle, la droite en France rassemblait de brillants intellectuels et des artistes. La IVe République, qui a vu la mainmise de la gauche sur la culture, l’enseignement, l’édition et la presse, suite à l’Epuration, y a mis un terme.

    Mais cela a malheureusement continué sous la Ve République : la droite a perdu en 1968, puis en 1986 avec la cohabitation, le combat culturel face à la gauche.

    Cette droite n’a tenu compte, en outre, d’aucun des avertissements qui lui ont été adressés par certains intellectuels amis (de Michel Droit à Louis Pauwels) et par certains clubs de réflexion, en particulier après la victoire de la gauche en 1981 : elle n’a pas voulu comprendre que ce sont les idées qui mènent le monde, le monde politique en particulier.

    La droite au front de taureau a continué de ne réfléchir à rien, de ne rien lire et de n’avoir des idées sur rien.

    La droite n’a donc pas vu venir les nouveaux clivages culturels et politiques qui émergeaient en Europe et en France : le clivage identité/cosmopolitisme ; le clivage islam/chrétienté ; le clivage oligarchie/peuple ; le clivage souveraineté /mondialisme ; le clivage protection/libre-échangisme. Sur tous ces sujets, qui sont autant de « grandes querelles », comme disait De Gaulle, la droite de gouvernement n’a rien eu à nous dire en 2012. Elle n’a donc nullement profité de ces nouvelles lignes de fracture politiques.

    La droite a longtemps cru que sa « bonne gestion de l’économie » constituerait son meilleur argument électoral face à une gauche « idéologique ». Car autrefois la droite rimait avec économie – au sens vertueux du mot –, avec confiance dans la monnaie ainsi qu’avec rigueur budgétaire et financière. Mais la droite a perdu aussi sur ce terrain-là !

    Avec Chirac puis Sarkozy, la droite est devenue au moins aussi laxiste, sinon plus, que la gauche : les déficits et l’endettement publics se sont envolés. La France a perdu son triple A. Les transferts sociaux au profit de différentes clientèles et les réglementations bureaucratiques se sont, comme les radars, multipliés. Les impôts et prélèvements « sociaux » n’ont cessé de progresser, et cela avait déjà commencé sous Giscard d’Estaing.

    Pas étonnant que les jeunes et les actifs se détournent de cette droite qui regarde, dans le rétroviseur, passer les trains de l’histoire !

    La seconde bêtise a consisté à adopter l’idéologie de la gauche

    Les « stratèges » de la droite ont cru habile, au surplus, pour contrer les communistes et les socialistes, de se placer sur le même terrain qu’eux.

    Les mots d’ordre des hommes politiques de droite, véritables éponges idéologiques à la fin du XXe siècle, proviennent d’ailleurs quasiment tous de la gauche : la « nouvelle société » (car la société est bloquée par le conservatisme, bien sûr ! selon Chaban-Delmas), « la société libérale avancée » (c'est-à-dire une sorte de social-démocratie : Giscard d’Estaing), « le travaillisme à la française » (Chirac), le « changement » et « vivement demain » (en 1986), la « rupture » (Sarkozy après… Mitterrand en 1981). Le dernier chic à droite était d’ailleurs de se réclamer d’hommes de gauche : de Jaurès à Georges Mandel.

    La droite s’est donc réclamée des droits de l’homme, de la République et surtout du libre-échangisme mondialiste. Mais c’était un cocktail à la fois ringard et dangereux ! Comme ces vieilles munitions que l’on déterre encore et qui vous explosent à la figure quand on commence à les manipuler…

    Ainsi les droits de l’homme – instrumentés contre les communistes dans les années 70 – sont devenus en retour une arme aux mains des immigrationnistes et des mondialistes contre les droits des citoyens et contre la souveraineté des Etats. Chirac a fini par faire la guerre à la Serbie au nom des droits des mahométans du Kossovo. Et Sarkozy a promu « l’obligation de protéger » les Libyens, un remake de « l’urgence humanitaire » inventée par le socialiste Bernard Kouchner… et qui fut aussi son ministre d’ouverture.

    Devenue anglophile, la droite s’est ensuite emparée avec délices du prêt à penser libéral, qui fut rapidement véhiculé par les intellectuels organiques de service et les représentants du patronat : trop d’impôts tue l’impôt, libérons les créateurs de richesses, dérégulons, privatisons, à bas l’Etat, vive l’Etat de droit !

    Il s’agissait néanmoins d’un hara-kiri idéologique.

    Car les droits de l’homme et la doctrine libre-échangiste se rattachent comme la gauche à l’idéologie des Lumières. Toutes ces idéologies prônent la déconstruction des traditions, des protections nationales et des frontières économiques et, finalement, de toutes les spécificités – c'est-à-dire des identités – comme autant d’obstacles au « doux commerce » entre des individus égaux et « rationnels » car libérés de toute appartenance.

    On ne peut donc pas à la fois se déclarer en faveur de la famille, des traditions culturelles, de l’identité, de la citoyenneté ou de la nation et prôner le libre–échangisme et les droits de l’hominien : il y a dissonance cognitive entre les deux positionnements !

    Le fait que la gauche – qui prétend de son côté que l’on peut préserver notre « modèle social », version 1946 modifiée 1981, dans une économie globalisée – porte comme un boulet sa propre dissonance cognitive ne change rien à l’erreur stratégique de la droite.

    Le résultat est là : en 30 ans la droite est devenue une gauche qui ne dit pas son nom. Elle s’est progressivement ralliée à l’égalitarisme, à la « lutte contre les inégalités » et donc à l’ingénierie sociale, puis à « l’antiracisme », à l’écologisme, au féminisme et finalement au cosmopolitisme.

    La troisième bêtise a consisté à tromper en permanence son électorat

    La gauche a échoué à sortir du système capitaliste. Mais elle a, par contre, réussi à transformer la société conformément à son idéologie et elle a mis en œuvre une bonne partie de son programme électoral.

    La droite, elle, n’a cessé de tromper ses électeurs. Elle scénarise à chaque élection un duel à mort avec la gauche. Mais c’est ensuite pour cohabiter avec elle, pour faire entrer au gouvernement des ministres issus de la gauche au titre de « l’ouverture » ou pour en rajouter sur le politiquement correct.

    Elle met en scène un discours « souverainiste » (de Pasqua à De Villiers, sans oublier l’appel de Cochin de Chirac) ou « sécuritaire » (en général ce rôle incombe au ministre de l’Intérieur en place) pour aller à la pêche aux voix : mais ensuite ces joueurs de flûte rentrent piteusement dans le rang et font le contraire de ce qu’ils ont promis.

    « Les réformes les plus contestables qui ont bouleversé notre société, et dont l’effet cataclysmique se fait sentir aujourd’hui, ont d’ailleurs été prises par des gouvernements et des présidents de droite et non de gauche : la déstructuration de l’enseignement scolaire et universitaire, la loi Pleven qui ouvre la voie au chantage « antiraciste », le regroupement familial des immigrés, la légalisation de l’avortement, l’imposition du Traité de Lisbonne, l’annonce des « repentances » successives, la perte de la souveraineté monétaire, la réintégration de l’OTAN, la mise en place des quotas féministes, la création de la HALDE, la « discrimination positive », etc.

    « C’est aussi la droite et non la gauche qui a bouleversé l’esprit et les institutions de la Ve République. Avec la cohabitation de 1986, la droite a accepté de dissocier la majorité présidentielle et la majorité parlementaire, créant la confusion politique et l’immobilisme. Elle a ensuite réduit la durée du mandat présidentiel, diminuant du même coup sa dimension souveraine. Nicolas Sarkozy a achevé l’évolution en fusionnant de fait les fonctions de premier ministre et de président de la République, rabaissant le niveau de la fonction.

    « C’est aussi la droite qui a bouleversé, au nom de l’idéologie néolibérale de « l’Etat de droit », le système de contrôle de la constitutionnalité des lois : elle a transformé le Conseil constitutionnel en gardien idéologique, c'est-à-dire qu’elle a organisé la primauté des juges inamovibles sur les législateurs élus.

    « La gauche a certes supprimé la peine de mort, voté les lois Auroux sur le pouvoir syndical dans l’entreprise, instauré les 35 heures et voté la loi Fabius-Gayssot, des réformes également cataclysmiques. Mais cela ne saurait cacher que globalement c’est la droite de gouvernement qui a à son passif le plus de réformes calamiteuses pour notre pays. »

    La quatrième bêtise de la droite a été son incapacité à s’unir

    L’histoire de la droite en France depuis les années 1870 est l’histoire de ses déchirements et de ses luttes fratricides, alors que les querelles de la gauche sont toujours restées, selon la formule célèbre de Léon Blum, des querelles de famille.

    A la différence de la gauche, la droite ne sait pas jouer collectif et sacrifie en permanence l’essentiel au nom de l’accessoire. C’est pourquoi elle ne parvient pas à s’imposer dans la durée.

    Dernière illustration de ce travers historique : la droite au front de taureau a coupé les ponts avec le Front national tout en prétendant récupérer ses électeurs. Elle a donc fait le contraire de la stratégie victorieuse d’union de la gauche. Bravo les parangons du « vote utile » !

    Cette préférence pour la désunion a eu pour seul résultat que la droite, bien que majoritaire dans le pays, s’est retrouvée prise en otage politique par une gauche minoritaire. Une performance remarquable !

    Afin de se dédouaner, en effet, de l’accusation, constamment proférée par la gauche et les officines qui lui sont dévouées, de « pactiser » avec le diable « d’extrême droite », la droite a été contrainte de donner des gages de plus en plus élevés. Elle s’est déclarée de plus en plus « républicaine », c’est-à-dire toujours plus politiquement correcte.

    Elle a dû aussi sacrifier impitoyablement tous ceux qui, dans ses rangs, prétendaient à l’union de la droite : ils ont été abandonnés, ostracisés, souvent ruinés et, comme par hasard, parfois aussi, objet de poursuites judiciaires.

    Cette diabolisation permanente a aussi fait peser une chape de plomb politiquement correcte sur le pays.

    Parler de l’immigration ou de l’islam autrement qu’en termes laudateurs, ou de l’insécurité, c’était bien sûr « faire le jeu » du Front national ou « lepéniser » son esprit ! Mais cette chape de plomba nui plus à la droite qu’à la gauche, pour la raison principale que le politiquement correct est fondamentalement la déclinaison des tabous de gauche. La diabolisation du débat sur les enjeux de société a donc eu pour effet de stériliser encore plus ce qui restait du discours de droite.

    Enfin cette diabolisation a ancré la droite de conviction dans l’espoir fou qu’elle pourrait gagner seule, interdisant en retour toute dynamique d’union : un espoir fou, car arithmétiquement impossible dans des conditions normales et par conséquent facteur de découragement et de discorde autour de la meilleure stratégie possible, en particulier pour sortir de la « diabolisation ».

    Malgré ses ultimes et pathétiques appels du pied entre les deux tours, Nicolas Sarkozy n’a pas su sortir du piège où Jacques Chirac avait fourvoyé la droite.

    La cinquième bêtise de la droite a consisté à se couper du peuple 

    Au début de la Ve République, la droite était majoritaire et populaire : c’est l’apport du gaullisme qui était bien à sa manière un « populisme » : un chef charismatique, une société politique implantée dans toutes les couches de la société et un appareil solide et structuré. Le fondateur de la Ve République voulait en outre sortir du « système des partis » et ancrer l’exécutif dans la souveraineté populaire directe : l’élection au suffrage universel direct du président de la République et la pratique référendaire devaient y pourvoir.

    La droite est au contraire devenue oligarchique à la fin du XXe siècle ! C'est-à-dire qu’elle perçoit le peuple français désormais comme un obstacle à ses projets et non plus comme un levier. En témoigne l’attitude de Nicolas Sarkozy faisant adopter par le parlement un traité européen que les Français avaient refusé par référendum !

    Dans l’esprit obtus des oligarques de droite, la souveraineté ne vient plus du peuple – en tout cas plus du peuple autochtone – mais d’ailleurs : du gouvernement des juges, des lobbies communautaires, des « autorités morales », du pouvoir médiatique, des marchés et de la « gouvernance » européenne et mondiale.

    La droite a malheureusement oublié la leçon du gaullisme : la souveraineté politique vient du peuple, pas des appareils ni des notables ni des « communautés ». Elle s’est mise à courtiser les minorités et non à écouter la majorité.

    Elle a donc raté son rendez-vous avec le peuple français à la fin du XXe siècle car, en se soumettant au politiquement correct, elle s’est interdit de répondre à ses attentes. Elle n’a profité qu’un temps de la désaffection vis-à-vis de la gauche et de la chute du communisme : elle a, au contraire, couru après la gauche tout en méprisant et ostracisant 20% du corps électoral. Elle a déçu ses électeurs naturels, elle a trompé leur confiance et elle n’a pas su répondre à l’angoisse montante des classes moyennes.

    Tant pis pour elle ! Vae victis, comme disaient nos ancêtres.

    Michel Geoffroy (Polémia, 6 mai 2012)

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