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aldous huxley

  • Le fétiche et la marchandise...

    Les éditions Bouquins viennent de publier un essai de Michel Onfray intitulé Le fétiche et la marchandise.

    Philosophe populaire, polémiste, tenant d'un socialisme libertaire, Michel Onfray a publié de nombreux ouvrages, dont dernièrement sa trilogie  Cosmos (Flammarion, 2015), Décadence (Flammarion, 2017) et Sagesse (Flammarion, 2019), Théorie de la dictature (Robert Laffont, 2019), La nef des fous - Des nouvelles du Bas-Empire (Bouquins, 2020), Anima (Albin Michel, 2023) ou, dernièrement, Autodafés - L'art de détruire les livres (J'ai lu, 2023).

     

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    " Dans son nouveau livre, Michel Onfray dénonce la marchandisation des corps et des esprits comme une nouvelle forme de totalitarisme.

    L'auteur se fonde sur les prédictions de George Orwell et d'Aldous Huxley dans leurs deux livres les plus célèbres, 1984 et Le Meilleur des mondes, deux romans d'anticipation dont il démontre toute l'actualité à la lumière des dérives de nos sociétés contemporaines. À la multiplicité des anciennes civilisations qui ont jalonné l'histoire de l'humanité s'est substituée la volonté d'instaurer un modèle unique, monolithique : " Ce qui se prépare, écrit-il, n'est pas la bigarrure de civilisations chatoyantes, mais le bloc gris d'un monde totalisant donc totalitaire. L'horizon indépassable se trouve être désormais l'État total, le gouvernement planétaire, l'Empire universel. " Un monde dans lequel, ajoute l'auteur, " tout s'avérera marchandise, où tout se louera, se vendra, s'achètera, se jettera, les corps, les cœurs, les âmes, les chairs, les comportements, les désirs, les plaisirs, les addictions, les volontés. Le transhumanisme travaille à ce projet sur la côte ouest des États-Unis, et c'est dans ce lieu du monde que le monde deviendra un. Huxley et Orwell semblent en avoir donné la feuille de route ".

    Michel Onfray dépasse la seule vision théorique de la nouvelle barbarie qui s'annonce en s'appuyant sur des exemples concrets et d'autant plus saisissants qu'ils sont délibérément ignorés par les médias comme un sujet tabou. Pour lui, " cet inhumanisme vétérinaire promu par le capitalisme ", notamment en matière d'eugénisme, est déjà à l'œuvre. Le déroulé de cet ouvrage, dont le plan est ci-joint, est suffisamment détaillé pour illustrer ce que le philosophe présente comme les étapes différentes et simultanées de la fin de l'humanisme au profit d'une déconstruction de l'homme délibérée. "

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  • Les mondes indésirables...

    Les éditions Vendémiaires publient cette semaine sous la plume de Jean-Pierre Andrevon une Anthologie des dystopies. Jean-Pierre Andrevon est auteur de romans de science-fiction et critique cinématographique.

     

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    " Dictatures totalitaires, règne des écrans, apocalypses nucléaires, rébellion des machines, catastrophes climatiques, famines poussant à l’anthropophagie, abrutissement des masses par le consumérisme ou par le jeu, eugénisme, clonage… Depuis plus de cent ans, la dystopie s’est montrée d’une inventivité fascinante dans l’imagination de futurs malheureux. Grimaçante antinomie de l’utopie, le genre a obtenu ses lettres de noblesse avec des classiques reconnus comme Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley ou Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, avant de conquérir l’espace littéraire, cinématographique et télévisuel. Car nul mieux que lui n’a su dévoiler et exacerber les angoisses de notre présent face aux bouleversements de la modernité. Tous les dilemmes que pose l’intelligence artificielle n’ont-ils pas déjà été anticipés par Philip K. Dick et Blade Runner (Ridley Scott) ? Ceux soulevés par la vidéosurveillance et le fichage des citoyens par 1984 de George Orwell et Black Mirror ? Quant à la série des Mad Max de George Miller, n’annonce-t-elle pas les risques que fait courir à notre société une pénurie des énergies fossiles ?
    Cette anthologie sans équivalent s’attache à couvrir toutes les facettes de ce genre protéiforme et omniprésent. Sous la plume alerte de l’écrivain de science-fiction qu’est Jean-Pierre Andrevon, ce sont des centaines de futurs potentiels qui se révèlent, au travers d’œuvres incontournables ou méconnues. Autant de récits qui interrogent les frontières morales et politiques de l’humanité et son rapport aux limites environnementales de notre planète. "

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  • Haine à gauche, mépris à droite...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque la traque des "discours de haine" comme prétexte à la limitation de la liberté d'expression . Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : « La haine existe, surtout à gauche ! La droite, elle, préfère mépriser… »

    « Provocation à la haine », « propos haineux », « haine de l’autre », et maintenant « crimes de haine ». Le mot de « haine », à force d’être accommodé à toutes les sauces, ne perdrait-il pas de sa substance, et par là même de sa force, sachant qu’il n’est pas anodin non plus ?

    La haine est un sentiment d’exécration, de détestation ou de violente aversion envers quelque chose ou quelqu’un, assorti éventuellement du souhait qu’il lui arrive du mal. Il faudrait ajouter qu’elle se nourrit de ressentiment et qu’elle n’est souvent que de l’amour déçu (de l’amour à la haine il n’y a qu’un pas), mais laissons cela pour l’instant.

    Aujourd’hui, on fait (à tort) de la haine un synonyme de la « phobie » et l’on prétend disqualifier n’importe quelle critique en la présentant comme un « discours de haine ». Ce procédé commode nous vient bien sûr des États-Unis (“hate speech”). Qui critique l’immigration, par exemple, est immédiatement présenté par les bien-pensants comme appelant à la haine contre les migrants. D’où l’on conclut que les paroles qui « incitent à la haine » sont responsables des actes qu’elles sont censées avoir inspirés. Tout cela est rigoureusement faux. L’interprétation d’une critique parfaitement légitime comme relevant de la « haine » traduit son caractère partisan. Quant à l’assimilation des paroles aux actes, elle ne repose que sur un sophisme et un procès d’intention. Quand Flaubert dit que « la haine du bourgeois est le commencement de la vertu », cela ne signifie pas qu’il aspire à faire disparaître qui que ce soit. De même, considérer que le mariage est une institution avant d’être un contrat, et qu’il associe donc des lignées et pas seulement des individus, n’appelle nullement l’homophobie !

    Ce sont souvent les mêmes qui, en 1995, ont célébré le film « La haine », de Mathieu Kassovitz, nominé aux Césars un an plus tard dans la catégorie du meilleur film, tout en appelant à crier leur « haine » du « parti de la haine », le Front national. Le serpent se mordrait-il la queue ?

    C’est qu’il y a différentes sortes de haine. Le point de vue qu’on défend n’est bien sûr jamais haineux, c’est le point de vue opposé qui est censé l’être ! Avoir de la haine pour la haine, c’est comme adopter le mot d’ordre : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». Il suffit de désigner quelque chose ou quelqu’un comme une figure du mal, pour que la haine devienne subitement très acceptable. Qui s’indignerait que l’on haïsse le nazisme ? Le Goulag ? L’esclavage ? Quand la doxa dominante nous parle des « jeunes qui ont la haine », cela signifie que leur patience est à bout et que nous sommes évidemment coupables de les avoir rendus furieux. Vieille méthode qui ne trompe personne. Dans un domaine voisin, ce sont aussi les mêmes médias qui se flattent de « décoder » les fake news qui ont avalisé tous les mensonges d’État et qui nous expliquent aujourd’hui qu’Éric Zemmour c’est Édouard Drumont, que Tariq Ramadan c’est Alfred Dreyfus, et que sainte Greta (Thunberg) c’est Jeanne d’Arc.

    Interdire les propos tenus pour « haineux », sur Internet ou ailleurs, par on ne sait trop qui d’ailleurs, n’est-ce pas tout simplement le moyen d’exercer une nouvelle censure tout en la parant des oripeaux de la vertu ?

    Il ne faut pas dire que la liberté d’expression est menacée dans notre pays. Elle n’est pas menacée, elle a disparu. La loi Avia, dite « loi de lutte contre la haine sur Internet », adoptée en juillet dernier à la quasi-unanimité des députés et droite et de gauche, l’a officiellement supprimée, en même temps qu’elle institutionnalisait la délation et déléguait au secteur privé la traque des « contenus haineux » et des idées mauvaises. La preuve en est que, comme autrefois en Union soviétique, il y a désormais des choses tout à fait normales et raisonnables que l’on ne dira jamais en public et que l’on ne confiera plus qu’à des amis sûrs dans des cénacles privés. Le gouvernement d’Emmanuel Macron ne se contente pas de procès politiques et de répression féroce des manifestations. Il a délégué aux GAFA la censure automatique sur Internet et sur des réseaux sociaux déjà dévastés par l’autoflicage. Cette censure diffère des autres. Elle relève d’une tentative de contrôle des pensées et d’un capitalisme de la surveillance qui traduit l’expérience humaine en données comportementales afin d’obtenir des informations qui sont ensuite revendues sur le marché des comportements futurs, réalisant ainsi d’un même mouvement les sombres prédictions de George Orwell et d’Aldous Huxley.

    Cela dit, la haine existe. Elle existe surtout à gauche, car la gauche aime haïr, tandis que la droite préfère mépriser. Elle existe, et c’est un sentiment que j’exècre. Personnellement, malgré des efforts méritoires, je ne suis jamais parvenu à haïr qui que ce soit (j’ignore si c’est une qualité ou un défaut). Je n’aime ni les dictatures ni les dictateurs, ni les épurateurs ni les bourreaux, ni les milices paramilitaires ni les escadrons de la mort. Je déteste hurler avec les loups ou m’associer aux lynchages médiatiques, qu’il s’agisse de Tariq Ramadan, de Jeffrey Epstein, de François de Rugy ou du Croquignol de Levallois-Perret. C’est comme cela. Mais la haine existe, et on ne la fera pas disparaître.

    Le grand problème, c’est que l’idéologie dominante, persuadée de la bonté naturelle du bipède, croit qu’à force de censures et de condamnations, on fera disparaître la haine, et aussi la méchanceté, la bêtise, la criminalité, la cupidité, le sexisme, les « discriminations », sans oublier la maladie et le mauvais temps. C’est une illusion dévastatrice. La haine est un sentiment. Un mauvais sentiment. Les sentiments ne relèvent pas de la justice pénale : un mauvais sentiment n’est pas un délit. Malraux disait qu’« appartenir à l’histoire, c’est appartenir à la haine ». La haine fait partie de la nature humaine. Il faut accepter la nature humaine, dans ce qu’elle a de meilleur et dans ce qu’elle a de pire. Les réseaux sociaux s’apparentent de plus en plus au tout-à-l’égoût. On y lit des monstruosités de bêtise, des himalayas d’intolérance, des jugements proprement tératologiques. Ce n’est pas en interdisant la libre expression des dilections et des détestations qu’on fera disparaître les sentiments qui les inspirent.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 2 octobre 2019)

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  • Les précurseurs de la décroissance...

    Les éditions du Passager clandestin viennent de publier Les précurseurs de la décroissance, une anthologie établie par Serge Latouche.

    Économiste et principal penseur français de la décroissance, Serge Latouche est l'auteur de nombreux essais importants comme La Mégamachine (La découverte, 1995), Le Pari de la décroissance (Fayard, 2006) et Sortir de la société de consommation (Les liens qui libèrent, 2010). Il a également publié Décoloniser l'imaginaire (Parangon, 2011), Chroniques d'un objecteur de croissance (Sang de la terre, 2012) ou Bon pour la casse (Les Liens qui Libèrent, 2012).

    Pour découvrir ses positions, on peut utilement consulter l'entretien qu'il avait donné à Arnaud Naudin, pour Novopress : « La décroissance n'a pas à se situer sur l'échiquier politique »

     

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    " Plus de 60 biographies pour se familiariser avec les origines de la décroissance. Des stoïciens et des cyniques à Huxley ou Orwell, en passant par Kropotkine, Giono, Ivan Illich, Nicholas Georgescu-Roegen, etc.

    L’étude des « précurseurs de la décroissance » prouve que la vision que recouvre ce slogan provocateur est ancienne, profonde et diversifiée, et que ce sont bel et bien la croissance et ses serviteurs zélés qui constituent une parenthèse dans l’histoire de l’humanité et de la pensée.

    L’économiste et anthropologue Serge Latouche, l’un des premiers et principaux théoriciens de la décroissance aujourd’hui, revient de manière claire et érudite sur les courants d’idées, les intellectuels et les activistes politiques qui ont influencé sa réflexion.

    La décroissance n’a pas la prétention de chercher à construire de toutes pièces une vision entièrement nouvelle de l’organisation de la vie sur terre. Elle vise plutôt à mettre en lumière ce qu’il peut y avoir de convergent entre des approches développées en tout temps, en tous lieux et dans tous les domaines, mais qui ont pour caractéristique commune d’avoir été ignorées ou discréditées a priori par les discours modernes de la productivité, de l’efficacité, de la croissance et du profit.

    La décroissance désigne en premier lieu la rupture avec l’occidentalisation du monde. Elle entraîne donc la réouverture de l’histoire au fond commun universel qu’on appelait traditionnellement « sagesse ». En revenant sur le stoïcisme, l’épicurisme, le cynisme, le taoïsme, le bouddhisme zen, les traditions indienne, africaine, amérindienne et bien d’autres, il s’agit d’abord, explique Latouche, de rappeler que l’humanité, par sa connaissance séculaire de l’homme et de ses passions, n’a pas attendu la démesure extrême de notre époque pour penser la mesure et les conditions de la vie bonne.

    Les précurseurs modernes, quant à eux, développent une critique de la croissance de l’intérieur. Celle-ci s’articule d’abord autour de la lutte contre les méfaits sociaux et politiques de la révolution industrielle, exprimée par des socialistes « utopiques » comme Morris, Fourier, Owen…, ou des anarchistes comme Proudhon, Bakounine, Kropotkine… Plus proches de nous, ceux qui, à partir des années 1950, ont vécu l’essor de la société de consommation, l’emprise croissante de la technique et l’aliénation productiviste ont été, dans une large mesure, les fondateurs de l’écologie politique : Ivan Illich, Cornelius Castoriadis, André Gorz, Jacques Ellul, Bernard Charbonneau, François Partant, Nicholas Georgescu-Roegen, etc. Enfin, l’ouvrage se penche sur toute une pléiade de quasi-contemporains moins connus (Murray Bookchin, Barry Commoner, Alex Langer…) ou auxquels on ne pense pas parce qu’ils étaient avant tout des écrivains (Léon Tolstoi, Jean Giono, Aldous Huxley ou René Barjavel…). "

     

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  • Les drogues douces et le Meilleur des mondes...

    Alors que le débat sur la dépénalisation de la consommation de cannabis fait rage, grâce à une habile campagne médiatique de mise en condition, nous reproduisons ci-dessous un texte de Claude Bourrinet publié par Voxnr, qui pose bien les données du problème...

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    Les drogues douces et le Meilleur des mondes

    Les récentes prises de position en faveur de la dépénalisation des drogues dites « douces », ou de leur légalisation, soit sous forme de proposition de loi, soit sous celle de déclarations individuelles, parfois au plus haut niveau, permettent de mettre en lumière les contradictions d’un système juridique qui, dans le fond, comme le rappelle Jean-Claude Michéa dans « L’empire du moindre mal » (Champs essais), a décrété qu’on pouvait se passer de la Vérité, du bien, de la Gloire et de l’Honneur, pour se rabattre pragmatiquement sur la logique du pur utilitarisme.

    Celui-ci revient en fait à l’enregistrement d’un simple rapport de force, puisque rien de transcendant, sinon la liberté elle-même, n’informe ou ne limite l’expression de la transgression permanente des normes. Les glissements sémantiques, idéologiques, peuvent aller très vite. Aussi voit-on les affirmations provocatrices d’un Cohn Bendit, au début des années 80, encore marquées du coin brûlant de mai 68, sur la libido et la légitimité du plaisir enfantin, avec ou sans la participation d’adultes, susciter maintenant gêne ou indignation quand, à l’époque, ce discours était tenu pour acceptable, ou comme non sujet à condamnation pénale. La société serait-elle devenue plus « morale » ? Il faudrait alors que l’adoption par des couples homosexuels, que l’on considérait jadis comme une aberration, au point qu’une telle hypothèse n’était même pas dicible, le fût devenue - ce qui est bien sûr le cas dans le discours de certains, avec éventuellement la reconnaissance de la prostitution comme métier à part entière, ou la constitution d’un service sexuel dû aux handicapés. Dans l’ordre du relatif, tout est possible (et même le jeu ironique des effets « domino » : le pédophile, au fond, n’est-il pas la victime collatérale de la survalorisation du « droit de l’enfant », si à la mode actuellement, et qui vise à saper sournoisement l’autorité de l’adulte ? Un jour, quand l’enfant éternel aura supplanté l’homme mûr, on s’avisera qu’on est tous égaux, et alors ce sera la revanche et le triomphe du pédophile !). Mais l’étonnant est qu’on puisse encore emprunter le ton moralisateur pour démolir la morale.

    On voit bien, du reste, que cette morale, qui constitue un obstacle au progrès indéfini des droits de la personne, s’inscrit dans une tradition qu’il s’agit d’abattre. Or, tout ce qui est stable demeure un danger pour le jeu fluctuant du marché. La seule et ultime raison de la gestion irraisonnée de l’homme est sa satisfaction personnelle, que l’on pare du slogan pompeux et prétentieux de « réalisation de soi », ce qui est, d’un point de vue philosophique, un casse-tête désespérant (qu’est-ce que « soi » ? quand pourrions-nous parler de « réalisation » ? et dans quelle mesure l’homme est-il sa propre mesure ?). Il n’est pas besoin, d’ailleurs, d’être grand philosophe, pour percevoir jusqu’où, jusqu’à quels délires, peut aller cette revendication d’autosatisfaction. Sade n’est pas loin, et dans ce cas comme en d’autres, l’argument qui met en avant la nocivité pour autrui de certaines pratiques , étant donné la plasticité et la relativité d’un tel concept, ne vaut pas grand-chose. Littéralement, on n’en sort pas. Car pourquoi, par exemple, ne pas prendre sérieusement en considération, sinon par des sondages préfabriqués par le matraquage, ou trafiqués, l’opinion de la majorité, ou du moins de certains courants religieux ou philosophiques, pour atténuer des revendications qu’on nous présente toujours comme légitimes, et pour ainsi dire avalisés par le cours de l’Histoire ? Au fond, le mariage homosexuel heurtera l’Eglise, une grande partie des Israélites et la majorité des Musulmans. Mais il est vrai que la doxa politiquement correcte considère la religion comme un legs nuisible du passé. De quel droit ?

    Uniquement parce qu’elle est du passé et prétend à la vérité. L’ultima ratio du système est le présent informe. Une réforme ne se justifie que par son actualité. Elle appartient au monde de maintenant, elle est « moderne ». Mais qui est légitime pour affirmer cela ? Nous avons là, comme dans les cultes à mystère, l’absolue absence de réponse rationnelle.

    Cela ne va pas sans contradiction, et des légitimités s’entre choquent. Prenons par exemple l’un des chevaux de bataille des Verts rejoints par les socialistes, la revendication de la légalisation des drogues dites « douces » (et qui ne le sont pas). L’argument est d’abord pratique : il s’agit d’empêcher les circuits illégaux et parallèles, qui enrichissent la mafia et nourrissent une partie de la banlieue (cette dernière réalité étant, faut-il le dire, prise en compte cyniquement par l’Etat, ce qui explique l’absence de moyens radicaux pour mettre fin au trafic). Parallèlement, il est indispensable d’éviter, tant que faire se peut (le fameux « moindre mal »), les risques encourus par les consommateurs livrés à des produits douteux, car « impurs ».

    On notera au passage l’argument qui consisterait à créer un marché légal des hallucinogènes. La gauche se révèle au grand jour dans cette circonstance. Finalement, elle se fait la championne du marché (certes, légal !). Cela ne va pas sans tartufferie : qu’est-ce qui fait dire en effet que de l’ « herbe », même non trafiquée, serait sans nocivité pour la santé ? Ne faut-il pas, du reste, fumer, pour consommer ces drogues ? Le tabac n’est-il donc plus nuisible ? Et le mineurs n’ont-ils pas « droit » aussi à ces drogues, donc au tabac, qui leur est interdit ? Et quand celui-ci sera définitivement prohibé (ce qui arrivera), que faire ? Manger, comme au 19e siècle, le haschisch ? Et comment pourra-t-on éviter la persistance d’un marché noir de drogues « dures » ? Faut-il aussi légaliser celles-ci ? C’est ce qui, logiquement, devrait s’ensuivre…

    Mais outre ces apories, il faut saisir ce en quoi ces positions sont suprêmement idéologiques (ce qui permet de souligner combien le système libéral, qui voudrait nous délivrer de la tyrannie des systèmes d’opinions, nous y ramène infailliblement). Ainsi, comment expliquer que, comme pour le mariage homosexuels, qui n’émeut qu’une frange minoritaires de bobos en manque de sensations … plutôt banales (qui songe encore à se marier dans un monde qui discrédite toute valeur ?!), la question de la légalisation du haschisch et assimilé hante et agite le bocal empesté des progressistes ? Pourquoi, par exemple, s’en prendre, avec les puritains et autres hygiénistes américanoïdes, à l’alcool, et singulièrement au vin, avec des accents que l’on ne retrouve que quand on attaque avec des traits haineux les « réactionnaires » ?

    Les « drogues douces » ont, par rapport à notre civilisation, une origine allogène. Elles viennent du Proche et du Moyen Orient, ou des pays du Maghreb. Elles sont donc entachées d’un préjugé favorable, comme les immigrés, les sans papiers, le raï, le rap, et tout ce qui contredit la culture indigène (c’est-à-dire d’ici). Aussi le vin, par exemple, si ancré dans notre terroir et ses traditions de bonne vie ou ses racines sacrées, est-il vertement dénoncé. Il ne faut pas chercher plus loin pour vilipender un produit si digne de soupçon. Et le rapprocher des alcools durs, qu’on ingurgite brutalement pour atteindre l’ivresse, lors de soirées étudiantes par exemple, c’est faire preuve d’une extrême mauvaise foi, et d’une propension à la reductio ad diabolum, comme c’est la coutume dans d’autres domaines.

    Par ailleurs, les drogues dites « douces » appartiennent à l’imaginaire, aux codes de la société postmoderne, hédoniste et décomplexée, telle qu’elle s’est développée dans la Silicone vallée, et telle qu’on nous la donne en viatique pour un avenir radieux. Elles constituent, si l’on veut, l’hostie, la relique, par quoi on entre dans la nouvelle religiosité (qui saura trouver son inquisition), le dogme de la philosophie sectaire, par laquelle on nous somme d’être heureux, on nous initie aux mystères du Brave new world (souvenons-nous du soma, consommé à outrance, dans le célèbre ouvrage d’Aldous Huxley).

    Pauvre libéralisme, qui orne la misère humaine du halo du droit, et du romantisme de pacotille d’une bohème usée et fatiguée. Ne resterait-il que le joint pour être révolutionnaire ? Quel manque d’imagination, quelle médiocrité!

    Claude Bourrinet (Voxnr, 19 juin 2011)

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