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compassion

  • Halte à la compassion dévoyée !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Laurent Lemasson cueilli sur Figaro Vox et consacré à l'incapacité de l'état à neutraliser durablement les individus dangereux et violents qui multiplient les agressions et les méfaits dans les rues des villes de notre pays.

    Laurent Lemasson est docteur en droit public et sciences politiques.

     

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    Bordeaux : «L'agresseur présumé, multirécidiviste, n'avait aucune raison d'être en liberté»

    Les images sont à la fois terribles et banales. Terriblement banales serait-on tenté de dire. On voit une septuagénaire et sa petite fille rentrer chez elles. Elles jettent des regards dans la rue, vers un homme qui semble les suivre. Au moment où la femme et l'enfant tentent de refermer la porte d'entrée de l'immeuble, l'homme la repousse violemment, rentre dans le hall puis jette brutalement les deux malheureuses sur le trottoir. La septuagénaire reste étendue à terre tandis que l'homme semble chercher quelque chose, ramasse un petit objet puis s'enfuit. Le tout a duré à peine une vingtaine de secondes.

    Cette scène a été filmée par une caméra de surveillance ce lundi en fin d'après-midi, Cours de la Martinique, à Bordeaux. Elle a bien sûr immédiatement enflammé les réseaux sociaux.

    L'agresseur présumé a été très rapidement interpellé. Il s'agirait, selon les informations de Sud Ouest, d'un certain Brahim D., un sans domicile fixe de nationalité française âgé de 29 ans. Il ne surprendra personne d'apprendre que l'homme est «très défavorablement connu des services de police», selon la formule consacrée. Il a déjà été condamné une quinzaine de fois pour délit routier ou trafic de stupéfiants et aurait une vingtaine de mentions au traitement des antécédents judiciaires (TAJ : un fichier de police qui contient notamment des informations sur les personnes mises en cause comme auteur ou complice d'un crime ou de certaines contraventions de 5ème classe.) Aussi peu surprenant est le fait que l'agresseur présenterait des troubles psychiatriques importants.

    Les faits étant très récents, nous ne disposons sans doute pas encore de toutes les informations pertinentes, mais il est très peu probable que ce que nous apprenions par la suite vienne modifier l'appréciation globale que l'on peut porter sur cette agression, hélas si caractéristique de cette « violence gratuite » qui semble monter inexorablement partout en France.

    Le point saillant, évident, impossible à nier sans se discréditer totalement, est que les autorités publiques ne traitent absolument pas les individus comme celui-ci comme elles le devraient. Il est clair comme le jour que le suspect, avant cette dernière agression, a commis d'innombrables délits, petits ou grands, et que ceux pour lesquels il est connu de la police et de la justice ne sont qu'une petite partie de son palmarès.

    Certainement, n'importe qui habitant dans le ou les quartiers que fréquentait le suspect comprenait que celui-ci était dangereux, car imprévisible et désinhibé, et qu'il était une source permanente de troubles à la tranquillité publique. Il ne faut pas beaucoup d'individus de ce genre errant librement dans les espaces publics pour transformer un quartier paisible en une jungle inhospitalière, dans lequel la plupart des habitants ne sortent plus de chez eux qu'avec la peur au ventre.

    La mission première, fondamentale, indiscutable, des pouvoirs publics est d'assurer l'ordre public et la sécurité. Comparée à cette exigence primordiale toutes les autres sont secondaires. Et sur cette exigence primordiale, les pouvoirs publics français échouent aussi lamentablement que quotidiennement. L'agresseur présumé de Bordeaux n'est malheureusement qu'un cas d'école, parmi d'innombrables autres.

    Disons-le très simplement : les individus comme celui-ci ne devraient pas être libres. Rien ne peut justifier qu'un individu à la dangerosité évidente soit laissé libre de poursuivre ses déprédations et de dérober la tranquillité d'esprit des gens ordinaires qui ont le malheur de croiser sa route.

    Nous ignorons à l'heure actuelle la gravité exacte des blessures des victimes de lundi. Elles semblent être légères, ce qui est heureux, et presque miraculeux, car une chute violente sur le trottoir peut parfaitement tuer et souvent provoque des fractures, notamment chez les personnes plus âgées. Mais la gravité des atteintes physiques est parfois sans rapport avec la gravité des atteintes psychiques et il n'est pas besoin d'être un grand psychologue pour comprendre qu'une agression de ce genre peut vous marquer jusqu'à la fin de vos jours.

    Aujourd'hui, l'opinion autorisée est que la prison est l'école du crime et que les courtes peines ne servent à rien, à part « désocialiser » et donc rendre la réinsertion plus difficile. Combinées à la sous-dotation carcérale chronique, ces «raisons» ont abouti à ce que les très courtes peines fermes disparaissent de l'arsenal de la justice et à ce que les courtes peines aient vocation à être «aménagées», c'est-à-dire transformées en autre chose que de la prison.

    Cette approche est erronée. S'il est vrai que des courtes peines infligées à des délinquants endurcis n'ont que peu d'effets mesurables sur eux, des courtes peines appliquées à des primo-condamnés peuvent en revanche avoir un effet de choc salutaire et interrompre précocement les trajectoires délinquantes.

    Si ce premier choc ne suffit pas, la récidive devrait rapidement conduire à des peines de plus en plus lourdes. Si le délinquant n'est pas susceptible d'être dissuadé par les peines qui lui sont infligées (cela arrive), qu'au moins il soit neutralisé pour longtemps.

    Le suspect (au vu de ce que nous connaissons de son parcours) aurait dû faire connaissance beaucoup plus tôt avec la prison et, en supposant que cela n’ait pas suffi, son palmarès actuel aurait déjà dû lui valoir un long séjour derrière les barreaux.

    Le fait qu'il souffre peut-être de psychose ne change pas fondamentalement les termes du problème. D'abord parce que les troubles psychotiques peuvent parfaitement être la conséquence d'un mode de vie marginal et non sa cause. La vie dans la rue s'accompagne presque toujours d'une forte polytoxicomanie et n'est certes pas faite pour améliorer l'équilibre psychique de qui que ce soit. Elle peut aboutir à des épisodes psychotiques chez des personnes qui n'en avaient jamais fait et contribue toujours à dégrader l'état de ceux qui étaient déjà malades.

    Ensuite parce qu'un individu à la dangerosité avérée ne devrait pas traîner dans les rues, quand bien même il ne serait pas responsable de ses actes. La tranquillité publique est un état objectif. Lorsqu'elle est troublée, il importe peu de savoir si elle l'est volontairement ou involontairement : elle doit être rétablie en enlevant des rues les fauteurs de troubles.

    Que cela soit pour le protéger de lui-même ou pour protéger les autres de lui, un individu comme l'agresseur présumé de Bordeaux devrait donc être pris en charge de manière coercitive, soit par la justice soit par les services de santé. Il est bien évident que le «traitement» ne sera pas le même aux mains de la justice et aux mains de la médecine. Mais il devrait être coercitif. Nous y répugnons pourtant, par une compassion dévoyée qui est la source de beaucoup de maux.

    «La clémence n'en est pas qui souvent prétend l'être. Le pardon chaque fois nouveau malheur fait naître.» (Shakespeare, Mesure pour mesure, Acte II scène 1).

    Laurent Lemasson (Figaro Vox, 21 juin 2023)

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  • Feu sur la désinformation... (63)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés, consacrée au décryptage des médias et dirigée par Hervé en présence de Michel Geoffroy.

    Au sommaire :

    • 3 : Tweets d’I-Média.
    • 4 : Le bobard de la semaine.

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  • Les snipers de la semaine... (44)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur le site du quotidien Le MondeEvgeny Morozov dézingue l'idéalisme de pacotille des créateurs de Facebook...

    Immature idéologie de la transparence

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    - sur Marianne, Renaud Chenu rafale sur l'idéologie lacrymale de la compassion et du culte des victimes...

    Le grand retour de la martyrologie

     

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  • Sarkozy, l'individu patchwork

    Nous publions ici un extrait de l'entretien donné par le sociologue et philosophe Jean-Pierre Le Goff, auteur de La France morcelée (Folio Gallimard, 2008), au site Les influences - Des idées et des hommes, et consacré au président de la République.

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    "Qu’est ce qui vous frappe le plus dans la présidence Sarkozy ?

    Son discours politique qui s’aligne sur la logique d’émotion, de compassion et de spectacle des grands médias audiovisuels. Ce président se place au centre de l’arène médiatique, diffusant ses messages tout azimuts, et notamment les appels de soutien en faveur des victimes les plus diverses. Il ne l’a pas inventé mais il l’affirme : la compassion contribue à la structuration de la politique, parce que la société, elle, a sécrété un goût certain pour la victimisation. Etre une victime est désormais un élément important pour exister socialement, obtenir des subventions ou des réparations, être reconnu médiatiquement. Depuis la fin des années 1970, l’Etat a de plus en plus de mal à remplir la demande sociale, et préfère surfer sur une vague de plus en plus compassionnelle. Durant la campagne présidentielle, Sarkozy et Royal ont complètement joué de la compassion jusqu’à la surenchère de la larme à l’œil, mélangeant un christianisme plus ou moins sincère avec le sentiment de l’instant. La compassion est devenue un exercice de style du pouvoir.

    [...]

    Nicolas Sarkozy est d’abord en rupture avec l’héritage gaulliste ?

    Dans son style présidentiel en effet, il est sûrement plus proche d’un Giscard d’Estaing. Qui lui même était proche de l’héritage de Mai 68. Son gaullisme est ornemental. Il ne s’agit pas d’affirmer ici que Nicolas Sarkozy n’est pas sincère, mais lorsqu’il lit la lettre très émouvante de Guy Môquet, il est uniquement sur le registre de l’émotion et des sentiments, et dans une dépolitisation totale. En fait, tout comme Ségolène Royal, il fait partie d’une génération qui s’est formée et a fait son apprentissage politique dans les années 70-80, et vit avec la parité, la pipolisation, la recomposition familiale mais aussi le big bang audiovisuel, le culte de l’ego et l’emprise des émotions. Une autre évolution de la société les a marqués : la société s’est déconnectée de l’histoire et d’une vision historique, se laissant submerger par une montée de l’individualisme liée à l’exigence de bonheur. Nous sommes entrés dans une ère de grande sensibilité thérapeutique, d’où la prolifération des victimes. Royal et Sarkozy se retrouvent tout à fait dans ce que Castoriadis appelait « l’individu patchorwk », c’est-à-dire un éclectisme culturel.
    Pour Sarkozy, l’homme politique qui lui est bien plus proche que De Gaulle ou Bonaparte, s’appelle Bernard Tapie, le manager triomphant des années 80. Mais si vous me dites Sarkozy, est-ce la franche rupture politique ? Je vous réponds en aucun cas. Il incarne plutôt la fin d’un cycle politique vécu depuis une cinquantaine d’années, qu’un renouveau. Tout comme avec ses prédécesseurs, nous sommes dans une fuite existentielle, un présent flottant désarticulé du passé, déconnecté du futur. Le Président Sarkozy accélère le mouvement, court, sue, prend de l’avance, tendu mais vers quoi ? Ce qui me parait le plus spectaculaire est le point limite d’une évolution démocratique. Par rapport au gaullisme, le sarkozysme ne connaît pas de transcendance, ne discerne pas l’avenir. Il se place dans une position consumériste et immédiate, contrairement à Mitterrand et Chirac qui nous avaient au moins habitués à la distance. Toute la question est de savoir à quoi sert un Etat ? Jusqu’alors, un Etat semblait nécessaire à la société pour se penser comme une société, et non pas répondre à la moindre demande à la minute."

    Les influences (1er novembre 2010, propos recueillis par Emmanuel Lemieux)

     

    Il est possible de lire l'entretien complet d'Emmanuel Lemieux avec Jean-Pierre Le Goff sur le site Les influences.

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