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jocelyne porcher

  • Ni végans, ni industriels : soutenons les éleveurs paysans !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jocelyne Porcher, cueilli sur Figaro Vox et consacré à l'imposture du véganisme. Sociologue et directrice de recherches à l'INRA, Jocelyne Porcher est l'auteur de Vivre avec les animaux (La Découverte, 2011).

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    Ni végans, ni industriels : soutenons les éleveurs paysans !

    La journée mondiale du véganisme, sortie tout droit du chapeau des communicants végans, storytelling édifiant à l'appui, a été fixée au 1er novembre, jour de tous les saints, suivi depuis des siècles par la fête des morts. De fait, cette journée végan annonce effectivement des fossoyeurs, ceux qui s'apprêtent à enterrer nos dix millénaires de vie commune avec les animaux.

    L'objectif du véganisme en effet est d'exclure les animaux de tous les pans de notre vie ; de l'alimentation, de l'habillement, des loisirs et de l'ensemble de la vie quotidienne: pas de saucisse, pas de yaourt ni de miel, pas de cuir, pas d'équitation, pas de chien. Les animaux domestiques ont été faits prochains par les théoriciens de la «libération animale». Ils ne sont donc ni appropriables, ni tuables, ni comestibles. Il n'est donc plus question de vivre avec des vaches, non plus qu'avec des chevaux car monter sur leur dos est la preuve de la domination que nous exerçons sur eux. Plus question non plus de vivre avec des chiens, porteurs de collier, vaccinés, identifiés, éduqués, exploités à la maison, dans la police ou auprès des aveugles.

    Bien sûr, les thuriféraires du véganisme ne s'attardent pas sur l'exclusion programmée des chevaux ou des chiens car la majorité des amis des animaux, contributeurs des associations végans, ne conçoivent pas de vivre sans leurs compagnons. Silence donc sur cette partie du projet végan. Plutôt que de laisser nos concitoyens penser les conséquences réelles de cette idéologie de la rupture avec les animaux domestiques - avec tous les animaux domestiques - qu'est le véganisme, les théoriciens et les militants préfèrent minimiser leurs intentions et proposent de suivre une voie discursive autant que distractive, un conte de fées d'une vie avec les animaux «autrement» dans laquelle personne n'exploitera personne ni n'aura faim ni ne travaillera ni ne devra affronter une nature hostile. Cela toutes choses égales, par ailleurs, dans le meilleur des mondes capitalistes.

    Si les laudateurs du véganisme taisent leurs intentions de «libérer» les chevaux et les chiens, ils sont par contre beaucoup plus prolixes sur la nécessité de libérer les animaux de ferme. Quelle que soit la façon dont ils sont élevés car «bio ou pas bio, petit éleveur ou élevage intensif, la finalité est la même». Or, précisément, la finalité n'est pas du tout la même. La finalité des productions animales, industrielles et intensifiées, c'est le profit. Il n'y en a pas d'autres. Les animaux dans ces systèmes sont des choses. Leur existence est niée. Tout comme l'existence des salariés enfermés avec eux dans les usines. L'industrie des productions animales est fondée sur la violence et sur le déni de la vie. Ce qui est juste l'inverse en élevage, là où l'on élève les animaux. La finalité du travail dans ce monde-là, individuelle et collective, est de vivre avec les animaux. Et pour cela de travailler avec eux. Et donc de produire et de tirer un revenu de cette production. Et donc in fine d'abattre des animaux car dans un système de ressources finies, si des animaux naissent, d'autres doivent partir. Et nous devons manger tous les jours. Mais dans ce monde-là, on ne transforme pas de la matière animale, on donne la mort à des animaux comme on leur a donné la vie. Avec respect.

    Ce qui est en jeu n'est donc pas de sortir les animaux de ferme de nos vies, mais de transformer les conditions de notre vie commune au travail. Que l'on soit omnivore ou végétarien, les animaux et nous-mêmes avons besoin d'un véritable élevage, d'un élevage paysan et d'éleveurs libres. Libres de choisir la race des animaux qu'ils élèvent, libres de leur mode d'existence, libres de maîtriser leur vie mais aussi leur mort. Soutenir l'abattage à la ferme, c'est œuvrer bien plus efficacement pour les animaux que de verser une obole aux fossoyeurs. Car les fossoyeurs sont riches, et même très riches. On le comprend. Après tout, nolens volens, ils servent des intérêts puissants.

    Car que mangerons-nous lorsque l'élevage aura disparu? Du soja et de la viande in vitro. Avec qui vivrons-nous quand les chevaux et les chiens auront disparu? Avec des robots. Coïncidence. Les mêmes multinationales, et en premier lieu les GAFA, soutiennent l'agriculture cellulaire et le développement des robots. Coïncidence. Les laudateurs du véganisme soutiennent aussi la viande in vitro. Pas pour eux-mêmes bien sûr, mais pour nos concitoyens incapables de se passer de viande. Ainsi «comme de nombreuses personnes refusent de renoncer à leur dépendance à la viande, PETA souhaite les aider à passer à une chair qui ne cause ni souffrance ni mort». Imposer une agriculture sans élevage, c'est donc ce sur quoi repose la collusion d'intérêts entre une start-up de la communication végane comme L214 et les start-up de l'agriculture cellulaire soutenues par les multinationales et par les fonds d'investissement les plus puissants. Au nom de la protection de la planète et de la défense des animaux, il s'agit bien d'exclure les animaux et de les remplacer par des substituts plus rentables. Préparer le terrain des substituts chez les consommateurs en œuvrant par tous les moyens à les dégoûter de la viande, voilà le travail réel des supposés défenseurs des animaux. Leur objectif n'est pas de sortir les animaux des systèmes industriels et de leur permettre enfin de vivre leur vie, mais tout simplement de les faire disparaître.

    Hier lors de la journée du véganisme, les militants n'ont pas manqué de nous abreuver d'images d'abattoirs et de mauvais traitements infligés aux animaux. Cela en boucle, alors même que des milliers d'éleveurs vont passer cette même journée auprès de leurs animaux à travailler, et pour cela, à écouter les animaux, à les comprendre, à les admirer et à les regretter. Ils vont aussi passer leur journée à se battre contre l'administration, les règlements, les services sanitaires et les militants végans qui viendront les insulter et renverser leurs étals de fromage. Ils vont se battre pour pouvoir bien travailler malgré tout.

    Ouvrons les yeux. Le véganisme est le pire et le plus stupide projet qui soit concernant les animaux domestiques et le pire et le plus triste projet pour tous ceux qui aiment les animaux et ne conçoivent pas leur vie sans eux.

    Ouvrons les yeux. Le véganisme est la voie d'un asservissement accru aux multinationales de l'agroalimentaire et des biotechnologies.

    Ouvrons les yeux. Sortons définitivement de l'industrie des productions animales, prenons nos responsabilités envers les animaux en tant que consommateurs et citoyens. Si nous refusons la violence industrielle, refusons ses produits.

    Ouvrons les yeux. Soutenons l'élevage paysan. Soutenons une belle vie pour les vaches, les cochons, les poules. Une belle vie qui vaille la peine d'être vécue. Et une mort digne. Car il y a que ce qui ne vit pas qui ne meurt pas. Et nous comme les animaux, nous vivons et nous sommes mortels.

    Pour une journée mondiale de l'élevage et des animaux domestiques, je l'affirme et je signe.

    Jocelyne Porcher (Figaro Vox, 2 novembre 2018)

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  • Vivre avec les animaux ?...

    Les éditions La Découverte viennent de publier dans la bibliothèque du MAUSS un essai de Jocelyne Porcher, préfacé par Alain Caillé, intitulé Vivre avec les animaux - une utopie pour le XXIe siècle. On peut découvrir un bon exposé des idées de l'auteur dans un entretien donné à Agrobiosciences.

     

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    "Dans notre monde radicalement artificialisé, seuls les animaux, en nous rappelant ce qu'a été la nature, nous permettront peut-être de nous souvenir de notre propre humanité. Mais saurons-nous vivre avec eux ? Le voulons-nous encore ? Car l'abattage de masse des animaux, considérés comme simples éléments des « productions animales », leur inflige une terreur et une souffrance insoutenables, tout en désespérant les éleveurs. Et l'élevage, après 10 000 ans d'existence, est aujourd'hui souvent décrit comme une nuisance, pour l'environnement comme pour notre santé. Une condamnation reposant sur une confusion entre « élevage » et « production animale », dont il nous faut comprendre les enjeux.
    Qu'est-ce que l'élevage ? Quelles différences entre « élevage » et « productions animales » ? Quelle est la place de la mort dans le travail avec les animaux ? Peut-on améliorer leur sort dans les systèmes industriels ? Faut-il « libérer les animaux » comme le proposent certains philosophes ? En répondant ici à ces questions, Jocelyne Porcher explique en quoi la capacité des hommes à coexister pacifiquement dépend de leur capacité à vivre en paix et dignement avec les animaux. Et pourquoi, dès lors, sauver l'élevage en évitant son assujettissement au système d'exploitation et de mise à mort industrielle pourrait être une des plus belles utopies du XXIe siècle."

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