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sof power

  • «La France ne doit plus s'en remettre aux superproductions étrangères pour raconter son histoire !»

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Aurélien Duchêne cueilli sur Figaro Vox et consacré à l'absence de la France dans la production de films historiques sur son propre passé. Aurélien Duchêne est un publiciste spécialisé dans les questions de défense et de politique étrangère.

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    Napoléon: « La France ne doit plus s'en remettre aux superproductions étrangères pour raconter son histoire ! »

    Le film de Ridley Scott sur Napoléon suscite la controverse. En particulier en France, où le traitement de l'histoire par ce biopic émeut naturellement plus qu'ailleurs. D'aucuns y dénoncent une véritable propagande anti-française et d'autres, plus nombreux, y déplorent une occasion manquée de mieux valoriser un chapitre essentiel de notre histoire.

    Quoique l'on pense de ce film, qui relève certes du divertissement mais traite d'un sujet qui ne s'y limite pas, il soulève un enjeu étonnamment peu débattu : nous nous en remettons à d'autres lorsqu'il s'agit de faire revivre notre histoire à grand spectacle et gros budget. On peut critiquer la vision de Napoléon par un Anglais, mais quel film français s'est-il récemment emparé de sa légende avec la même ambition ? Nous ne parlons pas ici des quelques réalisations françaises sur l'ère napoléonienne depuis 2000, aux moyens et à l'audience limités. Mais de blockbusters de portée mondiale, que la France ne produit ni sur cette période, ni sur le reste de son histoire.

    Énième représentation de l'Empereur au cinéma, le Napoléon de 2023 était d'autant plus attendu qu'il a davantage de potentiel auprès du grand public international qu'aucun de ses prédécesseurs à l'écran : il cumule un réalisateur et un acteur de renommée planétaire tout comme des moyens financiers et techniques inédits. De quoi bâtir un succès commercial exceptionnel pour un film historique, et plus encore influer sur la vision qu'auront de l'histoire des dizaines, puis centaines de millions de spectateurs.

    Car là est l'enjeu : c'est aujourd'hui via des superproductions – films, séries, jeux vidéo – que le grand public, français et étranger, découvre des pans entiers de l'histoire. C'est par des réalisations de cette envergure que le monde entier assimile ainsi l'histoire américaine ou britannique, mais aussi un prisme anglo-saxon appliqué à l'histoire du monde, dont celle de la France.

    Ne serait-ce qu'en passant sous silence le rôle de notre pays durant le conflit, ces blockbusters entretiennent par exemple l'idée que la France aurait été lâche et insignifiante durant la Seconde Guerre mondiale, laquelle aurait été gagnée par les seuls Anglo-américains. Jusqu'à effacer les Français de batailles où ils ont payé le prix fort, comme dans Dunkerque (2017), succès commercial qui «oublie» le rôle des Français sans qui les Britanniques n'auraient pu continuer la guerre.

    L'exemple de la Seconde Guerre mondiale illustre l'importance des grosses productions dans la transmission de l'histoire, mais également celle de la mémoire dans la vision du monde des spectateurs. Russes et Chinois ne s'y trompent pas lorsqu'ils cherchent à concurrencer les blockbusters occidentaux dont la trame est basée sur des périodes entières de leurs histoires.

    De leur côté, la Russie, la Chine, l'Inde ou encore la Turquie à travers ses séries et films pseudo-historiques promouvant le discours néo-ottoman d'Erdogan, investissent dans les superproductions historiques pour servir leurs ambitions géopolitiques. Elles diffusent ainsi leur réécriture de l'histoire et leur vision du monde avec une efficacité redoutable auprès d'audiences domestiques et internationales.

    L'enjeu peut paraître secondaire, mais cette bataille des récits est toujours plus importante dans un monde où les guerres d'influence et le fameux « soft power » deviennent incontournables, et où «le passé change le monde», comme le montre Bruno Tertrais dans La Revanche de l'Histoire.

    La France doit-elle céder à la réécriture de son histoire, et instrumentaliser son passé pour peser dans cette bataille des récits où elle est trop absente, voire victime ? Certainement pas. Mais il lui faut enfin promouvoir à son tour son histoire auprès du grand public international. Celui-ci y sera d'autant plus réceptif qu'il est demandeur : les grosses productions historiques britanniques trouvent par exemple leur audience, pourquoi n'en serait-il pas de même pour l'histoire du pays le plus visité au monde, dont l'héritage rayonne toujours ?

    Obsédée par son déclin qu'elle mesure autant à l'aune de ses gloires passées qu'à celle de ses faiblesses actuelles, la France souffre certes d'un déclassement de sa puissance qui est à bien des égards sans retour, mais conserve un poids et un potentiel immenses sur le plan culturel. À défaut de prétendre à la grandeur d'hier, elle peut la faire revivre demain au travers de films, séries ou jeux vidéo à grand budget et grande audience.

    Nous avons tous les talents pour cela : la nouvelle adaptation au cinéma des Trois Mousquetaires par Martin Bourboulon, l'un des seuls blockbusters historiques français de ces dernières décennies, le montre. Il reste à multiplier les productions de ce type, et ne manquent pour ce faire que la volonté politique et l'allocation de budgets qui pourraient être prélevés ailleurs dans nos politiques culturelles.

    Financer des superproductions sur les grands moments et personnages de l'histoire de France contribuerait à réinventer notre soft power à l'international, mais aussi à redonner unité, fierté et optimisme à une société française divisée, en plein doute et en panne de grands récits fédérateurs capables de rassembler les Français de toutes origines et générations.

    C'est d'autant plus nécessaire alors que nous peinons à transmettre notre histoire et notre mémoire, notamment auprès d'une jeunesse dont une large partie ne s'identifie plus à cet héritage. Quoi de mieux pour cela que des films et séries capables de toucher tous les publics, en conciliant divertissement et culture historique ?

    Comme le rappelle la controverse sur le film Napoléon, ne soyons plus dépendants du bon vouloir et du jugement des autres pour raconter notre passé. Réaliser enfin des superproductions sur l'histoire de France, c'est un enjeu clé pour peser dans les guerres d'influence, réinventer notre soft power, et mieux transmettre notre héritage historique auprès de Français de tous âges et milieux.

    Aurélien Duchêne (Figaro Vox, 1er décembre 2023)

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  • L'argent de l'influence

    Ouvrage collectif dirigé par Ludovic Tournès et publié aux éditions Autrement, L'argent de l'influence - revient sur l'action des fondations américaines en Europe. Très riches , ces dernières ont, depuis des dizaines d'années pour certaines, tissé des réseaux d'influence dans les milieux scientifiques, politiques et culturels. Une belle illustration de la stratégie du soft power. Cet ouvrage vient utilement compléter ce qu'avait exposer Frédéric Charpier dans son livre La CIA en France...  

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    "Du début du XXe siècle à la chute du mur de Berlin, les grandes fondations (Carnegie, Rockefeller, Ford, puis Soros) n’ont pas cessé d’être présentes en Europe et d’y tisser de multiples réseaux dans les milieux intellectuels, scientifiques et politiques. Fondées par de grands industriels symboles du capitalisme américain, ces fondations sont à la fois porteuses d’un projet de société libérale et partisanes d’une régulation des excès du capitalisme. Du fait de ces objectifs contradictoires, la nature de leurs actions en Europe dépend du contexte géopolitique : avant 1914 et pendant l’entre-deux-guerres, elles jouent le rôle de ciment entre les milieux pacifistes européens et américains ; avec la guerre froide, elles embrassent la bannière de la lutte contre le communisme. Présentes là où l’État américain ne l’est pas encore, ne l’est plus ou ne veut pas l’être officiellement, elles occupent une place à part dans la diplomatie américaine, dont elles ne contredisent jamais formellement les orientations, mais par rapport à laquelle elles s’accordent un degré d’indépendance plus ou moins important selon le contexte international. Rassemblant les meilleurs spécialistes, l’ouvrage met en scène la diversité des actions des fondations américaines en Europe tout au long du XXe siècle. Alors que leur fonctionnement et leurs objectifs restent souvent objet de fantasmes, on les verra opérer sur le terrain et constituer des réseaux denses et durables."

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