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  • La Religion du poignard...

    Paru en 2009 aux éditions Galilée, La Religion du poignard est un court essai de Michel Onfray consacré à Charlotte Corday. Il fait de la jeune Normande, qui, en juillet 1793, par conviction politique, poignarde mortellement le sinistre Jean-Paul Marat, le symbole d'un républicanisme intransigeant capable d'aller jusqu'au tyrannicide... On notera que Pierre Drieu la Rochelle admirait lui aussi ce personnage et qu'il lui a consacré en 1939 une belle pièce de théâtre, intitulée sobrement Charlotte Corday, dans laquelle il mettait en scène l'éternelle débat sur la question des fins et des moyens en période révolutionnaire...

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    "Charlotte Corday incarne le refus d’une gauche de ressentiment qui jouit de l’occasion offerte par 1789 pour donner libre cours à sa haine, ses jalousies, ses envies. Elle qui a lu Plutarque et Corneille, son ancêtre, elle ne se contente pas de pérorer dans un temps où l’on parle beaucoup, souvent à tort et à travers : elle agit. Quel intérêt de lire et d’admirer les grands romains de la république si, dans ces circonstances historiques particulières, on ne se hisse pas à leur hauteur ? Elle dit clairement son républicanisme et son mépris de la faiblesse du Roi, elle affirme les idéaux des Lumières et se soucie comme d’une guigne des vertus chrétiennes, elle peste contre le dévoiement de l’esprit de 1789 dans le sang de la Terreur, elle est la véritable Amie du Peuple alors que Marat, emblématique homme du ressentiment, se sert de la Révolution française pour régler des comptes avec le monde qui ne lui a pas donné ce qu’il attendait : titres de noblesses, visibilité mondaine, argent, pouvoir, honneur, reconnaissance institutionnelle.
    Charlotte Corday incarne le tyrannicide, cher au cœur des amis de Plutarque. Elle incarne la morale et la vertu, la pureté et l’idéal dans un monde où triomphent le vice, l’immoralité, l’impureté, la haine. Son geste fonde la « religion du poignard », selon les mots de Michelet, une religion sans Dieu bien utile en nos temps déraisonnables de nihilisme triomphant."

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  • Personnalités "préférées" ou "politiquement correctes" ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un plaisant billet d'humeur de Philippe Randa, cueilli sur le site Voxnr et consacré à l'étonnant classement des personnalités préférées des Français réalisé par le Journal du dimanche...

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    Personnalités "préférées" ou "politiquement correctes" ?

    Le classement des personnalités préférées des Français, réalisé par l’Ifop pour Le Journal du Dimanche, est, paraît-il, attendu chaque année avec impatience. Ah bon !

    La cuvée 2012 est toutefois surprenante. D’abord, les trois premiers noms : Numéro 1 (à nouveau), Yannick Noah. Numéro 2, Zinedine Zidane. Numéro 3, Omar Sy… Ceux qui doivent être heureux sont les obsédés de l’anti-racisme : ce classement est la concrétisation de tous leurs rêves… ou de leurs fantasmes : pas un « de souche »(1) ne vient semer le « trouble de la repentance » sur les premières marches du podium. Voilà une société comme ils la désirent tant. Elle est là… du moins dans les réalisations tarifées de l’Ifop.

    Les noms suivant dans la liste déparent à peine : Gad Elmaleh, Jean Dujardin, Jamel Debbouze, Dany Boon et Florence Foresti… Seuls des esprits chagrins pourraient demander : « Pourquoi Jean Dujardin et Florence Foresti ? » Pourquoi pas !

    Ce classement dont le résultat a été largement diffusé dans les médias laisse perplexe. Sauf à imaginer que le « politiquement correct » ait justifié toutes les « corrections » nécessaires au nom du « lourd fardeau de l’homme blanc », tel que l’avait défini voilà déjà longtemps Rudyard Kipling et si donc, ce classement correspond à la réalité, y a-t-il vraiment de quoi s’enthousiasmer au-delà de toute considération politique ? Car ces personnalités « préférées » s’avèrent être exclusivement des sportifs et des saltimbanques. Loin de moi l’idée de mépriser les premiers comme les seconds, mais il est tout de même difficile de croire que les noms qui viennent spontanément à l’esprit des citoyens soient ceux d’un joueur de tennis dont les prouesses sur les cours remontent tout de même à 1983 (tournoi de Roland-Garros), 1991 et 1996 (victoire en Coupe Davis de l'équipe de France dont il était capitaine)… Ce n’est pas rien, mais date tout de même de plus de 16 ans ! La chansonnette dans laquelle il s’est reconverti depuis, pas trop mal d’ailleurs, peut difficilement expliquer la pérennité d’un tel engouement.

    De même, d’un joueur de football, certes exceptionnel, mais dont la fin de carrière reste entachée par une expulsion en finale de Coupe du monde sur carton rouge pour un coup de tête au thorax à un joueur adverse. Pour beaucoup, cela priva la France de la victoire… Et ses prestations, depuis, dans de multiples spots publicitaires ne font guère envisager sa reconversion possible sur les planches pour jouer du Shakespeare.

    Plus stupéfiant encore est le troisième « élu », le comédien Omar Sy, bien rigolo avec son complice Fred dans les sketchs TV « Service après-vente des émissions », dont le talent n’est, lui aussi, pas en cause encore une fois, mais qui ne doit sa soudaine « starisation » qu’au succès d’un film sorti en salle à peine 9 mois plus tôt.

    C’est bien connu grâce à Blaise Pascal, « le cœur a ses raisons que la raison ignore », mais il fut une époque où les personnalités d’un tel classement avaient noms Cousteau, commandant de son surnom, ou même Pierre, Abbé de son état… Quoi que l’on pense d’eux, le premier a permis au grand public de découvrir le monde de la mer et ses mystères, ce qui n’est pas tout à fait rien… et le second, même si ses prestations finissaient par irriter jusqu’aux plus tolérants, a contribué a soulager bien des misères…

    Ni l’un, ni l’autre n’étaient mes personnalités « préférées », mais je conçois qu’elles l’aient été pour beaucoup… La cuvée 2012, non, finalement, me laisse vraiment dubitatif.

    Enfin, je souhaite tout de même une très bonne nouvelle année à tous ceux qui ont la faiblesse de lire mes « chroniques barbares »(2)… et s’il y a parmi eux des sportifs et des saltimbanques, j’espère qu’ils ne me tiendront pas trop rigueur de mon très mauvais esprit !

    Philippe Randa

    1) Ou « souchiens », selon la bien peu délicate expression d’Houria Bouteldja, porte-parole du parti des Indigènes de la République, qui a été, pour cela, mise en examen pour racisme anti français et injure raciale à l’égard des Français sur plainte de l’AGRIF (association contre le racisme anti-blanc et anti-chrétien - http://lagrif.fr) devant le tribunal de Toulouse.

    (2) Je leur promets de faire tout mon possible pour laisser passer le moins de fautes d’étourderie possible… même si, hélas ! on sait tous trop bien ce que valent les bonnes résolutions de début d’année. La preuve, sans doute, avec cette première chronique de 2012.

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  • Canal Mussolini...

    Les éditions Liana Levi viennent de publier Canal Mussolini, un roman d'Antonio Pennacchi, qui a reçu en 2010 le prix Strega, l'équivalent du prix Goncourt en Italie. Un précédent roman de cet auteur, intitulé Il fasciocommunista, a déjà été traduit en français sous le titre Mon frère est fils unique (Le Dilettante, 2007), après son adaptation au cinéma avec le remarquable acteur italien Riccardo Scamarcio.

    Politiquement incorrecte et inclassable, l'oeuvre de Pennacchi fait grincer des dents. Si l'homme n'est pas banal - ouvrier  pendant une quinzaine d'années, il s'est lancé tardivement dans des études universitaires et a publié son premier roman à 44 ans -, son parcours politique l'est moins encore, puisqu'il est passé en quelques années des jeunesses du MSI (néo-fasciste) à l'extrême-gauche maoïste. Plus récemment, s'il a fait partie des intellectuels qui se sont radicalement opposés à Berlusconi, il l'a fait, pour sa part, sur des bases assez originales, puisqu'il a soutenu en 2011 une liste facho-communiste aux élections municipales de sa ville natale de Latina, comme l'a raporté le quotidien le Monde. Difficile pour un journaliste parisien conformiste et bien propre sur lui de comprendre des déclarations comme celle-ci :« Pour vous, les Français, c'est facile de faire le tri dans votre héritage. La droite pétainiste a collaboré avec les nazis, elle était raciste. Donc elle est à juste titre condamnée. En Italie, c'est plus compliqué. La dictature fasciste n'a pas tout de suite été raciste. Des architectes juifs ont inventé l'architecture rationaliste comme à Latina. La bonification est une reconquête des terres au profit des plus pauvres. Le jugement de l'Histoire sur le fascisme ne peut pas être totalement négatif. »

    Pas étonnant, donc que Marcelle Padovani, du Nouvel Observateur ait pu dire de Canal Mussolini que cet "hommage vibrant au côté laborieux du fascisme, à sa volonté de réformer et reconstruire l'Italie" avait quelque chose de révisionniste... Mais pour Philippe Chevilley, dans les Echos, c'est surtout "un tableau saisissant, humain mais sans concession, de cette « conquête » de l'Italie fasciste - façon western mussolinien". A lire, donc !

     

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    "Les Peruzzi: dix-sept frères et soeurs, une tribu. Des paysans sans terre, tendance marxiste, à la tête dure et au sang chaud. Parce qu’un certain Benito Mussolini est un ami de la famille, ils abandonnent le rouge pour le noir. En 1932, avec trente mille autres affamés, ils émigrent dans les marais Pontins, au sud de Rome, où démarre le chantier le plus spectaculaire de la dictature. Huit ans sont nécessaires pour creuser un gigantesque canal, assécher sept cents kilomètres carrés de bourbiers infestés de moustiques et bâtir des villes nouvelles. Enfin, les Peruzzi deviennent propriétaires de leurs domaines. Mais tandis que l’histoire emporte les aînés dans le tourbillon des conquêtes coloniales et de la Seconde Guerre mondiale, au Canal, les abeilles d’Armida, l’ensorcelante femme de Pericle, prédisent un sombre avenir. Entre chronique et farce, Pennacchi signe un roman époustouflant où la saga d’une famille sur trois générations croise un demi-siècle de l’histoire italienne."

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  • Quel jeu pour l'hyperclasse en 2012 ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue intéressant de Georges Feltin-Tracol, cueilli sur le site Europe maxima, dans lequel il analyse les stratégies qui pourraient être celles de l'hyperclasse (ou des élites mondialisées, comme dirait Eric Zemmour) dans la perspective des élections présidentielles. Animateur du site Europe Maxima, Georges Feltin-Tracol a publié deux recueil d'articles aux éditions Heligoland : en 2009, Orientations rebelles, et en 2011, L'Esprit européen entre mémoire locale et volonté continentale.


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    Le jeu de l'hyperclasse pour 2012

    Il ne fait guère de doute que 2012 sera une année décisive. Non pas parce qu’elle marquerait la « fin du monde » selon une prédiction du calendrier maya, mais plus sûrement parce que cette année connaîtra des élections présidentielles en Chine, aux États-Unis, en Russie, au Venezuela, au Mexique et en France. Du fait de ces échéances cruciales et des effets durables d’une crise économique féroce, l’hyperclasse se montre attentive à l’évolution politique de ces pays, Hexagone compris…

     

    L’« hyperclasse » : un ensemble composite

     

    Désignée d’abord par Christopher Lasch en tant que « Nouvelle Classe » (1), puis définie comme une « Oligarchie » transnationale, l’hyperclasse est un ensemble mondialiste fortuné, richissime même, qui veut imposer sa domination sur les États au moyen des médias, des marchés et de la dette souveraine (bel oxymore !). Rapportant les conclusions d’une étude de trois chercheurs suisses mise en ligne sur Plos One, Emmanuel Ratier évoque dans son excellente lettre confidentielle « une “ super-entité économique dans le réseau global des grandes sociétés ” […]. Sur ces 147 firmes, les trois quarts appartiennent au secteur financier. Il existe donc un véritable “ syndicat caché ”, un “ État profond ” de la finance apatride et cosmopolite, qui contrôle l’essentiel de l’économie […]. Les liens entre ces dirigeants, ces “ traders ” vedettes et les gouvernements font qu’il s’agit d’un petit milieu très étroit, où les modes, les erreurs, les alliances font qu’une seule décision (en particulier une mésestimation ou une erreur) peut avoir des conséquences colossales sur l’ensemble du système (2) ». Dans L’oligarchie au pouvoir, Yvan Blot examine son pendant hexagonal qui « comporte les dirigeants des intérêts économiques les plus divers, grand patronat, grands syndicats, associations diverses souvent prétendument à but non lucratif mais à activités souvent affairistes, lobbies ethniques poussant leurs avantages, etc. Ce socle est très important car il sert souvent de base financière aux autres parties de l’oligarchie (3) ». Il y intègre aussi sous ce terme générique la « caste » médiatique, les « autorités morales », les politiciens et les appareils bureaucratiques.

     

    Unie par des valeurs communes, les mêmes codes culturels et des endroits identiques (Davos), l’hyperclasse n’en demeure pas moins un groupe hétérogène parcouru par des antagonismes parfois vifs en raison des sensibilités nationales, des contentieux économiques, des inimités personnelles. Nul n’ignore que deux des plus grandes fortunes françaises, François Pinault et Bernard Arnault, ne s’apprécient guère… « On croit que le libre-échange globalisé a engendré une oligarchie transnationale, prévient Emmanuel Todd. Parce qu’on fait abstraction des facteurs culturels, on ne voit pas qu’il existe plusieurs oligarchies dont les relations sont structurées par d’implacables rapports de forces. La spécificité de l’oligarchie française, c’est sa proximité avec la haute administration. Les membres ont souvent étudiés dans de grandes écoles – sans forcément être des héritiers -, parlent en général très mal l’anglais, sont incroyablement français dans leurs mœurs et n’en finissent pas de se faire rouler par les vrais patrons, l’oligarchie américaine. La soumission à Standard & Poor’s et Moody’s est une soumission à l’oligarchie américaine. Quant à l’oligarchie allemande, nouvelle venue dans le système de domination, elle s’habitue ces jours-ci à traiter les Français comme de simples vassaux. Le charme singulier de l’oligarchie chinoise est son étroite intrication avec le Parti communiste. La plupart des analystes passent à côté de cette hétérogénéité (4). »

     

    L’hyperclasse, pour le moins la part qui s’intéresse à l’Europe,  s’inquiète de la montée du « populisme », en particulier en France, vieille terre de jacqueries, d’émeutes et de révolutions. Elle craint qu’une éventuelle vague populiste n’affecte durablement son ascendance. Elle s’emploie à conjurer ce risque en s’assurant d’une maîtrise certaine des événements. Longtemps, son champion à la course élyséenne destiné à remplacer l’actuel locataire déconsidéré et dévalorisé, fut Dominique Strauss-Kahn. Au printemps 2011, quelques sondages mettaient Marine Le Pen en tête du premier tour. Cette véritable manœuvre de guerre « psychologique et médiatique » prévoyait d’écarter du second tour Nicolas Sarközy et d’assurer ainsi une large victoire « républicaine » et pseudo-consensuelle à D.S.K. Cependant, un regrettable événement hôtelier survenu à New York ruina la belle mécanique. Dépitée et résignée, la « ploutocratie » a réparti son soutien entre Sarközy, François Hollande et François Bayrou qui assume sans complexes sa foi envers la présente politogénèse européenne mondialiste.

     

    Dans Le Point, Emmanuel Todd relève que « l’oligarchie se comporte comme une classe sociale, mais en même temps on sent en elle de l’irrationalité et même un vent de folie collective (5) ». Il estime par ailleurs que « le monde de l’oligarchie est un monde de pouvoir et de complots (6) ». Sans verser dans le délire conspirationniste, on peut néanmoins supposer qu’une faction de l’hyperclasse, redoutant un déchaînement incontrôlable de colères populaires suite aux méfaits de la crise, choisirait par défaut… Marine Le Pen !

     

    La ploutocratie contre les élections

     

    Soyons précis. La présidente du Front national n’est pas la candidate de l’hyperclasse, mais il est envisageable qu’une tendance, minoritaire, des « élites mondialisées » parie sur son hypothétique élection dans le dessein machiavélique de montrer aux peuples récalcitrants, aux Français d’abord, qu’il n’y a aucune alternative possible hors de la voie qu’elles ont préparée.

     

    Certes, la plus grande majorité des oligarques espèrent un second tour entre François Hollande et Nicolas Sarközy. Toutefois, le grain de sable n’est pas à exclure. Les électeurs français réfractaires aux injonctions médiatiques risqueraient de bouleverser le bel ordonnancement prévu, ce que les « pseudo-élites » détestent. Pour éviter toute perspective de nouveau « 21 avril 2002 » (à l’endroit ou à l’envers, peu importe), le plus simple serait d’empêcher la candidature de Marine Le Pen, perçue comme l’avocat radical du « petit peuple ». On sait que Jean-Marie Le Pen a toujours eu de très grandes difficultés pour récolter les cinq cents parrainages obligatoires. L’intercommunalité, le poids financier du département et de la région, l’influence de la partitocratie et le rôle délétère des médias mettent une incroyable pression sur les maires des communes rurales et des petits bourgs urbains. Incapable de réunir les signatures nécessaires, Marine Le Pen ne pourrait pas postuler à la magistrature suprême sans que les règles démocratiques ne soient formellement violées. Autre supposition : Marine Le Pen parvient à rassembler les parrainages indispensables. Sa candidature est cependant invalidée par le Conseil constitutionnel. Les hiérarques du Palais royal reviendraient sur leur jurisprudence de 1974 quand leurs prédécesseurs entérinèrent après débat la candidature du royaliste de gauche Bertrand Renouvin. Ils se justifieraient au nom du respect des traités européens et de l’abolition constitutionnelle de la peine de mort alors que Marine Le Pen prône la sortie de l’euro et propose un référendum sur le rétablissement de la peine capitale. Une décision pareille provoquerait en retour le mécontentement des électeurs et, peut-être, le début d’un « printemps tricolore » en écho aux révolutions arabes de 2011…


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    Si ces entraves ne se produisent pas, une infime minorité de l’hyperclasse estime vraisemblable que Marine Le Pen arrive au soir du 22 avril 2012 première ou seconde, puis remporte – à la surprise générale – l’élection. Mieux, dans la foulée et dans la logique institutionnelle de la Ve République, une nouvelle majorité présidentielle – frontiste ou lepéniste – gagnerait une confortable majorité à l’Assemblée nationale. Commencerait alors le subtil et pernicieux travail d’étouffement des oligarques.

     

    En effet, quand bien même une large majorité de députés suivrait la nouvelle présidente de la République, celle-ci se retrouverait cernée. Au-dessus d’elle la surplomberaient des « surveillants supranationaux » : l’O.N.U., l’O.M.C., l’O.T.A.N., l’Union européenne, la Cour européenne des droits de l’homme et le Conseil constitutionnel. Son gouvernement devrait composer avec un Sénat de gauche, la totalité des collectivités territoriales aux mains de l’opposition U.M.P.S. et l’hostilité des syndicats, de la magistrature et du Conseil d’État. Le pays serait en proie à des grèves générales pénalisantes pour la population. Par ailleurs, tout le système médiatique contesterait les moindres faits et gestes des membres de la nouvelle majorité (la campagne de presse contre les vacances tunisiennes de Michèle Alliot-Marie passerait alors pour une aimable réprimande…) et pratiquerait une large désinformation contre le pouvoir. Enfin, la haute-administration, gangrenée par des réseaux enchevêtrés d’intérêts catégoriels discrets, freinerait, retarderait, bloquerait les décisions précises au point de gripper l’appareil d’État. Dans les ministères, ce sont les fonctionnaires qui dirigent, pas les ministres. Yves Blot mentionne une anecdote révélatrice quand il était député R.P.R. du Pas-de-Calais lors de la Ire Cohabitation (1986 – 1988). Invité avec d’autres collègues de la majorité au ministère du Budget détenu par Alain Juppé pour suggérer des réformes, « on fait le tour de table et Juppé se tourne vers son conseiller fiscal, un haut fonctionnaire venant de la direction générale des impôts du ministère des Finances. “ Alors ? Que pouvons-nous réformer ? ” Réponse : “ Rien, Monsieur le Ministre. Toutes les propositions des députés sont en contradiction avec la doctrine de la direction ”. Là-dessus Juppé nous quitte et lance à son conseiller : “ Réfléchissez, vous changerez peut-être d’avis pour faire certaine réforme ”. Réponse du conseiller : “ Certainement pas, Monsieur le MInistre ! ” Je vais voir Juppé et je lui dis : “ Ton conseiller est    arrogant ! Tu ne vas pas le suivre ? ” “ Écoute, me répond-il : tu connais l’administration. Si je ne lui obéis pas, je ne contrôlerai plus aucune manette dans ce ministère ! ” (7) ». En 1995, Alain Madelin dut batailler ferme pour enfin savoir la rémunération des responsables des services de Bercy ! On les lui remit avec maintes précautions sur du papier spécial non photocopiable (8)…

     

    Médias, fonctionnaires, juges, syndicats et politiciens profiteraient de cette chienlit pour dénoncer l’incompétence et l’amateurisme des nouveaux dirigeants. Des pénuries de carburant, d’énergie, de produits de première nécessité surgiraient alors. Des violences (émeutes dans les banlieues, sécession de certaines collectivités au nom de l’« anti-fascisme » réactivé), fomentées par des officines clandestines spécialisées liées à des services spéciaux étrangers (étatsuniens, britanniques, allemands, algériens, chinois, israéliens…), plongeraient la France dans une subversion généralisée. Au bout de quelques mois ou années (mais pas cinq ans !), Marine Le Pen, désavouée, se verrait obligée de démissionner.

     

    Un pari oligarque risqué

     

    Une dernière hypothèse serait aussi plausible. Supputant sur le pragmatisme intéressé et l’attrait des palais officiels, l’Oligarchie pourrait tabler sur les précédents péruviens d’Alberto Fujimori entre 1990 et 2000 et d’Ollanta Humala en 2011, ou équatorien de Lucio Gutierrez en 2002 – 2005 et espérer un ralliement – contraint et forcé ? – de la nouvelle élue au Diktat du F.M.I., de la Banque mondiale et de l’hyperclasse.  Il en résulterait un immense désarroi des Français et une grande désaffection au profit de l’abstention, neutralisant ainsi des suffrages potentiellement contestataires.

     

    Ravie par cette élection, génératrice de désordres, et le travail de sape inhérent, l’hyperclasse pourrait favoriser un gouvernement de techniciens et d’« union républicaine » comme en Grèce avec Lukas Papadémos et en Italie avec Mario Monti. François Fillon, Martine Aubry ou même Jean-Claude Trichet s’installerait à l’Élysée ou à Matignon. L’hypothèse populiste française serait enfin levée pour le plus grand bonheur des ploutocrates et le grand malheur des Français désespérés.

     

    Mais ces circonstances dramatiques peuvent au contraire renforcer la ténacité de l’équipe dirigeante. Détentrice de la légitimité et seule capable de déterminer la situation d’exception, elle pourrait contrarier leurs projets par le recours à l’article 16 de la Constitution de 1958 ou la réalisation d’un coup d’État. La France n’est pas une terre de putschs. Seuls ceux organisés par l’exécutif ou des membres éminents de l’exécutif ont été des succès : Maupeou sous Louis XV en 1771, Napoléon Bonaparte les 18 et 19 brumaire an VIII, le Prince-Président Louis-Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851. Avalisé ensuite par une consultation populaire, le coup de force salutaire serait une prompte réponse aux menées oligarchiques. Quant aux pressions extérieures, la France dispose encore du droit de veto au Conseil de sécurité de l’O.N.U. et de la force nucléaire…

     

    Tous ces scenari appartiennent pour l’instant à de la politique-fiction. Rien ne présume que la France s’achemine à quatre mois de l’échéance présidentielle vers les tempêtes ainsi décrites. Tout annonce plutôt un duel Sarközy – Hollande. N’oublions pas toutefois que les présidentielles françaises ont toujours été propices à l’inattendu.

     

    Georges Feltin-Tracol (Europe maxima, 1er janvier 2012)

     

    Notes

     

    1 : En lançant cette expression de « Nouvelle Classe », Christopher Lasch avait peut-être à l’esprit les écrits dissidents du Yougoslave Milovan Djilas et du Soviétique Mikhaïl Voslenski qui disséquait la Nomenklatura communiste. L’hyperclasse est aujourd’hui la Nomenklatura de l’Occident mondialisé.

     

    2 : Emmanuel Ratier, dans Faits & Documents, n° 327, du 15 décembre 2011 au 15 janvier 2012, p. 8.

     

    3 : Yvan Blot, L’oligarchie au pouvoir, Paris, Économica, 2011, pp. 81 – 82.

     

    4 : Emmanuel Todd, « Annulons la dette du Vieux Monde ! », entretien, Le Point, du 1er décembre 2011.

     

    5 : Idem.

     

    6 : Id.

     

    7 : Yvan Blot, op. cit., p. 89.

     

    8 : Cette anecdote a été racontée par Jean Arthuis, sucesseur au ministère de l'économie, en 1995, de l'éphémère Alain Madelin... (Note de Métapo infos)

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  • Extrémisme ?...

    Les éditions du CNRS viennent de publier un essai de Christophe Bourseiller intitulé L'extrémisme - Une grande peur contemporaine. Depuis une vingtaine d'années, Christophe Bourseiller a publié de nombreux essais consacrés aux mouvements extrémistes ou radicaux, qu'ils soient de droite, de gauche ou d'ailleurs, comme Les ennemis du système (1989), Extrême-droite (1991), Les maoïstes : la folle histoire des gardes rouges français (1996), Vie et mort de Guy Debord (1999), Histoire générale de l'ultra-gauche (2003) ou A gauche toute ! (2009).

     

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    "Pieuvre géante, Golem envahissant,fantasme collectif et nouvelle grande peur des bien-pensants, l’extrémisme sculpte l’actualité. Mais qui sont les extrémistes ? Les mécontents, les ennemis du système, les contestataires, les destructeurs, les nihilistes, les terroristes, les rebelles ?Extrémistes, les militants du Front national, les néo-royalistes, les catholiques intégristes ? Extrémistes, les trotskystes, les maoïstes, les nostalgiques de Staline, les nationaux communistes ? Toujours invoqué mais rarement défini, l’extrémisme serait-il la nouvelle hydre de Lerne des sciences politiques ? En répondant à ces questions, et à beaucoup d’autres, Christophe Bourseiller décrypte un phénomène politique majeur. Il montre que les extrémistes se distinguent par leur incapacité à tolérer l’ambiguïté et l’incertitude. Fascinés par la violence, allergiques au présent, ils militent pour un changement radical de société et perçoivent leurs adversaires comme intrinsèquement maléfiques. Et, par-delà les programmes, les manifestes, les excommunications,en appellent à l’avènement d’authentiques contre-cultures."

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  • Le philosophe, le voyou et le légionnaire...

    Nous reproduisons ci-dessous un très beau texte de Michel Lhomme, cueilli sur le site Theatrum Belli. Professeur de philosophie, Michel Lhomme collabore régulièrement aux revues Eléments et Nouvelle Ecole.

     

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    Le philosophe, le voyou et le le légionnaire

     

    "Le guerrier est grand non parce qu’il tue, mais parce qu’il meurt. Ou parce qu’il sait qu’il va mourir et y consent, et que ce n’est pas si simple que cela, d’accepter de mourir".                                                                   

    Charles Péguy.

     

    Pour trop d’éducateurs formatés, il y aurait une incompatibilité entre l’institution militaire et l’enseignement philosophique et l’image commune de l’enseignant de philosophie demeurerait celle d’un libertaire crasseux ou d’un anarchiste névrosé, réprouvant l’ordre et la discipline et enseignant à ses élèves la révolte et l’insoumission. Pourquoi ?

    La philosophie en appelle à la pensée et comme aimait à le répéter le vieux radical Alain, "penser, c’est dire non". On imagine le philosophe nihiliste, ami des délinquants et copain des voyous. Disons-le de suite, au risque de déplaire, il y a un peu de vrai dans l’image. Le premier acte mythique d’Apollon, dieu de la parole, fut de cracher dans la bouche de son premier devin. L’attitude philosophique consiste à s’arrêter en face de faits qui vont apparemment de soi et à les remettre en question. Remettre tout en question, ce n’est pas, on le comprendra aisément, la tasse de thé des officiers, fussent-ils anglais, comme des policiers ! Le nouvel enseignant de philosophie qui débarque dans un lycée militaire, semble demeurer une source d’inquiétude pour son proviseur. Pourtant, on imagine mal s’en prendre dans les lycées à la philosophie alors que tout à l’extérieur conspire à anéantir l’esprit critique des étudiants. La philosophie risque même d’être, dans le désarroi général des pédagogies de la compétence, des psychologies de la résilience, et des accompagnements personnalisés, le seul espace, l’unique espoir de stimuler le désir d’en savoir plus, par l’aiguillon de la parole et le retour sur soi, une primitive méditation qui ferait découvrir, au seuil de chaque classe franchie, l’émerveillement de l’intellect et la stupéfaction de la connaissance. Une fois sorti de la tourmente de l’interrogation et du refus, le regard du jeune sceptique s’illumine en comprenant que toute l’éducation ne vise qu’à bien savoir conduire sa vie, à faire percevoir ce que nous sommes destinés à devenir, à combattre.

    On pourrait rédiger une longue étude sur cette puissance formatrice de la formation littéraire classique, mise au sommet de notre éducation au moment précis de la déthéologisation révolutionnaire. Pour instaurer l’école laïque, on introduisit l’enseignement philosophique comme une rhétorique moralisatrice qui prétendait se substituer à la religion. Une éloquence conceptuelle supplanta l’éloquence jésuitique devenue trop littéraire et latine. Les professeurs de philosophie endossèrent alors sans le dire le manteau des grands prédicateurs et des grands prêcheurs pour éduquer et moraliser les apprentis citoyens.

    Pourtant, face à face, sur l’échiquier de la vie et au fond de la classe, on retrouvait, souvent, côte à côte le voyou et le futur légionnaire. Le voyou se plonge dans le refus et la négation parce qu’en réalité, il n’acquiesce qu’à lui-même. Le légionnaire se sacrifie, il passe Noël loin des siens et même pour certains, - requiescat in pace, pax animae suae - ne finissent pas l’année parce qu’ils obéissent sur le front en se refusant à eux-mêmes. Le voyou et le légionnaire posent le plus fort des dilemmes qui se pose à un homme : devons- nous supporter ou nous surmonter et comment ? Par les sens, ou par la transcendance ? En fait, nous n’avons rien d’autre à tester que cette double possibilité : peser et penser par les sens ou par la transcendance ! Supporter ou se surmonter comme méthodologie de la liberté, doigt militarisé sur la couture du pantalon avec le sens canaille de la magnanimité et de la gâchette ou l’esprit rebelle du règlement de compte au pied d’une barre d’immeuble désaffecté de Marseille.

    Le travail philosophique est artisanal. Il n’a rien du professionnalisme des armées. Pour le voyou, la philosophie n’apporte rien d’autre que l’art de retrouver la bonne voie, la rectitude c’est-à-dire la joie même du refus initial. Cette notion de liberté fondamentale qu’est la liberté de vouloir est le plus souvent un mot galvaudé. Généralement pour l’homme non-philosophe, la « vraie » liberté, celle qui a un sens, c’est l’ensemble des libertés d’agir. Et, l’éducation n’est devenue justement que cela, une somme de libertés d’agir, de revendications stridentes, de droits affichés au détriment des devoirs, des politiques éthiques construites au gré de lois mémorielles qui muent les oublis en délits véritables ? Quand allons-nous enfin nous « surmonter », apprendre à chevaucher des cavales rétives et des étalons sauvages, réentendre le bruit de sabots d’une horde de chevaux qu’on rentre au haras, après un pari européen victorieux ?

    Dans ses Principes de la Guerre, le maréchal Foch écrivait qu’"être discipliné ne veut pas dire encore se taire, s’abstenir ou ne faire que ce que l’on croit pouvoir entreprendre sans se compromettre, l’art d’éviter les responsabilités, mais bien agir dans le sens des ordres reçus, et pour cela trouver dans son esprit, par la recherche, par la réflexion, la possibilité de réaliser ces ordres ; dans son caractère, l’énergie d’assurer les risques qu’en comporte l’exécution" (1).

    Le voyou, la caillera qui fuit la peur au ventre avec son scooter dans les parkings de la cité pour échapper aux flics après un larcin, le militaire engoncé dans son char ou son matériel sur une route cabossée et poussiéreuse de Kapisa, connaissent quelque chose de la vie, cette correspondance si étroite entre le corps et l’âme, ce mariage si problématique qu’on ne saurait sous la peau distinguer l’un de l’autre puisqu’il faut bien, au final, ramener l’âme au corps comme on ramène à la caserne son camarade blessé pour lui sauver la peau, oui, et, risquer sa peau. Dans la peur, le jugement se perfectionne et l’âme se raffermit. Quand le choc des armes brise le corps et paralyse les membres, la raison chancelle, l’esprit et la langue s’embarrassent. Tout s’affaisse à la fois et manque sa cible.

    La philosophie n’enseignerait que la force du refus et mesurerait par cette force de résistance aux penchants du corps les degrés variables de la qualité des âmes. C’est l’image d’Alexandre le Grand : à la traversée d’un désert, l’empereur macédonien, mourant de soif reçoit un casque plein d’eau. Boire, tremper ses lèvres, avaler une gorgée, tel est le désir d’Alexandre le plus naturel et le plus pressant. Or, Alexandre ne boit pas, ne boira pas. Il n’aura pas l’indécence d’étancher sa soif devant son armée, tout autant assoiffée que lui. Il est empereur et seul peut être autorisé à gouverner celui qui se gouverne lui-même. Ce fut d’ailleurs la leçon indirecte de l’affaire DSK : la providence écarte naturellement l’homme injuste. Alexandre s’interdit de boire car il sait qu’on ne peut pas légitimement demander aux autres plus qu’on ne se demande à soi-même. Ainsi, Alexandre, formé par Aristote, peut-il être conducteur d’hommes, ainsi pourra-t-il obtenir d’eux le courage de marcher malgré les affres de la soif et de la chaleur, des vapeurs et des mirages du désert. Le geste d’Alexandre force l’estime des soldats mais aussi l’estime qu’Alexandre peut avoir pour lui-même. Dans ce déploiement de la force d’âme formée philosophiquement, l’empereur fait resplendir les valeurs morales au nom desquelles s’effectue la vertu. Alexandre, c’est la vertu du légionnaire.

    Reste la racaille, la "caillera", la petite frappe, le bouffon. Il se laisse aller, il n’est heureux ou malheureux que selon que les choses qui lui surviennent, selon qu’elles sont, pour lui, agréables ou déplaisantes. Il a l’esprit du système du corps pas celui de corps. Finalement, il est conformiste dans l’art du consommable malgré la force de refus que nous avions cru pouvoir déceler en lui un peu plus tôt, au début, lorsqu’il se mettait au fond de la classe. On comprend que tous les hommes ont cette force de refus mais que tous n’ont pas le même courage et n’en font pas du tout le même usage. Il y a ceux qui l’exercent avec droiture et ceux qui, par lâcheté ou pour n’avoir pas reçu d’enseignement philosophique, manquent d’âme. On n’a pas par nature une âme de lâche ou de courageux mais on fait preuve dans l’acte de courage ou de lâcheté. Et cela ne va pas sans une éducation nécessaire de la volonté, sans l’apprentissage par des exercices spirituels et moraux.  La volonté n’est pas un effet de mère nature mais elle est une conquête de la volonté raisonnable et réfléchie, une conquête intellectuelle par l’action et pour l’action. En ce sens, la formation philosophique de l’âme est pragmatique et non pas imaginaire, comme si elle aurait pu être, telle la position critique et bien naïve des déconstructeurs postmodernes, qu’un rapport imaginaire à soi-même, l’effet d’affects morbides ou le résultat de stratégies sociales de pouvoir, acharnées à discipliner et à réprimer l’énergie désirante.

    L’expérience du philosophe, du voyou et du légionnaire est une attention équivoque au terrain des expériences de la vie, à toutes ces expériences bigarrées qui ne se vivent que comme un affrontement de tensions contradictoires, de déchirements internes entre des postulations opposées, horizontales ou verticales, descendantes ou ascendantes. Tout homme parce qu’il a forcément, un jour, un peu trop bu, a eu l’expérience de ce genre de débat interne, il a connu les affres du désir et c’est peut-être pour en rendre compte que toute une tradition orale et vivante de la transmission philosophique ne cesse de se dérouler, dans certains cours, à la fois comme une transmission psychique et une tradition somatique. Concevoir le vrai de l’homme dans l’unité de forces physiologiques contradictoires, de dimensions psychiques hétérogènes résumerait alors en soi tout le projet philosophique. Mais alors comment puis-je être à la fois le voyou et le légionnaire, celui qui a soif et celui qui s’interdit de boire, celui qui s’irrite et celui qui garde son sang froid ? Il y a là, pour le philosophe et l’officier commandeur d’hommes, une étrangeté typique de l’humanité. De fait, sous l’empire de la soif, l’animal boit ou meurt ; sous l’empire de la peur, il fuit. Le courageux, au contraire, met en œuvre une force qui domine la peur, contrôle le tremblement nerveux et s’avance fermement au devant du danger, fut-il légal ou illégal.

    Finalement, le voyou et la racaille incarne, par son absence de contrôle, la figure déchue du commerçant, le légionnaire, celle noble du guerrier, du templier fondateur d’empires européens.  Le philosophe porte trace du clerc célibataire et inutile, dernier témoin de l’école de la discipline civique, bouclier ultime contre la rébellion que la "caillera", au contraire du légionnaire, n’hésitera pas à poignarder, dans une scène hallucinée, comme un pistolet pointé contre tous les manuscrits en menace de l’agonie littéraire. L’agonie, l’agôn, le mot signifie, originellement, lutte et combat. Ce peut être un combat hilarant mais aussi un ring déchirant contre les mots et les choses qui s’enfuient. La leçon du voyou et du légionnaire : il n’y a pas de compréhension possible du monde ;  il n’y a qu’un usage sans cesse recommencé et aléatoire du monde. La connexion entre les deux ne tient que de l’antagonisme, dans l’aveuglement du rêve qu’ils poursuivent gaiement.

    Le philosophe souffre parfois de terribles maux de têtes. Il ne peut ni dormir ni écrire, expérimentant pendant quelque temps la douleur de l’incompréhension de nombreux textes à déchiffrer. Cette douleur mentale, faite aussi de migraines médicales, lui permet de parvenir à séparer sa tête de soi-même. Platon, Hegel et Marx ont souvent ironisé sur cette tête à l’envers du penseur mais cette douleur devient indissociable de ce qui lui arrive dans la vie comme une sorte d’instinct paranoïaque. Le voyou exhale dans le crime une forme de puissance alors que la meilleure chose à faire est de s’offrir à l’action aussi pure que possible.

    Nous ne saurions pardonner à toute la classe politique d’avoir engendré de la boue pour des générations à venir. La rébellion et le sacrifice sont des distorsions mais ils continuent de tenir du beau et du vrai alors que les politiques ne produisent que du chagrin, de la déception, de l’injustice et de la cruauté. En face, la philosophie est militante dans son exigence à la fois héroïque et sacerdotale de poser la destinée humaine comme ouverte et tragique.

    Michel LHOMME, professeur de philosophie (Theatrum Belli, 2 janvier 2012)

    (1) Maréchal Foch, Des principes de la guerre, Paris, Berger-Levrault et Cie, 1903, p. 94

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