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architecture

  • L'architecture face au tabou de l'ornementation...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de l'architecte Florent Auclair cueilli sur Figaro Vox et consacré au tabou de l'ornementation dans l'architecture contemporaine...

     

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    Le Los Angeles du film Blade runner

     

    Architecture : après avoir levé la tête de notre smartphone, a-t-on envie de contempler des écrans sur nos façades ?

    Depuis sa remise en question par l’architecte Adolf Loos en 1910 et son rejet par les Ciam (congrès international d’architecture moderne) quelques années plus tard, l’ornementation est devenue taboue en architecture. Les Trente Glorieuses ont définitivement acté la superficialité et la fin d’un langage pourtant intrinsèquement lié à l’architecture, qui fixe et raconte une époque. Voilà une dizaine d’années que, dans les nouveaux projets architecturaux, les mêmes ingrédients reviennent inlassablement : du bois, des arbres, des jardins d’hiver. C’est donc cela, l’empreinte de notre époque, celle de la révolution numérique, sur notre paysage bâti ?

    Il faut dire qu’après des années de frugalité ornementale, de normes énergétiques strictes et de contraintes budgétaires, les acteurs de la fabrique de la ville en auraient presque oublié ce qui fait, et fera, parler l’architecture : l’ornementation. Après une brève résurgence, frôlant le burlesque, durant le postmodernisme, une tentative de réhabilitation de l’ornement architectural eut lieu dans les années 1990-2000, avec l’essor du numérique dans les agences d’architecture. Un retour limité à la façade, basé principalement 
    sur des motifs géométriques, générés par ordinateur.

    Aujourd’hui, il suffit d’ouvrir un magazine d’architecture : la plupart des nouvelles façades sont blanches, dépourvues de toute trace d’ornement, hormis donc quelques jardins d’hiver ou plantations en toiture. La production architecturale commune s’appauvrit et raconte toujours 
    moins. Chacun y trouvera une justification : modestie, réduction des coûts, style mondialisé ou politesse envers un contexte urbain de plus en plus complexe. Or nous vivons une époque de bouleversements profonds pour la société, affectant l’architecture. La dématérialisation du monde et la numérisation exponentielle des relations humaines, des récits, des images, placent l’architecture – matérialisation ultime du monde – face à une concurrence féroce.

    L’ornementation ne se limite pas à une dimension esthétique, elle témoigne et raconte une époque, pour les contemporains et les générations futures.

    Désormais, la façade évolue à l’heure du tout-écran. Certains architectes, de Las Vegas à Paris, expérimentent la fusion entre bâtiment et écran. Là où, hier, on apprenait à lire une façade, aujourd’hui, elle devient écran géant, déversant ses images. Mais a-t-on réellement envie de s’immerger dans une « ville-écrans » après avoir réussi à lever la tête de son smartphone ? 
    Ces tentatives, un peu trop littérales, ne renouvellent pas la richesse des interactions possibles entre la ville et ses habitants, par le vecteur de l’ornement.

    Les promoteurs de la modernité fonctionnelle du début du XXe siècle – à la suite d’Adolf Loos, qui condamnait l’ornementation comme « moralement dégénérée » et contraire au «progrès» – ont pensé l’architecture moderne en réaction à l’ornement, support coûteux d’un langage et de significations. D’autres, plus habiles, ont su tirer parti des avancées technologiques de leur époque pour renouveler la place de l’ornementation dans l’architecture. C’est notamment le cas de Louis Sullivan, l’inventeur des gratte-ciel, qui a su concilier nouvelles techniques constructives et ornementation. Montrant ainsi qu’une architecture novatrice pouvait rester expressive.

    Aujourd’hui, nous vivons les révolutions de l’intelligence artificielle et de la réalité augmentée. Elles bouleverseront profondément notre rapport au monde, donc à la ville et à l’architecture. Nous allons peut-être voir, au cours des prochaines années, fleurir des façades évolutives générées par ChatGPT. Observer l’émergence d’espaces intérieurs réellement vides, mais pourtant bien aménagés dans votre Apple Vision . Il est même possible que nous vivions bientôt dans des logements construits par des imprimantes 3D béton, dont les plans seront dessinés par l’IA.

    Nous voyons combien il est crucial de se réapproprier l’ornement architectural, ce langage de la matière, cet acte de civilisation. D’autant plus si nous l’abordons avec une sensibilité contemporaine. Ainsi, l’architecture s’affirmera à nouveau comme un levier d’amélioration du cadre de vie, confortant son rôle d’« intérêt public », tel que défini par nos textes de loi. L’ornementation ne se limite pas à une dimension esthétique, elle témoigne et raconte une époque, pour les contemporains et les générations futures. Entre le style «urbanovernaculaire» – devenu tacitement obligatoire pour remporter un concours – et l’abandon du langage architectural à l’intelligence artificielle, nous devons collectivement recentrer, réinvestir et actualiser le récit que porte l’architecture, par l’ornementation.

    Florent Auclair (Figaro Vox, 3 avril 2025)

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  • Le Corbusier, un fascisme français ?...

    Les éditions Albin Michel publient cette semaine un essai de Xavier de Jarcy intitulé Le Corbusier, un fascisme français. Journaliste, Xavier de Jarcy écrit sur le design, le graphisme et l'architecture.

     

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    Le Corbusier, ce prodige du béton, ce poète de l'angle droit, si admiré encore aujourd'hui, mérite-t-il le qualificatif infamant de fasciste ?
    Pour le savoir, il faut remonter quelques décennies en arrière, en restant au plus près de ses nombreux écrits. Essayer de comprendre quelles idées l'animaient. Tenter de reconstituer ses réseaux de relations : le trouble docteur Winter, son ami et voisin ; l'étrange ingénieur François de Pierrefeu ; le sinistre chirurgien Alexis Carrel, qu'il admirait tant. Et il faut suivre enfin son parcours, qui le mène tout droit des rassemblements fascistes des années 1920 aux hôtels de Vichy, où il passe dix-huit mois entre 1940 et 1942.

    Il ne s'agit pas de juger, mais de connaître la part d'ombre d'un artiste visionnaire, qui n'exclut pas sa dimension solaire (car le fascisme n'empêche pas le talent, Marinetti ou Céline l'ont prouvé). Et de comprendre d'où vient un peu, ou peut-être beaucoup, de notre modernité.

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  • Il court, il court le Bauhaus...

    Les éditions Les belles Lettres viennent de publier un essai de Tom Wolfe intitulé Il court, il court le Bauhaus, consacré au style architectural que Walter Gropius et ses émules ont propagé à travers le monde. Journaliste et écrivain, Tom Wolfe est aussi un romancier qui s'inscrit dans la tradition balzacienne avec Le bûcher des vanités (1987), Embuscade à Fort Bragg (1997), Un homme, un vrai (1998) ou Moi, Charlotte Simmons (2004). 

     

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    "Mon premier est un gratte-ciel. Mon deuxième est un grand ensemble. Mon troisième est une banque, ou une école, ou un bureau de poste. Mon tout se trouve à New York, Sarcelles, Rotterdam ou la Défense.

    C'est…le style international, à qui nous devons cubes de béton, façades en verre fumé et ces intérieurs beige-noir-blanc cassé à quoi semble se réduire l'architecture moderne.

    Comment en est-on arrivé là ? Pour Tom Wolfe, tout commence en Allemagne, aux lendemains de la Première guerre mondiale, avec le Bauhaus, qui regroupe les jeunes Turcs de la nouvelle architecture sous la direction de Walter Gropius. Leur devise : anéantir l'architecture bourgeoise. Marxistes, ils rêvent de balayer les décombres de la vieille Europe décadente, baroque et néo-classique, pour y édifier un monde rigoureux et abstrait, célébrant les noces de l'Art et de la Technologie.
    Chassés par la montée du nazisme, ils se réfugient aux États-Unis. Et c'est alors que se produit le miracle : subjuguée, la classe dirigeante américaine confia à un groupe de théoriciens le soin de définir son art officiel. Entre-temps, Le Corbusier en France et le groupe de Stijl en Hollande occupaient le terrain, propageant des idées analogues qui, formant un nouvel académisme, devaient inspirer le travail de trois générations d'architectes, d’un bout à l’autre de la planète.

    Oui, il court, il court le Bauhaus. Et nul ne sait où s’arrêtera l’invasion de ce style international, abstrait et incolore.
    Parce que la beauté est inséparable d’un certain art de vivre, Tom Wolfe s’attaque avec une férocité tonique à cette nouvelle scolastique, dénonçant ses dévots, ses clercs et ses dieux."

     

     

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  • La beauté de l'imperfection...

    Les éditions Arléa viennent de publier Les Lieux et la poussière - Sur la beauté de l'imperfection, un essai de Roberto Peregalli, dans lequel il dénonce la laideur froide et sans défaut de l'habitat moderne. Architecte milanais, Roberto Peregalli a suivi des études de philosophie et a été influencé par sa lecture d'Heidegger. Il est  déjà l'auteur d'un essai intitulé  La cuirasse brodée (Le Promeneur, 2009).

     

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    "Les Lieux et la poussière est un essai en douze chapitres sur la beauté et la fragilité. La beauté de notre monde périssable, la fragilité des choses et des vies, la nostalgie qui habite les objets etles lieux.

    Roberto Peregalli voit les façades des maisons comme des visages. Il regarde le blanc, le verre, ou la lumière des temples, descathédrales, de la pyramide du Louvre. Il dénonce l’effroi provoqué par le gigantisme et l’inadaptation de l’architecture moderne, la violence de la technologie. Il s’attarde sur le langage et la splendeur des ruines, de la patine et et de la pénombre. Il dénonce l’incurie de l’homme quant à son destin.

    Roberto Peregalli nous renvoie à notre condition de mortel. Il nous rappelle combien tout est fragile dans notre être et notre façon d’être. Combien tout est poussière. Combien nous oublions de prendre soin de nous dans notre rapport aux choses et au monde.

    Son texte a la force soudaine de ces objets qu’on retrouve un jour au fond d’un tiroir et qui disent de façon déchirante et immédiate tout ce que nous sommes, et que nous avons perdu.

    À la façon de Tanizaki, dans Éloge de l’ombre, il dévoile avec sensibilité et intelligence l’effondrement de valeurs qui sont les nôtres et qui méritent d’être en permanence repensées et préservées."

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