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  • Nihilisme et technologie: le vide numérique de l'époque moderne...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bernard Lindekens cueilli sur Euro-synergies et consacré au nihilisme technologique.

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    Nihilisme et technologie: le vide numérique de l'époque moderne

    Nous vivons à une époque où la technologie a radicalement changé notre vie. L'intelligence artificielle, les réseaux sociaux, la réalité virtuelle et la prise de décision guidée par des algorithmes déterminent de plus en plus notre réalité. En même temps, de nombreuses personnes luttent contre un profond sentiment d'insignifiance et d'aliénation. Le nihilisme – l'idée que la vie n'a pas de signification inhérente – semble aller de pair avec les avancées technologiques. Comment se fait-il qu'à une époque de possibilités technologiques sans précédent, le sentiment de vide et de manque de but soit si fortement présent ? Et que dit cela sur l'avenir de l'humanité ?

    Qu'est-ce que le nihilisme ?

    Le nihilisme est la conviction philosophique qu'il n'y a pas de signification, de valeurs ou d'objectif objectif dans la vie. Le terme est devenu particulièrement connu grâce à Friedrich Nietzsche, qui a mis en garde contre les dangers d'un monde où les valeurs traditionnelles perdent leur signification. À ses yeux, le nihilisme, s'il n'était pas surmonté, pourrait conduire à une crise existentielle où les gens sombraient dans la passivité, le cynisme ou la destruction.

    Il existe différentes formes de nihilisme :

        - Nihilisme existentiel : l'idée que la vie n'a pas de signification inhérente.

        - Nihilisme épistémologique : la conviction que la connaissance et la vérité sont fondamentalement inaccessibles.

        - Nihilisme moral : le rejet des valeurs morales objectives.

    Bien que le nihilisme soit souvent associé à la philosophie et à la littérature, il a pris une nouvelle dimension à l'époque actuelle : celle du nihilisme technologique.

    L'essor du nihilisme technologique

    La technologie a amélioré de nombreux aspects de notre vie : communication plus rapide, meilleurs soins médicaux et accès illimité à l'information. Mais paradoxalement, cette avancée a également créé un sentiment de manque, d'absence de but et d'aliénation.

    Autrefois, les gens trouvaient un sens dans les expériences physiques, la religion, la famille et les interactions sociales directes. Aujourd'hui, une grande partie de notre vie se déroule dans des environnements numériques. Les réseaux sociaux, les jeux vidéo et les environnements issus du travail en ligne font que nos expériences sont de plus en plus médiatisées par des écrans et des algorithmes.

    Le problème est que les expériences numériques sont souvent superficielles et éphémères. Les « likes », les partages et les vues remplacent les interactions sociales plus profondes. Les identités en ligne sont soigneusement mises en scène, mais manquent d'authenticité. Cela crée un paradoxe: nous sommes plus connectés que jamais, mais nous nous sentons souvent plus seuls et plus aliénés.

    Dans un monde nihiliste où les valeurs traditionnelles s'effondrent, les gens cherchent de nouvelles structures pour donner un sens à leur vie. La technologie joue un rôle de plus en plus important dans ce processus. Les big data et l'IA sont de plus en plus utilisés pour orienter les décisions humaines, qu'il s'agisse de quels films nous regarderons ou de quels partenaires nous fréquenterons. Mais si les algorithmes déterminent notre vie, qu'est-ce que cela signifie pour le libre arbitre et l'autonomie ?

    Des critiques comme le philosophe Byung-Chul Han avertissent que nous vivons dans une société « guidée par les données » où l'expérience humaine est réduite à des calculs. L'individu perd lentement son autonomie et devient un consommateur passif dirigé par des forces invisibles. Cela conduit à un nihilisme technologique où la quête de sens disparaît : si tout est déterminé par des algorithmes, pourquoi devrions-nous encore réfléchir à nos choix ?

    La Silicon Valley a créé une idéologie spécifique où la technologie est présentée comme LA solution à tous les problèmes humains. Le transhumanisme, la promesse d'immortalité via l'IA et le métavers sont des exemples de la manière dont la technologie est utilisée comme un récit quasi-religieux.

    Mais beaucoup de critiques voient ces utopies comme une forme d'évasion. Au lieu de répondre à de véritables questions existentielles, les entreprises technologiques créent une illusion de progrès. Elles promettent que la technologie sauvera l'humanité, tandis que les questions fondamentales – Quelle est le sens de la vie ? Comment faisons-nous face à la mortalité ? – restent sans réponse.

    Le nihilisme technologique n'est donc pas seulement un sous-produit du monde numérique, mais aussi une stratégie consciente: en laissant les gens croire que la technologie résoudra leurs problèmes, ils deviennent passifs et dépendants. L'une des formes les plus directes de nihilisme technologique est l'essor de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée. Avec le développement du métavers et des mondes entièrement numériques, la frontière entre réalité et fiction devient de plus en plus floue. D'une part, cela offre d'énormes possibilités : les gens peuvent acquérir de nouvelles expériences, entretenir des relations sociales et même travailler dans des environnements numériques. Mais d'autre part, il y a le danger que les gens cherchent de plus en plus refuge dans ces réalités alternatives.

    Dans une société nihiliste où le monde physique est perçu comme dépourvu de sens, la réalité virtuelle peut devenir l'évasion ultime. Pourquoi faire face à la dure réalité lorsque l'on peut pénétrer dans un monde parfaitement simulé où l'on a le contrôle total ?

    Des philosophes comme Jean Baudrillard nous ont déjà averti de cette dérive en avançant le concept d'hyperréalité : un monde où les simulations remplacent la réalité, jusqu'à ce que les gens ne puissent plus voir la différence.

    L'intelligence artificielle a le potentiel de reproduire la créativité humaine, l'émotion et même la conscience. Mais l'IA fonctionne selon un modèle strictement rationnel et calculé. Elle n'a pas d'expérience subjective, pas de sentiment de signification ou d'objectif. À mesure que de plus en plus de fonctions humaines sont reprises par l'IA, cela soulève des questions existentielles. Qu'est-ce que cela signifie d'être humain dans un monde où l'intelligence et la créativité sont répliquées par des machines ? L'expérience humaine a-t-elle encore une valeur intrinsèque si un algorithme peut produire un art, de la musique ou même de la littérature meilleurs que nous-mêmes?

    La combinaison de l'IA et du nihilisme conduit à une conclusion inconfortable : si les machines peuvent finalement tout faire mieux que nous, pourquoi devrions-nous encore nous donner du mal ? C'est le cœur du nihilisme technologique : le sentiment que l'homme devient finalement superflu dans ses propres créations.

    Comment en sortir ?

    Bien que le nihilisme technologique soit une force puissante dans le monde moderne, cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas lui opposer une résistance. Il existe différentes manières d'utiliser la technologie sans sombrer dans le vide existentiel. Au lieu de nous laisser guider aveuglément par des algorithmes et des données, nous devons utiliser la technologie de manière consciente. Cela signifie réfléchir de manière critique à la façon dont les réseaux sociaux, l'IA et les outils numériques nous influencent. Un véritable sens émerge dans les relations humaines et les expériences. En considérant la technologie comme un moyen plutôt que comme un objectif, nous pouvons nous concentrer sur des interactions authentiques plutôt que sur des connexions superficielles en ligne. Le nihilisme peut être surmonté par une recherche active de sens. La philosophie, l'art et la réflexion personnelle offrent des alternatives pour envisager le monde et trouver un sens dans une société technologique. Au lieu d'utiliser la technologie comme une évasion ou un remplacement de l'expérience humaine, nous devons aspirer à une technologie qui renforce notre humanité. Cela signifie une IA éthique, des interactions numériques humaines et un focus sur le bien-être plutôt que sur le profit.

    Le nihilisme et la technologie sont profondément interconnectés dans le monde moderne. Le défi du 21ème siècle n'est pas seulement de rendre la technologie plus intelligente, mais aussi de veiller à ne pas sombrer dans un état de nihilisme technologique. Ce choix nous appartient.

    Bernard Lindekens (Euro-Synergies, 14 avril 2025)

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  • Tour d'horizon... (220)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur la Lettre de Communication & Influence du mois de novembre, Bruno Racouchot interroge Cynthia Picart, avocate et cheville ouvrière du rapport de l’École de guerre économique sur l'influence américaine en France...

    Etats-Unis vs France/Europe : influence et méthodes d'encerclement cognitif

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    - sur le site de la Fondation Identité et Démocratie, Xavier Raufer revient sur les émanations idéologiques toxiques qui proviennent de la Silicon Valley...

    La peste californienne

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  • Google contre WikiLeaks...

    Les éditions Ring viennent de publier un témoignage de Julian Assange intitulé Google contre WikiLeaks. Informaticien, Julian Assange est le fondateur de WikiLeaks. Menace d'une extradition aux États-Unis, où il fait l'objet de poursuites judiciaires pour espionnage, complot et conspiration générale, il vit réfugié dans l’ambassade d’Équateur à Londres depuis juin 2012.

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    " En juin 2011, Julian Assange reçoit un visiteur inhabituel dans sa petite maison de campagne anglaise en résidence surveillée de Ellingham Hall : le président de Google en personne, Eric Schmidt, venu tout droit de la Silicon Valley. 

    Le général assiégé de WikiLeaks, la plus audacieuse entreprise d'édition insurrectionnelle connue à ce jour, et l'empereur d'Internet vont croiser le fer : du Printemps arabe aux bitcoins, et des solutions technologiques aux problèmes politiques, tout les oppose. La collision Assange/Schmidt déferlera sur le rôle, le pouvoir et le contrôle de la Toile, la " colonisation digitale " de Google, ses relations avec le gouvernement américain et ses répercussions sur la vie privée, la surveillance de masse et la liberté d'expression. Enregistré sur magnétophone, Eric Schmidt ignorait que Julian Assange ferait un jour un livre de leur confrontation. 

    Google contre WikiLeaks est l'histoire de l'affrontement entre Schmidt et Assange, et tente de répondre à cette lancinante question : qui a réellement rendu visite à Julian Assange ce jour-là ? Fascinant et inquiétant, il contient la transcription intégrale de leur face-à-face et des textes additionnels écrits par Assange pour l'occasion, offrant la meilleure source disponible sur sa vision de l'avenir de l'Internet. "

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  • L’utopie totalitaire de la Silicon Valley...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bertrand Renouvin, cueilli sur son blog et consacré à l’utopie technolibertarienne des gourous de la Silicon Valley.

     

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    L’utopie totalitaire de la Silicon Valley

    Au rêve californien des hippies a succédé l’utopie technolibertarienne diffusée par les gourous de la Silicon Valley. Incontestablement séduisante, la promesse d’une humanité formée d’individus connectés aux choses et aux êtres repose en fait sur l’exploitation de nouvelles classes ouvrières et nous entraîne vers un totalitarisme doux, qui privera l’homme de sa liberté essentielle. Ce mouvement paraît irrésistible. Est-il possible de s’y opposer ?

     Cinquante ans après la grande vague contestataire qui s’épanouit aux Etats-Unis à la fin des années soixante et qui explose en mai 1968 dans notre pays, on voit que les ruses de l’histoire furent cruelles pour ceux qui avaient cru aux « grands récits ». Beaucoup attendaient la révolution, mais ce fut en France comme ailleurs « l’été de la Saint-Martin » du marxisme selon la formule de Maurice Clavel. Puis on assista à la jonction de l’esprit libertaire et de l’idéologie libérale dans un capitalisme renouvelé, toujours plus radical et dominateur. Certains s’en étonnent encore mais nous n’avons plus le loisir d’y revenir car nous sommes maintenant confrontés à une rencontre fusionnelle entre les nouvelles technologies et l’utopie libertaire. Il en résulte un processus qui est en train de bouleverser les rapports entre les hommes, et les rapports entre les hommes et le monde.

    Ecrivain et philosophe, Eric Sadin fait magistralement l’histoire de ces mutations dans un livre (1) qui prolonge sa remarquable « critique de la raison numérique » (2). Cette histoire commence et se poursuit en Californie, ce qui ne saurait guère étonner les lecteurs de Lucien Sfez qui nous avait expliqué que les Etats-Unis sont le pays de l’utopie technicienne (3). La Californie des Sixties avait conquis l’Amérique. C’est maintenant la Silicon Valley qui est en train de conquérir le monde en réalisant le vieux rêve soixante-huitard : changer la vie. Ce changement est rendu possible par le développement prodigieux de nouvelles technologies : accumulation massive de données, générales puis personnelles grâce aux traces laissées sur Internet ; avènement des réseaux sociaux en ligne dans l’esprit communautaire de la contre-culture des années soixante ; puis développement de « l’administration robotisée des choses » et, à partir de 2007 avec la diffusion des téléphones intelligents, progression fulgurante des services à la personnes sous forme d’applications inventées par des startups.

    Sous l’égide de Google, Microsoft, Amazon et autres géants étatsuniens, nous avons l’impression que la vie sera de plus en plus facile et passionnante : nous participons désormais à toutes sortes d’échanges planétaires grâce à des techniques ludiques conçues par les bons génies de la Silicon Valley. Cette impression, largement partagée dans les sociétés modernes, favorise la croissance de l’écosystème numérique mais elle ne procède pas d’observations spontanées. Nous ne faisons que reprendre les formules d’un nouveau Grand Récit fort bien décortiqué par Eric Sadin. A l’origine, en 1938, il y a la création par William H. Hewlett et David Packard d’un audio-oscillateur dans un garage de Palo Alto. Tel est le geste de la rébellion originelle. Quant au garage, il devient le mythe fondateur de la création d’un prototype par des aventuriers du capitalisme. Ces individus géniaux développent leur propre vision, qui est en rupture avec le cadre industriel existant – mais en harmonie avec le rêve américain de la réalisation de soi-même par l’effort.

    Dans les années soixante-dix, la Silicon Valley fut le théâtre de débats entre deux philosophies de la technique : l’une rationaliste, centralisée et fonctionnaliste, l’autre souple et émancipatrice dans la ligne de la sociologie contestataire. En 1972, Steward Brands, fondateur de l’une des plus anciennes communautés virtuelles, décrit l’ordinateur comme un nouveau LSD et explique que cette machine est fabriquée par des révolutionnaires qui veulent « désinstitutionnaliser la société et donner le pouvoir aux individus ». On voit alors apparaître la figure de l’entrepreneur libertaire qui se présente comme un génie visionnaire dont la puissance inventive va libérer l’humanité. Avec Steve Jobs et Apple, c’est cependant le thème de la créativité individuelle qui domina dans les années quatre-vingt mais, au tournant du siècle, la perspective de l’interconnexion générale se fit sous la double impulsion libertaire et libérale : grâce aux réseaux, on allait enfin connaître la fin de l’histoire et l’harmonie universelle ! Dix ans plus tard, l’utopie culturelle de l’émancipation par les réseaux fait place à place à une nouvelle utopie, économique et financière : « la duplication numérique du monde, écrit Eric Sadin, a fait émerger un horizon de profits intarissables qui, sous le couvert des bonnes intentions déclarées visant à améliorer le sort de l’humanité, excite toutes sortes de convoitises et de désirs ».

    Le modèle de la Silicon Valley est devenu mondial. Tous les pays cherchent à imiter le système industriel et financier californien – de l’Amérique latine à la Chine en passant par l’Europe. Emmanuel Macron est manifestement happé par cette silicolonisation à base de startups inventives et de magiciens de l’intelligence artificielle. Ce nouveau monde n’est pas soumis à des processus techniques irrésistibles. Toute technique est une techno-logie : un discours qui porte une vision générale de l’homme et du monde, idéologique ou utopique (4). L’esprit de la Silicon Valley, tel que l’analyse Eric Sadin, mêle l’idée américaine de la perfectibilité infinie de l’homme, l’apologie de la rationalité scientifique qui serait capable de résoudre toutes les anomalies sociales et toutes les erreurs de jugement individuelles et le culte libertarien de l’individu qui s’auto-réalise hors de toute hiérarchie. Paradoxalement, l’intelligence artificielle vise à éliminer l’humain qui pèche par inattention, qui fait des erreurs de calcul, qui a des croyances inadéquates. Avec l’ordinateur, les fautes d’orthographe sont réparées, avec la voiture Google sans chauffeur il n’y a plus d’accidents… mais ces éléments positifs portent en eux la négation de l’être humain. L’homme est dépossédé de sa faculté de juger par une machine qui sait mieux que lui comment interpréter le monde et comment s’y conformer pour en tirer le maximum de plaisirs.

    L’utopie technolibertarienne nie la liberté humaine et récuse le politique en tant que tel. Elle est tout à fait compatible avec les délires du transhumanisme mais contredit très concrètement l’exigence de justice sociale. La diffusion du modèle californien a brisé le rêve d’une démocratie accomplie, étrangère à toute hiérarchie. La Silicon Valley mondialisée, c’est une société de castes ainsi décrites par Eric Sadin :

    Tout en haut l’élite des mathématiciens – king coders – qui conçoivent les algorithmes complexes. Souvent venus de pays pauvres, ils sont devenus riches et vivent hors de tout lien territorial.

    Au milieu, les programmeurs qui tapent du code et surveillent les machines, les spécialistes de la finance, des relations publiques, de la mercatique… Les membres de cette caste vivent confortablement et sont fiers de contribuer au bien-être de l’humanité – sans comprendre que leurs capacités sont exploitées avec un parfait cynisme mais dans une excellente ambiance.

    Tout en bas, les innombrables ouvriers, souvent asiatiques, des usines d’assemblage des ordinateurs et des téléphones qui travaillent comme des robots en inhalant des produits toxiques.

    Ailleurs, éparpillés et eux aussi surexploités, les entrepreneurs individuels qui conduisent les taxis ou louent leur appartement : ils sont soumis aux algorithmes qui gèrent la plateforme – Uber, Rbnb – en assumant tous les coûts et risques de leur activité.

    On dit que les travailleurs des deux dernières catégories ont au moins la chance d’avoir un travail mais ils seront un jour ou l’autre remplacés par des robots. Eric Sadin évoque la « sauvagerie entrepreneuriale » et la « criminalité en sweat-shirt » qui règne dans les grandes compagnies dont nous utilisons chaque jour les produits et qui sont dirigées par des gourous qui apparaissent comme de géniaux et sympathiques bienfaiteurs. En fait, ils cachent sous leurs allures décontractées la volonté pathologique de dominer totalement le cours des choses et la vie d’êtres humains devenus parfaitement transparents. Se dessine un totalitarisme doux, dans lequel le guide suprême sera remplacé par des opérations mathématiques dictant les choix individuels et contre lesquelles il serait absurde de se révolter.

    La mise à mort de l’homme par la technologie libérale-libertarienne : telle est la perspective qu’il faut refuser. Eric Sadin appelle à l’insurrection contre un système qui détruit toute civilisation. Il milite pour le refus radical des objets connectés, des assistants numériques, de la généralisation des tablettes numériques à l’école… par la mobilisation de tous les moyens qu’offre le droit. Il faut aussi que l’Etat cesse d’encourager le nihilisme technologique et la marchandisation de l’ensemble de la vie et engage le combat contre les grandes compagnies qui favorisent la domination du capitalisme californien. Contre un modèle radicalement antipolitique, le recours au politique s’impose. Mais qui en voit, aujourd’hui, la nécessité ?

    Bertrand Renouvin (Le blog de Bertrand Renouvin, 18 février 2018)

    Notes :

    (1)  Eric Sadin, La silicolonisation du monde, L’irrésistible expansion du libéralisme numérique, Editions L’Echappée, 2016.

    (2)  Eric Sadin, La vie algorithmique, Critique de la raison numérique, L’Echappée, 2015. Voir ma présentation dans le numéro 1098 de « Royaliste ».

    (3)  Cf. Lucien Sfez, La santé parfaite, critique d’une nouvelle utopie, Le Seuil, 1995. Présentation dans le numéro 782 de « Royaliste » (2001).

    (4)  Pour Lucien Sfez, l’utopie repose sur le principe de non-contradiction et travaille dans l’imaginaire, alors que l’idéologie opère dans le symbolique et déploie une dialectique.

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  • L'irrésistible expansion du libéralisme numérique...

    Les éditions de L'échappée viennent de publier un nouvel essai d'Eric Sadin intitulé La silicolonisation du monde - L'irrésistible expansion du libéralisme numérique. Écrivain et philosophe, Éric Sadin est notamment l'auteur d'un récit d'anticipation, Les quatre couleurs de l'apocalypse (Inculte, 2011) et d'un essai, Critique de la raison numérique (L'échappée, 2015).

     

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    " Berceau des technologies numériques (Google, Apple, Facebook, Uber, Netflix, etc.), la Silicon Valley incarne l’insolente réussite industrielle de notre époque. Cette terre des chercheurs d’or, devenue après-guerre le cœur du développement de l’appareil militaire et de l’informatique, est aujourd’hui le lieu d’une frénésie innovatrice qui entend redéfinir de part en part nos existences à des fins privées, tout en déclarant oeuvrer au bien de l’humanité.
    Mais la Silicon Valley ne renvoie plus seulement à un territoire, c’est aussi et avant tout un esprit, en passe de coloniser le monde. Une colonisation d’un nouveau genre, portée par de nombreux missionnaires (industriels, universités, think tanks…), et par une classe politique qui encourage l’édification de valleys sur les cinq continents, sous la forme d’écosystèmes numériques et d’incubateurs de start-up.
    Après avoir retracé un historique de la Silicon Valley, ce livre, à la langue précise et élégante, montre comment un capitalisme d’un nouveau type est en train de s’instituer, un technolibéralisme qui, via les objets connectés et l’intelligence artificielle, entend tirer profit du moindre de nos gestes, inaugurant l’ère d’une « industrie de la vie ».
    Au-delà d’un modèle économique, c’est un modèle civilisationnel qui s’instaure, fondé sur l’organisation algorithmique de la société, entraînant le dessaisissement de notre pouvoir de décision. C’est pour cela qu’il est urgent d’opposer à ce mouvement prétendument inexorable d’autres modalités d’existence, pleinement soucieuses du respect de l’intégrité et de la dignité humaines. "

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  • Tour d'horizon... (116)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur le site du Comptoir, Philippe Vion-Dury répond aux questions à propos de son nouveau livre, La nouvelle servitude (Fyp, 2016)...

    « Le vrai visage de la Silicon Valley, c’est celui du capitalisme prédateur »

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    - sur son site, le journaliste Maxime Chaix revient sur les étranges relations nouées depuis près de 40 ans entre la CIA et l'Arabie saoudite...

    La CIA, l’Arabie saoudite et l’histoire inavouable d’al-Qaïda

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