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edouard limonov

  • Notre Russie...

    La revue Éléments publie cette semaine son deuxième numéro hors-série consacré à la Russie. Il qui propose une anthologie des textes les plus marquants qui lui ont été consacré dans le magazine depuis 50 ans.

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    Notre Russie
    Une histoire incorrecte
    Hors-série n°2

    Au sommaire du numéro :

    Éditorial
    Le retour du rideau de fer
    Par Alain de Benoist
    Éléments n° 196, mai 2022

    Débat
    La question qui dérange : le salut passera-t-il par la Russie soviétique ?
    Débat Jean Mabire - François Dirksen
    Éléments n° 26, printemps 1978

    Communisme
    Pourquoi nous sommes anticommunistes
    Par Alain de Benoist
    Éléments n° 57-58, mars 1986

    Misère de la kremlinologie : l’énigme soviétique
    Par Robert de Herte
    Éléments n° 57-58, mars 1986

    L’urbanisme soviétique : modèle ou catastrophe ?
    Par Michel de Sablet
    Éléments n° 28-29, mars 1979

    Sciences
    Quand l’URSS planifiait le surhomme : la face cachée de l’eugénisme russe
    Par Charles Champetier
    Éléments n° 92, juillet 1998

    Histoire
    Dominique Venner : une histoire de l’Armée rouge
    Par Philippe Conrad
    Éléments n° 39, juin 1981

    Sovietic Park : les 50 ans du musée militaire de Moscou
    Par Laurent Schang
    Éléments n° 158, janvier 2016

    Octobre 1917, une révolution inconnue
    Par Olivier François
    Éléments n° 159, mars 2016

    La Troisième Rome : la longue mémoire païenne de la Russie
    Par Pierre Vial
    Éléments n° 57-58, mars 1986

    Russie, l’histoire ouverte
    Par Alain de Benoist
    Éléments n° 74, printemps 1992

    Portrait
    Qui es-tu Poutine ? Par Alexandre Douguine
    Propos recueillis par Alain de Benoist
    Éléments n° 163, décembre 2016

    Héléna Perroud : « La notion de repentance est totalement étrangère à Poutine »
    Propos recueillis par Slobodan Despot et Alain Lefebvre
    Éléments n° 171, avril 2018

    Les vérités de Gérard Depardieu : « Il y a une russophobie terrifiante »
    Propos recueillis par François Bousquet
    Éléments n°195, avril 2022

    Qui est Alexandre Douguine ? Anatomie d’une pensée radicale et complexe
    Par Charles Castet
    Éléments n° 192, octobre-novembre 2021

    Cinéma et littérature
    Cinéma stalinien : quand la propagande avait du génie
    Par Pierre Gripari
    Études et Recherches n° 1, novembre 1974

    Vie, mort et résurrection d’un géant : Léon Tolstoï
    Par François Bousquet
    Éléments n° 137, octobre 2010

    Nicolas Gogol : le petit russien devenu grand
    Par François Bousquet
    Éléments n° 140, juillet-septembre 2011

    Jeune littérature russe : les bâtards de Staline et de Limonov
    Par Pascal Eysseric
    Éléments n° 163, novembre 2016

    Edouard Limonov : la rock star du national-bolchevisme
    Propos recueillis par François Bousquet et David L’Épée
    Éléments n° 179, août 2019

    Portrait d’un enragé : Zakhar Prilepine
    Par Slobodan Despot
    Éléments n° 163, décembre 2016

    Rendez-vous avec Zakhar Prilepine : le poète russe préfère les soldats du Donbass
    Propos recueillis par Michel Thibault
    Éléments n° 163, décembre 2016

    Esprit des lieux
    Objectif Sakhaline : la sentinelle de l’extrême Est de l’Empire russe
    Par Pierre Vial
    Éléments n° 39, été 1981

    Voyage en Katastroïka : en route pour Kiev
    Par Armand Grabois
    Éléments n° 163, décembre 2016

    Reconquête
    Au cœur de la maison russe : réflexions au pied de mon poêle
    Par Slobodan Despot
    Éléments n° 192, septembre 2021

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  • L'instauration d'un passe vaccinal annonce-t-elle un futur digne d'une dystopie ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Thibault Mercier, cueilli sur Figaro Vox et consacré à la mise en place du passeport vaccinal. Avocat et président du Cercle Droit & Liberté., Thibault Mercier est déjà l'auteur de Athéna à la borne (Pierre-Guillaume de Roux, 2019).

     

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    Thibault Mercier: «L'instauration d'un passe vaccinal annonce-t-elle un futur digne d'une dystopie ?»

    Si les Anciens sont de bon conseil en politique comme nous le rappelle Michel De Jaeghere dans son remarquable Cabinet des antiques[1], c'est plutôt du côté de la littérature d'anticipation qu'il nous faut nous tourner ces jours-ci pour tenter de comprendre le nouveau monde qui se dessine sous nos yeux après que Jean Castex a annoncé vendredi dernier que « désormais seule la vaccination sera valable pour le passe ».

    Mettons de côté le fait que cette déclaration soit - s'en étonne-t-on encore ? - en contradiction avec les engagements passés du gouvernement et que l'emploi de l'indicatif dénote le peu de considération que porte le Premier ministre au processus démocratique, car plus graves encore seront les conséquences de cette mesure sur la société française, à rebours de ses principes les plus fondamentaux.

    Dans Demolition Man, film de science-fiction sorti en 1993, Sylvester Stallone se réveille, après 70 ans d'hibernation forcée, dans un monde aseptisé duquel a été éradiquée toute violence. La liberté individuelle y est réduite à la portion congrue, l'argent a été remplacé par des crédits virtuels et l'hygiène est une préoccupation de chaque instant : les gestes barrière s'appliquent avec rigueur, les embrassades et l'acte sexuel ont été mis hors-la-loi, car trop risqués (sauf avec un casque de réalité virtuelle…). Dans ce Meilleur des mondes au sein duquel le Bien est réduit au bien-être et le politique à la seule question des intérêts matériels individuels, les hommes libres ont été contraints à l'exil et vivent désormais sous terre pour avoir le droit de « faire du cholestérol et lire Playboy ».

    Bien que la France de 2021 ne ressemble évidemment en rien à cette dystopie, son auteur nous invite néanmoins à nous interroger sur le sort que nous réserverons, demain, aux non-vaccinés et, après-demain, à ceux qui refusent la médicalisation à outrance de leur vie. Seront-ils eux aussi frappés d'ostracisme dès janvier prochain ? Les laissera-t-on tomber dans la misère ? La question n'est pas qu'hypothétique alors que l'université d'Orléans soumettait la semaine dernière la distribution d'une aide alimentaire d'urgence à ses étudiants à la présentation d'un passe sanitaire valide…

    À l'instar du maire de Nice déclarant que lever l'obligation du passe sanitaire reviendrait à donner aux non-vaccinés le droit d'aller tuer leurs concitoyens, nous assistons depuis plusieurs semaines à des violences symboliques inouïes à leur encontre dont on ne mesure pas encore les effets désastreux qu'ils charrieront sur la concorde nationale. Et ce, alors même que les vaccins n'auraient que peu d'effet sur la transmission du virus et que seules certaines populations bien identifiées risquent de subir des complications en cas d'infection.

    Après la fin de la gratuité des tests en octobre et la réduction de leur durée de validité à 24h au début du mois, toutes deux validées hypocritement par le Conseil d'État refusant d'y voir une obligation vaccinale indirecte, la croisade contre le non-vacciné s'intensifie. Et ce dernier semble être devenu le bouc-émissaire de l'Exécutif, lui permettant de se défausser de l'échec de sa politique sanitaire.

    Sous la menace du variant Omicron, l'instauration d'un abonnement vaccinal devrait donc être débattue prochainement devant la représentation nationale. Ce sont ainsi non seulement la culture, nos visites familiales en dehors de notre région et nos vies sociales qui seront soumises à la vaccination, mais aussi peut-être le droit de travailler[2] ou encore l'accès à l'hôpital public. Oserait-on encore rappeler les principes d'inviolabilité du corps humain et de consentement libre et éclairé aux actes médicaux forgés avec douleur au sortir de la Seconde Guerre mondiale ?

    Si tant l'aveuglement du gouvernement dans une politique du tout vaccinal qui paraît bien en peine à endiguer l'épidémie (le vaccin étant, semble-t-il, partiellement inefficace contre le variant Omicron) que l'énième estocade portée contre nos libertés individuelles et collectives doivent être dénoncés, c'est aussi l'avènement de cette nouvelle société sanitaro-collectiviste qui peut inquiéter.

    Outre la sortie de notre superproduction hollywoodienne, l'année 1993 marque également la parution par Edouard Limonov de son « Grand hospice occidental » dans lequel il brosse le portrait acerbe de l'homo hospitius : malade chronique ayant renoncé volontairement à sa liberté pour se placer servilement sous la coupe de l'Administration. Ayant bien perçu que l'exercice brutal du pouvoir par le contrôle et la coercition décrit dans 1984 n'avait plus la faveur des Gouvernements occidentaux, l'écrivain et dissident russe y remarque que ces derniers lui préfèrent désormais une gouvernance soft, expurgée de toute violence apparente et au contrôle social plus diffus. Dans cet « hospice sagement géré », les « malades sous sédatifs » sont choyés par l'Administration, le plaisir n'est que satiété morne et monotone et la société s'apparente à une ferme où les animaux sont élevés en batterie à la lumière artificielle, à la seule différence que les humains ne sont pas envoyés à l'abattoir, mais la maison de retraite.

    Au-delà de l'outrance de la satire, ne sommes-nous pas en train de sombrer vers cette civilisation de Malades, au vu de notre acceptation docile des mesures les plus contradictoires et farfelues depuis plus de 18 mois imposées « pour notre bien et notre santé » ?

    Et Limonov de s'interroger « si une certaine dose de souffrance, de douleur et de lutte était la condition nécessaire du bonheur d'un être humain ? » Après bientôt deux ans à déléguer aux blouses blanches non seulement la gestion de la maladie, mais aussi celles de nos vies et de notre société, aborder sereinement ces enjeux dans le débat public semble plus que jamais nécessaire.

    Thibault Mercier (Figaro Vox, 20 décembre 2021)

     

    Notes :

    [1] Le Cabinet des antiques, Michel de Jaeghere, Les Belles Lettres, 2021.

    [2] Olivier Véran ayant confirmé samedi que la mise en place du passe était à l'étude pour l'accès au lieu de travail.

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  • Edouard Limonov, soldat politique et poète mirifique !...

    Le trentième numéro de la revue Livr'arbitres, dirigée par Patrick Wagner et Xavier Eman, est en vente avec notamment un gros dossier consacré à la littérature russe en générale et à Edouard Limonov en particulier et un autre à la poésie...

    La revue peut être commandée sur son site :  Livr'arbitre, la revue du pays réel.

     

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    Au sommaire de ce numéro :

    Éditorial

    Plaisirs solittéraires

    Coups de cœur

    Nouveautés

    Portrait

    Jacques Benoist-Méchin

    Paul Linthier

    Alain Bonnand

    Dossier

    Un certain regard sur la littérature russe

    Voyage au pays de la Poésie

    Domaine étranger

    Réédition

    Clio-panorama

    Polar

    Littérature jeunesse

    Bande-dessinée

    Art - Peinture - Poésie en prose
    Nouvelle
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  • Édouard Limonov, la rock star du national-bolchevisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un hommage de François Bousquet publié sur le site de la revue Éléments à la suite de la mort de l'écrivain et combattant politique russe Edouard Limonov.

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    Édouard Limonov, la rock star du national-bolchevisme

    « Tout le monde ne peut chanter,
    Il n’est pas donné à chacun
    De tomber comme une pomme aux pieds des autres.
    C’est ici la suprême confession d’un voyou. »

    Ces vers sont de Sergueï Essenine, un poète aussi immense que sa patrie – cosaque, paysanne, mais aussi soviétique. Oh que non, tout le monde ne peut pas chanter. Chanter, c’est ce qu’Édouard Limonov faisait le mieux, les femmes et la guerre. Ses femmes, qu’il épousait, indécrottable romantique, mais d’un romantisme noir (cinq mariages – et un enterrement désormais), sortaient d’un tableau de la Fronde ou d’une planche de Corto Maltese, entourées d’odeurs de canon et de venin envoûtant. Quant à la guerre, il en chérissait la violence sans aucune restriction. Chante, déesse, la colère d’Édouard !

    Curieux destin que le sien. Il est resté jeune jusqu’au bout, mort à soixante-dix-sept ans dans la fleur de l’âge. Même vieux, il demeurait tel qu’il était au sortir de l’adolescence. Il possédait le pouvoir miraculeux de ne pas vieillir, par la seule grâce de la génétique et de la poétique. Jusqu’à ses derniers jours, il a ainsi conservé cette inaltérable jeunesse, Rimbaud des steppes aux semelles de vent, la peau légèrement ridulée et l’énergie fiévreuse des survivants chevillée au corps. Survivant, il l’était depuis ce jour de 2016 où un chirurgien avait extirpé de son cerveau en feu un caillot de sang gros comme un poing. Il a raconté tout cela dans Et ses démons (2018). « J’ai été pratiquement dans l’autre monde. » Oui, il venait d’un autre monde, univers de vieillards brejnéviens, d’idéaux fanés et de maréchaux séniles et congestionnés dont il fut l’enfant terrible, doublement dissident : de la gérontocratie soviétique et du Grand hospice occidental (1993).

    Rouge et brun

    Caïd dans la banlieue de Kharkov, ville russe d’Ukraine, où il a grandi, animateur de l’underground moscovite (le « souterrain » dostoïevskien) sous Brejnev, héros bukowskien à New York, cosaque à Saint-Germain-des-Prés, où il a connu son heure de gloire dans les années 80, précédé d’une réputation sulfureuse, avec dans ses bagages un livre tapageur et scandaleux, Le poète russe préfère les grands nègres (1979), où il retraçait sa vie de clochard new-yorkais, après s’être fait expulser d’URSS. En quelques mois, le Paris branché adopta celui qui se présentait comme le premier punk d’Union soviétique, le « Johnny Rotten de la littérature », du nom du chanteur déjanté des Sex Pistols. On le regardait à l’instar d’un animal de cirque, comme si on entrait sous un chapiteau pour admirer une bête sauvage ramenée d’une expédition lointaine, un reliquat de barbarie exotique, à califourchon sur une bouteille de vodka et une kalachnikov, qui signait ses livres avec le tranchant d’un tesson de bouteille, dans une langue crue, explosive, directe, aussi directe qu’une série de jabs qui vous envoient au tapis, à des années-lumière de la Russie folklorique et de ses airs de balalaïka. De son vrai nom, il s’appelait Édouard Savenko. Pourquoi Limonov ? Parce que c’est la contraction de limon en anglais, le citron, et de limonka, la grenade en langue verte russe. Il dégoupillait ses phrases comme des grenades et appellera le journal de son parti Limonka.

    Rapidement, Jean-Edern le Magnifique le repéra. C’était une créature selon son goût. Il engloutissait des quantités phénoménales d’alcool, en portant des toasts à l’Armée rouge et à la Sainte Russie, tout en célébrant l’esthétique fasciste. Ce qui jetait un froid dans les dîners en ville, mais pas dans le cerveau en ébullition de Jean-Edern Hallier. À eux deux, il furent un peu les Bonnie and Clyde de la polémique. Limonov signait des papiers dans L’Idiot international et Le Choc du mois qui réconciliaient la gauche réactionnaire et la droite révolutionnaire. Rien ne résume mieux cette ligne transversale que l’article qu’Alain de Benoist signa en 1991 dans le journal de Jean-Edern. Il était intitulé « Barrès et Jaurès ». Tous ceux qui aspiraient à ce que le clivage droite-gauche disparaisse pouvaient s’y reconnaître. Un an plus tard, en 1992, le vote sur le traité de Maastricht leur donnerait l’occasion d’exprimer dans les urnes leur sécession. Didier Daeninckx, une fouine alors en vogue, polardeux insipide entre deux courriers de délation, dénonça un complot rouge-brun, quelque chose comme le retour du pacte germano-soviétique prêt à enfoncer les lignes Maginot de l’antiracisme. On était en 1993, mais « Didier dénonce » nous télétransportait en 1933 – le complot russe en supplément. Or, en fait de complot, il n’y avait que des écrivains et des intellos qui rêvaient de refaire le Conseil national de la Résistance (CNR).

    Le pavillon noir de la piraterie

    Dans la bande, un seul était authentiquement rouge-brun – Limonov. D’ailleurs, la première grande affaire qu’il mena, aussitôt de retour en Russie, après un passage éclair et pyrotechnique dans les Balkans, où il défendit les Serbes de Bosnie fusil d’assaut à la main, fut de lancer en 1993 avec Alexandre Douguine, le barde de l’eurasisme, le Parti national-bolchevique, dissous par Poutine en 2007, qui tenait plus du phalanstère paramilitaire que de l’organisation de masse. En rouge et brun, certes, mais sous le pavillon noir de la piraterie. De quoi faire perdre le nord à l’antifascisme des rédacteurs de l’AFP, notre agence Tass à nous, qui crurent déceler en lui un « écrivain ultra-nationaliste d’extrême gauche » (sic).

    Ceux qui l’avaient connu « dans la dèche » durant ses années de vagabondage à l’étranger ne pouvaient certes pas imaginer une pareille reconversion. Pourtant, le guérillero perçait déjà sous le junkie illuminé, enfant du nihilisme soviétique et de ce « No future » punk passé en contrebande dans l’URSS poststalinienne. De Woodstock à Vladivostok, la voie était toute tracée. « Donnez-moi un million de dollars et j’achèterai des armes et je susciterai un soulèvement dans n’importe quel pays », annonçait-il dans son Journal d’un raté (1983).

    Un punk homérique

    Le plus curieux, c’est que le punk, chez lui, cohabitait avec un héros digne d’une « vie » de Plutarque, jouant Sparte contre Athènes, aussi fascinant que fascisant. Il y avait quelque chose d’homérique dans son hooliganisme. Une conception héroïque de l’existence. Ce fut l’Homère de l’underground, plus proche de Terminator que d’Achille, qui produisait sur vous une impression étrange tant il était pâle et chétif, rétracté dans une sorte de nanocorps que des lunettes à double foyer rétrécissaient un peu plus – sans rien retirer de sa prodigieuse énergie. Dans la somme qu’il lui a consacrée en 2011, Emmanuel Carrère en a fait un mélange de « Barry Lyndon soviétique » et de « Jack London russe », tant il y avait d’ingénuité dans son cynisme et de poésie dans sa violence. Pougatchev, Mandrin, Robin des bois devaient approcher cette combinaison nitroglycérinée. Comme disait de Pougatchev, le héros de la grande jacquerie contre Catherine II au XVIIIe siècle, Sergueï Essenine, toujours lui, grand frère de tous les François Villon russes, « Gloire à cet homme ! […] Le peuple l’aime, lui, sa bravade, son toupet. » La plus belle définition du chef populiste !

    Limonov était plus futuriste que populiste. On ne peut s’empêcher d’admirer son énergie intacte et son narcissisme enfantin, celui d’un homme confiant dans sa destinée héroïque, vivant dans l’attente d’un cataclysme géopolitique, auquel il se préparait depuis l’adolescence en s’astreignant à une discipline spartiate. Darwinien, nietzschéen et vitaliste, il pouvait réciter, à la croisée des années 2000-2010, devant des Parisiens ébahis, des chapitres entiers de L’Agression du biologiste prix Nobel Konrad Lorenz.

    Avec Anna Politkovskaïa et Garry Kasparov

    Même si la littérature n’était pour lui que la continuation de la guerre par d’autres moyens, il aurait préféré rater ses livres et réussir ses coups de force à la Malaparte. C’est l’inverse qui se produisit. Il rêvait de prendre le Kremlin, le Kremlin va tout lui prendre, le jetant en prison sous l’inculpation de trafic d’armes et de tentative de coup d’État au Kazakhstan, à la frontière duquel, dans les montagnes de l’Altaï, il avait installé un camp retranché de 1998 à 2001 avec ses militants du Parti national-bolchevik, les « natsbols ». Arrêté en 2001 par une centaine d’hommes du FSB (ex-KGB), qu’il comparait à l’Okhrana, la police politique de Nicolas II, il sera condamné à quatre ans de prison, avant d’être relâché au bout de deux ans et demi. Il s’est alors mis à jouer au démocrate, peinant cependant à cacher qu’il était plus intéressé par les bruits de botte et l’odeur de la poudre que par les droits de l’homme. Il finira d’ailleurs par avouer qu’il voulait, lui et ses troupes natsbols, arracher au Kazakhstan les régions russophones « kazakhizées » de force par Noursoultan Nazarbaïev. C’est pour cela qu’on l’a autant aimé. Son dernier engouement fut pour les Gilets jaunes. Il a du reste eu tout juste le temps de préfacer avant sa mort un magnifique album qui leur est consacré, Gilets jaunes. Une année d’insurrection et de révolte dans Paris (éditions Yellowpshere).

    La dissidence était sa patrie intérieure. Sous Brejnev comme sous Poutine, peut-être même plus encore sous Poutine ! Les années 2010 le virent ainsi codiriger le mouvement Stratégie 31, qui manifeste tous les 31 du mois et évoque l’article 31 de la Constitution russe garantissant le droit de manifester. Il est ainsi devenu l’une des vedettes de l’opposition à Poutine. La télévision lui a même consacré un téléfilm, évidemment à charge, La chasse au fantôme. La journaliste Anna Politkovskaïa le défendait. À la fin des années 2000, on apercevait sa silhouette dans la coalition de l’ex-champion d’échecs Garry Kasparov, Drougaïa Rossia, L’Autre Russie, aujourd’hui disparu, qui avait les faveurs des Occidentaux et rassemblait les opposants à Poutine. Ce qui ne laisse pas de surprendre, tant le nouveau tsar du Kremlin a accompli plus que n’en pouvait espérer l’auteur du « Manifeste du nationalisme russe ». Sa devise, devenue celle du Parti national-bolchevique, résume à elle seule son combat politique : « La Russie est tout, le reste n’est rien ! » On ne saurait être plus clair. En réalité, Limonov était contre, tout contre, Poutine, qui lui a volé son rêve : la restauration de la puissance russe.

    Mad Max made in USSR

    La jeune et tonitruante littérature russe sort de sa cuisse. N’avions-nous pas consacré, sous la plume de Pascal Eysseric, un papier sur le renouveau des lettres russes, titré « Les bâtards de Joseph Staline et d’Édouard Limonov » ? Combien de ces jeunes auteurs ont d’abord été des « natsbols » ? Une bonne école, de balistique et de stylistique. Des gens comme Zakhar Prilepine n’en viennent-ils pas, quand bien même ils se sont rapprochés du Kremlin ? Tout comme les premiers volontaires russes dans le Donbass, en 2014, que Moscou se fera un plaisir d’expulser. Alexandre Soljenitsyne, qui ne l’aimait guère, l’a un jour traité de « petit insecte qui écrit de la pornographie ». En vérité, tout séparait les deux hommes. L’auteur de L’Archipel du Goulag était un homme de l’âge classique ; celui de La sentinelle assassinée, un personnage post-apocalyptique – Mad Max made in USSR. Mais tous deux appartiennent à la galaxie russe, plus particulièrement à la constellation dostoïevskienne, celle qui confronte la Russie des « saints » et celle des « possédés ». On n’ose dire « Paix à son âme ! » tant elle fut toujours en guerre.

    François Bousquet (Éléments, 19 mars 2020)

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  • Macron, la grande dérive autoritaire et liberticide...

    Le nouveau numéro de la revue Éléments (n°179, août 2019 - septembre 2019) est en kiosque !

    A côté du dossier consacré à la dictature du droit, on retrouvera l'éditorial d'Alain de Benoist, les rubriques «Cartouches», «Le combat des idées» et «Panorama» , un choix d'articles variés, des entretiens, notamment avec l'économiste François Lenglet, l'écrivain Edouard Limonov, les politologues Jérôme Fourquet, Pierre Vermeren et Michel Drac ou le romancier Bruno Lafourcade, et les chroniques de Xavier Eman, d'Olivier François, de Laurent Schang, d'Hervé Juvin et d'Yves Christen...

    Bonne lecture !

    Vous pouvez commander ce numéro ou vous abonner sur le site de la revue : http://www.revue-elements.com.

     

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    Au sommaire :

    Éditorial           

    Tourisme, par Alain de Benoist

    Agenda, actualités

    L’entretien

    François Lenglet :  « Non, le libre-échange ne mène pas nécessairement à la paix », propos recueillis par Alain Lefebvre

    Cartouches

    Le regard d’Olivier François : Requiem pour Saint-Marsan

    Une fin du monde sans importance, par Xavier Eman

    Le renversement du monde, par Hervé juvin

    Champs de bataille : Les Tercios meurent à Rocroi (I), par Laurent Schang

    Théâtre : Louis XIII ou La Conspiration de Cinq-Mars, par Michel Marmin

    Nos figures : L'humoriste, par Bruno Lafourcade

    Économie , par Guillaume Travers

    Bestiaires : Les sciences cognitives découvrent le chat, par Yves Christen

    Sciences

    Le combat des idées

    Le mal français : l'analyse de Jérôme Fourquet et Pierre Vermeren, propos recueillis par François Bousquet et Thomas Hennetier

    En finir avec le bougisme, par Jean-Philippe Antoni

    Le chanoine Rosanvallon, l'hiver de la Deuxième gauche, par Fabrice Moracchini

    Islamophobie : les vérités dérangeantes de Philippe d'Iribarne, par Pascal Esseyric

    Entretien avec Bruno Guigue : Trump et les néo-conservateurs, propos recueillis par David L’Épée

    La haine du peuple à travers les âges, par Pascal Esseyric et David L’Épée

    Les Gilets jaunes vus de gauche, par David L’Épée

    Guillaume Tell en père des Gilets jaunes, par Pascal Esseyric

    Les années 1970 qu'on aime, par Olivier François

    Les muses de Ludovic Maubreuil, par Pascal Esseyric

    Nous les avons tant aimées, nos neuf muses, par Ludovic Maubreuil

    Entretien avec Moritz Gerber : Turenne sur la selette, propos recueillis par Laurent Schang

    Bruno Lafourcade, entrepreneur de démolitions, propos recueillis par Olivier François

    Edouard Limonov, confidences et souvenirs d'un national-bolchevik, propos recueillis par François Bousquet et David L’Épée

    Une nouvelle génération de revues à découvrir, par David L’Épée

    Un hommage inspiré aux romans d'aventure, par Michel Marmin

    Un voyage au bout de l'Enfer de Dante avec Michel Orcel, propos recueillis par Michel Marmin

    Orwell, un coeur rebelle, par Michel Loussouarn

    Dossier

    Macron décrypté

    Macron, le pouvoir absolu de l'empire du management, par Slobodan Despot

    L'éclairage au laser de Michel Drac sur le macronisme, propos recueillis par Pascal Esseyric

    Le blanquérisme, avatar éducatif du macronisme, par Roger Chudeau

    Macron, une dérive autoritaire, par Eric Werner

    Panorama

    L’œil de Slobodan Despot

    Un païen dans l'église : Saint-Loup-de-Saintonge, par Bernard Rio

    Séries télé &politique : Black Mirror, par Xavier Eman

    L'anti-manuel de philosophie : la pluralité des cultures, par Jean-François Gautier

    L’esprit des lieux : la villa du Casale, par Anne-Laure Blanc

    C’était dans Éléments : hommage à Salvador Dali, par Arno Breker

    Éphémérides

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  • Kiev kaput...

    Les éditions La manufacture de livres publient dans leur collection Zapoï, dirigée par Thierry Marignac, Kiev kaput, le journal qu'a tenu par Edouard Limonov pendant la crise ukrainienne (qui est loin d'être terminée...). Figure de la littérature et de la politique russe, Edward Limonov a récemment publié en France Le Vieux (Bartillat, 2015). Chez le même éditeur, on peut également trouver Le Grand Hospice occidental  , essai polémique dont nous recommandons la lecture...

     

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    " Edouard Veniaminovitch Savenko alias « Limonov», écrivain, publiciste, poète, romancier et homme politique de la « Nouvelle Russie » a grandi et fait ses premières armes en Ukraine, à Kharkov, où il travailla, au début des années 1960, avant de « monter à Moscou », dans ce qui était encore l'URSS, à peine déstalinisée par Nikita Khrouchtchev, à l'usine Faucille et Marteau, une fonderie. L'auteur, qui a vécu quatorze ans à Paris, entre 1981 et 1995, se souvient de son enfance et de son adolescence en Ukraine (dont il parle la langue) comme d'une période « extraordinaire », dont il devait parler dans deux livres publiés en France Autoportrait d'un bandit dans son adolescence (Albin Michel) et La grande Époque (Flammarion). Devenu leader anarcho-nationaliste dans la Russie post-soviet - après avoir été si longtemps un écrivain bohème, un apatride balloté de New York à Paris, un temps idole de la gauche, puis réprouvé comme « rouge-brun » pour ses positions lors de la guerre en Yougoslavie - l'auteur nous propose, avec Kiev Kaput, un journal au jour le jour des récents évènements d'Ukraine, vu par sa lorgnette, diamétralement contraire à la vision proposée par les médias occidentaux. La partialité de Limonov a l'avantage sur celle des Occidentaux, d'être native. Si orientée qu'elle soit, sa vision présente un tableau et un rappel de troubles qui définissent l'espace contemporain de l'Europe, tel qu'on ne l'a pas entendu en Europe de l'Ouest jusqu'à présent. "

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