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renversement du monde

  • Rencontre avec Hervé Juvin...

    L'équipe de Pro Russia Tv nous propose un entretien d'une heure avec l'économiste Hervé Juvin, auteur du remarquable essai intitulé Le renversement du monde (Gallimard, 2010).

     

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  • D'une crise à l'autre : vers un nouveau monde ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une conférence donnée par Hervé Juvin le 18 avril 2013, à l'Ecole militaire, devant le Cercle de stratégie, et mise en ligne sur le site de Theatrum Belli. Hervé Juvin évoque le « renversement du monde » qui vient...

     


    Conférence d'Hervé Juvin : D'une crise à l... par webtele-libre

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  • Ce n'est pas une crise, c'est un renversement !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur le site de l'AGEFI et consacré à la chute des illusions du libre-échange. Hervé Juvin est l'auteur d'un essai essentiel intitulé Le renversement du monde (Gallimard, 2010).

     

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    Ce n'est pas une crise, c'est un renversement !

    Le mot « crise » désigne la transition d'un état ordonné à un autre. Rien de plus impropre et plus vain pour désigner la situation dans laquelle nous nous trouvons. J'ai choisi le mot de « renversement » pour désigner une situation dans laquelle nous devons réviser nos certitudes les mieux ancrées, nos préjugés les mieux partagés. Nous avons tant célébré le développement des autres, fruit de la mondialisation béate, que nous n'avons pas vu le sous-développement qui gagnait nos territoires et nos quartiers. Partout, le scénario qui se met en place est à l'inverse de celui décrit à grands sons de trompe dans les années 90. Partout, les illusions du libre-échange apparaissent pour ce qu'elles sont, une duperie à l'usage des naïfs, et partout, la concurrence des acteurs privés sur les libres marchés ne masque plus les affrontements de puissance qui dictent leurs prix et leurs conditions aux marchés. Qui a dit que l'argent suffirait à tout ? Renversement des croyances et des repères pour les gérants, pour les assureurs et pour les investisseurs de long terme. Renversement aussi pour l'épargnant, qui redécouvre le risque, qui réapprend la géographie, et qui va bientôt redécouvrir l'histoire ; le ressentiment, la vengeance, la passion vont entrer dans le vocabulaire de ceux qui avaient cru les exclure en postulant que les hommes sont partout les mêmes, que les arbres montent jusqu'au ciel, et que le monde est plat. Il est facile de se faire peur, encore plus facile de céder à la confusion des images et des mots. L'ambiguïté de la situation vient de la complexité des choses, et du voile que les agrégats économiques et les approximations géopolitiques posent sur les faits. A la source de tant d'erreurs et de tellement de confusion, l'idée que l'économie est une science, qu'elle possède un pouvoir prédictif, et qu'il existe des lois de l'économie contre lesquelles la volonté et la passion des hommes ne peut rien. Le paradoxe est saisissant ; toutes les sciences exactes ont renoncé, depuis Einstein et Heisenberg, à prétendre dire le réel, pour se résigner à faire comme si ; seule l'économie prétend oublier qu'elle fut économie politique pour enfermer le monde dans des tableaux, des statistiques et des projections mathématiques. Misère d'une science qui n'a aucun des moyens d'accès à la vérité, mais qui prétend produire le vrai à partir de l'utile !Une grande partie des alertes, des peurs et de la défiance provient de l'invasion des indicateurs économiques, et plus particulièrement financiers, dans nos sociétés et dans nos vies. Tout se passe comme si une majeure partie de l'Europe avait abdiqué son autonomie pour confier son destin aux indicateurs économiques, et pour faire des marchés financiers un nouveau souverain, anonyme, invisible, irresponsable, mais partout présent. Qu'est-ce d'autre que la règle de Maastricht, qu'est-ce d'autre que la dépendance passée à l'égard des agences de notation et des analystes crédit, voire de telle ou telle banque américaine ? Sous l'influence de la finance anglo-américaine, et d'une idéologie imposée par le bavardage des économistes labellisés conformes, une démission collective a eu lieu. Si l'Europe ne protège de rien, si l'Union européenne a sacrifié aux dogmes de l'économie ses sociétés, sa liberté et sa singularité, si la Commission a été le moyen du renoncement de l'Europe à elle-même, nos voisins, proches ou lointains, n'ont pas fait de même. De même que les Etats-Unis n'ont jamais abandonné au marché quoi que ce soit de leurs intérêts stratégiques, de même l'Allemagne a continué à se donner sa loi, à faire passer sa société et son unité interne avant les règles du marché. Ce n'est pas seulement affaire de cogestion ou de fédéralisme. C'est d'abord affaire de primauté de l'intérêt national et local. L'impossibilité avérée de procéder à une offre publique d'achat agressive en Allemagne - quels que soient les intérêts des actionnaires vendeurs -, la primauté de la négociation sur les salaires et les revenus financiers, pour déterminer le partage de la valeur, la participation des salariés à la conduite des entreprises, et la négociation permanente de leur adhésion à la stratégie et à la conduite des affaires font la spécificité d'une société qui ne se réduit pas à son économie, qui se donne sa loi et qui n'a pas cédé son autonomie interne pour le plat de lentilles de la valorisation de marché. Le futur gouvernement de la France, comme l'ensemble de l'Europe, devrait étudier plus attentivement l'école de l'ordoliberalismus allemand. Cette école, féconde au milieu du siècle dernier, entend assurer la concurrence par l'autorité des institutions garantes du jeu équitable et non faussé du marché, elle développe une approche du marché comme moyen de la société. Nul doute que les Français, inquiets d'une dépossession qui ne dit pas son nom, ont beaucoup à apprendre de l'école des choix institutionnels et de la socialisation du marché.

    Hervé Juvin (L'AGEFI, 23 février 2012)

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  • Ecologie, l'autre crise ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte d'Hervé Juvin, cueilli sur son blog Regards sur le renversement du monde et consacré à la remise en cause de certains dogmes écologiques maniés par des lobbies qui en ont fait un fond de commerce profitable sur le plan politique ou économique...

     

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    Ecologie, l’autre crise?

    L’annonce que le Président Obama s’opposerait à l’adoption d’un texte sur la pureté de l’air, soutenu par les agences de l’environnement, une grande part du parti démocrate et les militants écologistes, a été interprétée comme un reniement, voire une trahison, et un lâche alignement sur les demandes des industriels, accusés de provoquer ou d’accélérer 100 000 décès annuels par maladies des voies respiratoires aux Etats-Unis.

    En Europe, après la flambée anti-nucléaire attisée par la peur, la contrainte budgétaire et la menace d’une récession ne sont pas les amies de l’environnement. Ici, ce sont des élus de retour de vacances qui font part de leur conviction ; l’affaire des algues vertes en Bretagne a été surjouée, il y a en a toujours eu, et les écologistes savent qu’ils jouent à coup sûr en accusant une agriculture intensive, alors qu’ils se montrent bien discrets sur la situation, par exemple, du bassin d’Arcachon et du bilan biologique de ses huîtres. Là, ce sont d’autres élus qui entreprennent de s’attaquer aux rentes exorbitantes que certains entrepreneurs avisés se sont constituées sur l’éolien ou le photovoltaïque, et qui rabotent les incitations fiscales concédées sans calcul et sans limites. Là, ce sont des militants politiques qui font part de leur énervement devant ce qu’ils appellent l’arrogance d’écologistes affirmant comme certitudes scientifiques des hypothèses de travail, et déroulant des scénarios de catastrophe qui relèvent de la foi religieuse plus que de l’anticipation scientifique ou du débat démocratique. Là encore, ce sont des chercheurs qui s’amusent du paradoxe ; les budgets ne manquent pas sur les grands sujets industriels, ils ne manquent pas non plus sur les sujets « à la mode » écolo, les autres n’ont aucune chance d’être financés. ,Et de dire tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas ; s’il avait été le fait de cultures industrielles, ou d’OGM, le scandale des légumes allemands contaminés, et mortels, aurait pris une toute autre ampleur – mais est-il permis de critiquer le bio ?

    L’atterrissage est douloureux, il est polémique, mais nécessaire. Derrière l’angélisme de la nature et l’idéalisme des militants et des actions de l’écologie, une industrie est née. S’il est permis de désigner des lobbys, il y a bien un lobby écologiste, il pèse ses milliards d’euros, il les pèse aussi en subventions, dégrèvements et aides de toute sorte, et les associations qui se partagent le gâteau des aides, des formations, des conseils et des déclarations obligatoires n’entendent rien céder ni rien perdre. En clair, l’environnement est devenu un business comme un autre.

    Le problème est que les intérêts légitimes des entreprises de l’environnement tendent à s’abriter derrière une nouvelle religion, une nouvelle morale, si ce n’est une nouvelle inquisition. La posture de prédicateur de maints écologistes est insupportable, dans un monde où personne ne peut prétendre détenir le bien, le bon et le vrai – il est seulement permis de les chercher. La démarche d’assistés elle aussi rebute. Beaucoup d’entreprises ont compris qu’il est plus lent et plus difficile de créer un marché que de s’attirer des subventions. Elles en usent, elles en abusent. Autour de faits avérés, préoccupants, quelquefois dramatiques – la dévastation des mers par la pêche industrielle, par exemple, ou encore l’extinction forcenée des derniers peuples hors du temps industriel par l’obligation de développement – se construit tout un appareil de normes, d’affirmations, bientôt de dogmes, qui ne méritent ni l’autorité qui leur est concédée, ni les obligations qui en résultent ; le scandale des nouvelles ampoules électriques, dont il apparaît qu’elles fatiguent les yeux et peuvent provoquer des troubles de la vision, est exemplaire à cet égard. Derrière, des monopoles se constituent, des rentes de situation s’étalent, et le contribuable paie pour des captations réglementaires dont les semenciers n’ont pas le monopole.

    Il y a la crise de l’environnement, la dégradation de notre milieu de vie, et il y a la crise de l’écologie comme mouvement, comme croyance et comme idéologie. Trop peu de preuves, et trop de dogmes. Trop peu de débat, et trop de certitudes. Trop peu de propositions, et trop de morale. Les temps promettent d’être difficile pour l’écologie. Parce que le hold-up de l’extrême gauche est contre nature, à moins que l’écologie humaine, qui défend l’autonomie de peuples libres de choisir leur vie et leurs lois, et l’harmonie née de la diversité collective entre des peuples libres de défendre leur unité interne, soit soluble dans la mondialisation. Parce que l’écologie a aussi ses notables, ses aristocrates et ses grands prêtres, qui s’empressent de faire commerce de vérités hasardeuses, ou d’indulgences bien négociées. Parce qu’un souci authentique et justifié se dégrade trop vite et trop fort en magistère moral, en rentes et en péages sur l’espace public. La crise de l’écologie est à venir. La crise, l’endettement, le souci du lendemain ne l’expliquent pas seuls. Le temps est venu de repenser la démocratie comme combat pour convaincre, pour faire sentir, pour partager et pour, ensemble, choisir un monde désirable.

    Hervé Juvin (Regards sur le renversement du monde, 20 septembre 2011)

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  • Vers un retour du protectionnisme ?...

    Dans une intervention en date du 20 juin 2011, enregistrée par Realpolitik.tv, Hervé Juvin, l'auteur de l'essai fondamental intitulé Le renversement du monde (Gallimard, 2010), revient sur la question du protectionnisme et sur son nécessaire retour dans le débat politique...


    Hervé Juvin : l'heure est-elle au retour du... par realpolitiktv

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  • Vers une insurrection des différences ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Christopher Gérard consacré à l'essai d'Hervé Juvin, Le renversement du monde, et au roman de Jean Raspail, Le Camp des Saints. Christopher Gérard, ancien directeur de la revue d'études polythéiste Antaios, est l'auteur de plusieurs essais, ainsi que de romans : Le songe d'Empédocle (L'Age d'Homme, 2003), Maugis (L'Age d'Homme, 2005) et La porte Louise (L'Age d'Homme, 2010).

     

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    Vers une insurrection des différences ?

    "N’est homme de culture que celui qui fait passer la vie de son ennemi après sa foi ou les siens. " Hervé Juvin

     

    Deux livres bien différents, un essai d’une rare densité et un roman prophétique, illustrent avec courage et pertinence le basculement du monde auquel les Européens assistent les bras croisés, comme sidérés par un étrange sentiment de dépossession.

    Aux yeux de l’économiste Hervé Juvin la récente crise financière se révèle avant tout morale et politique, puisqu’elle sanctionne des nations anesthésiées par la théologie de la croissance infinie, privées de réelle souveraineté et dociles aux diktats de Wall Street : c’est ce qu’ il appelle le renversement du monde. Dans Le Camp des Saints, roman prophétique publié pour la première fois en 1973, Jean Raspail décrit la liquéfaction d’un peuple soumis à une rapide colonisation de peuplement et qui se résigne à un changement de population aux allures de cataclysme.

    Tous deux, l’intellectuel et l’artiste, trouvent les mots justes pour poser un diagnostic clair sur l’aveuglement d’Européens fatigués de faire l’histoire et qui croient qu’il suffira de payer pour jouir encore d’une paix que nul ne compte plus acheter.

    L’artiste - et de quelle ampleur ! – propose un conte : un matin, une flottille de navires chargés d’un million de miséreux venus du Gange accoste dans le Midi de la France. Faible et pitoyable, cette avant-garde d’autres flottes déjà en route espère avoir atteint la Terre promise. Que feront les Français, que le monde entier observe et juge ? En vingt-quatre heures, le sort de l’Occident est joué. Une sorte de tragédie classique aux personnages hauts en couleurs, comme toujours chez ce sorcier de Jean Raspail. Avec quel brio, avec quelle douloureuse jubilation, l’écrivain analyse à la loupe le lâche abandon d’une civilisation qui accepte d’être submergée. Livre visionnaire, et qui scandalisa les belles âmes dès 1973,  Le Camp des Saints serait impubliable aujourd’hui à cause des lois qui cadenassent la liberté d’expression, d’autant que, dans une préface intitulée Big Other, Raspail met le doigt là où cela fait mal : d’ici une trentaine d’années, si les flux migratoires ne cessent de s’amplifier, une bonne moitié de la population active des villes d’Europe devrait être extra-européenne. Jour après jour, ce basculement démographique, cette mutation anthropologique deviennent une probabilité, un héritage que nous laisserons à nos descendants. D’ici 2050, les Européens de souche, aujourd’hui majoritaires, pourraient se retrouver en minorité sur leur propre sol. Ce que Hervé Juvin exprime quant à lui de la sorte, sans fards : « ceux qui y sont ne sont pas ceux qui y seront ». Cette réalité se trouve niée au nom d’une utopie mixomane faisant du métissage rédempteur – l’ouverture à l’Autre - le dogme central d’un humanisme transgénique. Car, comme le précise Raspail dans préface, Big Other veille : « le Fils unique de la Pensée dominante, comme le Christ est le Fils de Dieu et procède du Saint-Esprit. Il s’insinue dans les consciences. Il circonvient les âmes charitables. Il sème le doute chez les plus lucides. Rien ne lui échappe. (…) Sa parole est souveraine. Et le bon peuple suit, hypnotisé, anesthésié, gavé comme une oie de certitudes angéliques… » Au nom d’une escroquerie historico-sémantique, voilà donc l’Europe et ses racines niées avec un acharnement pathologique, comme si le sacro-saint métissage avait pris la place dans notre imaginaire déliquescent de l’ancien complexe de supériorité …

    Quoique différent, le propos d’ H. Juvin rejoint l’apocalypse de Jean. Pour cet économiste à la solide culture historique et philosophique, le krach de 2008 constitue la première phase d’une révolution et la fin d’un conte de fées, celui d’une unification planétaire sous l’égide de l’individualisme marchand. Aux sources du désastre, la croyance que l’économie constitue le destin et l’oubli de l’antique règle d’airain des civilisations classiques, énoncée il y a vingt-cinq siècles par Héraclite : « Le conflit est le père de toutes choses ». La négation ou le refoulement par des intelligences atrophiées des antagonismes fondateurs désarme et asservit les peuples ahuris par un catéchisme mondialiste seriné sur tous les tons par des myriades d’experts, de technocrates, et de politiciens naïfs ou stipendiés. Ses dogmes ? Le marché comme horizon indépassable (« il Mercato ha sempre raggione »), la croissance infinie comme seul avenir concevable, la singularité comme obstacle au doux commerce et, partant, la nécessaire déconstruction des mœurs et des héritages comme panacée. Bref, l’économisme contre la civilisation. Ou le formatage des âmes, des corps et des esprits par un crédit comparable au Dieu de Pascal, dont le centre est partout, et la circonférence nulle part, comme tactique de contrôle des masses, plus efficace que les mises au pas totalitaires. La liquidation (Juvin parle aussi de gazéification) des sociétés humaines « par l’utopie des droits de l’homme, par l’effacement des frontières et la négation des identités ». Juvin fait d’ailleurs remarquer que seule l’Europe, par un masochisme qui lui est propre, refuse d’accorder son système économique à ses valeurs ancestrales, au contraire de l’Inde ou de la Chine, atelier et banque du monde (OPA en cours) qui ne tourne pas le dos à son héritage confucéen. Même la Russie de Poutine, sinistrée par des fous sanguinaires puis par des pirates sans scrupules, suit désormais ses propres pas, et redécouvre sans complexe son héritage orthodoxe et eurasien. Seule l’Europe accepte de se laisser occuper, espionner, rançonner, et déposséder de son héritage au nom d’une prétendue gouvernance, terme ambigu qui tend à usurper la place de démocratie, sans doute suspect d’ethnocentrisme en raison de ses origines helléniques. Seule l’Europe admet de voir systématiquement critiquées par les idéologues du sans-frontiérisme (Big Other) sa souveraineté, sa légitimité et son unité millénaire. Seule l’Europe se complaît dans cet état d’apesanteur né d’une fuite du réel, d’une amnésie programmée notamment par des escouades de pédocrates gagnés aux dogmes égalitaires autant que travaillés par un ahurissant complexe de haine de soi, opportunément grimée en amour de l’Autre, version postmoderne du Veau d’Or, devant lequel se prosternent nos élites. Ni les Américains du Nord, ni les Chinois, ni les Mahométans n’entendent nier leur identité avec pareil zèle. Face au retour d’empires autocentrés, qui savent déjà que la frontière et la discrimination constituent des conditions de survie, les Européens continuent de nier la prépondérance de cette triade fondamentale: le sang, le sol et l’esprit. Négation de l’histoire au profit d’abstraites constructions juridiques, négation de la géographie par un étouffant conformisme qui interdit de désigner les menaces, et enfin négation des racines spirituelles au nom d’un nihilisme satisfait. Big Other veille. Décérébré, extrait de force de toutes ses déterminations, le citoyen cède la place à l’homme de marché, zombie inculte, ignorant et amnésique; désarmé et captif d’une bulle empoisonnée, le voilà asservi : telle est la mutation anthropologique du néo-libéralisme, qui dissout les liens religieux, ethniques et familiaux au profit d’un dogme unique, celui de l’intérêt individuel (et immédiat) comme seule priorité acceptable par la doxa dominante, celle des usuriers et des marchands d’illusions irénistes (« l’abondance, c’est la paix »). Avec lucidité, Juvin commente cette métamorphose : « le nouveau projet libéral mondialiste conduit au dépassement des structures collectives au nom des droits de l’homme, devenus les droits de l’individu absolu, c’est-à-dire la capacité illimitée de l’individu à se désengager, à se délier, à se défaire de la relation avec les autres, avec la nature et avec lui-même. » Ou, presque lyrique : « Non, les hommes ne sont pas les mêmes, et nous n’en avons pas fini avec la terre qui est sous nos pieds, avec la couleur de la peau et la langue de nos rêves*. (…) Non, nous n’en avons pas fini avec la puissance, le pouvoir et l’ennemi ».

    Alors que, dans Le Camp des Saints,  Raspail décrit avec brio la résistance d’une phalange de résistants qui meurent avec panache (le syndrome « casoar et gants blancs »), Juvin propose des pistes pour sortir de la crise et préparer l’insurrection des différences ou le retour du divers. Tout d’abord un travail pédagogique de réveil à l’histoire, de retour au réel (sang, sol et esprit tous trois équilibrés pour éviter le péril totalitaire, qui réduit souvent la triade à un couple bancal), de rétablissement des limites, des portes et des distinctions (à commencer par celle, vitale, entre l’ami et l’ennemi). Bref, un retour au politique ; une exaltation de la diversité réelle et non fantasmée : « si le monde est fini, compté, et petit, la politique redevient l’effet de la puissance, et le fondement de la société politique est la survie de ses membres, à côté, ou bien contre, celle des autres. »

    Juvin plaide aussi pour une décolonisation de l’Europe sous peine de voir un jour s’éteindre un type d’homme, en rappelant que l’immigration incontrôlée qui modifie le visage de nos villes n’a jamais fait l’objet d’un choix démocratique, puisque décidée d’en haut au nom d’un économisme à courte vue qui peut se traduire en langue cynique par  « il faut des esclaves pour que la plantation prospère ».

    Il en appelle au retour des frontières comme limites bien plus que comme barrières (l’autarcie absolue étant un fantasme), à la proximité culturelle et économique comme critère de choix politique, à rebours des modes et des utopies vénéneuses.

    Esprits libres, Raspail et Juvin nous exhortent à décoloniser notre imaginaire et à nous réapproprier notre légitime volonté d’être et de durer.

     

    Christopher Gérard

     

    Publié dans La Libre Belgique le 15 mars 2011

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