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Eloge du colonel Olrik ?...

C'est avec un certain dégout mais avec le souci d'informer nos lecteurs que nous reproduisons ci-dessous un texte particuliculièrement odieux qui prétend faire l'éloge du sinistre colonel Olrik. Le coeur au bord des lèvres, nous rappellerons brièvement, à l'attention de nos plus jeunes lecteurs, le parcours cet individu qui, par ses actes,  s'est de lui-même exclu du genre humain...

Formé à la Junkerschule de Bad Tölz, l'école des officiers de la Waffen SS, Olrik échappe à la tourmente de la fin du Troisième Reich et disparaît de la circulation. D'après son biographe Edgar P. Jacobs, il aurait pu être récupéré et retourné par le KGB. C'est seulement dans les années 50 qu'on retrouve sa trace à Lhassa parmi les conseillers du tyran Basam Damdu. A l'évidence, il est l'un des promoteurs du programme de fabrication d'armes de destruction massive. A la tête du service de renseignement militaire au moment de l'offensive de l'Empire jaune, il va devenir l'un des artisans les plus féroces de la répression qui s'abat sur les résistants à l'oppression. Il s'illustrera dans la bataille du Raz de Musandan dans le détroit d'Ormuz au cours de laquelle il n'hésitera pas, pour s'emparer de la base secrète de la résistance, à  donner l'ordre d'utiliser des armes chimiques. Cherchant à éviter la disgrâce à la suite de sa défaite, il sera celui qui préconisera avec le plus d'énergie l'utilisation de l'arme atomique contre les forces du monde libre. Disparu dans l'effondrement de l'Empire jaune, il sera condamné à mort par contumace pour crime contre l'humanité au procès de Singapour. Pendant les trente années qui suivront, il échappera à toutes les polices du monde et poursuivra une carrière de mercenaire au service de divers états voyoux ou du crime organisé. On perdra définitivement sa trace à la fin des années 80. Sa présence sera néanmoins signalée, sans preuve tangible, en Corée, en Syrie, en Chine ou dans les zones tribales du Pakistan. Notons cependant que ses deux adversaires les plus résolus, le colonel Francis Blake et le physicien Philip Mortimer, qui n'ont jamais cessé de le traquer à travers le monde, sont curieusement décédés le 11 septembre 2001 dans le vol 93 d'United Airlines qui devait s'abattre sur le Capitole...

 

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Eloge du colonel Olrik
 
Par Jean-Jacques Langendorf
 
Éloge du colonel Olrik, homme de goût, de savoir et d’action, chef du 13e Bureau pour la sûreté de l’État, directeur des services d’espionnage de l’Empire, conseiller de l’empereur Basam Damdu

Dès la deuxième image du premier album des aventures de Blake et Mortimer, il s’impose, souverain et élégant. Entouré par un état-major d’hommes jaunes et déférents, issus d’un croisement nippo-himalayen, il inspecte chars lance-flammes et fusées à charges nucléaires dans le grand arsenal de Lhassa. Arrêtons-nous d’abord sur sa capote vert foncé, au col de vison, aux épaulettes discrètes, d’une coupe parfaite, œuvre du premier tailleur de la capitale tibétaine. Examinons ensuite sa toque de fourrure, dont la face supérieure est doublée de satin rouge, marquée de l’étoile dorée. Mais il y a autre chose encore, qui suscite immédiatement sympathie et respect : son visage aux traits fins et aristocratiques, sa lèvre supérieure bordée d’une fine moustache à la Clarke Gable, sa chevelure jeais et son haut front d’intellectuel que nous pourrons admirer lorsque il condescendra à enlever son couvre-chef. Revêtu de son uniforme, nous ne nous lasserons jamais de le contempler. Le voilà debout, près des énormes roues d’un bombardier, des jumelles sur sa poitrine, des sangles supportant un ceinturon qui retient un étui à revolver ou, plus exactement, à Browning, à ses pieds un petit bijou de MG 42. Cette fois, c’est une casquette bordée de jaune qui remplace la toque de fourrure. Quant aux bandes, également jaunes, du pantalon de cheval gris souris, mais un gris souris tendre, très tendre, qui virerait presque au rose, elles sont l’apanage de l’officier d’état-major de la grande armée impériale. À n’en pas douter, nous avons là un colonel tsariste, style 1904-1905, observant la progression des tirailleurs japonais lors de la bataille de Taampin, avec toutefois l’anormale présence de soldats nippo-himalayens derrière lui. Mais aussi un aristocrate, la manière dont il tient son fume-cigarette l’attestant à satiété. Dans toutes les circonstances de la vie d’ailleurs, circonstances qui lui sont souvent contraires, il ne se départit pas de cette correction vestimentaire, qu’il erre dans le désert (culotte de cheval, bottes d’équitation, chemise de coupe coloniale), qu’il vaque à ses affaires dans les souks du Caire (costume blanc, chemise noire, cravate jaune tendre, feutre mou), qu’il enquête sur l’île atlantique de Sao Miguel (complet bleu foncé à fines rayures, chemise assortie, mais d’un bleu plus léger, nœud papillon), qu’il séjourne à Paris pour s’y occuper de questions météorologiques (à nouveau complet bleu mais sans rayures, chemise blanche, noeud papillon bordeau), qu’il inspecte les catacombes de la Ville Lumière (complet brun, chemise crème, cravate noire pointillée de jaune, feutre beige). Et que dire de sa robe de chambre rouge, à gros pois blancs, revêtue au débotté ? Mais je m’arrête là pour ne pas tomber dans la revue de mode...
Pour mieux saisir le niveau, on serait tenté de dire l’altitude, où se situe cette élégance, et derrière cette élégance, le personnage, il suffit de la comparer à la déliquescence vestimentaire des adversaires hargneux et acharnés du colonel, le professeur Mortimer et le capitaine Blake. Tous deux sont les rois de la confection, du prêt à porter et, certainement, des soldes. Voyez Mortimer qui, sur la quatrième de couverture, adresse un aguichant « hello » à ses lecteurs qu’il tient – fatale erreur – pour des admirateurs. Quelle tenue ! Celle du comptable d’une firme de sous-préfecture importatrice de pneus. La chemise s’affaisse sur une ceinture qui cerne un indécent bedon. La disharmonie entre un veston caca d’oie et un pantalon lie de vin, qui se prolonge par des souliers de souteneur napolitain, constitue une insulte à l’oeil. Et quelle est cette manière de faquin de s’adresser à son public, la pipe au bec ? À condition de revêtir l’uniforme, Blake s’en sort mieux, sauf s’il porte ces indécents shorts coloniaux, qui lui descendent jusqu’aux genoux. En tenue civile, cependant, il fleure le sous-officier qui, voulant échapper aux regards de ses supérieurs, se glisse subrepticement vers un lieu mal famé.
Au-delà du vestimentaire, c’est ensuite le courage, la tranquille intrépidité d’Olrik, qui retiennent notre attention. D’emblée, ils s’affirment sous nos yeux, lorsqu’avec l’élégant chasseur « l’aile rouge », il poursuit le « Golden Rocket », le laid bombardier dans lequel les Dioscures britanniques s’efforcent de lui échapper. Un vrai pilote, qui court sus à l’ennemi et qui ne craint jamais d’affronter les situations les plus périlleuses. Ainsi, lorsqu’il se fait passer pour un prisonnier anglais échappé afin de pouvoir s’introduire dans la base secrète des Britanniques, qui contrôle le Détroit d’Ormuz, dans laquelle il sabotera la station de pompage fournisseuse d’énergie, puis s’enfuyant, dissimulé sous une tenue de scaphandrier, alors que les services de sécurité de la base sont à ses trousses. Il n’a pas son égal pour se glisser là où on l’attend le moins, car son ingéniosité est sans limite et cette ingéniosité quelqu’un qui est revenu à plusieurs reprises de derrière les lignes soviétiques en possède une bonne dose. Pour répondre aux nécessités du moment, pour s’introduire là où il veut s’introduire, il se fera éminent archéologue allemand, spéléologue, chef d’une tribu barbare, agent à bord d’un sous-marin, égoutier, bourgeois cossu, locataire d’un élégant appartement parisien, et j’en passe.
 
"Les généraux - hommes qui se situent nettement au-dessus des hommes"

L’étude de ses actes et de ses pensées me permettent de conclure que le personnage est un remarquable stratège. Ce n’est pas pour rien que Basam Damdu, qui connaît les hommes, et mieux encore les généraux – hommes qui se situent nettement au-dessus des hommes – lui confie la conduite des opérations devant permettre de réduire la base secrète, nid redoutable abritant les derniers parangons de la démocratie agonisante, qui plus est parangons agressifs, prêts à se défendre. Et il va s’acquitter de sa tâche d’une main de maître ! D’ailleurs, ayant achevé sa mission de sabotage dans la base, ayant tout risqué (et gagné) avec une admirable détermination, ayant échappé à la mer qui avait menacé de l’engloutir, échoué sur une plage, que je situe sur l’actuelle côte iranienne, entre les bourgades de Gerk et de Serik, vêtu d’un méchant pantalon qui vient à peine de sécher, d’un maillot de corps, digne des vacances payées d’un syndicaliste du front populaire, il accueille les éléments aéroportés de l’armée nippo-himalayenne. Le général qui les commande l’informe aussitôt de l’estime dans laquelle on le tient, au sommet, et même au sommet du sommet : « Colonel, par ordre spécial de Sa Majesté, toutes les troupes disponibles ont été mises à votre disposition sous votre commandement direct. » Immédiatement, l’interpellé se penche sur la carte, prend ses dispositions tactiques, ordonne l’attaque, écarte les remarques pusillanimes d’un général : « Oh ! Certes, l’opération coûtera du monde, mais l’enjeu en vaut la peine. »). Puis il songe à son uniforme, car il ne sait que trop ce qu’il lui doit : « Et maintenant, Messieurs, permettez-moi d’aller revêtir une tenue digne de mon grade ». L’opération échoue, en raison de l’intervention du super-avion Espadon (d’une beauté fulgurante ; trop beau pour avoir été conçu par le professeur Mortimer comme on veut nous le faire croire) mis au point par les Britanniques. Mais n’est-ce pas là un épisode qui symbolise le drame de ces généraux aux capacités supérieures, de ces esprits éminemment tactiques et stratégiques qui, vers la fin de la Deuxième Guerre mondiale, ont succombé à la supériorité facile des Alliés, parce que matérielle ?
La base du détroit d’Ormuz ! De ce rocher, jumeau de Gibraltar, situé près du cap Mussendon, situé par 57° de longitude est et 26° 8 de latitude nord, si j’en crois la belle carte publiée par le Bombay Marine Office après les expéditions organisées en 1821 et 1825, parlons-en ! Et parlons-en parce qu’il a joué un rôle non négligable dans mon existence. Lors du périple du début des années 1960 entrepris par Gérard Zimmermann et moi-même à la recherche des vestiges des monuments croisés au Proche-Orient, fatigués de tant d’architecture romane et gothique dans des lieux insolites, un appel s’est fait entendre en nous, germanique dans sa simplicité : Nach Osten ! Nach Osten ! Alors, vers cet Osten nous avons roulés : Ankara, Sivas, Erzerum, Tabriz, Téhéran, puis une inflexion vers le sud, puis le sud-ouest : Persepolis, Isfahan, Schiraz, puis encore un peu plus vers le sud-ouest : Bender Bouchir (où Wassmuss assuma les fonctions de consul du Reich avant 1914) en traversant une guerre brutale, d’ailleurs occultée jusqu’à nos jours, dont nous avons à peine pris conscience. Enfin, par des pistes ne méritant pas ce nom, sans cartes, virage en direction du sud-est, vers ce détroit d’Ormuz jacobsien et mythique, dans un paysage affichant effectivement, à peu de choses près, les caractères de celui du Secret de l’Espadon. Mais nous n’atteindrons jamais le lieu magique, l’armée impériale non pas de Basam Damdu mais de S.M.I. le Schah, ayant lancé à nos trousses deux jeeps et une automitrailleuse (l’automitrailleuse du Secret ?) afin de mettre un terme à cette ballade inconsciente dans une région alors aux mains des rebelles tengistanis, ceux-là mêmes soulevés par Wassmuss durant la Première Guerre mondiale.


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On peut remercier Laurent Schang pour la mise en ligne de cet excellent texte de Jean-Jacques Langendorf !...

Lien permanent Catégories : Bandes-dessinées, Points de vue 0 commentaire Pin it!

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