Nous reproduisons ici un article d'Alain de Benoist, publié dans le numéro de mars 2010 du mensuel Le Spectacle du Monde et intitulé L'homme numérique.
L'homme numérique
Aucun régime politique n’a autant changé la vie des hommes que les grandes innovations technologiques. Qu’on pense à la voiture, à l’avion, à la pilule contraceptive, à la télévision. Le principe fondamental de la technique, disait Friedrich Georg Jünger (le frère d’Ernst Jünger), c’est le principe de faisabilité : dès l’instant où quelque chose est techniquement possible, cette chose sera réalisée, qu’on le veuille ou non. Les hommes politiques, les moralistes, les membres des comités de « réflexion éthique » auront par rapport à elle toujours un temps de retard. Au-delà du bien comme du mal, la technique s’impose d’ellemême, transformant le possible en nécessaire, et même en inéluctable.
Aujourd’hui, c’est incontestablement Internet qui a le plus changé la vie quotidienne de centaines de millions d’individus. Il n’y avait en 2000 que 400 millions de connectés à Internet. Aujourd’hui, leur nombre dépasse le quart de la population mondiale. Issu d’Arpanet, réseau militaire mis en place par le Pentagone dans les années 1960, Internet s’est avéré l’un des outils de communication dont la pénétration a connu la progression la plus rapide de l’histoire : vingt fois plus vite que le téléphone, dix fois plus que la radio, trois fois plus que la télévision. La grande rupture, désormais, est celle qui, dans le monde, oppose les « connectés » aux « non-connectés ».
La nouvelle technologie a d’abord touché les jeunes, traditionnellement qualifiés d’« early adopters » (utilisateurs de la première heure). D’où une rupture d’usage, séparant les « digital natives » ou « autochtones du monde numérique » à l’intérieur duquel ils sont nés, des « digital immigrants », venus sur le tard aux nouvelles technologies. Un fossé s’est ainsi creusé entre les générations.
Au début des années 1990, les premiers internautes s’émerveillaient de pouvoir accéder à toutes sortes d’informations et de services par le biais des moteurs de recherche, et de pouvoir communiquer instantanément par courriels. Ils se sont ensuite mis à participer. Ils ont publié leurs photos sur Flickr ou Snapfish. Ils ont regardé des vidéos sur YouTube et Dailymotion, consulté des dossiers sur Wikipedia. Les logiciels gratuits leur ont permis de créer des blogs. Ils ont enfin accédé aux « réseaux sociaux » (Facebook, MySpace, Twitter, Bebo, Plaxo, etc.). Le Web est ainsi devenu la plate-forme sur laquelle on peut tout faire, ou presque : recevoir des messages, consulter en haut débit, se connecter avec des réseaux, bavarder en direct, faire des achats ou des réservations, trouver des partenaires, etc.
Internet a bien sûr ses adversaires irréductibles, qui ne sont pas tous des nostalgiques de l’ère Gutenberg, comme il a ses défenseurs inconditionnels, qui soulignent ses avantages évidents : information plus diversifiée, nouvelles libertés, possibilité d’exercer un contrepouvoir, etc.
La question de savoir dans quelle mesure la révolution numérique ne participe pas elle aussi de la société de surveillance et de contrôle qui a succédé aux anciennes sociétés de l’enfermement carcéral, reste néanmoins posée. La référence omniprésente, c’est évidemment Big Brother, figure centrale de 1984, le célèbre livre de George Orwell. Constatant que nous sommes aujourd’hui « soumis à un double traçage : un traçage physique à travers la vidéosurveillance ou encore la géolocalisation, un traçage temporel à travers les réseaux sociaux et les moteurs de recherche », Alex Türk, président de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil), déclarait récemment à l’Assemblée nationale : « Nous sommes non seulement confrontés à une multitude de “petits Brothers” impossibles à localiser, mais en outre, nous ignorons délibérément la menace que ces derniers font peser sur les libertés individuelles. »
Contrairement aux fichiers de police, qui relèvent de ce que le jargon actuel appelle une logique top down (descendante), les renseignements fournis sur les réseaux Internet relèvent d’une logique bottom up (ascendante) : les données permettant de ficher les individus sont fournies par les intéressés eux-mêmes, pour les échanger ou les partager avec les autres membres des réseaux.
En décembre 2009, une émission sur France 2, consacrée à la « planète Facebook », rappelait que toutes les informations données sur eux-mêmes par les membres des « réseaux sociaux » (leurs activités professionnelles, leurs opinions politiques, leurs préférences sexuelles, etc.) sont instantanément consultables par 150 millions de membres, qu’elles seront encore accessibles dans vingt ou trente ans (à leur future femme, à leurs enfants, à leurs patrons), et qu’elles pourront aussi bien être vendues demain à des firmes industrielles ou des services de renseignements. « Une mine d’or pour la police », lisait-on déjà dans le Figaro, en avril 2009. Conclusion de Jérôme Drieux, auteur du reportage : « Si l’on veut préserver sa vie privée, il ne faut pas s’inscrire. »
C’est le double visage d’Internet. D’un côté, il ouvre des possibilités nouvelles d’information et d’échange, dont les pouvoirs publics s’efforcent, sans grand succès, de juguler la spontanéité anarchique ou l’illégalité des contenus. De l’autre, il permet de repérer, ficher, détecter. Autrefois, la police ne pouvait guère arrêter que des pédophiles isolés. Aujourd’hui, grâce à Internet, elle peut identifier et démanteler des réseaux entiers. Méthode qui pourrait tout aussi bien être utilisée demain contre les « mal-pensants ».
Autre sujet de préoccupation : la marchandisation massive des technologies nouvelles. Certains spécialistes ont ainsi décrit l’iPad, la nouvelle tablette électronique d’Apple, comme la « pierre tombale du Web 2.0 ». Explication. Inventée en octobre 2004 par l’éditeur californien Tim O’Reilly, l’expression «Web 2.0 » désignait au départ le point de bascule (tipping point) au-delà duquel Internet passerait d’un statut purement utilitaire (l’ère des premiers PC, avec IBM comme acteur principal) à celui de lieu d’épanouissement et de créativité personnelle (avec Microsoft comme symbole). Mais l’iPad n’est qu’un simple outil de consultation et de récréation. Avec iTunes (musique), AppleStore et sa librairie iBooks, Apple se borne à faire de la commercialisation de contenus créés par des professionnels. Et, tout comme Internet, Facebook est une entreprise privée qui ne s’est pas créée par philanthropie, afin d’aider les gens à se faire des relations, mais pour gagner de l’argent (les données recueillies valent de l’or). Malgré l’explosion des blogs, le modèle dominant sur Internet n’est pas la création de contenus, mais la consommation et le visionnage.
Le « village global » chanté par Marshall McLuhan semble s’être ainsi transformé en un grand bazar planétaire, où l’on vend en ligne toutes sortes de biens (sur eBay et autres boutiques en ligne) et de services (banques, transports, rencontres amoureuses, etc.). Et le rêve utopique d’un « nouvel espace public électronique, convivial et démocratique » (Serge Proulx) s’être fracassé sur les réalités marchandes pour devenir un vaste supermarché sous surveillance, en même temps qu’une gigantesque salle de jeux pour adolescents immatures.
Les psychiatres, qui se sont aussi penchés sur le phénomène, constatent de leur côté que les blogs, les forums et autres « bacs à sable » servent avant tout de défouloirs aux incultes anonymes, aux obsédés et aux paranoïaques, qui trouvent sur la Toile le moyen de démultiplier l’impact de messages irresponsables rédigés dans l’anonymat.
Mais il ne suffit pas de dire que l’on peut faire d’Internet, comme de tout autre chose, un bon et un mauvais usage. Il faut encore constater que cet usage transforme l’utilisateur. En changeant le monde, le Web change aussi l’homme qui y habite. Une transformation que l’on n’a pas encore appréciée à sa juste valeur, à la fois parce que les moyens d’analyse font défaut (les vieux schémas conceptuels sont devenus obsolètes) et par manque de recul (« ça va trop vite »). « Il n’y a pas de lois de la modernité, disait Jean Baudrillard, il n’y a que des traits de la modernité. » Quels sont les grands traits de la modernité numérique? Et les caractéristiques anthropologiques de l’Homo numericus ?
La première, c’est évidemment la destitution de l’écrit. L’avènement d’une nouvelle culture ne se fait jamais sans douleur. Elle implique l’exclusion ou la marginalisation de la culture précédente. Distinguant entre les différentes « médiasphères », Régis Debray a, de longue date, observé que nous sommes passés de la « graphosphère », dominée par l’imprimerie, à la « vidéosphère », où règnent les techniques de l’audiovisuel. La destitution de l’écrit, qui va de pair avec la fin de l’écriture manuelle, voire de l’échange de correspondance (on publiait naguère les lettres des grands écrivains, il est probable qu’on ne publiera guère leurs mails), laisse prévoir que la librairie en ligne va supplanter la bibliothèque, et que le livre électronique (l’e-book) va remplacer sa version papier.
Conséquence linguistique : tandis que l’orthographe se délite, la langue qui s’impose sur Internet est de plus en plus l’anglais, ou plus exactement le « globish », c’est-à-dire un sousanglais d’aéroport. Il suffit pour s’en rendre compte de lire la presse spécialisée, où il n’est question que de « touch de search », de « user generated content », de « mobile devices », des « codes du roleplay » et autres « widgets ».
Mais c’est surtout au profit de l’image que l’écrit s’efface. Georges Bernanos définissait la modernité comme un « complot contre la vie intérieure ». L’explosion des images y contribue. Elle s’explique parce que l’image est une ressource facile à produire, et qu’elle n’exige aucun effort pour être consommée. Or, le primat de l’image sur l’écrit, c’est la fin d’une certaine façon de s’informer et de se cultiver, car on ne regarde pas une vidéo comme on lit un livre. Pas question, quand on regarde, de s’arrêter un instant pour réfléchir. Le rythme ne dépend pas de nous. L’oeil fonctionne par lui-même, cessant d’être l’auxiliaire du cerveau.
On aboutit ainsi à ce que Gilles Lipovetsky et Jean Serroy ont appelé l’« écran global ». Nous vivons de plus en plus dans un monde d’écrans – télévision, publicité, vidéo, Internet, clips, écrans tactiles, téléphones portables –, tandis que l’addiction à l’objet fait de chaque utilisateur le terminal de son ordinateur ou le prolongement de sa télécommande. Dans la rue, dans les transports, au bureau comme au restaurant, tout le monde appuie sur des boutons, touche des écrans, tapote sur son ordinateur portable, son téléphone cellulaire multifonctions, son iPod, etc. L’Homo numericus a des allures de singe savant. Nous sommes dans un monde « où on ne regarde plus les étoiles, mais les écrans » (Paul Virilio). L’expérience vécue est remplacée par le virtuel, qui permet de connaître le monde entier sans être allé nulle part.
Phénomène surtout sensible chez les « geeks », les « cinglés », jeunes accros de toutes les technologies numériques, pour ne rien dire des « nolife » qui, eux, n’ont quasiment plus aucun lien avec le monde extérieur et passent vingt-quatre heures sur vingt-quatre devant leur écran. Les geeks ne ressentent aucun besoin d’accumuler les contenus, car Internet remplace virtuellement tous les outils de référence. La conservation des contenus leur apparaît comme un souci d’un autre âge. André Gunthert, directeur du Laboratoire d’histoire visuelle contemporaine, constate que, pour beaucoup de jeunes, « l’idée d’acheter des choses pour les garder surprend. Ils ont du mal à comprendre l’utilité de l’archive : ils vivent sur l’idée de l’abondance des contenus, de la disponibilité permanente et perpétuelle des images, orientée vers le futur et non pas vers le passé ».
L’ère numérique, c’est aussi par définition celle du virtuel. De l’« assistant » qui vous salue quand vous entrez dans une boutique en ligne au monstre qui cherche à vous tuer du site World of Warcraft, tout ce qui se passe dans le cyberespace est virtuel. Jean Baudrillard disait que la transformation du monde réel par le virtuel le rend « hyperréel ». Cela signifie que le simulacre y est toujours plus vrai que nature.
Le virtuel, à sa façon, abolit l’espace et le temps. Le sociologue Paul Virilio, qui s’est beaucoup intéressé aux notions de vitesse et d’accélération, fait un parallèle entre Internet, qui se fonde sur la consommation immédiate des contenus, et le fait qu’un événement qui se produit à la surface de la Terre (une grave crise financière, par exemple) se propage instantanément à toute la planète. La révolution informationnelle et numérique conduit vers la synchronisation, c’est-à-dire le temps quasi simultané, qu’on peut aussi appeler temps mondial ou temps zéro. « Les technologies du temps réel, les technologies de la mondialisation du temps, estime Virilio, portent en elles-mêmes une puissance d’oubli, d’évacuation de toutes les réalités. Elles provoquent une déréalisation, une perte de réalité. » En ce sens, ajoute-t-il, nous assistons à la « défaite des faits ».
A l’image de la mondialisation, Internet est un espace planétaire sans extérieur (Paul Virilio parle de « globalitarisme »). La temporalité se réduit à l’immédiat, c’est-à-dire à la culture de l’instant : « Les longues durées perdant leur intérêt au profit de l’instantanéité et de l’immédiateté, l’événement ressenti instantanément devient proéminent. » Tout ce qui est immédiat est valorisé, tout ce qui exige de l’attente est dévalorisé. « Nous subissons une pression qui mange le passé », remarque également André Gunthert. Mais cette pression se nourrit aussi d’une orientation vers l’avenir. Dans les nouvelles technologies, l’idéologie du progrès reste vivante, puisque par définition le meilleur modèle est toujours celui qui apparaîtra demain.
Le sociologue d’origine polonaise Zygmunt Bauman aborde la même problématique en parlant de « liquidité ». L’avènement de la modernité tardive (dite aussi « seconde modernité » ou « postmodernité »), explique-t-il, a marqué le passage d’une phase solide à une phase liquide « dans laquelle les formes sociales ne peuvent plus se maintenir durablement, parce qu’elles se décomposent en moins de temps qu’il ne leur en faut pour être forgées ».
La société à l’ère de la mondialisation est une « société liquide », où les relations, les identités, les appartenances politiques et même les catégories de pensée deviennent à la fois polymorphes, éphémères et jetables. Les votes électoraux obéissent à un principe de rotation accélérée (au fil des années, on essaie tous les partis). Les engagements politiques, perdant tout caractère militant « sacerdotal », deviennent transitoires. Les luttes sociales s’inscrivent dans des laps de temps de plus en plus limités. Les liens amoureux obéissent au même principe. Le mariage d’amour étant la principale cause du divorce, mariages et liaisons durent de moins en moins longtemps. Il y a seulement dix ans, la durée moyenne d’un mariage dans les pays occidentaux était de sept ans. Elle n’est plus aujourd’hui que de dix-huit mois.
Tout engagement à long terme, que ce soit dans le domaine politique ou dans le domaine amoureux, est assimilé à une perte de liberté ou devient incompréhensible. Fragilisation des liens ou des rapports humains, qu’ils soient intimes ou sociaux, désagrégation des solidarités durables, mais aussi sentiment d’impuissance (on a l’impression de ne plus rien maîtriser) qui fait naître des sentiments d’incertitude, d’angoisse et d’insécurité. L’un des livres de Zygmunt Bauman s’intitule la Vie en miettes…
Cette « liquidité » rejoint la déterritorialisation qui est de règle dans le cyberespace. Il en va de même du téléphone cellulaire, de l’ordinateur portable ou des techniques WiFi, qui suppriment tout lien rattachant à un lieu précis. La mobilité, la « transparence », la disponibilité permanente sont érigées en idéal. La supériorité des « flux sur les codes » avait déjà été annoncée par Gilles Deleuze et Michel Foucault. Toutes les nouvelles technologies se ramènent à des transmissions de flux. Passage de la logique tellurique à la logique maritime, qui ne connaît pas de frontières, mais seulement des vagues et des flux. Logique du commerce et de l’échange, qui va de pair avec le déracinement. L’Homo numericus, nouveau nomade, est à la fois de partout et de nulle part.
Les réseaux, qui servent autant à connecter qu’à déconnecter, ont pareillement remplacé les structures, dont la seule raison d’être était d’attacher. L’ère numérique marque à la fois le temps de l’hyper-individualisme et celui des réseaux. Michel Maffesoli a bien montré que nous vivons aujourd’hui à l’époque des réseaux, des communautés et des « tribus ». Sur fond de crise grandissante de l’Etat-nation (qui n’est plus souverain qu’en matière de surveillance et de sécurité) et de décomposition accélérée de toutes les institutions « surplombantes », les réseaux prolifèrent de manière virale, créant des « noeuds » partout.
MySpace a été le premier site permettant aux jeunes de créer en ligne un « profil » à leur image et de partager leurs passions avec leurs amis. Les « réseaux sociaux » n’ont ensuite cessé de se développer. Leur succès est d’abord dû au fait qu’ils constituent autant d’espaces privilégiés de socialisation virtuelle. Dans Comment le Web change le monde, Francis Pisani et Dominique Piotet parlent d’« alchimie des multitudes » pour qualifier la façon dont la Toile recompose les rapports humains. Mais peut-on vraiment parler d’émergence d’une nouvelle forme de sociabilité ? Oui et non. Des réseaux sans frontières se forment un peu partout, mais ceux qui leur appartiennent restent en définitive seuls derrière leur écran. On « communique » d’autant plus qu’on n’a rien à dire. On a des amis partout, mais on ne les a jamais vus. Difficile dans ces conditions de parler de nouveau lien social.
Nombre de sociologues pensent que les « réseaux sociaux » d’Internet ne remédient pas à la fragmentation sociale, qui rend les gens inaptes à former et réaliser un projet commun, mais tend au contraire à l’aggraver. Dominique Wolton rappelle que l’information et la communication sont rarement synonymes. Bernard Stiegler, sociologue et philosophe, montre comment les industries culturelles et les technologies numériques, alors même qu’elles semblent valoriser avant tout la singularité des individus, aboutissent en réalité à ce que les « je » s’effacent au profit d’un « on » moutonnier. « Derrière la communication planétaire ultrarapide, prouesse technique indéniable, affirme Paul Virilio, on voit apparaître des risques de conditionnement que tout l’appareil de propagande s’efforce de camoufler. »
La notion à retenir ici est celle de contre-productivité, qui avait en son temps été théorisée par Ivan Illich. Trop d’informations que l’on ne peut ni hiérarchiser ni vérifier équivalent à une absence d’informations. Les masses anonymes des grandes villes vivent dans de nouveaux déserts. L’accumulation d’images fait surgir un nouvel iconoclasme. La perte généralisée des repères fait exploser le nonsens. Le désir de liberté totale peut alors aussi bien s’inverser en dépendance absolue. On ne peut être libre que lorsque l’on peut maîtriser ce qui nous environne et nous domine. L’Homo numericus est, à bien des égards, un homme qui ne domine plus rien, parce que ses formes de vie de plus en plus « technomorphes » le mettent dans la dépendance totale de la technologie.
Une chose est sûre : l’ère numérique n’en est qu’à ses débuts. En juillet prochain, la firme américaine Fisher-Price lancera une nouvelle tablette électronique comprenant lecteur e-book, album de photos, lecteur MP3, logiciel de dessins et jeux vidéo. Particularité : elle sera destinée aux enfants de trois à six ans.
Alain de Benoist (Le Spectacle du Monde, mars 2010)