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  • Immigration : réflexion sur l'exemple danois...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Vincent Coussedière, recueilli par Figaro Vox et consacré à la victoire des sociaux-démocrates danois adeptes de la fermeté en matière d'immigration.

    Professeur de philosophie et essayiste, Vincent Coussedière a notamment publié Eloge du populisme (Elya, 2012), Le retour du peuple - An I (Cerf, 2016), Fin de partie - Requiem pour l'élection présidentielle (Pierre-Guillaume de Roux, 2017) et Eloge de l'assimilation - Critique de l'idéologie migratoire (Rocher, 2021).

     

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    Vincent Coussedière: «La gauche française doit-elle prendre exemple sur les sociaux-démocrates danois ?»

    FIGAROVOX. - La gauche danoise a emporté une courte victoire aux élections législatives de ce 2 novembre. Après la récente percée de l'extrême droite en Suède, que vous évoque ce succès de la gauche dans une Scandinavie qui reste, dans l'imaginaire, un bastion de la social-démocratie ?

    Vincent COUSSEDIÈRE. - Il faut distinguer la courte victoire du bloc de gauche et le succès de Mme Frederiksen et du Parti social-démocrate. En effet, l'élection a eu lieu dans un contexte particulier en raison d'une forme de chantage du Parti social-libéral, pourtant allié à Mme Frederiksen depuis 2019. Ce parti a menacé de retirer son soutien à celle-ci et de voter une motion de censure si elle n'acceptait pas l'anticipation des élections, voulant ainsi se démarquer de sa gestion du Covid, et surtout du scandale de l'abattage massif des visons par crainte de leur rôle dans la contamination. Or malgré ce contexte qui aurait pu la fragiliser, Mme Frederiksen a amélioré le score du Parti social-démocrate de 2,5 % (27,5 % en 2022 contre 25,5 % en 2019). Ce qui explique la courte victoire de la gauche est donc bien davantage la stagnation ou l'érosion du score des alliés du Parti social-démocrate.

    En effet, si le Parti populaire socialiste reste relativement stable, la liste Unité régresse, et le Parti social libéral passe de 8,6 % en 2019 à 3,8 % en 2022, ce qui montre d'ailleurs que sa manœuvre a été perçue comme politicienne de la part des électeurs. De plus, avant même les élections, tous les sondages montraient que les Danois désiraient majoritairement que Mme Frederiksen reste Première ministre. Il s'agit donc incontestablement d'un succès pour celle-ci et le parti social-démocrate. La situation partisane au Danemark n'est pas comparable à celle de la Suède ou d'autres démocraties européennes, où les partis sociaux-démocrates faiblissent au profit de la montée des partis populistes de droite. Le Parti social-démocrate reste de loin le premier parti du Danemark, et le Parti populaire danois (dit «populiste») qui, autrefois, frisait les 20 %, a continué sa dégringolade déjà spectaculaire en 2019. C'est cette spécificité danoise qui est importante.

    De longues discussions s'annoncent avec les autres partis pour former un gouvernement. La droite se trouve à l'opposé de l'échiquier politique, et les Modérés s'exposeraient aux critiques de celle-ci en cas de ralliement aux sociaux-démocrates. Sur qui peut compter la Première ministre Mette Frederiksen pour arriver à ses fins ?

    Rappelons d'abord qu'en 2019, Mme Frederiksen a déjà pris quelques libertés avec les usages partisans traditionnels en assumant de former un gouvernement minoritaire, c'est-à-dire en ne nommant pas de ministres issus des partis du bloc de gauche, s'appuyant ainsi sur une coalition de soutien au parlement, mais pas sur une coalition de participation au gouvernement. C'était déjà une manière de donner des gages d'«ouverture» à la droite, gages que sa politique concernant l'immigration allait renforcer, puisqu'elle poursuivait la politique restrictive suivie par la droite depuis dix ans, voire l'accentuait. Aujourd'hui, elle fait un pas supplémentaire en proposant la formation d'un gouvernement majoritaire ouvert aux partis traditionnels du bloc de droite, c'est-à-dire les Modérés et les Libéraux. Il est vrai que si les premiers semblent ouverts à cette possibilité, les seconds se sont déclarés «sceptiques». Il est également vrai que même au Danemark, ce dépassement du clivage gauche/droite n'est pas dans les mœurs politiques, et réclamera sans doute du temps et des négociations. Mais cela ne semble pas non plus impossible, justement parce que la question de l'immigration ne clive plus fondamentalement le Parti social-démocrate d'avec la droite.

    Pour espérer former son gouvernement, la gauche devrait composer avec les questions migratoires, thème cher à la droite. Quelle part ces questions occupent-elles dans le logiciel des sociaux-démocrates ? Cette gauche peut-elle s'intéresser à l'immigration ?

    Les sociaux-démocrates sous l'influence de Mme Frederiksen ont fortement intégré la nécessité d'un strict contrôle de l'immigration depuis l'élection de celle-ci à la tête du parti en 2015. Encore dans l'opposition en 2018, elle appelait déjà à la réforme du système d'asile du Danemark, y compris à la création de centres d'accueil hors de l'Europe, et elle devenait Première ministre en 2019 sur la base de la promesse de poursuivre la politique ultra-restrictive de la droite en matière d'immigration. Tout ceci aboutira au projet de loi d'externaliser la demande d'asile vers des pays tiers qu'elle fera voter au parlement le 3 juin 2021. Des contestations de cette politique existent bien sûr à gauche, pour des raisons essentiellement humanitaires, mais elles existent aussi à droite chez les libéraux, pour des raisons économiques de pénurie de main-d’œuvre. Mais cette politique rencontre un très fort assentiment chez une grande majorité de Danois et il n'y a pas de raisons que Mme Frederiksen modifie sa stratégie: elle mettra la gauche sous pression en mettant en avant dans les négociations la question migratoire, et en étant prête à conclure une alliance de gouvernement avec une partie de la droite si la gauche se cabre.

    Dans ce panorama, aucun populisme de gauche ne semble exister, pourquoi ? Peut-il émerger à la faveur de ces négociations ?

    Il semble peu probable qu'un «populisme de gauche» émerge puisque, comme nous l'avons vu, le Parti social-démocrate lui a coupé l'herbe sous le pied. Que pourrait être en effet, au Danemark comme ailleurs, un véritable «populisme de gauche»? Ce pourrait être une offre politique liant la survie de l'État providence et la réduction des inégalités au strict contrôle de l'immigration, conditionnant celle-ci, non pas à une idéologie identitaire (populisme de droite), mais à une idéologie assimilationniste. Or c'est très exactement la politique suivie par la social-démocratie danoise, ce qui empêche, non seulement l'émergence d'un populisme de gauche, mais ramène aujourd'hui le populisme de droite (le parti populaire danois) à 2,5 % des voix… Le projet de Mme Frederiksen d'une alliance avec les partis traditionnels de droite semble donc finalement logique, puisque celle-ci défend la même politique en matière d'immigration. Quant aux capacités de mutation de l'aile gauche de Mme Frederiksen, la question est posée de savoir si elles seront au rendez-vous, ou si les partis de gauche ne voudront pas accompagner plus loin Mme Frederiksen dans son aventure, et dans le lien qu'elle fait entre maintien de l'État providence et contrôle restrictif de l'immigration.

    Pourquoi la gauche française n'ose pas faire sienne la question de l'immigration ?

    La gauche française a fait sienne la question de l'immigration, et ce depuis très longtemps… Mais elle l'a fait dans le sens contraire des Danois, dans le sens d'un laisser-aller, laisser-faire, dans le sens d'un immigrationnisme idéologique. L'immigrationnisme et le multiculturalisme ont fait partie intégrante du logiciel du parti socialiste français et ce depuis plus de quarante ans. Je me permets ici de renvoyer à mon dernier livre, Éloge de l'assimilation, critique de l'idéologie migratoire, dans lequel je montre comment le parti socialiste a recueilli tout un héritage gauchiste, dans sa lutte avec un PCF resté ouvriériste, pour conquérir l'hégémonie à gauche. Pour aller vite, la figure de l'immigré est depuis longtemps centrale dans une gauche française dominée par le Parti socialiste, et a depuis longtemps éclipsé celle du prolétaire.

    De plus, et contrairement au Danemark, la question de l'immigration en France est intimement liée à celle de la colonisation, puisque nos immigrés viennent essentiellement de nos anciennes colonies ou zones de protectorat ou d'influence considérable (Algérie, Tunisie, Maroc, Afrique). L'«immigré» en France évoque immanquablement l'ancien colonisé, ce qui alimente la mauvaise conscience et la difficulté de mettre au point une véritable politique de contrôle de l'immigration. Il est donc parfaitement improbable que la France suive le même trajet que le Danemark. Ce n'est pas le devenir «populiste» de la social-démocratie (laquelle n'est plus représentée par le PS mais par la «Macronie») qui permettra d'affronter enfin la question de l'immigration incontrôlée en France, mais peut-être au contraire le devenir «social-démocrate» du populisme. C'est sans doute l'enjeu de la poursuite de la mutation du RN...

    Vincent Coussedière (Figaro Vox, 7 novembre 2022)

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  • La politique anti-immigration du Danemark, un exemple à suivre ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Paul Tormenen, cueilli sur Polémia et consacré à la politique danoise de maîtrise de l'immigration. Paul Tormenen est juriste et spécialiste des questions migratoires.

     

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    La politique anti-immigration du Danemark, un exemple à suivre ?

    L’affaire fait grand bruit : le parlement danois vient d’adopter une nouvelle procédure pour les demandes d’asile. Celle-ci devrait se traduire par l’envoi des candidats à l’asile présents au Danemark à l’extérieur du pays. Les autorités danoises ne s’en cachent pas : elles souhaitent ainsi tarir les demandes d’asile qui au fil du temps sont devenues une nouvelle forme d’immigration clandestine. Les pays d’Europe de l’ouest submergés par l’immigration extra-européenne seraient bien inspirés de suivre cet exemple.

    Le Danemark veut maitriser l’immigration et non plus la subir

    En juin 2019, l’article consacré par Polémia au Danemark lors du tour d’Europe du grand remplacement soulignait les mesures prises par les autorités de ce pays pour juguler l’immigration légale et clandestine (1).

    Répondant aux aspirations de la population, le gouvernement social-démocrate au pouvoir a depuis continué à prendre des initiatives dans ce sens. La dernière en date consiste à permettre le transfert des demandeurs d’asile dans un pays tiers.

    A l’heure où même le président de la République française considère les flux supplémentaires de demandeurs d’asile arrivant en France « comme un détournement du droit d’asile », toute tentative qui vise à endiguer cette forme d’immigration, qui a pris une ampleur considérable ces dernières années, doit être étudiée avec attention, voire appliquée sans tarder (2).

    Les nouvelles dispositions sur l’asile au Danemark

    Fin avril, le gouvernement danois a soumis aux parlementaires un projet de loi visant à modifier la loi sur l’immigration en vigueur (« Aliens act »), en y introduisant la possibilité de transférer les demandeurs d’asile dans un pays tiers (3). Les nouvelles dispositions visent également à confier au pays tiers l’instruction des demandes d’asile et la prise de décision d’acceptation ou de rejet du bénéfice de la protection. La responsabilité d’éloigner les déboutés de l’asile incombera au pays les prenant en charge. Le gouvernement danois rétribuera les pays tiers qui accepteront d’accueillir les demandeurs d’asile dont il organisera le transfert.

    Cette disposition a été adoptée début juin à une large majorité par le parlement danois. D’ores et déjà, un accord aurait été trouvé avec un pays tiers qui accepterait d’accueillir les demandeurs d’asile et les bénéficiaires de la protection internationale (4). Il devrait être selon les autorités danoises suivi par d’autres accords bilatéraux.

    Cette externalisation de la protection au titre de l’asile a suscité un concert de protestations de la part d’organisations internationales comme le Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies, le Conseil danois pour les réfugiés et Amnesty international. Le HCR souligne notamment dans les observations qu’il a envoyées au gouvernement danois la nécessité d’apporter toutes les garanties à l’exercice du droit d’asile. Il condamne cette politique d’externalisation de la procédure d’asile mais ne remet toutefois pas en cause la possibilité que des Etats s’entendent entre eux pour garantir la protection internationale prévue par la convention de 1951 sur le droit d’asile (5).

    Le porte-parole de la Commission européenne a été encore plus virulent : il a déclaré le 3 juin que « les dispositions prises par le gouvernement danois ne sont pas possibles », le traitement des demandes d’asile dans un pays tiers soulevant « des questions fondamentales  à la fois sur l’accès aux procédures d’asile et sur l’accès effectif à la protection » (6). On peut s’attendre à une véritable guérilla juridique menée contre le nouveau dispositif adopté par le Danemark qui fait vaciller l’un des fondements de la politique de peuplement de l’Europe voulue par l’Union européenne.

    L’externalisation des centres d’asile

    Les tentatives de pays européens pour établir des centres d’asile en dehors de l’Europe ne sont pas nouvelles. Le gouvernement danois a dès 1986 proposé l’instruction des demandes d’asile dans des centres régionaux administrés par les Nations Unies. En 1994, les autorités néerlandaises ont proposé à l’Union européenne la création de centres de traitement des demandes d’asile à proximité des pays de départ des migrants (7). En 2004, les négociations menées par le premier ministre de l’époque, Tony Blair, avec la Tanzanie pour que ce pays instruise les demandes d’asile, n’ont, comme les autres démarches précédemment citées, pas abouties.

    En Afrique, le Rwanda, qui a été pressenti par le gouvernement danois pour prendre en charge des demandeurs d’asile, accueille d’ores et déjà près de 500 demandeurs d’asile et réfugiés transférés de Libye, dans le cadre d’un accord conclu entre le HCR, l’Union africaine et le Rwanda. (8).

    Les frontières étanches de l’Australie

    Depuis quelques années, le gouvernement australien organise dans le cadre d’une opération appelée « Sovereign borders » un blocus des côtes du pays à l’immigration clandestine. Les migrants et demandeurs d’asile qui arrivent par bateau sont immédiatement refoulés et transférés à Nauru ou en Papouasie-Nouvelle Guinée. Ces transferts ont concerné entre 2013 et 2019 plus de 3 000 personnes. Les autorités australiennes ont également conclu des accords de relocalisation de migrants avec d’autres pays comme le Vietnam et les Etats-Unis (9).

    De nombreuses organisations internationales critiquent la politique australienne. Les principaux reproches concernent des détentions de demandeurs d’asile, le refus opposé aux demandes de visas faites par des déboutés du droit d’asile, etc. Mais cette politique assumée par les différents gouvernements qui se succèdent au pouvoir depuis sa mise en œuvre jouit d’un puissant soutien populaire.

    L’asile : un dispositif à la dérive

    Les pays membres de l’Union européenne connaissent depuis plusieurs années un nombre considérable de demandes d’asile. En 2020, on en dénombrait plus de 416 000. 59% d’entre elles ont donné lieu à un refus en première instance, un taux de refus qui est encore plus important en France (10). Les déboutés de l’asile restent dans leur immense majorité sur le sol européen, que ce soit en raison de la mauvaise volonté des pays d’origine à reprendre leurs ressortissants ou en raison des procédures juridiques qui s’enlisent. La politique d’éloignement des déboutés de l’asile est un véritable échec en France, un échec qui est une prime à l’immigration clandestine. De plus, le droit de tirage illimité du budget de l’Etat pour l’asile et l’immigration apparait chaque jour davantage comme totalement scandaleux.

    Les motivations économiques de très nombreux demandeurs d’asile qui arrivent en France après avoir parcouru des milliers de kilomètres ne sont plus un secret. Si leur objectif est de fuir la persécution et les mauvais traitements, cette garantie peut leur être offerte par d’autres pays que les pays européens. Il faudra donc scruter avec attention les suites données à l’initiative du gouvernement danois. En ce mois de juin, le vent nouveau en Europe vient du nord…

    Paul Tormenen (Polémia, 6 juin 2021)

     

    Notes :

    (1) « Grand remplacement en Europe : le Danemark tente de réagir ». Polémia. 18 juin 2019
    (2) « Immigration, terrorisme, colonisation…Les confidences de Macron en Afrique ». Le JDD. 29 mai 2021
    (3) « Proposal for amendments to the Danish AlienAct (Introduction of the possibility to transfer asylum-seekers for adjudication of asylum claims and accommodation in third countries ». Gouvernement danois. 2021.
    (4) « Denmark passes law to relocate asylum seekers outside Europe ». The Guardian. 3 juin 2021
    (5) « UNHCR Observations on the Proposal for amendments to the Danish AlienAct (Introduction of the possibility to transfer asylum-seekers for adjudication of asylum claims and accommodation in third countries) ». UN HCR. 8 mars 2021
    (6) « Denmark approves plan to relocate asylum center abroad ». DW.com. 3 juin 2021
    (7) « Les camps d’étrangers, dispositif clef de la politique d’immigration et d’asile de l’Union européenne ». Migreurop. 6 avril 2005
    (8) « Danish parliament approves law to process asylum seekers outside Europe ». Financial Times. 3 juin 2021
    (9) « Legal and constitutionnal affairs legislation committe. Monday, 19 October 2020 ». Parlement australien
    (10) « Asylum statistics ». Eurostat. 27 avril 2021

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