Nous reproduisons ci-dessous une analyse de l'accueil réservé au film Les misérables, réalisé par Ladj Ly, qui se déroule à Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, et qui a, selon le très macroniste Journal du dimanche, « bouleversé par sa justesse » notre président de la République, grand connaisseur, comme chacun sait, de la vie dans les banlieues de l'immigration...
Les misérables : une si belle unanimité médiatique
En 1995, Mathieu Kassovitz réalisait le film « La haine ». Un film brut sur la violence et la désespérance sociale dans les cités. Les émeutes en banlieue en 2005 ont montré que le film n’a pas produit de choc salutaire auprès de l’opinion publique, et surtout auprès de la classe politique.
Il semble en aller autrement en 2019. Le réalisateur du film en a envoyé un DVD au Président selon Libération. Le message a été reçu 5 sur 5. Après avoir vu le film « Les misérables », le Président Macron aurait demandé au gouvernement de se dépêcher pour trouver des idées et agir pour améliorer les conditions de vie dans les quartiers selon Le JDD.
Les médias unanimes
Le film primé au festival de Cannes (prix du jury) met en scène des policiers de la Brigade Anti Criminalité (BAC) en action en Seine-Saint-Denis. Une mission qui n’est pas sans risques, surtout quand un policier commet une bavure comme on le voit dans le film. Tant les policiers que les jeunes sont montrés selon les médias « sans fards » et avec justesse. C’est un véritable concert de louanges auquel on assiste :
C’est le « film de la semaine » pour Euronews. En Seine-Saint-Denis, « le film ne laisse personne indifférent » selon Le Parisien. L’Obs s’interroge : « Ladj Ly sera-t-il le Diderot de Macron ? ».
C’est « un film remarquable…qui nous commande de faire aimer la France » pour Le Figaro. C’est un film « coup de poing dont la France avait besoin » selon Mademoizelle.com. Même Valeurs actuelles y va de sa critique positive « un tableau effrayant de la déliquescence des banlieues, avec une indéniable force », etc.
À quelques exceptions près…
Les critiques réticentes ou négatives sont difficiles à trouver. Parmi celles-ci, Boulevard Voltaire ironise sur le choc du Président Macron après avoir vu le film et son souhait de mesures rapides pour les banlieues. Ceci alors que son premier Ministre avait annoncé quelques jours plus tôt un « plan d’urgence » pour la Seine-Saint-Denis. Cela lui aura échappé, sans doute sous le coup de l’émotion.
Alors que les critiques ont majoritairement parlé de ce qu’ils ont vu sur l’écran, Jany Leroy souligne qu’il est important de parler également de ce que l’on ne voit pas dans le film mais que l’on constate parfois – trop souvent - dans la réalité.
« Le réalisateur a épargné la fragilité psychologique de son spectateur élyséen en évitant de montrer des blocs de béton tombant des fenêtres sur des policiers, de voitures de pompiers incendiées sans raison, d’agressions de médecins, de tabassages à mort pour un mauvais regard et autres scènes qui auraient laissé Emmanuel Macron marqué à vie. »
Le Parisien donne la parole à des policiers. Ils estiment que le film est « caricatural et dangereux », certaines scènes sont « invraisemblables », « le film stigmatise les flics » et les jeunes. Des détails sans doute que n’auront pas relevé les critiques. L’essayiste Barbara Lefevre souligne sur RMC (les Grandes Gueules) que dans le film, « le policier est hargneux, raciste et tire sur tout ce qui bouge » et que ce sont les imams les gentils du film, ceux qui arrivent à la fin à réconcilier tout le monde dans la cité en feu.
L’insulte et la victimisation en bandoulière
Comme en écho, le blog du cinéma a interviewé le réalisateur. Si cette interview qui est devenue gênante a disparu du blog, elle est toujours présente en partie sur le site Fdesouche.
Un bel exercice de victimisation : « on a l’impression qu’il y a une guerre déclarée contre l’islam et j’ai envie de dire, contre les banlieues ». « Les premières ciblées, ce sont les femmes, les femmes voilées ». L’uniformisation du port du voile en banlieue ? « Ce sont les femmes qui s’assument, qui sont libres ». Les femmes forcées à porter le voile ? « Personne ne force à rien ».
On quitte ensuite les arguments d’autorité du réalisateur, qui pense peut-être qu’ils ont un certain crédit, pour passer au registre ordurier.
Insultes à gogo du réalisateur
Outre leurs films sur la banlieue, Mathieu Kassovitz et le réalisateur Ladj Ly ont un point commun : les insultes. Alors que Mathieu Kassovitz a - entre autres joyeusetés - proféré des insultes contre des policiers sur Twitter et a vertement insulté Nicolas Dupont-Aignan pour s’être rallié à Marine Le Pen au 2e tour de l’élection présidentielle de 2017, Ladj Li quant à lui qualifie devant le journaliste du blog du cinéma Zineb El Rhazoui, l’ancienne journaliste de Charlie Hebdo, sous protection policière permanente, de « connasse » et lui conseille d’« aller se faire enculer ». Éric Zemmour se voit gratifié d’un « fils de pute ». Sans parler de considérations politiques tout aussi à l’emporte-pièce. Mais ces propos peu amènes n’empêchent pas que « les misérables est un film rassembleur, qui appelle à l’harmonie »…
On est loin de la prose ciselée de Victor Hugo. Nous sommes au 21e siècle, la France n’est plus la même, on l’avait remarqué. En tout cas, cela ne fait pas polémique dans les médias. Mais l’essentiel n’est pas là, même si cela pose le personnage.
Au diable les milliards engloutis dans la politique de la ville depuis des décennies, oublié l’islamisme qui étend son influence dans les cités et fait régner une nouvelle loi. Les imams sont là pour siffler la fin de la récréation quand il le faut. Oublié le juteux trafic de drogue qui gangrène les cités alors que selon notre Président les emplois légaux ne manquent pas puisqu’il faut ouvrir encore plus la France à l’immigration économique via des quotas sans plafond. Oubliées les menaces des « jeunes », même si selon la voix off de la bande son du film, quand ils expriment leur colère (sous-entendu violemment) « c’est le seul moyen de se faire entendre aujourd’hui ». Au diable la représentation à l’emporte-pièce de la police, mise en scène de façon caricaturale selon des policiers eux-mêmes.
L’important n’est-il pas qu’enfin un banlieusard, et non un « mâle blanc », se soit emparé du sujet de la vie en banlieue, avec une telle justesse semble-t-il que notre Président de la République en a découvert la réalité, sous un concert de louanges dans les médias… On se prend à rêver à l’installation d’un multiplexe à l’Élysée pour parfaire la culture générale de notre jeune Président.
Observatoire du journalisme (OJIM, 26 novembre 2019)