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magistrature

  • Quand les magistrats profitent de l'effritement du pouvoir politique pour imposer leur autorité...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Thierry Lentz, cueilli sur Figaro Vox et consacré au "coup d'état" des juges...

    Historien, directeur de la Fondation Napoléon, Thierry Lentz est l'auteur de nombreux ouvrage sur l'Empereur et le 1er Empire, dont dernièrement Pour Napoléon (Perrin, 2021). Mais, on lui doit également une enquête passionnante sur l'assassinat du président des Etats-Unis John Kennedy ainsi qu'une étude intitulée Le diable sur la montagne - Hitler au Berghof 1922-1944 (Perrin, 2017).

     

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    Thierry Lentz: «Les magistrats profitent de l'effritement du pouvoir politique pour imposer leur autorité»

    En 1976, le conseiller d'État Francis de Baecque publiait aux Presses universitaires de France un ouvrage dont le titre fit les délices des étudiants en droit : Qui gouverne la France ?. À cette époque, l'auteur voulait seulement débrouiller les rapports et pouvoirs respectifs du président de la République et de son Premier ministre, compliqués alors par les différends entre Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac. Si un tel ouvrage devait être réécrit aujourd'hui, il faudrait y ajouter quelques chapitres.

    Il ne concernerait plus seulement la fameuse «dyarchie au sommet» (l'expression est de De Gaulle, qui ne voulait pas en entendre parler), mais devrait être étendu à un phénomène dont nos compatriotes ne s'inquiètent guère : la place des juges et des autorités administratives indépendantes dans l'acte de gouverner. Il s'agit ni plus ni moins que d'une réforme constitutionnelle rampante, évolutive et pernicieuse, car remettant en cause l'article 3 de notre Constitution qui dispose que «le pouvoir appartient au peuple qui l'exerce par l'intermédiaire de ses représentants et par la voie du référendum», et ajoute «Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice».

    Il ne se passe pas en effet une semaine sans qu'une décision de justice française ou européenne, une déclaration de magistrat ou même un rapport d'une instance réputée indépendante (sans qu'on nous dise de quoi), soit autant d'agents non-élus, n'intervienne directement dans la marche des affaires publiques ou la vie privée, jusqu'à ce rapport ahurissant de la Cour des comptes qui va jusqu'à suggérer la limitation de la consommation de viande à 500 grammes par tête et par semaine.

    À l’abri d'adages qui «claquent» comme des commandements aux citoyens à aller voir ailleurs («On ne critique pas une décision de justice», «Je ne commenterais pas les affaires en cours» ou, le plus beau, «J'ai confiance en la Justice de mon pays»), les interventions des magistrats dans la vie publique de la nation et dans la vie privée des citoyens se multiplient. Grandes questions et sujets de détail, rien n'échappe à leur sagacité. Formés sur les bancs d'une école qui ne cache plus ses préférences idéologiques et sociétales, ils puisent dans leur «indépendance» ou leur «inamovibilité» une protection absolue, concrétisée par le silence de tous, notamment du président de la République, chargé de veiller au respect de la Constitution et à la continuité de l'État (article 5 de la Constitution). Notamment lorsqu'ils faussent l'élection présidentielle de 2017, lorsque les actes d'instruction paraissent dans les journaux avant même d'avoir été communiqués aux parties, lorsqu'ils règlent leurs comptes avec un garde des Sceaux à peine nommé, lorsqu'ils condamnent un ancien président sur des soupçons d'intention et plus généralement lorsqu'ils appliquent la loi civile ou pénale dans une vision idéologique, sans tenir compte de la jurisprudence (à force, ils espèrent bien un revirement qui leur donnera raison) ou des nécessités nationales ou sociales.

    Comble de tout, ces magistrats jugent «au nom du peuple français» qui leur a délégué le pouvoir de «dire le droit». Ajoutons qu'ils paraissent parfois ajouter aux principes évoqués plus haut celui d' «impunité» soit en se couvrant les uns les autres, au besoin par voie de communiqués de presse effarouchés, soit en appliquant de façon extensible une loi de 2019 sur la publication des décisions de justice qui leur permet de rester anonymes. D'autorité judiciaire, comme le dit la Constitution, ils sont passés sans opposition à «super-pouvoir» politico-judiciaire.

    Ces privilèges des magistrats judiciaires et leur tendance à vouloir concurrencer le peuple et l'exécutif a donné des ailes à toutes les instances qui jouissent de la possibilité de «juger» ou d'intervenir dans une parcelle du pouvoir. Quelques exemples parmi tant d'autres. Un jour, le Conseil constitutionnel cherche une application concrète du principe de fraternité de la devise républicaine pour se mêler de la politique migratoire, en faveur des étrangers en situation irrégulière. Un autre, le Conseil d'État évalue la politique environnementale du gouvernement et sanctionne l'État d'astreintes s'il ne l'améliore pas. Un troisième, les tribunaux administratifs appliquent au droit mouillé et à l'aune des humeurs des rapporteurs (ils parent cette pratique du qualificatif «d'opportunité», c'est plus acceptable) tel ou tel litige, se constituant eux-mêmes en source de l'insécurité juridique. Et que dire des juges supranationaux de Luxembourg (Cour de justice de l'Union européenne) et de Strasbourg (CEDH) qui chapeautent le tout en limitant le pouvoir de notre législatif et, toujours, appliquent une législation vague dont leur interprétation s'impose à des États en principe indépendants ?

    Crème sur ce mille-feuilles juridictionnel, les fameuses autorités «administratives» ou «publiques» indépendantes se sont multipliées. Arroseurs arrosés, les gouvernants (et les citoyens) subissent désormais les caprices idéologiques de pas moins de vingt-quatre «volapüks», dont bon nombre doublonnent avec les inspections des ministères, à ceci près qu'elles ne reçoivent d'instructions de personne, ne rendent compte à personne et imposent leurs décisions à tous. Certaines sont connues, comme l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (l'Arcom), la Commission d'accès aux documents administratifs, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, la Commission nationale de l'informatique et des libertés ou le Défenseur des droits (dont la prise de position récente contre ce qu'il appelle les «violences policières», sans égard aux mille blessés des forces de l'ordre nous laisse pour le moins perplexe). D'autres le sont moins, sans pour autant que leurs capacités d'imposer leurs vues à l'État soient moindres : Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, Autorité de régulation des transports, Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires, etc.

    On pourrait se réjouir tout à la fois que les juges aient pris leur envol, que des juridictions n'aient plus peur de s'affirmer, que de grands sujets soient traités indépendamment des pressions politiques, si cette multiplication officielle ou officieuse des pouvoirs concurrents aux pouvoirs constitutionnels n'était pas source de paralysie de l'exécutif, de marginalisation du législateur et, finalement, d'exclusion du peuple de décisions qui relèvent de sa compétence. Ce dernier aspect est sans doute celui qui devrait nous inquiéter. On plaisantait naguère (à moitié) en disant que «si le peuple ne plaît pas, il n'y a qu'à changer le peuple». Il n'en est même plus besoin : il suffit aujourd'hui de le diluer, pour lui laisser seulement une portion de souveraineté et l'impression qu'il continue à l'exercer.

    Thierry Lentz (Figaro Vox, 26 mai 2023)

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  • Les snipers de la semaine... (188)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Hahtable, H16 dézingue la magistrature qui organise discrètement sa propre protection en interdisant toute évaluation de la justice qu'elle rend...

    En France, il est désormais interdit de juger les juges

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    La présidente du tribunal de Gap,

    Isabelle Defarge, qui a condamné les identitaires

     

    - sur Bonnet d'âne, Jean-Paul Brighelli rafale les délires idéologiques de la gauche intersectionnelle...

    Intersectionnalité et lutte des classes — des quoi ?

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  • Un corps judiciaire à épurer ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Jean-Yves Le Gallou à Polémia à la suite de la scandaleuse condamnation des militants de Génération Identitaire pour leur action symbolique à la frontière franco-italienne. Cette affaire prouve une nouvelle fois que la justice n'est plus rendue au nom du peuple français...

     

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    Condamnation des Identitaires. Faut-il épurer le corps judiciaire ?

    Polémia : La condamnation des militants identitaires a déclenché une tempête de protestation sur les réseaux sociaux. Certains internautes sont allés jusqu’à souhaiter une épuration du corps judiciaire. Qu’en pensez-vous ?

    Jean-Yves Le Gallou : Pour aussi choquante qu’elle puisse paraître, la question n’en est pas moins légitime. D’abord au regard de la démocratie.

    Aujourd’hui, le corps judiciaire rend des décisions idéologico-politiques profondément contraires à l’idéal de liberté et à la volonté populaire :

    • En appliquant avec beaucoup de zèle des lois liberticides : poursuites, voire condamnations, pour de simples délits d’opinion de Menard, Camus, Zemmour et tant d’autres. Des lois pénales liberticides qui ne sont pas appliquées de manière restrictive mais au contraire de manière extensive.
    • En montrant une extrême indulgence pour les étrangers clandestins, leurs passeurs et leurs complices (affaire Herrou notamment).
    • En prononçant de sévères peines de prison pour des délits politiques, comme on l’a vu hier pour les Gilets Jaunes, aujourd’hui pour les Identitaires, et sans doute demain pour la Manif pour tous.
    • En étant d’une grande mansuétude avec beaucoup de délinquants immigrés et en refusant toute forme de légitime défense.
    • En faisant instruire exclusivement à charge beaucoup d’affaires politiques (Sarkozy, Guéant, Marine Le Pen, Melenchon) par des juges militants (Buresi, Tournaire et tant d’autres).

    De plus en plus de Français ont le sentiment que la « justice » n’est plus rendue en leur nom mais au nom de préjugés idéologiques et politiques et de lobbys étrangers. La «justice » est en train de perdre sa légitimité démocratique. C’est grave !

    Mais n’est-il pas encore plus grave de parler d’épuration ?

    Regardons l’histoire ! La magistrature actuelle – administrative et judiciaire – est la fille de quatre épurations.

    Vous pensez à Vichy, à 1940

    Pas seulement ! Il y eut, de fait, peu d’épuration judiciaire sous Vichy puisque la quasi-totalité des magistrats prêta, sans problème, serment de fidélité au maréchal Pétain… Des magistrats dont beaucoup furent d’ailleurs de zélés épurateurs des collaborateurs… en 1945.

    La nature humaine est ce qu’elle est… Et l’appât des postes et des décorations est un puissant facteur de soumission.

    Il y eut d’autres épurations, plus « républicaines » alors?

    Au XIXsiècle d’abord. Pas lors des bouleversements de 1830, 1848, 1852 et 1870 où le corps judiciaire fut respecté par les nouveaux pouvoirs. Mais en 1883, pour conforter la République. L’épuration de la Magistrature donna lieu à des discours d’une rare violence de la part des députés républicains et déboucha sur une mise au pas brutale : 614 magistrats inamovibles furent mis à la retraite d’office ! Les « valeurs républicaines » n’ont pas été imposées par des bisounours…

    Et ensuite ?

    Il y eut évidemment une épuration du corps judiciaire en 1945. 20 % des magistrats durent justifier leurs décisions et la moitié, soit 266, furent suspendus et la plupart révoqués.

    Rebelote avec la guerre d’Algérie?

    On ne peut pas vraiment parler d’épuration mais il y eut de sacrés remous au Conseil d’Etat et dans la haute magistrature judiciaire.

    Et aujourd’hui ?

    C’est plus subtil. Il n’y a pas de remise en cause de l’inamovibilité des magistrats. Mais des interdits professionnels relatifs.
    Je m’explique : un magistrat judiciaire ou administratif immigrationniste peut intervenir et militer dans une association immigrationniste et continuer à rendre des jugements y compris sur ces sujets-là.
    Un magistrat moins politiquement correct doit absolument se taire et être très prudent dans ses jugements. Sinon les médias et les syndicats d’avocats et de magistrats lui tomberont dessus comme on l’a vu dans l’affaire du juge Lagarde.

    C’est ce qui explique le deux poids, deux mesures des décisions judiciaires. Les magistrats politiquement corrects plastronnent, les conformistes les suivent, les autres rasent les murs…

    La situation est-elle désespérée ?

    Non ! Les magistrats tiennent compte d’un triple rapport de forces : le pouvoir médiatique, le pouvoir politique et le pouvoir corporatif.

    Ces pouvoirs-là peuvent changer comme on le voit en Pologne et en Hongrie. Et en Italie, si Matteo Salvini a besoin de pouvoirs élargis, c’est bien pour pouvoir briser la dictature des juges sur l’immigration.

    Une conclusion ?

    Aujourd’hui, en France, il ne faut utiliser le mot « justice » qu’avec des guillemets.
    Et ne pas se laisser enfariner par le mot « État de droit » qui n’est que le masque de la dictature idéologique de juges politiquement corrects à la remorque des médias de grand chemin.

    Jean-Yves Le Gallou (Polémia, 30 août 2019)

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  • Le bal des complaisants...

    Les éditions Fayard publient cette semaine Le bal des complaisants, un livre d'entretien de Philippe Bilger avec le journaliste François Sionneau consacré à la justice et à la magistrature. Animateur de l'excellent blog Justice au singulier, l'ancien avocat général n'a pas, contrairement à d'autres, attendu de raccrocher la robe pour faire preuve de liberté d'esprit ; on pourra donc lire son livre avec curiosité et intérêt...

     

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    "Après quarante années passées dans la magistrature – dont vingt à la cour d’assises de Paris comme avocat général –, Philippe Bilger raccroche la robe rouge : il a quitté une institution qu’il a aimée, servie, mais qui l’a aussi déçu. Il avait soutenu avec enthousiasme le candidat de 2007 qui, une fois devenu président de la République, a noué avec la Justice et l’État de droit une relation médiocre et favorisé esprit de cour, préférences ostensibles, l’expression d’une démocratie au quotidien très imparfaite. 
    Philippe Bilger est un homme à la parole libre et il le revendique. Le magistrat aussi bien que le citoyen ont été choqués, voire indignés, par une politisation affichée de la Justice, des errements et des scandales ayant pris, sous cette République prétendue irréprochable, une ampleur inégalée. 
    Désormais libéré de son obligation de réserve, l’ex-magistrat décrit sans complaisance et dénonce les petitesses, les faiblesses d’une institution, révèle aussi ses grandeurs et regarde avec cruauté et lucidité un univers qui n’est plus le sien."

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