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De l'Europe et de ses capacités militaires...

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Paul Baquiast, cueilli sur Europe solidaire et consacré aux capacités de défense de l'Europe, bien maigres et négligées...

 

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Europe. Capacités militaires

L'article de Jean-Claude Empereur, que nous venons de publier, et qui recueille notre approbation totale « Europe. Puissance et souveraineté » n'évoque pas directement la question de la puissance militaire dont dispose - ou plutôt ne dispose pas l'Europe.
Le réarmement auquel se livrent dorénavant les autres grandes puissances, Russie, Chine, Inde, Japon...oblige cependant à poser la question. L'Europe restera-t-elle dans les prochaines décennies dépourvue de capacités militaires en proportion de celles du reste du monde.

Plus récemment, les évènements d'Ukraine obligent à jette un nouveau regard sur le problème. Sans craindre nécessairement un retour à la guerre froide marquée par la menace constante des armées de l'URSS, les pays européens devraient veiller à renforcer les moyens militaires dont ils disposent. Ceci ne voudrait pas nécessairement dire se préparer à un affrontement armé avec la Russie. Même dans le cadre souhaitable d'une convergence stratégique entre l'Europe, la Russie et les autres pays du BRICS, l'on convergerait d'autant mieux que l'on disposerait de ressources comparables. Toute coopération technologique avec les BRICS, qui serait nécessaire à l'Europe, notamment dans la perspective dite duale (civile et militaire), serait à ce prix.

Les pays européens, dont la plupart sont membres de l'Otan, avaient longtemps compté sur l'Amérique pour assurer leur sécurité. C'était une erreur, car ils y avaient perdu leur autonomie diplomatique. Ils y avaient perdu aussi l'occasion de développer des technologies en propre, qui aujourd'hui contribuerait à leur souveraineté. On voit aujourd'hui l'embarras des gouvernements européens qui s'étaient fait imposé l'acquisition de Lockheed Martin F35 dont les prestations techniques sont de plus en plus contestées, alors que le prix à l'unité ne cesse de croître. Par ailleurs aujourd'hui, dans le cadre d'un recentrage sur le Pacifique, l'Amérique a retiré une grande partie des forces qu'elle avait déployées en Europe.

Nous ne nous en plaindrions pas, si l'Europe avait dans le même temps fait l'effort de se doter de capacités industrielles et militaires en propre. Ce ne fut pas le cas, comme le montrent sans ambiguïtés les estimations de l'Institut de recherches stratégiques français. Les seuls pays disposant de quelques forces, terrestres, aériennes ou navales, sont la France et la Grande Bretagne. Les autres, supposés mettre des moyens à la disposition de l'Otan – pour ne pas parler d'une défense européenne qui n'a jamais été prise au sérieux par eux, ne pourraient aligner que quelques bataillons. Autrement dit, ils seraient incapables d'assurer plus que quelques heures la défense de leur territoire, face à un adversaire quelque peu déterminé.

Dans le même temps, toutes les recherches et la production intéressant les nouvelles armes, drones, satellites, technologies de la cyber-guerre, végètent. Il en résulte l'incapacité de se mesurer aux pays non européens, non seulement au plan militaire, mais en ce qui concerne les applications civiles de ces technologies. Non ne mentionnons pas ici l'arme nucléaire française, qui demeure indispensable à titre de prévention, mais dont l'usage signerait la destruction d'une partie du monde.

Les vœux des populations

Les hommes politiques européens font valoir que ce désengagement généralisé est conforme aux voeux des populations et des corps électoraux. Comme les menaces de guerre ont cessé depuis la chute du mur de Berlin, lesdites populations préfèreraient les consommations aux investissements à long terme exigés par le maintien de forces de défense compétitives. Mais les travailleurs licenciés par les industriel de la défense en mal de contrats ont-ils les mêmes préférences. De plus, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, les voeux profonds des populations sont façonnés par les narratifs dont on les nourrit. Il paraît indéniable que dans le domaine militaire et militaro-industriel, ce furent les Etats-Unis qui en premier lieu avaient intérêt à tuer dans l'oeuf toute concurrence européenne. Ainsi préservaient-ils la « full spectrum dominance » de leurs propres capacités et des contrats correspondants. La même chose d'ailleurs s'observe dans le domaine du spatial et des sciences dites émergentes. Les corps électoraux sont dits ne pas s'y intéresser, parce que tous les narratifs concernant ces perspectives sont en dernier ressort confisqués par les médias américains du film et de la télévision.

Obama est venu en Europe récemment pour convaincre l'Europe de Otan de renforcer sa contribution aux efforts prétendus de défense commune. Mais il cherchait en fait, sous la pression d'un lobby militaro-industriel qui, lui, ne désarme pas, à les convaincre d'acquérir davantage d'armements américains. Si les Européens avaient répondu que pour améliorer leur défense, ils se dotaient de Rafales ou de BPCs Mistral français, Obama n'aurait certainement pas pris cela pour une bonne nouvelle.

Que devraient faire les Européens s'ils se persuadaient de la nécessité de renforcer leur défense. La crise et les économies qu'elle impose ne devraient pas être évoquées pour justifier un retrait de plus en plus accentué. Mais il faudrait en ce sens que de véritables coopérations entre pays moteurs s'établissent. Dans le cadre actuelle des institutions européennes, rien de tel ne peut être espéré. Il resterait donc à des pays comme la France, l'Italie ou l'Espagne d'entraîner l'Allemagne et les pays nordiques dans un effort commun. Il serait tentant d'évoquer la menace d'une Russie en réarmement rapide. Mais ce serait à notre sens très dangereux, car dressant l'une contre l'autre les deux moitiés d'une Eurasie commune. Ceci bien évidemment serait incompatible avec le maintien d'une présence quelque peu effective au sein de l'Otan. 

Mieux vaudrait, nous y revenons, évoquer les nécessités d'une résistance commune aux grandes crises en préparation. D'une part, les dépenses budgétaires consacrées à la défense et aux industries duales militaires et civiles ne devraient pas être gelées, sous prétexte d'économies. Elles devraient au contraire être augmentées, conjointement avec celles intéressant le développement de différents secteurs stratégiques comme le spatial, la lutte contre le changement climatique et autres menaces. Les crédits ne manqueraient pas, si la Banque centrale européenne était autorisée à fournir des liquidités au secteur productif. Par ailleurs, les retombées humaines, en termes d'emploi, immédiatement, et pour l'acquisition de compétences hautement technologiques, à terme, seraient très vite sensibles aux yeux des populations. Les risques d'une inflation forte seraient inexistants.

Vain espoir, dira-t-on, quand l'on constate l'insuffisance des décideurs européens en terme de compétences stratégiques et d'esprit d'entreprise. Si les besoins futurs de la défense européenne étaient gérés comme aujourd'hui en France l'affaire Alstom, il faudrait se résigner dès maintenant aux futures invasions. Après tout, les esclaves peuvent toujours espérer trouver un emploi en cirant les chaussures des vainqueurs.

 

Jean Paul Baquiast (Europe solidaire, 3 mai 2014)
 
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