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«Front républicain»: l’imposture en marche !...

Nous reproduisons ci-dessous ce point de vue d'Anne-Marie Le Pourhiet, cueilli sur Causeur et consacré à la véritable signification du choix entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron que vont devoir faire les Français pour le deuxième tour de l'élection présidentielle. Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit constitutionnel et de droit public à l’Université de Rennes I.

 

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La présence, tout sauf anecdotique, de Jacques Attali parmi les invités d'Emmanuel Macron le dimanche 24 avril 2017, le soir du 1er tour de l'élection présidentielle, au restaurant La Rotonde...

 

«Front républicain»: l’imposture en marche!

De Macron ou Le Pen, l’antirépublicain n’est pas celui qu’on croit

Jamais, de toute la Ve République, nous n’avons eu une candidature à l’élection présidentielle aussi parfaitement éloignée des valeurs républicaines que celle d’Emmanuel Macron.

Sarko l’ambigu

Nicolas Sarkozy a sans doute toujours cultivé une ambiguïté exaspérante sur la question du modèle républicain, girouettant en permanence au gré du vent et passant, parfois au sein d’un même discours, des belles envolées lamartiniennes d’Henri Guaino à la promotion des intérêts économiques mondialisés d’Alain Minc, en passant par quelques provocations clientélistes de nature à faire s’étrangler les républicains authentiques. Promotion de la discrimination « positive », de la laïcité « positive », éloge des curés réputés supérieurs aux instituteurs, envoi de Patrick Devedjian  et Roselyne Bachelot à l’inauguration du CRAN (Conseil représentatif des associations noires) pour y décréter l’avènement du droit à la différence et la fin du modèle républicain (et oui !), recherche active et nomination de  « préfets musulmans » et même d’un éphémère et controversé « commissaire à la diversité et à l’égalité des chances ». Nous avons eu le droit à tout et à son contraire, le summum de la versatilité ayant été atteint lorsque l’agité président demanda à une commission présidée par Simone Veil de réfléchir à l’inscription de la diversité, de la parité sexuelle, de la « dignité » (de qui ? de quoi ?) et de l’Europe (laquelle ?) dans le préambule de la Constitution. Ladite commission rendit heureusement et sagement un avis négatif sur ce calamiteux projet. Force est d’admettre cependant qu’en fin de mandat, et dans la perspective de la campagne de 2012, Nicolas Sarkozy sût de nouveau républicaniser son discours face à la gauche Terra Nova qui débarquait en grande parade multiculturelle, avec sa distribution bariolée de « droits » catégoriels « arc-en-ciel » sans limites ni frontières.

En 2017, les primaires de la droite ont d’abord clairement opté, contre le multiculturel et très « accommodant » Juppé, pour le modèle républicain-conservateur de François Fillon s’appuyant solidement sur les deux « jambes » de l’identité française, incarnées par Bruno Retailleau et François Barouin, la rose et le réséda.

Du bougisme de Macron

À  gauche, les primaires ont contribué à clarifier les choses puisqu’Emmanuel Macron s’étant échappé dans un « ni-ni » obscur et Mélenchon s’étant envolé vers une synthèse boîteuse de Marx et Bourdieu, les militants socialistes ont clairement préféré un Hamon multiculturel à un Vals a priori plus républicain, du moins dans le discours.

Mélenchon, Hamon et Fillon désormais éliminés, il reste donc un face à face Macron/Le Pen dans lequel l’on essaye encore de nous faire croire que la République serait du côté du premier alors que c’est exactement l’inverse.

Repentance coloniale allant jusqu’à accuser la République de Jules Ferry de « crime contre l’humanité », généralisation des discriminations positives, déni stupéfiant et répété de la culture française, négation de toute continuité, culte de l’évanescence, de la mobilité, éloge du mondialisme et du sans-frontièrisme, saupoudrage de « droits » distribués à toutes les communautés, et même un programme pour l’enseignement supérieur résumé à la « généralisation d’Erasmus », c’est-à-dire du bougisme jeuniste et du tourisme estudiantin inconsistants. Tout n’est que désaffiliation républicaine et brouillage des repères dans la bulle macroniste.

Au-delà du racolage clientéliste et communautaire distillé au hasard d’une communication désordonnée, c’est la candidature elle-même qui rompt totalement avec la tradition républicaine. La vacuité et la contradiction des propositions sont clairement assumées et revendiquées par un personnage hors-sol qui se dispense d’autant plus volontiers de programme qu’il ignore ce qui sortira des urnes aux législatives et s’en moque d’ailleurs. Sa profession de foi du premier tour est éclairante. On n’y trouve que du bavardage creux sur les deux premières pages et un catalogue désinvolte de commercial paresseux dans la dernière.

L’on se souvient qu’il y a quelques années, un fêtard parisien avait parié chez Castel, avec sa bande de noctambules, qu’il réussirait à épouser la célèbre et jolie héritière d’une principauté rocailleuse. Le séducteur parvînt à ses fins, condamnant plus tard la princesse humiliée à plaider à Rome le vice du consentement issu de ce jeu de mauvais garçon. Emmanuel Macron lui ressemble. Il a sans doute parié avec lui-même qu’un Bel Ami pourrait devenir chef de l’État en se payant les électeurs et en se moquant de la République.

Marine Le Pen, une républicaine

On peut assurément discuter de la personnalité de Marine Le Pen et de la qualité de son entourage, ainsi que du bien-fondé et de la faisabilité politique et juridique de plusieurs éléments de son programme. L’on peut même constater qu’elle se propose d’ajouter dans nos lois républicaines des règles qui s’y trouvent déjà et que son idée de garantir les crèches de Noël dans la Constitution est aussi ridicule que le service national obligatoire d’un mois proposé par son rival ! Mais ni l’organisation d’un référendum européen, ni la limitation importante de l’immigration, ni les  mesures accordant une priorité d’embauche aux nationaux (appliquées en Grande-Bretagne bien avant le Brexit) ne sont contraires aux valeurs républicaines. Il n’existe rien, dans la tradition et les principes républicains, qui impose le droit du sol, oblige à ouvrir les frontières sans limites, interdise les quotas d’immigration ou  impose l’égalité entre nationaux et étrangers. Le Conseil constitutionnel le rappelle : « Aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national ».  Le droit d’asile est strictement réservé par la République à « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté » et l’article 5 de la Constitution affirme solennellement que le Président de la République est le « garant de l’indépendance nationale ». Le Conseil constitutionnel en a déduit en 1986 que les privatisations d’entreprise nationalisées devaient se faire dans le respect de ce principe.

Que l’on discute donc, honnêtement et point par point, de la qualité, de l’opportunité, de la faisabilité et de l’efficacité respectives des propositions des deux protagonistes du deuxième tour, c’est un exigence démocratique. Mais que l’on arrête cette imposture consistant à prétendre opposer un prétendu front républicain à une candidate dont les préoccupations sont sûrement moins éloignées de la tradition républicaine que la personnalité et le  catalogue de son rival. Michel Onfray a eu bien raison d’observer, dans Le Figaro du 24 avril, la malhonnêteté intellectuelle et l’hypocrisie phénoménale de tous ceux qui crient à un loup qu’ils ont minutieusement fabriqué pour faire triompher au final l’ectoplasme postmoderne si peu républicain qu’ils appellent de leurs vœux.

Anne-Marie Le Pourhiet (Causeur, 26 avril 2017)

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