Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Bernard Huyghe, cueilli sur son blog Huyghe.fr et consacré à la pseudo-menace d'ingérence russe dans la campagne présidentielle française... Spécialiste de la stratégie et de la guerre de l'information et directeur de recherches à l'IRIS, François Bernard Huyghe vient de publier La désinformation - Les armes du faux (Armand Colin, 2015).
Comment saboter davantage la très chaotique campagne française ?
Le même jour, la commission du Renseignement du Sénat américain qui enquête sur une hypothétique ingérence russe dans les élections américaines, susceptible d'avoir fait échouer H. Clinton, avertit la France "que les Russes sont activement impliqués dans les élections françaises" et le puissant Parti Populaire européen vote une résolution "contre la guerre de désinformation russe". Cela fait suite à diverses initiatives allemandes ou européennes contre la "hybride" où la guerre de l'information tient une large place. Ces avertissements (que, curieusement, personne ne semble considérer comme des ingérences ou des influences américaines ou européennes) ressortent au thème de Poutine déstabilisant les régimes occidentaux au profit de ses complices comme les partis populistes.
Bien entendu, personne entre doute que le Kremlin ne souhaite pas voir élu un candidat atlantiste en France, pas plus qu'il n'avait désiré voir Hillary Clinton arriver dans le bureau ovale. Personne ne doute non plus que François Hollande n'ait fait des vœux pour la défaite de Trump, que notre ambassade ne reçoive l'opposition russe ou hongroise ou que Jungker n'ait pris position sur la prochaine présidentielle française. Si l'on va par là, tout le monde a ses préférences dans les élections de tout le monde et il n'est guère de chef d'État qui n'aimerait contribuer à l'élection de président amis ou ayant des options idéologiques acceptables.
La question n'est donc pas que la Russie (ou n'importe quel autre pays) désire peser sur les élections qu'elle y ait intérêt, ou qu'elle en soit moralement capable, mais qu'elle le puisse stratégiquement. L'accusation de déstabilisation ou de subversion n'est autrement qu'un argument rhétorique destiné à décrédibiliser des adversaires politiques comme "agents de Moscou" comme cela se pratiquait au moment de la Guerre froide.
Demandons- nous ce que pourrait faire la Russie, car le dossier d'accusation mêle souvent plusieurs niveaux de possibilités stratégiques et techniques.
- Avoir sinon des alliés idéologiques ou des partis frères, du moins des dirigeants qui préconisent une politique russo-compatible. la Hongrie illibrale de Orban, la présidence tchèque, le pouvoir slovaque et quelques autres ont pris des postions qui ne déplaisent pas trop à Poutine. En France, on entend souvent accuser F. Fillon, M. Le Pen et Mélenchon de complicité objective voire subjective. Si l'on entend par là qu'ils proposent à des degrés divers de reprendre les négociations avec Moscou ou de rediscuter les sanctions, il ne faut pas grand chose pour être classé marionnette de l'étranger. La recherche de preuves de contacts entre l'équipe de Trump et des responsables ou diplomates russes obéit à la même logique. Mais sauf à produire des documents explicites et à avouer par là que l'on espionne des administrations ou des équipes de campagne adverses, l'argument de la proximité d'idées reste totalement subjectif : de souhaiter discuter avec à être à vendu à, il y a quand même une nuance. Ceci n'est pas contradictoire avec le fait que des secteurs de l'opinion et des militants de partis dits populistes voient en Poutine l'anti-modèle de l'impérialisme occidental ou de la mondialisation libérale. Et cela ne prouve pas le complot.
- Payer ou compromettre des agents, les faire chanter, etc. Ici on rentre dans un modèle romanesque où, par exemple, Trump serait "tenu" par des affaires sexulles qui se seraient déroulées des années avant qu'ils songe à se présenter à la Maison blanche. Impossible à prouver, un peu jamesbondesque, le Russiagate est sérieusement contesté par des journalistes américains de renom. Mais outre-Atlantique, on en est au point où Michael Flynn, l'ex conseiller de Trump en est à demander l'immunité avant de témoigner sur ses contacts avec la Russie, dans une ambiance qui rappelle celle où la House on Un American Activities (HUAC) chassait les "agents soviétiques" dans l'administration et à Hollywood.
- Utiliser des médias d'influence internationale sur le modèle de ce que l'on nommait à l'époque de la Guerre froide (et des radios qui émettaient au-delà du Rideau de fer) "diplomatie publique". Et personne ne doute que Radio Spoutnik ou Rossia Today ne développe un point de vue russe ou pro-russe. Mais si l'on va par là Al Jazeera n'est pas très pro-sioniste, Radio Vatican n'a pas un point de vue excessivement athée, CNN ne critique pas énormément le système américain et RFI n'est pas en opposition totale avec nos intérêts géopolitiques.
- Employer des hackers pour perturber les système d'information du pays (sabotage informatique par exemple, mais quel intérêt électoral ?), l'espionner et surtout révéler de documents confidentiels. Là encore, impossible de prouver si une éventuelle fuite a été provoquée par des pirates russes, pro-russes ou employés par les Russes (idem pour des pirates chinois ou australiens), mais, dans tous les cas, la fuite ne vaut que ce que vaut son contenu. Et son effet ravageur, qu'elle soit provoquée par un service étranger ou par un journal d'investigation national comme le Canard enchaîné, dépend de la réaction du public à des révélations vraies ou très plausibles.
- Intervenir sur les réseaux sociaux à travers des trolls payés pour cela, des "bots" (des robots simulant une activité humaine en ligne), ou des réseaux idéologiques, pratiquant éventuellement la désinformation systématique, la compromission d'adversaires par une variante de la diffamation et la mobilisation de partisans en ligne , nationaux et internationaux. Cela existe certainement, mais pose une sérieuse question de réceptivité : pourquoi des publics nationaux se tournent-ils vers ces sources et sont-ils imperméables à ce que disent et montrent leurs médias nationaux ou les médias "classiques" qui s'efforcent de plus en plus de vérifier, réfuter et pratiquer des variantes du "fact-checking".
Toutes ces méthodes sont connues et ont été pratiquées historiquement par d'autres gouvernements.
Qu'elles le soient actuellement avec beaucoup d'efficacité (par rapport aux autres influences et aux autres facteurs qui déterminent le vote) est très hypothétique. Ces explications reposent surtout sur la croyance en un "Russiangate" provoqué de l'étranger et qui aurait faussé une élection "normalement" garantie à Hillary Clinton. En arrière-plan, une vision assez datée de l'influence : le public, vulnérable aux mensonges des démagogues ou aux manœuvres d'agents stipendiés, serait égaré par ces machinations, absorbant toute cette désinformation ou cette propagande passivement, comme une éponge. Si le public ne vote pas comme il devrait, c'est la faute aux manipulateurs : c'est s'exonérer un peu facilement de ses responsabilités politiques et de réduire les changements politiques ou idéologiques à une causalité externe.
Surtout, il nous semble que l'idée que les agents (ou les trolls ou les pirates) de Moscou puissent nous diviser et semer le chaos dans l'élection est un peu ironique :nous nous débrouillons assez bien sans eux, non ?François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 30 mars 2017)
Commentaires
La méthode
Pour le système dominant, il n’y a pas d’alternance possible : ni au mondialisme, ni au libre échangisme, ni à l’immigrationnisme, ni à la rupture avec les traditions et la déconstruction.
Dans ces conditions, les élections ne sont qu’un simulacre : un simulacre que les oligarchies financières, médiatiques et judiciaires ont choisi de scénariser et de feuilletonniser.
En évacuant autant que faire se peut tout débat de fond.
Avec une méthode simple : Pourrir, divertir, ahurir.
Pourrir :
Les médias mettent systématiquement en « Une » des affaires à deux balles,à
condition qu’elles concernent François Fillon ou Marine Le Pen (pour Macron
des questions à plusieurs millions ou plusieurs… milliards d’euros n’intéressent personne). L’objectif est double : salir et pousser ainsi les électeurs à s’abstenir ou à recourir à des « votes refuges ». Cela tombe bien : les « petits » candidats – Lassalle, Dupont-Aignan, Asselineau ou Arnaud – chassent sur les terres de la France périphérique, la terra incognita du vote Macron.
Divertir :
Pour Macron, pas question de parler d’affaires (déclarations contradictoires sur son patrimoine, ISF, vente de SFR à Drahi, livraison d’Alstom aux intérêts US) mais on « peopolise ».
Mimi Marchand, spécialiste des people, a rencontré le couple Macron lors d’un dîner organisé par Niel (groupe Le Monde) et sa compagne Delphine Arnault (LVMH, Les Echos, Le Parisien). Et elle a pris en charge leur « story telling » : le jeune premier et sa « cougar » font la « Une » des magazines. Maillot Hawaï, polo et boxer sur Paris Match. En attendant Gala et les conseils minceur de Brigitte Macron. C’est beau, c’est émouvant et… cela évite de parler de choses sérieuses.
Ahurir et faire frémir :
Comme trois précautions valent mieux qu’une, les médias complètent le dispositif en promettant le chaos économique et social si Marine Le Pen était élue et appellent sans attendre à se rassembler autour du banquier Macron pour « faire barrage ».
Le rejet du Système est tel et la méfiance envers les médias si grande que le succès de leur enfant chéri n’est malgré tout pas assuré. Reste tout de même une question : que pourraient faire de différent Marine Le Pen ou François Fillon sans remettre en cause le pouvoir judiciaire et le pouvoir médiatique qui sont sortis de leur lit ?
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Macron : hameçon vénéneux de l’anti-France.
Sa dernière trouvaille : imiter François Fillon.
Au crash test qu’appelle la recherche d’efficacité pour les cinq ans qui viennent, François Fillon présente trois atouts essentiels : l’expérience de gouvernement, la cohérence des réformes, la charpente des idées Même si nous ne sommes pas d’accord sur tout, force est de reconnaître qu’il est le seul à cocher ces trois cases.
Dans un contexte de tensions internationales et d’urgence des transformations, la solidité qu’offre l’expérience du pouvoir sera déterminante pour assurer l’autorité et la sécurité de la France.
Sur le sujet des réformes, le quinquennat écoulé montre qu’elles ne résisteront pas à des itérations timides et progressives, ni à des majorités de circonstances ; elles procéderont de la vision d’ensemble et de la cohérence que seul un travail préalable de fond aura permis de garantir.
Enfin, le projet de François Fillon s’incarne dans l’héritage et les valeurs qui fondent notre projet de société. Ce référentiel culturel solide est indispensable pour entraîner la France dans une politique audacieuse au service des générations à venir.