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  • L’Azerbaïdjan a-t-il engagé une guerre hybride contre la France ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné au site de la revue Éléments par Tigrane Yégavian et consacré à l'entreprise de guerre hybride menée par l'Azebaïdjan contre la France. Chercheur au Centre français de recherche sur le renseignement, spécialiste de l’Arménie ainsi que des mondes turc et arabe, Tigrane Yégavian a récemment publié Géopolitique de l’Arménie (Bibliomonde, 2023).

     

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    « L’Azerbaïdjan a engagé une guerre hybride contre la France »

    Éléments : Le gouvernement et les médias français dénoncent les ingérences de l’Azerbaïdjan en Nouvelle -Calédonie. Via des usines à trolls, Bakou diffuserait de fausses nouvelles ayant aggravé le climat insurrectionnel local. Pourquoi Bakou voudrait-il affaiblir Paris ?

    Tigrane Yégavian. Rien ne va plus entre Paris et Bakou depuis la guerre des 44 jours (automne 2020) et la disparition du Groupe de Minsk. Jusqu’à alors, la France, en sa qualité de co-présidente, était tenue à une neutralité absolue. Depuis novembre 2020, les relations franco-azerbaidjanaises se sont considérablement dégradées, à mesure que Paris a accru son soutien politique, diplomatique et bientôt militaire à Erevan. Paris justifie son soutien à la défense de l’Arménie en référence à l’occupation par l’Azerbaïdjan de près de 200 km² de territoires souverains de la République d’Arménie. Or, Bakou crie à l’hypocrisie car Paris n’a jamais dénoncé les quatre résolutions de l’ONU qu’elle avait votées en 1993 soutenant la souveraineté azerbaïdjanaise sur l’ensemble de l’oblast du Haut-Karabagh et des districts l’entourant.  L’évolution de la position française a suffi à susciter l’ire du régime des Aliyev qui, depuis, a engagé une guerre hybride contre la France.

    Éléments : Quelles formes ce conflit prend-il ?

    Tigrane Yégavian. Cette conflictualité d’un type nouveau s’exprime par la création de faux comptes sur les réseaux sociaux (X, Facebook, etc.) destinés à distiller des fake news contre la France notamment. L’objectif est clair, il s’agit déstabiliser Paris à la veille des Jeux olympiques.

    Dès le 15 mai 2024, VIGINUM, le service technique et opérationnel de l’État français, chargé de la vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères, a détecté la publication d’un premier visuel présentant, d’un côté, un homme armé d’une carabine à verrou en position de tir et, de l’autre, un manifestant kanak décédé. Sur ce montage photo, on lit en langue française ou anglaise : « La police française est meurtrière. Les meurtres des Algériens continuent… » Reprise à l’identique dans les publications servant de support au visuel, cette phrase s’accompagne de la suite de hashtags suivante : « #RecognizeNewCaledonia #EndFrenchColonialism #FrenchColonialism #BoycottParis2024 #Paris2024 ».

    L’Azerbaïdjan a aussi été accusé, en décembre 2023, d’avoir envoyé des journalistes « connues pour leur proximité avec les services de renseignement azerbaïdjanais » pour suivre le déplacement en Nouvelle-Calédonie du ministre français des Armées, Sébastien Lecornu. Leur objectif : « Écrire des articles avec un angle anti-France », assure Europe 1, qui a révélé l’affaire.

    Par ailleurs, en avril dernier, un mémorandum de coopération a été signé entre le Congrès de Nouvelle-Calédonie et l’Assemblée nationale de l’Azerbaïdjan, suscitant des protestations dans les rangs loyalistes calédoniens. Objectif du parlement de Bakou : sensibiliser la communauté internationale sur le droit du peuple de la Nouvelle-Calédonie à l’autodétermination.

    Éléments : La Nouvelle-Calédonie ne semble pas être l’unique terrain de jeu ultramarin de Bakou. La députée (LIOT) de Mayotte Estelle Youssoufa accuse l’Azerbaïdjan d’exciter des sentiments antifrançais sur l’île et dans l’ensemble des outremers qui seraient notre « maillon faible ». Disposez-vous d’éléments étayant cette thèse ?

    Tigrane Yégavian. Absolument. En juillet 2023, le Groupe d’initiative de Bakou (GIB) a été fondé en marge d’un sommet des pays non-alignés, dont l’Azerbaïdjan était le chef de file. Le GIB organise des conférences en ligne avec les séparatistes ultramarins, couvrant les frais des déplacements de leurs représentants qui font le voyage à Bakou. En novembre dernier, à la réunion du GIB, le président Ilham Aliev en personne avait prononcé un discours aux forts accents anticoloniaux lors duquel il a fait référence plus de 20 fois à la France. Il accueille même depuis octobre un groupe de soutien au peuple corse, qui a publié, début février, un communiqué pour dénoncer « la dictature macroniste ». Il faut dire que les militants ultramarins ne sont pas très regardants sur la nature du régime qui leur accorde son soutien. Par le passé, les Kanaks ont été aidés par la Libye du colonel Kadhafi. Tout appui est bon à prendre tant que ça peut donner un levier au niveau des forums multilatéraux. En cela, ces militants qui empochent les subsides de Bakou sont les idiots utiles de la dictature azerbaïdjanaise.

    Éléments : Certes, le régime d’Aliyev est une dictature. Mais au sein du fameux « Sud global », les standards occidentaux ne valent pas tripette. Tout à la fois allié de la Turquie, d’Israël et de la Russie, Bakou mène une stratégie diplomatiques tous azimuts. Y a-t-il une cohérence derrière son réseau d’alliances ?

    Tigrane Yégavian. L’Azerbaïdjan pratique une politique étrangère de multi-alignement semblable à celle de l’Inde dans la mesure où ce pays n’appartient à aucune alliance régionale tout en engrangeant des bénéfices colossaux. En sa qualité de partenaire géostratégique d’Ankara, Bakou est de fait une annexe de l’Otan. Ce qui ne l’empêche pas de se procurer les bonnes grâces de la Russie de Poutine avec qui Aliyev a scellé un partenariat stratégique à la veille de l’invasion de l’Ukraine. Ainsi, l’Azerbaïdjan est devenu une voie majeure de contournement des sanctions internationales contre la Russie dans la mesure où le pétrole et le gaz azerbaidjanais que l’Europe achète au prix fort est en réalité en grande partie… d’origine russe. Enfin, l’Azerbaïdjan sert de proxy à Israël contre l’Iran ce qui explique la tension avec Téhéran et la poursuite des livraisons d’armements à haute valeur ajoutée par les Israéliens à leurs partenaires azerbaidjanais en échange de pétrole – Bakou fournit environ un tiers de la consommation israélienne…

    Éléments : Le grand producteur d’hydrocarbures qu’est l’Azerbaïdjan tient-il l’Europe par ses besoins énergétiques ?

    Tigrane Yégavian. Non. On estime à moins de 4 % la consommation européenne des hydrocarbures azerbaidjanaises, ce qui est sensiblement moins que l’Algérie et la Norvège. Bizarrement, l’Union européenne a la naïveté de croire que les Azerbaidjanais sont disposés à rejoindre l’axe euro-atlantique via la Turquie et à se débarrasser de la présence russe dans leur arrière-cour caucasienne. C’est un mauvais calcul qui sous-estime la proximité des liens qui unissent la famille Aliyev aux arcanes du Kremlin depuis la fin des années 1960. Il faut croire que la diplomatie du caviar demeure une force de frappe redoutable pour acheter de l’influence. Sinon, comment expliquer l’alignement de l’Unesco à Bakou alors que l’on attend l’envoi d’une mission chargée d’enquêter sur l’état du patrimoine plurimillénaire arménien grandement menacé, si ce n’est déjà partiellement détruit ? Et comment expliquer que l’Azerbaïdjan, un des pays les plus pollueurs de l’Eurasie accueille, toute honte bue, la COP 29 en novembre prochain ?

    Éléments : En fin de compte, trois ans et demi après sa victoire dans le Haut-Karabakh, quels sont les objectifs militaires et politiques de Bakou ?

    Tigrane Yégavian. Après avoir procédé au nettoyage ethnique du Haut-Karabagh en septembre dernier, l’Azerbaïdjan poursuit une guerre de basse intensité contre l’Arménie. Bakou pratique la stratégie du salami en grignotant des portions de territoires arméniens souverains, 250 km² du territoire national étant à ce jour sous occupation azerbaidjanaise. Ainsi, le projet de Bakou vise-t-il à conclure une paix d’humiliation à l’Arménie en la forçant à céder sur plusieurs points :

    • Un corridor extraterritorial dans le sud ultrastratégique pour avoir une liaison terrestre avec la Turquie via l’exclave du Nakhitchevan ;

    • De nouvelles concessions territoriales dans le sud et l’est du pays ;

    • Le renoncement définitif à toute autonomie pour les Arméniens du Haut-Karabagh.

    Bref, à long terme, l’Azerbaïdjan tente de dévitaliser l’Arménie pour le pousser à ne plus être un Etat-nation viable, sur le plan démographique, économique et régalien.

    Alors que Bakou et Erevan ont amorcé un processus de délimitation du millier de kilomètres de frontière commune, se développe un mouvement de contestation populaire amorcé par le primat du diocèse de la région du Tavush où des positions et des villages stratégiques doivent être cédés à l’Azerbaïdjan. De son côté, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian, qui s’est considérablement rapproché des Occidentaux, crie à la manipulation par la Russie et les partisans de l’ancien régime honni.

    Tigrane Yégavian, propos recueillis par (Site de la revue Éléments, 21 mai 2024)

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  • Nagorny-Karabakh : l’union européenne fait le service minimum...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Claude Rolinat, cueilli sur Eurolibertés et consacré à l'assaut de l'Azerbaïdjan contre la République d’Artsakh. Journaliste, Jean-Claude Rolinat a rédigé les biographies du général Peron (Argentine), du maréchal Mannerheim" (Finlande) et de Ian Smith (Rhodésie), et publié plusieurs ouvrages consacrés à l’histoire contemporaine dont, dernièrement, le Dictionnaire des États éphémères ou disparus de 1900 à nos jours (Dualpha, 2020).

     

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    Nagorny-Karabakh : l’union européenne fait le service minimum

    « Pour l’Azerbaïdjan, le Karabakh est un problème d’amour-propre, pour les Arméniens, c’est une question de vie ou de mort » (Andrei Sakharov, en 1989). 

    Depuis la chute de l’URSS en décembre 1991, et les mauvais partages territoriaux issus de la défunte Union soviétique, toutes les Républiques au début de la période post-communiste, ont connu des tentatives sécessionnistes plus ou moins réussies. En Fédération de Russie même, c’est le Tatarstan et surtout la Tchétchénie qui « ont bougé les oreilles ». Si la première est rentrée dans le rang pacifiquement, il aura fallu deux guerres pour « normaliser » la seconde. Et encore, Poutine a-t-il dû concéder une très grande autonomie au « roitelet » local, Ramzan Kadyrov, que l’on dit au plus mal.

    La Géorgie a récupéré l’Adjarie, qui partait du côté de la Turquie. Mais elle peut faire son deuil, pour l’instant, de l’Ossétie du Sud qui regarde du côté de ses frères séparés du nord, et de l’Abkhazie, deux entités administratives qui se sont proclamées « Etats indépendants ». En fait, ces deux derniers territoires dépendent beaucoup de la Russie pour leur survie, comme la Transnistrie russophone, qui s’est séparée de la Moldavie, alors que cette dernière fut, un temps, tentée de rejoindre la « Mère patrie » roumaine dont elle a été séparée, suite à la deuxième Guerre mondiale. La Moldavie a réglé pacifiquement les revendications irrédentistes de sa minorité Gagaouze – des Turcs christianisés – en lui accordant une large autonomie.

    Un héritage frontalier qui ne passe pas

    L’Ukraine nous offre, avec cette stupide guerre entre deux peuples frères slaves, le triste spectacle d’une profonde querelle de frontières. S‘il est indubitable que la Crimée est majoritairement peuplée de Russes qui ont exprimé leur volonté d’être rattachés à Moscou, la ligne est moins claire dans le Donbass. Justement, les accords de Minsk – non respectés par les Ukrainiens soutenus par les Occidentaux – devaient régler pacifiquement le sort de ces provinces riches en minerais et aux populations mêlées. On attend toujours le référendum d’autodétermination initialement prévu, et on connait la suite qui a été donnée. Angela Merkel s’est même vantée d’avoir parrainé avec Macron, les accords de Minsk pour permettre à la clique de Zelinsky de gagner du temps !…

    L’Azerbaïdjan et l’Arménie, n’ont pas échappé au conflit territorial

    Théoriquement, les États issus de l’URSS devaient garder les frontières identiques à celles qu’ils avaient en son sein. C’est le dogme de « l’intangibilité des frontières » que le droit international prescrivait, comme si ces dernières étaient des « vaches sacrées » ! C’était faire table rase des velléités de peuples à se défaire du carcan stalinien. Ce dernier tyran, pour maintenir un semblant de cohésion dans son vaste Etat multinational, avait appliqué à la lettre la maxime de « diviser pour régner ».

    C’est ainsi que des Arméniens – ceux, justement du Nagorny-Karabakh enclavés en Azerbaïdjan – s’étaient retrouvés « prisonniers » d’un pays musulman, alors que les Azéris de même confession mahométane au sein du Nakitchévan, étaient séparés de leur capitale, Bakou, encastrés eux aussi, dans un territoire étranger, en l’occurrence arménien, jouxtant l’Iran.

    « Pour arranger les choses » si je puis dire, il n’est pas inutile de rappeler que les Arméniens constituent un vieux peuple de religion chrétienne dont l’identité remonte à l’aube des temps, que les Azéris sont sunnites – comme une majorité de Turcs qui les soutiennent –alors que l’Iran est chiite ! Ce démarquage religieux explique en partie, mais pas seulement, le fond du conflit et les jeux d’alliances.

    L’Artsakh proclame son indépendance

    Le 2 septembre 1991, quelques mois avant l’éclatement de l’URSS, le Nagorny-Karabakh proclamait sa souveraineté sous le nom de « République d’Artsakh » (RHK), un nom remontant au Moyen Âge. Le 10 décembre suivant, 99,89% des électeurs se prononçaient en faveur de l’indépendance totale. Aussitôt, la guerre éclatait entre les Azéris et les Arméniens. On assistait, comme en Inde en 1947, à des pogroms et à un vaste transfert de populations. Une petite nation forte de 150 000 âmes s’étalant sur environ 7000 km², arborait son nouveau drapeau aux couleurs arméniennes, rouge, bleu et orange. Pas plus le gouvernement d’Erevan que celui d’aucun autre État, ne reconnaissaient cette RHK, un « État de facto. »

    Si, dans un premier temps, l’armée azérie était bousculée par les troupes régulières de l’Arménie et celles de l’Artsakh, le président Aliev allait prendre sa revanche à l’automne 2020, massivement aidé par la Turquie – usant et abusant de drones et de mercenaires syriens – et, étrangement, par Israël.

    (Sans doute trop content d’avoir un pays musulman reconnaissant son État, et supportant mal, peut-être, la concurrence mémorielle du peuple arménien, victime, lui, aussi, d’un génocide).

    La superficie du Haut Karabakh se réduisait comme peau de chagrin, la population fuyant les territoires conquis par l’ennemi. De 160 000 habitants, les effectifs étaient réduits à 120/140 000 Arméniens. Le pire allait arriver en ce mois de septembre 2023.

    La Russie, empêtrée dans le conflit ukrainien, oublie ses devoirs

    La Russie était l’arbitre. Un contingent de 2000 à 2500 de ses soldats devait jouer le rôle des « casques bleus » aux limites des zones de combat. Un étroit corridor, celui de Latchin, reliait l’Arménie proprement dîte, à l’enclave. Ce modeste et bien fragile cordon ombilical a été coupé lors de la dernière, brève et violente offensive azérie. La Fédération de Russie, préoccupée par son offensive en Ukraine, a « oublié » son alliée arménienne. Pire, le premier ministre arménien Nikol Pachinian, n’a pas envoyé d’aide à ses frères séparés d’Artsakh, contrairement aux deux guerres précédentes. Il s’est dit, toutefois, prêt à accueillir 40 000 réfugiés.

    Pour ces derniers, comme les Pieds Noirs et les Harkis en Algérie, c’est « La valise ou le cercueil » ! Ilham Aliev, le dictateur azéri, a beau dire que son objectif est une « réintégration pacifique des Arméniens », et « une normalisation des relations avec Erevan », le bilan catastrophique de ces derniers jours de combats – 200 tués et 400 blessés selon les autorités de Stépanakert, la petite capitale  de l’Artshak – n’est pas de bonne augure. Que peuvent espérer ces milliers d’Arméniens affamés, sans médicaments ou presque, dont certains lieux de culte ont déjà été saccagés, alors que les négociateurs de l’Azerbaïdjan, rencontrant les leurs à Yevlakh, à l’ouest de Bakou, exigent purement et simplement une restitution des armes et une reddition sans conditions ?

    L’Europe, aux abonnés absents ?

    L’institution bruxelloise, par l’intermédiaire de Charles Michel, son président – à quoi sert-il ? – et Ursula Von der Layen, présidente de la Commission, se sont bien « fendus » d’un communiqué, comme le Quai d’Orsay d’ailleurs, mais à quoi cela sert-il, si c’est pour acheter gaz et pétrole au sieur Aliev, qui finance avec ces énergies sa guerre d’extermination des Arméniens, sous l’œil bienveillant d’Ergogan ? Il est vrai que, contrairement à l’Azerbaïdjan, l’Arménie n’a pas un sous-sol très riche et que, par conséquent, elle n’offre pas les mêmes conditions satisfaisantes pour investir.

    Un pervers jeu d’alliances

    Le sort de l’Arménie se joue en ce moment. La diaspora est, certes, mobilisée. Mais cela suffira-t-il ? Ces gens-là peuvent être très courageux, il n’empêche que sous le nombre et la modernité des armements qui leur font face, ils peuvent succomber. C’est ce qui vient d’arriver à l’enclave. Sera-ce le sort de l’Arménie toute entière demain ? Pachinian a fait un pas de deux en acceptant des manœuvres militaires conjointes avec les États-Unis, ce qui, en pleine guerre d’Ukraine, n’arrange pas ses affaires avec Moscou ! Erreur diplomatique ou tentative de réalignement ? Pour cette capitale, le front arménien était un front secondaire.

    Demain, la Turquie exigera peut-être une continuité territoriale avec l’Azerbaïdjan, via l’enclave azérie du Nakhitchevan, et une bande à la frontière irano/arménienne. Continuité du monde turcophone, de l’espace ottoman ? La Géorgie, bien que chrétienne, n’est pas très favorable à l’Arménie, pays particulièrement enclavé et, compte-tenu qu’elle considère Moscou comme un envahisseur, en occupant l’Ossétie du sud et l’Abkhazie, elle frappe à la porte de l’OTAN, tout comme l’Ukraine. Seul l’Iran des Ayatollahs, adversaire du monde sunnite et… du monde occidental – dont Israël ! -, pourrait, paradoxalement, offrir un poumon à Erevan, capitale de l’un des plus vieux royaumes chrétiens !

    Des milliards pour l’Ukraine, et rien pour l’Arménie ?

    Pour des raisons historiques, pour des raisons morales, nous devons être aux côtés de l’Arménie…

    Si nos contrées réputées riches déversent des milliards pour permettre au gouvernement de Zelinsky d’ajouter « de la guerre à la guerre », n’y en aurait-il pas quelques-uns, à offrir à l’Arménie pour la sortir du pétrin ?

    Jean-Claude Rolinat (Eurolibertés, 7 octobre 2023)

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  • La liberté qui se joue en Ukraine n’est pas celle que nous croyons...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Laurent Leylekian, cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à la la guerre russo-ukrainienne... Analyste politique et spécialiste des questions aérospatiales, Laurent Leylekian collabore à la revue Conflits.

     

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    Cimetière militaire arménien

     

    La liberté qui se joue en Ukraine n’est pas celle que nous croyons

    Les situations de crise ne sont guère propices à l’exercice du discernement. C’est encore plus vrai des périodes de conflit où – pourtant – cette faculté s’avère plus nécessaire que jamais. Les émotions bien légitimes que suscitent les horreurs de la guerre et les effets surajoutés de la propagande polarisent plus que jamais les sociétés, et les intelligences sont rapidement sommées de « choisir leur camp » qui, quel qu’il soit, est pourtant rarement celui de l’intelligence.

    L’agression russe de l’Ukraine n’échappe pas à la règle et rester fidèle à soi-même est plus que jamais considéré comme une trahison pour tous ceux – et ils sont nombreux – qui veulent nous voir embrasser leur foi. Le dilemme est pourtant de taille pour les authentiques partisans de la liberté.

    Passons rapidement sur l’apologie facile et captieuse de Vladimir Poutine. Certes, il est vrai que c’est l’Ukraine de Porochenko, puis de Zelensky qui, la première, n’a pas respecté les engagements pris lors des accords de Minsk I, puis de Minsk II, sur l’autonomie relative des provinces orientales et russophones du pays. Certes, l’OTAN a bien joué un rôle pervers et déstabilisateur en faisant implicitement miroiter une promesse d’adhésion à l’Ukraine sans jamais la lui offrir explicitement. Certes, les démocraties occidentales en général et l’Union européenne en particulier se sont conduites de manière inavouable comme autant de pousse-au-crime en excitant – voire au besoin en créant de toutes pièces – un ressentiment antirusse qui n’est pas loin de constituer aujourd’hui l’essentiel de l’identité ukrainienne ; une identité qu’on aurait eu bien du mal à discerner de l’identité russe voici encore quarante ans. 

    Une indignation à géométrie variable

    Il n’en reste pas moins que les peuples sont censément libres de leur destin – surtout lorsqu’ils le subordonnent à la mise en œuvre préalable de mécanismes démocratiques – et que les Ukrainiens avaient bien le droit comme tant d’autres avant eux de décider de leur avenir en tant que nation indépendante. À cette aune, on peut cependant d’autant plus regretter le traitement indigne que le régime de Kiev imposait depuis 2014 à ses citoyens russophones qu’il ne relevait précisément pas de ces fameux mécanismes démocratiques et qu’il a constitué le plus sûr chemin à l’intervention russe dont Kiev prétendait justement se départir.

    Mais la question que je veux évoquer n’est pas celle-là. Comme beaucoup le sentent confusément, ce qui est en jeu n’est pas tant la liberté de l’Ukraine que la nôtre, chaque jour un peu plus érodée. Si l’Ukraine n’était pas qu’un prétexte pour affaiblir la Russie, pourquoi ce silence sur l’Arménie ? pourquoi ce silence sur les Kurdes ? pourquoi ce silence sur le Yémen ? pourquoi ce silence sur tant d’autres vallées de larmes où la sérénité des criminels se nourrit de l’indifférence – non pas des occidentaux – mais ceux qui fabriquent leur opinion. La question vient alors immédiatement : pourquoi donc notre immense arsenal médiatique conspirerait-il jour et nuit comme il le fait à établir de manière surabondante les crimes de Vladimir Poutine ; et pas ceux d’Ilham Aliev ; et pas ceux de Recep Tayyip Erdoğan ; et pas ceux de Mohammed ben Salmane ?

    Pour paradoxal que cela apparaisse, la réponse est que Poutine et ce qu’il représente sont les meilleurs garants de nos libertés. J’insiste : de nos libertés à nous, Occidentaux, et non pas bien sûr de celles des Ukrainiens. Évidemment, Poutine est un salaud comme le sont les autres. Mais – pour reprendre l’aphorisme bien connu – les autres sont « nos salauds ». Ce que nos pouvoirs reprochent à Poutine n’est pas tant d’être un salaud que de ne pas être le leur.

    Un lecteur hâtif ou malintentionné pourrait penser que j’excipe de ces quelques vérités l’idée que la vie serait plus douce sous la férule russe. Certainement pas, faut-il le préciser ? Mais dans un monde où de grands blocs totalitaires s’affrontent, la liberté de l’Homme ne subsiste qu’aux franges, qu’aux marges, que dans ces zones de subduction que seul leur affrontement préserve de la solidification monolithique. Partout ailleurs, la pensée libre s’étiole que ce soit sous la botte impitoyable des tyrans orientaux où dans l’étouffoir intellectuel que sont devenues les démocraties occidentales.

    La liberté a besoin d’ un monde multipolaire

    Quelques prophètes – de Georges Bernanos à Jacques Ellul et de Pier Paolo Pasolini à Ivan Illich – l’avaient bien vu avec une prescience à faire frémir : servie par une technique sans cesse plus intrusive, une société au conformisme de termitière interdit chaque jour un peu plus toute dissidence. Là où les bons vieux totalitarismes devaient se contenter d’une adhésion de façade, le totalitarisme postmoderne a les moyens de ses ambitions, celui de surveiller, de rééduquer et de domestiquer les masses avec une finesse et une profondeur inouïes. Les ergoteurs qui prétendent que les démocraties garantissent le pluralisme là où les systèmes autoritaires imposent la voix de l’État sont des plaisantins : chacun utilise ses méthodes – voilà tout – et la variété « démocratique » des médias occidentaux ne constitue que le décorum flexible et protéiforme d’une domination qui ne l’est pas du tout.

    Dans un article récent et remarquable, Gabriel Martinez-Gros affirme que « la guerre en Ukraine est caractéristiques de ces résistances [contre les empires]. La Russie n’est pas l’empire qu’on décrit ici mais un État-nation. L’empire, c’est nous : l’Occident ». La première proposition sur la nature d’État-nation de la Russie est certainement contestable. La seconde sur l’empire et sa religion post-moderne que nous représentons l’est beaucoup moins. Cet empire a longtemps pu paraître bénin en raison de facteurs qui se nourrissaient mutuellement : l’existence d’une menace en termes de projet idéologique global concurrent – le communisme – et la relative modération des pratiques politiques d’un système libéral qui devait compter avec ce concurrent dont les appâts captieux séduisirent et séduisent encore pourtant tant de nos compatriotes.

    La disparition du communisme a conduit l’empire libéral à jeter le masque désormais inutile de la démocratie pour imposer de manière autoritaire – et avec une brutalité qui va en s’accroissant – ses dogmes religieux. S’il est de bon ton de dénoncer les démocraties illibérales, cela ne doit pas masquer que nous vivons désormais un libéralisme antidémocratique : ce libéralisme intégral – économique et sociétal, totalement débridé – ne se donne plus la peine de cacher la cupidité cynique et illimitée qui constitue son ressort psychologique et s’attache à détruire avec une violence décuplée les États-nations et ses institutions qu’il perçoit à juste titre comme les dernières digues capables de restreindre sa toute puissance.

    La stratégie de choc employée provoque un état de sidération au sein nos sociétés qui en sont les victimes, exactement comme un boxeur KO debout ne ressent même plus les nouveaux coups qui vont le mettre à terre. On ne compte plus les faits avérés qui – il y a dix ans encore – auraient jeté le peuple dans la rue et ne provoquent plus aujourd’hui qu’un haussement d’épaules fataliste : les preuves de la corruption d’Ursula Von der Leyen ? haussement d’épaules ; le prix de l’électricité nucléaire indexé sur celui des carburants fossiles ? haussement d’épaules ; la spoliation au nom du marché d’entreprises nationales telle EDF payées avec les impôts des Français ? haussement d’épaules ; l’assassinat quasi quotidien de Français par les troupes d’occupation de la « diversité » ? haussement d’épaules ; notre entrée progressive mais irrémédiable dans un statut de supplétifs cobelligérants de l’empire ? haussement d’épaules ; l’extraterritorialité du droit commercial américain et corrélativement l’exemption juridique par laquelle les États-Unis prétendent soustraire leurs citoyens aux lois des autres pays où ils résident ? haussement d’épaule, etc., etc. C’est bien pour cela que nous devons souhaiter le maintien permanent et même le renforcement de différents pôles de puissance à travers le monde même, et surtout, si plus rien ne les distingue dans leurs fondements. Car – hormis l’hypothèse improbable à court terme de leur effondrement – c’est bien de leur seule concurrence impériale et dans les seuls no man’s land de leurs affrontements que l’Homme libre et affranchi gardera encore à l’avenir une chance minime de subsister.

    Laurent Leylekian (Site de la revue Éléments, 6 décembre 2022)

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  • Tour d'horizon... (197)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur la Voie de l'épée, Michel Goya nous livre une analyse du conflit du Haut-Karabakh entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie...

    Les enseignements opérationnels de la guerre du Haut-Karabakh

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    - sur Persée, extrait de la revue des études slaves, un article de Marlène Laruelle consacré au penseur russe Lev Gumilev...

    Lev Nikolaevič Gumilev (1912-1992) : biologisme et eurasisme dans la pensée russe

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  • Tour d'horizon... (193)

    Désert des Tartares_Perrin.jpg

    Au sommaire cette semaine :

    - sur le site de la revue Conflits, Laurent Leylekian évoque la catastrophe arménienne comme préfiguration du devenir de l'Europe...

    La catastrophe arménienne comme précurseur de l’expérience européenne

    Arménie_Monastère.jpg

    - sur Thinkerview, Nicolas Meilhan et Philippe Bihouix nous offrent une approche critique des nouvelles technologies numériques...

    Le futur, entre 5G et Amish ?

    Amish_5g.jpg

     

     

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