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Métapo infos - Page 323

  • A la recherche du Jésus de l'histoire...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien cueilli sur le site de la revue Éléments dans lequel Alain de Benoist répond aux questions d'Emmanuel Legeard, historien des idées, à propos de l'enquête monumentale qu'il a publiée sur Jésus, fruit d'un travail de quarante années, L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021).

     

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    Une "reconstitution" du visage de Jésus par l'artiste post-photographe Ganbrood...

     

     

    Un ouvrage proposant, comme L’Homme qui n’avait pas de père, une synthèse aussi importante de l’état actuel des connaissances sur la question du Jésus historique, ne peut laisser indifférent l’historien des idées. Il s’agit là d’une contribution sérieuse qu’on ne doit pas ignorer ni passer sous silence. La personnalité de l’auteur, évidemment, n’est pas étrangère à l’intérêt du livre, puisque Alain de Benoist juge du sujet d’un point de vue radicalement original déjà exprimé – il y a bien des années – dans son fameux dialogue avec le philosophe, historien et politologue américain d’origine hongroise Thomas Molnar1. Ce point de vue, Gilbert Durand, l’auteur des Structures anthropologiques de l’imaginaire, en faisait grand cas, et il constitue désormais une référence classique que les ouvrages universitaires portant sur la notion de sacré ne manquent pas de citer : ainsi de l’excellent Le Sacré, publié récemment aux Presses Universitaires de France par Jean-Jacques Wunenburger2. Alain de Benoist répond ici à quelques-unes de nos questions.

     

    L’HOMME QUI N’AVAIT PAS DE PÈRE

    EMMANUEL LEGEARD. Cher Alain de Benoist : votre livre, L’Homme qui n’avait pas de père, était très attendu par certains au moins depuis Jésus et ses frères, donc depuis plus de quinze ans. Je pense en revanche que c’est une entreprise incomprise du plus grand nombre. Pouvez-vous nous expliquer brièvement ici quelle était votre ambition en écrivant et en publiant cet ouvrage magistral?

    ALAIN DE BENOIST : Je m’intéresse depuis plus d’un demi-siècle à la question des origines chrétiennes, et plus spécialement au personnage de Jésus. Comme vous le savez, d’innombrables ouvrages ont déjà été consacrés à ce sujet, allant des travaux d’exégèse les plus sérieux aux thèses les plus délirantes, sans oublier les livres de pure dévotion, rédigés dans une intention apologétique. Mon ambition a été de faire en quelque sorte un état des lieux. Que savons-nous aujourd’hui du « Jésus de l’histoire » par opposition au « Jésus de la foi », distinction aujourd’hui admise par presque tous les spécialistes qui fut proposée pour la première fois par Martin Kähler en 1892 ? A cette question, il n’y a évidemment pas de réponse définitive, mais on peut au moins esquisser un bilan. Le problème n’est pas tant l’absence de documents que, tout au contraire, la surabondance des matériaux dont il faut alors établir le bien-fondé ou l’absence de bien-fondé. Comme le disait déjà Ferdinand Christian Baur, tout est possible, mais qu’est-ce qui est probable ? C’est bien là la tâche des spécialistes et des chercheurs : dans la somme d’informations que nous proposent les sources canoniques ou apocryphes, qu’est-ce qui ne fait aucun doute ? Qu’est-ce qui est exclu ? Qu’est-ce qui est possible ou probable ? En ce domaine, on ne peut livrer que des estimations de probabilité, ce qui peut décevoir mais représente quand même beaucoup, même si en la matière l’unanimité est rarement la règle.

    EMMANUEL LEGEARD. Vous rejetez absolument la thèse mythiste, dont les partisans avancent pourtant quelquefois des arguments sérieusement troublants, pourquoi?

    ALAIN DE BENOIST : La thèse mythiste, qui consiste à affirmer que Jésus n’a jamais existé, remonte pour le moins au XVIIIe siècle. Elle n’a jamais été dominante chez les spécialistes, mais n’en a pas moins été soutenue constamment et elle l’est encore de nos jours. Parmi ses principaux représentants, on peut citer Bruno Bauer, Arthur Drews, Paul-Louis Couchoud, Prosper Alfaric, Robert M. Price et bien d’autres. C’est une thèse qui a pu séduire en raison de sa radicalité, et dont les recherches critiques sont loin d’avoir été négligeables. Sur le fond, néanmoins, je pense qu’elle n’est pas sérieusement soutenable. Le seul argument des auteurs mythistes est un argument ex silentio : il consiste à dire qu’il n’existe en dehors des sources chrétiennes aucun témoignage précoce concernant l’existence de Jésus. Or, cet argument négatif a ses limites, ne serait-ce que parce qu’on ne peut jamais savoir si les sources dont on parle n’ont jamais existé ou si elles ont disparu.

    Sans même entrer dans les controverses concernant les passages sur Jésus qui figurent chez Flavius Josèphe (ont-ils ou non été interpolés ?), se pose le problème de Paul. Ses épîtres, antérieures à la rédaction des évangiles (bien que dans les Bibles chrétiennes elles soient placées après eux), s’échelonnent des années 50 aux années 60. Elles ont donc été rédigées très peu de temps après la mort de Jésus, et surtout à un moment où la plupart de ceux qui ont connu Jésus étaient encore vivants. Paul s’est rendu à deux reprises à Jérusalem moins de quinze ans après la Crucifixion. Il y a rencontré plusieurs personnes ayant parfaitement connu Jésus, à commencer par Képhas (Pierre) et Jacques frère de Jésus (Ga 1, 19), qui étaient en mesure de lui faire part de souvenirs de première main. Peut-on sérieusement imaginer que ceux-ci lui ont récité des fables ? Que Paul s’est entretenu avec le frère d’un personnage imaginaire ? Que les autres disciples se considéraient comme les disciples d’un fantôme ? Qu’on lui ait fait croire à l’existence d’un homme dont toute la communauté de Jérusalem gardait le souvenir, mais qui n’aurait jamais existé ? Il est très difficile d’imaginer qu’il ait pu exister à Jérusalem, vers l’an 50, une communauté se réclamant d’un personnage dont on disait qu’il était mort quinze ans plus tôt, mais qui n’aurait en fait jamais existé. Une telle assertion se serait exposée à un démenti immédiat des contemporains.

    Ce que les spécialistes appellent le « critère d’embarras » est également embarrassant pour les mythistes. : si les « premiers chrétiens » avaient créé de toutes pièces le personnage de Jésus, comment auraient-ils écrit dans les évangiles autant de passages susceptibles de poser problème du point de vue de la foi ? Exemples de ces « cas d’embarras » : le baptême dans le Jourdain, les frères et les sœurs de Jésus, le rejet de Jésus par sa famille, l’injonction faite aux disciples de ne prêcher qu’aux « brebis perdues d’Israël », le reniement de Pierre, les paroles de désespoir prononcées sur la Croix, etc. Tous ces passages gênants constituent un argument très fort en faveur d’un noyau d’historicité du récit

    Loin de résoudre le mystère, la théorie mythiste, en soutenant que la croyance en la divinité de Jésus a surgi à partir de rien, rend la question des origines chrétiennes totalement incompréhensible. La multiplicité des évangiles, qui ont été rédigés indépendamment les uns des autres, ne plaide pas non plus en faveur du mythisme. Il en va de même de la thèse selon laquelle le christianisme serait apparu tardivement en milieu hellénisé, sa « judaïsation » remontant à la fin du Ier siècle. Cette thèse est insoutenable, ne serait-ce qu’en raison du caractère originellement juif des textes évangéliques.

     

    LES ORIGINES DE JÉSUS

    EMMANUEL LEGEARD. Jésus « de Nazareth » est une pure invention qui découle d’un malentendu grossier désormais rectifié. D’où Jésus était-il réellement originaire, où exerçait-il son ministère ? D’où vient le malentendu ?

    ALAIN DE BENOIST : Nous avons toutes raisons de penser que Nazareth n’existait pas à l’époque de Jésus. La Torah, qui énumère des dizaines de villes et de villages, est totalement muette sur Nazareth, y compris quand elle décrit la répartition cadastrale des sept tribus (Jos 18). Le Talmud, qui cite 63 noms de villes et de villages de Galilée, n’en dit rien non plus. Les épîtres de Paul ne mentionnent pas ce nom, pas plus qu’aucun historien ou géographe de l’Antiquité. On en a longtemps conclu que Nazareth, à l’époque de Jésus, devait être un minuscule petit hameau, quasiment un lieu-dit. Mais cela ne correspond pas à l’évangile de Matthieu, qui parle d’une « ville (polis) appelée Nazareth » (2, 23), et non pas même d’un village (kômè). Cela ne correspond pas non plus à l’évangile de Luc, qui parle de la « synagogue de Nazareth » (4, 16-22), alors qu’il n’existait ni synagogue ni école dans les tout petits hameaux. Quant aux fouilles effectuées par les Franciscains dans l’actuelle Nazareth, ses résultats sont pour le moins décevants.

    La désignation de Jésus comme Nazaréen, Nazarénien et surtout Nazôréen (mais jamais comme Nazarétain) n’est en fait pas un appellatif d’origine géographique, mais un titre dérivé du mot netser « rejeton, germe, rameau ». Dans la Torah, ce mot est employé notamment par Isaïe dans un passage célèbre concernant David et sa descendance, d’où doit naître le Messie : « Un rejeton (netser) sortira de la souche de Jessé, un surgeon poussera de ses racines. Sur lui reposera l’Esprit de Yahvé » (11, 1-2). Jessé est le père de David, et c’est bien en se référant à ce passage que Paul justifie la qualité messianique de Jésus : « Il paraîtra, le rejeton de Jessé, celui qui se dresse pour commander aux nations. En lui les nations mettront leur espérance » (Rm 15, 12). Les Nazôréens, premier nom attribué aux chrétiens, sont ceux des Juifs qui considéraient Jésus comme le « rejeton de Jessé », c’est-à-dire comme le Messie. C’est ce qui explique que, dans les Actes des Apôtres, Paul soit qualifié par ses adversaires de meneur du « parti des Nazôréens » (Ac 24, 5), formulation qui n’aurait aucun sens si par « Nazôréens », il fallait entendre les habitants de Nazareth !

    La véritable « patrie » de Yéschoua, que nous connaissons sous le nom de Jésus, a sans doute été Capharnaüm, qui apparaît nettement dans les évangiles comme le lieu où il entame son ministère public et comme la « base d’opérations » à partir de laquelle son activité se déployait « à travers toute la Galilée » (Mc 1, 39). L’Evangélion de Marcion fait d’ailleurs apparaître Jésus « à Capharnaüm, ville de Galilée » en l’an 15 de notre ère. Cela n’implique toutefois pas que Jésus soit né à Capharnaüm. Nous savons que Jésus est né autour de – 6 avant notre ère, mais nous ignorons où et dans quelles circonstances. Ce qu’en disent les évangiles canoniques (ou des apocryphes comme le Protévangile de Jacques) est purement légendaire, comme je le montre dans mon livre.

    EMMANUEL LEGEARD. Nous avons déjà échangé quelques observations en privé sur les rôles respectifs de Joseph et de Marie dans les Évangiles. J’ai lu dernièrement un article qui allait jusqu’à soutenir avec des syllogismes intenables que les frères de Jésus ne pouvaient être que ses cousins, et même qu’appeler sa mère « femme » était un signe respectueux d’affection ! Que les frères de Jésus fussent ses frères de sang est clair à tous les hellénistes puisque, dans la version grecque, Matthieu et Luc parlent de Jésus comme du « premier-né » et qu’on utilise partout le mot « frères », et jamais celui de « cousins » ou de parents pour évoquer Jacques, José, Jude et Simon. Le mérite vous revient aussi d’administrer la preuve – en vous appuyant notamment sur l’analyse convaincante de Simon Claude Mimouni – que le vocatif « femme » utilisé par Jésus pour parler à sa mère est parfaitement déplacé au point de vue filial. La présence de frères – et peut-être même de sœurs3 – permet de comprendre pourquoi la virginité de Marie est un thème complètement absent dans la première Église de Jérusalem. Il est ignoré même de saint Paul. Aussi : que peut-on reconstituer, en définitive, des relations familiales de Jésus ?

    ALAIN DE BENOIST : Elles semblent avoir été assez mauvaises, si l’on en croit l’épisode bien connu de l’évangile de Marc où la mère et les frères de Jésus, pensant qu’il est devenu fou, tentent de s’emparer de lui pour le ramener de gré ou de force dans la maison familiale : « Il vient à la maison et de nouveau la foule se rassemble, au point qu’ils ne pouvaient pas même manger de pain. Et les siens, l’ayant appris, partirent pour se saisir de lui (kratèsai auton), car ils disaient : Il a perdu le sens » (Mc 3, 20-21). Dans la suite du texte, Jésus oppose sa famille spirituelle, que constituent ses disciples, et sa famille selon la chair. L’épisode est particulièrement intéressant, car il montre que la famille de Jésus, à commencer par sa mère, n’avait, du moins d’après ce qu’en dit l’évangile selon Marc, pas la moindre connaissance ni le moindre souvenir de l’Annonciation ou des circonstances extraordinaires de sa naissance telles qu’elles sont rapportées dans les prologues de Luc et de Matthieu.

    La question des frères de Jésus a fait couler des flots d’encre. Là encore, je reprends tout le dossier pour examiner les thèses en présence. La conclusion qui s’impose est que les frères et les sœurs de Jésus sont bien des frères (adelphoi) et des sœurs de sang, et non pas des cousins (anepsioi) ou encore des enfants nés d’un « premier mariage de Joseph », comme l’Église l’a longtemps soutenu avant d’y renoncer. Ce sont tous des enfants de Marie, même si l’identité de leurs pères respectifs est incertaine.

    Il est sûr aussi que Joseph et Marie n’ont fait l’objet d’aucun culte particulier dans les tout premiers temps du christianisme. Dans les évangiles canoniques, Joseph n’est guère plus qu’un fantôme. Révélateur est le fait que l’évangile de Marc, le plus ancien, l’ignore complètement. Joseph n’est pas cité non plus dans les épîtres de Paul, ni dans le document Q, ni dans l’Évangile de Thomas. Il n’apparaît pour la première fois que chez Luc et Matthieu, principalement dans les récits de la Nativité, qui sont des ajouts tardifs. Même dans ces récits, il ne prononce pas un seul mot. La thèse selon laquelle ce silence s’expliquerait par le fait que Joseph était déjà mort lorsque Jésus a entamé sa vie publique ne convainc pas. Comment se fait-il que les textes évangéliques n’aient strictement rien à dire sur ce qu’il a fait dans sa vie ? Comment se fait-il qu’ils ne disent rien qui pourrait servir ou simplement rappeler sa mémoire ? Les évangiles sont absolument muets sur la date de la mort de Joseph et sur l’âge que Jésus est censé avoir eu à ce moment-là. Ils ne donnent aucune indication non plus sur l’endroit où il aurait été inhumé, ce qui est encore plus étonnant.

    Il en va quasiment de même de Marie, ce qui peut surprendre quand on connaît l’ampleur que prendra par la suite le culte marial. Chez Marc, son nom n’est mentionné qu’une fois (6, 3). Comme dans les autres synoptiques, elle disparaît complètement après la « crise familiale » dont on vient de parler. Marie n’est citée nulle part dans le document Q. L’Évangile de Thomas fait allusion à elle, mais ne cite pas son nom. Paul dit que Jésus est « né d’une femme » (Ga 4, 4), mais ne croit pas utile de donner son nom. Le quatrième évangile parle à plusieurs reprises de la « mère de Jésus » mais ne donne jamais son nom, ce qui est encore plus extraordinaire. Ce silence s’explique sans doute par l’évidente hostilité que portent les rédacteurs de cet évangile à la famille de Jésus. Marie est encore citée au début des Actes des apôtres, mais comme en passant, à la manière d’une pièce rapportée (1, 14). Elle disparaît ensuite purement et simplement. Sa mort n’est même pas signalée.

    EMMANUEL LEGEARD. Est-il possible de situer le Jésus de l’histoire socialement, de déterminer son statut communautaire, de deviner sa mentalité, de reconstituer ses ambitions ?

    ALAIN DE BENOIST : Il est évidemment difficile de répondre à cette question, tant les « portraits » de Jésus proposés par les spécialistes divergent entre eux (lesdits spécialistes ayant renoncé depuis longtemps à écrire une « biographie » de Jésus). Un débat fondamental existe déjà sur la part respective de l’élément eschatologique et de l’élément sapientiel dans l’enseignement de Jésus. Personnellement, c’est le premier élément qui me semble le plus décisif, comme le pensait déjà Albert Schweitzer et comme l’ont pensé après lui Ed P. Sanders, James Tabor, Bart Ehrmann et bien d’autres. Jésus, qui a commencé par être un disciple de Jean le Baptiste, était convaincu que le monde approche de sa fin et désireux d’annoncer l’avènement d’un « royaume » semblable « à un trésor caché dans un champ » (Mt 11, 5-7) : « En vérité je vous le dis, il en est d’ici présents qui ne goûteront pas la mort avant d’avoir vu le Royaume de Dieu venu avec puissance » (Mc 9, 1). Sur les 37 paraboles contenues dans les synoptiques, il est révélateur que neuf se rapportent à la « fin des temps », sept au « Jugement dernier » et six au « Royaume des cieux ». Mais le débat porte aussi sur bien d’autres sujets : le mouvement de Jésus était-il d’abord un mouvement religieux ou un mouvement social, voire politique ? La fonction de guérisseur, d’exorciste ou de thaumaturge que lui reconnaissent aussi bien ses partisans que ses adversaires jouait-elle un rôle fondamental dans son enseignement ?

    Ce que l’on peut dire, c’est que Jésus était un prédicateur itinérant, qui allait de villages en villages accompagné de ses partisans. Il évitait les grandes villes (Sepphoris, ancienne capitale de la Galilée, n’est pas citée une seule fois dans les évangiles, alors que cette ville ne se trouvait qu’à cinq kilomètres de la Nazareth actuelle) et s’adressait surtout aux marginaux. Il n’avait nullement l’intention de créer une religion nouvelle (Jésus n’était pas « chrétien » !), et n’avait nullement l’intention de s’adresser aux Gentils, estimant n’être venu que pour les « brebis perdues de la maison d’Israël » (Mt 10, 26 ; 15, 24). Son enseignement s’enracine dans le judaïsme de son temps, dont il représente un courant parmi d’autres : il y a alors des Juifs pharisiens, des Juifs Sadducéens, des Juifs baptistes, des Juifs Esséniens, des Juifs Nazôréens, etc. Comme les autres groupes baptistes, il semble avoir été très hostile à la classe sacerdotale qui contrôlait l’administration du Temple, et avoir réprouvé les sacrifices sanglants (c’est sans doute la raison de l’incident qui l’a opposé aux « marchands du Temple » : il s’agissait des marchands qui vendaient les animaux destinés à être sacrifiés). C’est en tout cas un contre-sens anachronique que d’opposer les partisans de Jésus et les « Juifs » : les premiers ne constituent alors qu’une tendance parmi d’autres à l’intérieur du judaïsme. En toute rigueur, ce n’est qu’à la fin du IIe siècle que l’on pourra parler de « christianisme » ou d’« Église primitive ». Et à cette époque, on distingue encore aux moins six courants différents au sein du mouvement de Jésus : les jacobiens, les pétriniens, les hellénistes d’Étienne, les hellénistes de Barnabé, les pauliniens et les johanniens.

     

    « CHRIST » ? PROPHÈTE APOCALYPTIQUE ? MAÎTRE DE SAGESSE? COMMENT LE JÉSUS DE L’HISTOIRE SE CONSIDÉRAIT-IL LUI-MÊME?

    EMMANUEL LEGEARD. Les Évangiles canoniques ont été tardivement rédigés pour raconter l’histoire du fils de Dieu supplicié qui, par sa mort, aurait « racheté les hommes du péché originel et de l’enfer qu’ils avaient mérité par leurs péchés mortels ». Saint Paul et les Évangiles présentent la mort de Jésus comme l’inauguration des temps derniers, l’avènement du dernier jour de l’histoire de l’humanité sur laquelle plane le « Jugement » imminent. Pourtant, dans Marc, le plus fiable – ainsi que vous le rappelez – des quatre évangiles canoniques, Jésus demande : « Qui dites-vous que je suis ? » (Mc 8, 28) Pierre lui répond avec exaltation : « Tu es le Christ ! » Alors Jésus le sermonne avec sévérité et ordonne à ses disciples de ne surtout pas parler de lui en ces termes. Pourquoi le Jésus historique repoussait-il la dénomination de « Christ » ? Était-ce, comme il me semble que vous le suggérez de façon diffuse – et comme je le pense –, à cause de la charge politique de ce titre messianique ?

    ALAIN DE BENOIST : Dans l’épisode dont vous parlez, Jésus semble redouter les conséquences qui pourraient résulter de sa proclamation prématurée comme Messie, peut-être en effet en raison de la charge politique de ce titre. Dans l’évangile de Marc, il dément aussi être Dieu : au jeune homme riche qui lui demande « Bon maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? », il répond : « Pourquoi m’appelles-tu bon ? Nul n’est bon que Dieu seul (oudeis agathos eis mèheis ho theos) » (10, 17-18). Jésus semble en revanche s’être considéré comme un prophète. Pour se qualifier lui-même, il emploie par ailleurs constamment l’expression de « Fils de l’Homme » (ho huiós tou anthrōpou). Comme celle-ci n’a pas été reprise dans l’Eglise primitive, on a de bonnes raisons de la tenir pour authentique, même si les épîtres de Paul n’y font pas la moindre allusion. Elle aussi a fait couler des flots d’encre. La plupart des spécialistes pensent que l’expression n’a pas de valeur théologique particulière, mais cela n’explique pas pourquoi Jésus s’en sert si souvent pour dire « je » de façon détournée.

    La qualité de Messie a certainement été attribuée très tôt à Jésus. C’est l’un des enjeux (mais non le seul) du débat entre Juifs chrétiens et Juifs non chrétiens. La qualité de Fils de Dieu, puis de Dieu, est venue plus tard sans pour autant faire l’unanimité : beaucoup de judéo-chrétiens considéraient Jésus comme un prophète et comme le Messie, mais non comme Dieu ou le Fils de Dieu. A l’inverse, le courant paulinien, et surtout les gnostiques, estimaient que la divinité de Jésus primait sur sa qualité messianique. Les synoptiques, de leur côté, divergent sur le moment ou les circonstances dans lesquelles Jésus serait devenu Fils de Dieu. Ils donnent en effet quatre réponses différentes : lors de son baptême dans le Jourdain (Marc), au moment de sa conception (prologues de Luc et de Matthieu), lors de sa résurrection (Paul) ou de toute éternité (Jean). Jésus n’est en tout cas jamais associé au Père à la façon dont il le sera dans le dogme trinitaire. Même dans l’évangile de Jean, qui lui fait dire : « Moi et le Père, nous sommes un » (10, 30), Jésus déclare : « Le Père est plus grand que moi » (14, 28). Les Actes des Apôtres, eux, se contentent de dire que Jésus après sa résurrection a été placé « à la droite de Dieu » (7, 56). Le Fils reste inférieur au Père, dont il ne partage pas l’omniscience ni la toute-puissance. Il reste soumis à sa volonté. A ce stade, la christologie est encore subordinatianiste4.

    EMMANUEL LEGEARD. Il est évident, M.-F. Baslez l’a souvent rappelé, que sans saint Paul, qu’on peut considérer comme le premier théologien, « l’événement christique » n’aurait pas connu de portée religieuse. Or s’il n’est pas difficile de trouver Paul dans le Nouveau Testament, où est le Jésus de l’histoire? Le travail de recoupement et le recours à des sources comme le « Document Q » permettent-ils de deviner comment Jésus était perçu par les témoins de son ministère, s’il leur apparaissait comme un maître de sagesse, un prophète apocalyptique, ou les deux ? Peut-on essayer de reconstituer, même schématiquement, l’opinion de Jésus sur ces sujets?

    ALAIN DE BENOIST : Je pense avoir déjà répondu en partie à cette question. Concernant le « Document Q », qui tire son nom du mot allemand Quelle « source », il faut en deux mots expliquer de quoi il s’agit. Luc et Matthieu ont tous deux utilisé l’évangile de Marc, puisqu’ils en citent l’un et l’autre de nombreux passages à l’identique, mais on trouve aussi chez eux 235 versets qui leur sont communs mais ne se retrouvent pas chez Marc. Si l’on admet, comme c’est généralement le cas, que Luc n’a pas copié Matthieu ou l’inverse, c’est-à-dire qu’ils ont écrit indépendamment l’un de l’autre, cela signifie qu’ils ont tous les deux utilisé une autre source. Et comme la comparaison de leurs évangiles, en tradition double, permet de constater des accords verbaux ou presque verbaux pour près de 50 % des mots provenant de cette autre source, il faut en conclure qu’il s’agissait d’une source écrite. Les spécialistes appellent Q cette source conjecturale qui seule permet d’expliquer les concordances entre Luc et Matthieu qui ne proviennent pas de Marc.

    Pour ce qui est de Paul, je ne sais pas si le qualificatif de « premier théologien » est celui qui le qualifie le mieux. On a fait beaucoup de contresens à propos de Paul, que beaucoup ont considéré, à tort, soit comme le vrai « fondateur du christianisme », soit comme le représentant d’un « pagano-christianisme » qui, en réalité, n’existe pas de son temps. Paul est partisan d’une ouverture du message de Jésus aux Gentils (goyim), mais il ne sort pas ce message du cadre général de la tradition juive. Les communautés fondées par lui n’appartiennent pas à un monde chrétien en formation, mais au monde du judaïsme, d’où elles ne seront que peu à peu marginalisées, puis exclues. Ce que les judéo-chrétiens reprochent à Paul, ce n’est pas de faire des prosélytes parmi les Gentils, c’est de prétendre qu’il est possible pour les païens de devenir chrétiens sans se faire juifs du même coup, c’est-à-dire sans observer les mitzvot. La prédication de Paul a en fait un caractère profondément synagogal. La seule fois où il tentera de s’adresser directement aux Grecs, sur l’aréopage d’Athènes (Ac 17, 15-34), ce sera sans aucun succès. Au reste, les païens, selon lui, méritent la mort (Rm 1, 18-32). Il faut bien voir ici qu’au départ, la principale différence entre les communautés qui donneront naissance au judéo-christianisme et celles qui donneront naissance au pagano-christianisme est d’ordre géographique : les premières sont originaires de Palestine et de culture araméenne, les seconds naissent en Diaspora et sont de culture grecque. C’est seulement par la suite, quand les chrétiens se seront eux-mêmes considérés comme constituant de manière irréversible une entité opposée tant aux Juifs qu’au monde gréco-romain, soit à partir de 135-150, que l’on pourra parler à juste raison de pôles judéo-chrétien et pagano-chrétien de la religion nouvelle. Encore faut-il bien réaliser que, même à cette époque, la séparation aura été progressive, et non pas abrupte.

    Le personnage de Paul reste par ailleurs énigmatique à bien des égards. On ne sait pas grand-chose de ce qu’il a fait avant sa brusque « conversion » sur le chemin de Damas. Après son arrestation, il a excipé de sa qualité de citoyen romain pour être envoyé à Rome pour plaider sa cause devant l’empereur, mais on ignore comment et dans quelles circonstances il a pu acquérir cette citoyenneté romaine. Les Actes de Apôtres s’interrompent brutalement avant que n’ait été prononcé le verdict à l’issue de son procès. La tradition qui le fait mourir à Rome, aux côtés de Pierre, lors des persécutions, réelles ou supposées, qui auraient lieu sous Néron en 64, est purement légendaire. Sans doute a-t-il disparu sans laisser de traces, puisque jusqu’au IIIe siècle l’Église de Rome ne fait même jamais état de sa présence à Rome. Quant à ses épîtres, qui sont les plus anciens documents du Nouveau Testament, c’est Marcion qui semble avoir le plus contribué à les faire connaître, mais sous une forme qui n’est probablement pas celle que nous lisons aujourd’hui. Selon l’état actuel de la recherche, seules sept ou huit de ces épîtres ont été véritablement écrites par Paul ou rédigées sous sa dictée (les deux lettres aux Corinthiens, les deux aux Thessaloniciens, la lettre aux Romains, celle aux Galates, celle à Philémon et celle aux Philippiens). Les autres sont dites « pseudépigraphes » : placées sous son autorité, elles n’ont pas été rédigées par lui.

    EMMANUEL LEGEARD. Il y a un Jésus qui m’intrigue beaucoup, depuis longtemps, c’est le Jésus qui dit : « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive » (Matth. 10, 34), « Vends ta cape et achète une épée ! » (Luc, 22,36), celui qui apostrophe ses ennemis en les appelant « voleurs » et « vipères », ou celui encore qui chasse les marchands du temple à coups de fouet, renverse les tables, et éparpille leur argent (Jean, 2, 14-16). Qu’en est-il, selon vous, de ce Jésus-là, qui m’apparaît comme le vrai à cause de l’indiscutable cohérence psychologique entre « épisodes intrus » au sein du grand récit ?

    ALAIN DE BENOIST : Vous auriez pu citer aussi la finale de la parabole des mines dans l’évangile de Luc (qui correspond à la parabole des talents chez Matthieu) : « Quant à mes ennemis, ceux qui n’ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici, et égorgez-les en ma présence » (Lc 19, 27). Ou bien encore ce logion de l’Evangile de Thomas : « Jésus dit : Il y a des gens peut-être qui pensent que je suis venu apporter la paix sur terre, mais ils ne savent pas que je suis venu apporter la dissension : par le feu, l’épée et la guerre » (16, 1-2). C’est là en effet un autre aspect de la personnalité de Jésus. On a tendance à l’oublier parce qu’on s’est habitué à voir d’abord dans son enseignement un « message d’amour ». Mais en réalité, comme l’a bien noté John P. Meier, le mot « amour » se trouve dans les évangiles rarement placé dans la bouche de Jésus, et lorsqu’il apparaît, c’est le plus souvent par le biais d’une citation de l’Ancien Testament.

     

    LA CONTROVERSE ET LA MORT

    EMMANUEL LEGEARD. La controverse entre le Jésus historique et les docteurs de la Loi est, semble-t-il, la cause véritable la plus probable de sa condamnation à mort. Mais dire cela, c’est ne rien dire du tout. De façon beaucoup plus fructueuse, il me semble que vous rejoignez Chris Keith5 sur un aspect peu examiné et cependant critique de la controverse, à savoir que le motif profond de la discorde était moins l’enseignement de Jésus ou sa manière d’enseigner que son statut même d’enseignant ?

    ALAIN DE BENOIST : Sur ce point, les chercheurs restent divisés. Jésus semble bien avoir été un rabbi, c’est-à-dire un « maître » versé dans l’étude, l’enseignement et le commentaire des Écritures. Il est en tout cas à plusieurs reprises décrit comme tel dans les évangiles canoniques, non seulement par ses disciples, mais aussi par des personnes situées aux marges de son mouvement, principalement chez Marc et chez Jean. Cela ne nous renseigne toutefois pas sur son niveau d’instruction ni sur son interprétation de la Torah. Cela ne nous dit pas non plus auprès de qui il s’est formé, et ce silence est peut-être révélateur. Sa légitimité à enseigner a en effet été fortement contestée chez les Juifs non chrétiens. Dans le Talmud, Jésus est présenté, non seulement comme un enfant illégitime, issu d’une « union impure » (faisant donc de lui un mamzer), mais également comme un élève rabbin qui s’est détourné de l’enseignement de ses maîtres – « un rabbi qui a mal tourné » (Daniel Marguerat) –, comme un habile thaumaturge qui a tourné en dérision l’enseignement des docteurs d’Israël et qui, pour avoir eu recours à la magie ou à la sorcellerie (dont il aurait acquis le savoir en Égypte), aurait été lapidé puis « suspendu au bois » une veille de Pâque. Le commentaire qui revient comme un refrain dans les textes talmudiques est que « Jésus a pratiqué la sorcellerie, a séduit et fourvoyé Israël » (B. Sanhédrin 43a et 107b ; Sotah 47a). Contrairement à ce que beaucoup imaginent, ce sont là les reproches fondamentaux que la tradition juive orthodoxe fait à Jésus, et non sa prétention à se poser en Messie (ou la prétention de ses disciples à le présenter comme tel).

     

    LA NAISSANCE DU CHRISTIANISME

    EMMANUEL LEGEARD. M.-F. Baslez avait déclaré : « La naissance du christianisme, pour un historien des religions, commence par un acte de foi posé devant un tombeau vide. Mais de quand dater cet acte de foi, c’est ce qu’on ne peut pas dire. » Ce problème a soulevé une foule de questions au cours du temps : comment se fait-il que beaucoup de gens croient maintenant que Jésus était différent, qu’il n’est pas mort, que son corps a été ressuscité et transporté dans un au-delà « céleste »? Ou plus prosaïquement : pourquoi a-t-on permis que le cadavre du criminel Jésus soit enterré dans une tombe juive ? Pourquoi le corps n’était-il plus là quelques jours plus tard? A-t-il jamais été là? A-t-il été volé et enterré ailleurs? En somme : quand et comment le Jésus de l’histoire est-il devenu le Christ de la foi?

    ALAIN DE BENOIST : La question que vous posez illustre parfaitement la différence existant entre le « Jésus de l’histoire et le « Jésus de la foi ». Quand on dit que Jésus a été crucifié sous Ponce Pilate, on parle du Jésus de l’histoire. Quand on ajoute qu’il est mort pour nos péchés, on parle du Jésus de la foi. Le chercheur, qu’il soit exégète ou historien, n’a rien à dire sur la résurrection de Jésus, parce qu’elle est un acte de foi. Mais si l’on ne croit pas que Jésus soit ressuscité, il faut bien expliquer que son tombeau ait été retrouvé vide. D’où les hypothèses que vous évoquez, la plus crédible étant que le corps de Jésus a été subtilisé par ceux de ses adversaires qui craignaient de voir sa tombe devenir un lieu de pèlerinage. Ce faisant, ils ont sans le savoir contribué à accréditer la foi en sa résurrection ! Mais sur ce sujet, comme sur les circonstances générales du procès et de la mort de Jésus, on en est réduit aux conjonctures tant les récits évangéliques se contredisent entre eux sur ces points. Dans ses épîtres, Paul semble même tout ignorer du procès devant Pilate : décrivant la Résurrection comme un événement quasi cosmique, il fait de Jésus la victime des « archontes » maîtres du monde, interprétation de caractère typiquement gnostique.

    EMMANUEL LEGEARD. Les deux conditions de la diffusion du christianisme furent le « choix de l’Empire »6 opéré par saint Paul, qui en potentialisait le rayonnement, et la « conversion » de Constantin qui décida de sa diffusion jusque-là quasi nulle en Europe où il ne suscitait qu’un très faible intérêt et rien ne laissait présager qu’il pourrait un jour percer de façon spectaculaire. Si je place entre guillemets le mot de « conversion », c’est pour rappeler la ferveur plus que suspecte – pour ne pas dire le cynisme politique – de Constantin qui n’a été baptisé que sur son lit de mort, et n’a jamais participé au repas communautaire de l’agape, ni à la communion eucharistique de la « Sainte Cène ». Or c’était là, dans l’Antiquité tardive, le signe, la norme et le devoir absolu de tout vrai chrétien auquel celui-ci ne cherchait pas, bien au contraire, à se dérober. Il est manifeste que les choix respectifs de saint Paul et de Constantin étaient inspirés par une même ambition universelle, dans le premier cas de diffusion à l’échelle du monde, dans le second d’autorité suprême incontestée puisque la puissance « numineuse » de l’empereur apparaissait dès lors comme une grâce accordée par un Dieu non seulement supérieur à tous les autres, mais encore d’une autre nature. C’est donc l’Empire qui a incontestablement été le vecteur de la diffusion du christianisme en Europe. Nous touchons ici à un sujet compliqué, mais pour moi essentiel – l’interaction entre l’Empire et le christianisme dont il a fait son principe « anagogique » d’organisation –, sujet sur lequel j’aimerais recueillir votre sentiment.

    ALAIN DE BENOIST : Paul prêchait en Diaspora, et non en Palestine, mais je ne pense pas que cela suffise à dire qu’il ait fait le « choix de l’Empire ». Je suis en revanche tout à fait d’accord avec ce que vous dites de l’empereur Constantin et de l’« interaction » décisive avec l’Empire qui a assuré le triomphe de l’Église. La conversion de Constantin fut de toute évidence une conversion de façade, inspirée par son entourage et par des considérations politiques. Eusèbe de Césarée, né vers 270, que l’on considère souvent comme le « premier historien » de l’Église, a rédigé vers 337 un Panégyrique visant à lui permettre de devenir l’un des protégés de l’empereur. Il y présente Constantin comme « le plus respectueux de tous les souverains » au motif qu’il fit adopter l’édit de Milan de 313 et convoqua le concile de Nicée en 325, mais se garde de rappeler qu’il fit aussi assassiner sa seconde épouse Fausta, qui était demeurée païenne, en la noyant dans l’eau bouillante, après avoir fait tuer son propre fils Crispus, ainsi que son neveu et deux de ses beaux-frères !

    C’est ce même Eusèbe de Césarée, reprenant les thèses de Méliton de Sardes, qui a jeté les bases théologiques de ce qu’on appellera plus tard le « césaropapisme », doctrine inspirée de la conception romaine du pouvoir impérial dans laquelle l’empereur réunit dans sa personne la direction politique de l’Empire et le pouvoir religieux. La grandeur de l’empire romain et le succès du christianisme sont ainsi devenus liés. Dès le IVe siècle, la confusion entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel est totale dans tout l’Empire. Il en résulte des tensions qui aboutiront, à partir du XIe siècle, à la querelle des Investitures, opposant la papauté et le Saint-Empire romain germanique. Mais à cette date, on sera déjà bien loin du Jésus des origines !

    Alain de Benoist, propos recueillis par Emmanuel Legeard (Site de la revue Éléments, 11 août 2022)

     

    Notes :

    1. BENOIST, Alain (de), MOLNAR, Thomas, L’Eclipse du sacré, La Table ronde, essais et documents, 1986.
    2. WUNENBURGER, Jean-Jacques, Le Sacré, Presses Universitaires de France, 2019 (2015).
    3. MIMOUNI, Simon-Claude, Jacques le juste, frère de Jésus, Bayard, 2015.
    4. NDLE: Le subordinatianisme est la doctrine enseignée par Arius et ses successeurs, selon quoi le fils de Dieu ne peut pas être pleinement Dieu, puisqu’il a été engendré par le Père. Il est donc, de ce fait, inférieur au Père, et l’Esprit, dépendant du Père et du Fils, inférieur aux deux. L’arianisme a été déclaré hérétique au concile de Nicée en 325. Eusèbe, dont on parle plus loin, était subordinatianiste.
    5. KEITH, Chris, Jesus against the Scribal Elite: The Origins of the Conflict, Baker Academic, 2014.
    6. L’idée, plutôt convaincante selon moi, que Paul avait résolument fait le « choix de l’Empire » émane de Marie-Françoise Baslez, l’éminente spécialiste de saint Paul, qui en a fait la clef de voûte de ses démonstrations. Comme toute hypothèse, elle n’en est pas moins naturellement réfutable. Voir : BASLEZ, Marie-Françoise, Comment notre monde est devenu chrétien, Points Histoire, Seuil, 2015.

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  • La terre silésienne ne ment pas...

    Nous vous signalons (avec retard...) la publication par les éditions Noir sur Blanc d'un superbe roman de Szczepan Twardoch intitulé Drach. Journaliste et romancier polonais né en 1979, Szczepan Twardoch vit en Silésie, une région dont il connaît parfaitement la langue et la culture. Deux autres de ses romans ont déjà été traduits en français, Transfiguration (Terra Mare, 2010) et Morphine (Noir sur Blanc, 2016).

     

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    " « Comment résonnent des paroles dites à voix haute, mais que personne n’entend à part celui qui les prononce ? Moi, je les entends. Pour moi, elles résonnent comme toute chose, les murmures, les cris de plaisir et de douleur des hommes ou des animaux, le bruissement presque imperceptible des épis de blé vert. »
    Bien davantage qu’un roman de guerre, Drach est une fresque intemporelle sur les puissances déchaînées d’Éros et de Thanatos, où la Silésie, terre méconnue, mystérieuse, âpre, se révèle comme un écheveau d’histoires, de peuples et de langues. Au-delà d’une région que se sont disputée Allemands, Russes et Polonais, c’est la terre qui est le cœur de toute chose : non pas tant la terre des ancêtres que la matière elle-même, celle que creusent les mineurs pour gagner leur vie et les soldats pour échapper à la mort. La narratrice omnisciente qui déroule ici les fils d’existences fragiles, celles de deux familles silésiennes au cours du XXe siècle, c’est l’esprit de la terre : Drach. Et si son regard s’élève peu à peu, en contre-plongée, le lecteur, lui, descend pas à pas dans l’obscurité la plus fondamentale. Ce qui n’empêche pas le roman de déployer toute la virtuosité allègre d’un récit d’aventure.
    Twardoch joue de la présence en un même lieu de différents langages, de différents parlers, tandis que tout se noue entre les corps, dans le désir et la violence. La plume de l’auteur est à la fois vive et mordante pour décrire les passions et les visages, les menus faits du quotidien, les noces, les batailles sanglantes, depuis l’aube du siècle dernier jusqu’à l’ère des écrans. "

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  • Les bellicistes de plateaux TV, complexe militaro-intellectuel ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Pierre Conesa à Thinkerview, consacré aux bellicistes de plateau TV, particulièrement actifs en ces temps de guerre en Ukraine... 

    Agrégé d'histoire et énarque, Pierre Conesa a fait partie dans les années 90 de la Délégation aux affaires stratégiques du Ministère de la défense. Il est l'auteur de plusieurs essais, dont, notamment, Dr. Saoud et Mr. Djihad - La diplomatie religieuse de l'Arabie saoudite (Robert Laffont, 2016), Hollywar - Hollywood, arme de propagande massive (Robert Laffont, 2018), Le lobby saoudien en France - Comment vendre un pays invendable (Denoël, 2021) et Vendre la guerre - Le complexe militaro-intellectuel (L'aube, 2022).

     

                                              

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  • Génération Hussards...

    Les éditions Perrin publient demain un essai de Marc Dambre intitulé Génération Hussards - Histoire d'une rébellion en littérature. Professeur émérite de littérature française à la Sorbonne Nouvelle, Marc Dambre est l'auteur de Roger Nimier, hussard du demi-siècle (Flammarion, 1989). Il a également dirigé le Cahier de l'Herne Nimier en 2012.

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    " Si la plupart des groupes d’écrivains revendiquent leur appartenance à un mouvement – que l’on songe au naturalisme de Zola et Maupassant, à la Négritude de Césaire et Senghor, ou encore au Nouveau Roman de Sarraute et Robbe-Grillet –, les hussards dénotent profondément car leur unité repose plus sur ce qu’ils ne sont pas que sur ce qu’ils sont.
    En effet, ils ne constituent pas une école littéraire (tiré du Hussard bleu, leur nom leur a été attribué malgré eux), ils n’épousent pas les idéaux de leur époque (l’humanisme de Camus et l’existentialisme de Sartre), ils ne se reconnaissent pas dans le monde dans lequel ils évoluent (leur difficulté d’être les rapproche du romantisme) et, enfin, ils n’acceptent pas la bien-pensance marquant l’après-guerre (ils réhabilitent des auteurs controversés comme Céline).
    L’écriture contestataire et le style frondeur des hussards ne fait donc aucun doute, et c’est ce qui les rassemble. De la Libération à la fin de la guerre d’Algérie, Roger Nimier, Antoine Blondin et Jacques Laurent, leurs chefs de file – rejoints plus tard par Michel Déon –, publient nombre d’essais, de pamphlets, d’histoires d’amour et de romans d’aventure. Ces jeunes auteurs désinvoltes et insouciants produisent une œuvre considérable d’une richesse absolue, marquant ainsi profondément et durablement la France des années 1950.
    Cette brillante synthèse met enfin en lumière toute une vie culturelle qui a inspiré de nombreux artistes : de François Truffaut à Eric Neuhoff, en passant par Fabrice Lucchini ou encore Henri Verneuil (qui adapte au cinéma Un Singe en hiver, de Antoine Blondin, avec Gabin et Belmondo)."

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  • Green Deal et escroquerie écologique...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré au "green deal" de l'Union européenne...

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste localiste intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire (La Nouvelle Librairie, 2022).

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    Green Deal et escroquerie écologique

    Dans la pensée magique qui habite le Parlement européen, les bonnes intentions dispensent chacun de s’interroger sur les conséquences de ses votes. Nul n’est jamais jugé sur autre chose que ses intentions ! — et au nom du verdissement, tout est permis. Chacun appréciera les effets contrastés de cette dispense du réel, qui ne dure jamais bien longtemps. Dans la fureur verte qui habite la Commission, s’étend à la Banque centrale, et emporte le Parlement à rebours de la science qu’est l’écologie, rien n’est plus difficile que de garder le sens du réel, qui devrait pourtant être le propre des défenseurs du vivant — quoi de plus réel que la vie ?

    Le Green Deal tel que l’Union s’y engage soulève quatre questions, chacune d’elle suffisant à ruiner la prétention à l’exemplarité du projet et à condamner sa poursuite.

    La singularité des écosystèmes

    D’abord, la méconnaissance des singularités des écosystèmes qui est la condition de la concentration industrielle et de la globalisation — le rêve du produit unique au prix le plus bas commande l’artificialisation de tous les modes de vie, la négation de la géographie, du relief et du climat, au terme de cette sortie de la nature dont l’air conditionné est le symbole. La réalité du dérèglement climatique, la réalité des agressions chimiques et physiques, la réalité de perte de biodiversité, nulle part n’a des conséquences identiques, nulle part n’a les mêmes enjeux. Il n’y a pas dans le monde deux écosystèmes identiques.

    Ce qui signifie que nulle part, la lutte contre le dérèglement climatique ne peut se dérouler de la même manière — y compris parce que ici ou là, ce dérèglement se traduit par un refroidissement ou par une pluviométrie accrue. Ce qui signifie que les moyens de réduction du CO2 et d’autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère ne sont pas partout identiques, ne serait-ce que parce que les conditions locales de captation-séquestration du carbone ne sont pas les mêmes entre le marais, la mangrove, et la plaine de grandes cultures.

     Dans nombre de pays, la réduction des émissions de CO2 n’a pas de sens, d’abord parce que ces pays sont très peu émetteurs (Afrique ou Amérique latine,), ensuite parce que certains pays nouvellement industrialisés ne sont pas responsables du stock de carbone accumulé par les pays « riches » dans l’atmosphère (la Chine pour sa part se classant désormais dans le camp des accumulateurs étant donné le niveau de ses émissions cumulées). La prétention des COP à répétition à imposer au reste du monde les mesures correctrices des excès des pays accumulateurs est un facteur majeur de la rupture qui se creuse entre « The West » et « The Rest » — et qui interroge le Green Deal sur le plan moral aussi bien que technique.

    Ajoutons que le dérèglement climatique est une preuve majeure des insuffisances du marché, et qu’ajouter un marché du carbone pour y pallier relève de la politique de Gribouille — le marché a des défauts, plus de marché les corrigera… Chacun appréciera la logique !

    Un délire bureaucratique

    Ensuite, le délire bureaucratique qui veut que la norme, la règle et les bureaux doivent tout gérer, tout conduire, tout diriger (1). Le dérèglement climatique tel qu’il est engagé se distingue certes par sa rapidité et son extension. Il met sous tension la capacité d’adaptation des sociétés humaines aux conditions climatiques et géographiques qui sont les leurs. Il ne l’annule pas. Dans l’histoire, ce n’est pas la fragilité des sociétés humaines aux changements du climat et du milieu qui s’impose, c’est au contraire leur capacité spontanée d’adaptation créatrice aux changements de leur milieu. Inutile de citer ces extrêmes que sont les Esquimaux dans leurs igloos et les Touaregs sous la grande tente, les exemples sont tout aussi bien près de nous de la Corse à l’Alsace et de la Bretagne aux Flandres.

    Matériaux locaux, modes de construction traditionnels, recettes locales, habillement et artisanat étaient autant de réponses adaptatives au milieu autorisées par des structures locales décentralisées et soutenues par les préférences collectives légitimées par la relative autonomie des territoires, réponses résilientes tant que le nombre d’habitants et leurs demandes n’excèdent pas la capacité de l’écosystème local à fournir les ressources et absorber les rejets — ce qu’un marché globalisé est incapable de réguler. Utilisant les capacités totalitaires du numérique, fondé sur la croyance infondée que ce qui est bon à Bruxelles est bon pour l’Europe, le Green Deal non seulement ignore l’intelligence adaptative des populations européennes autonomes, comme il ignore la pertinence des solutions traditionnelles d’adaptation au milieu et à ses évolutions, mais il les écrase au nom d’une unification forcée, si bénéfique aux multinationales et à des modèles managériaux et financiers ennemis de toute singularité. Et la fuite en avant dans la privatisation des biens communs et la prise de pouvoir des entreprises privées sur les Nations et les peuples est le contraire de ce que dictent l’expérience, la raison, et l’intelligence, et qui s’appelle localisme.    

    Le royaume des Fondations

    Encore, l’invraisemblable arrogance des solutions proposées, dictées par celles des ONG et des Fondations qui ont acquis le monopole des relations avec la commission européenne. Les évènements qui se succèdent depuis l’invasion russe de l’Ukraine ont totalement modifié la carte des approvisionnements en énergie de l’Europe. Selon sa situation géographique, ses choix énergétiques, les préférences de sa population, chaque pays européen tente d’associer choix de vie de ses citoyens, sécurité d’approvisionnement, et indépendance stratégique. Le pire ennemi de la sécurité et de l’indépendance énergétique européenne est aujourd’hui le choix du tout électrique. La naïveté avec laquelle l’Union endosse une campagne ourdie aux Etats-Unis pour détruire l’industrie automobile européenne est consternante mais révèle la panne stratégique dans laquelle l’Union enfonce l’Europe.

    De même que l’Union détourne le droit pour étouffer la voix des Nations, de même la fausse écologie est l’une des armes de destruction massive choisie par les ennemis de l’Europe ; la complicité permanente des « Verts » avec l’Etat profond américain, les pires errements du « woke » et des néo-cons en est l’expression permanente au Parlement européen. Ce choix place l’Union européenne sous la double dépendance de la Chine pour les matières premières (métaux rares, etc.) notamment dans le solaire et l’éolien, et des Etats-Unis pour le soft, tout véhicule devant devenir un smartphone à roues. Comment l’industrie automobile allemande et française, parmi les deux ou trois premières au monde, a-t-elle pu tomber dans le piège qui lui était tendu par de prétendus lanceurs d’alerte révélant des fraudes aux émissions qui étaient un secret de polichinelle dans l’industrie ?

    Comment l’Union a-t-elle pu entériner ce « sabotage industriel, ce grand saut dans le vide » que déplorait Luc Chatel, Président de la Plateforme automobile, en votant la fin de toute vente de voiture à moteur thermique en 2035 ? Ce choix malthusien a déjà tué la recherche de moteurs à très basses consommation, et condamne l’innovation en ce domaine. Pire encore, il ignore le fait que l’électricité est un vecteur énergétique et non une énergie ; elle procède toujours de sources premières qui vont de l’eau au nucléaire, du gaz au charbon et du solaire à l’éolien ou encore à la biomasse par la méthanisation.

    L’électricité n’a aucune vertu écologique propre, sinon celle de produire de la bonne conscience ; son emploi dissocie le lieu d’émission de CO2 de celui de la production d’énergie source ; au lieu de polluer au long de la route, une voiture électrique pollue quand la centrale à gaz ou charbon produit l’électricité qui charge ses batteries ! La fuite en avant vers le tout électrique traduit la confiance hors de propos dans la continuité d’approvisionnement et la solidité du réseau européen, mais aussi la mentalité des « anywhere » qui entendent ne rien subir des conséquences de leurs modes de vie — pourvu que la centrale soit loin de leur résidence…

    Vers un great Reset ?

    Enfin, le Green Deal est rien moins qu’innocent dans le « Great Reset » qui vide nos campagnes, détruit la vie, étrangle les PME, et livre le monde aux multinationales et aux monopoles numériques. Un « Green Deal » qui ne combat pas le pouvoir exorbitant des géants de l’agrochimie et ne démantèle pas la pieuvre de l’agro-industrie et la fausse science qu’elle diffuse n’a aucune légitimité. Un « Green Deal » qui n’affronte pas l’extension malthusienne des « Intellectual Property Rights » et ne traite pas la destruction des espèces endémiques par les usuriers du vivant et la liberté d’utiliser les semences de ferme hors catalogue fait le jeu des pires ennemis de la vie (que ceux qui veulent en savoir plus voient comment l’industrie américaine a détruit les semences du lupin, une céréale qui pouvait concurrence pour l’alimentation animale le soja, au point que le lupin ne subsiste presque plus qu’en Oural alors qu’il était cultivé partout en Europe !)

    Un Green Deal qui n’aborde pas les conditions de la concurrence, la demande de proximité territoriale et l’exigence de diversité adaptative des modes de production, des systèmes économiques et des régimes alimentaires, n’est que manipulation. L’origine des textes fait peu de doutes ; quelques ONG et Fondations ont écrit les propositions de la Commission européenne, sans transparence et sans contrôle, pour le compte de multinationales et de monopoles qui voient dans la réglementation environnementale orientée selon leurs souhaits un excellent moyen de modifier les conditions de la concurrence, d’imposer leurs intérêts au marché comme au consommateur et d’éliminer des concurrents.

    La taxonomie est le moyen d’imposer des contraintes administratives multipliées à des entreprises qui devront disposer des services spécialisés, coûteuses et hors de portée d’un grand nombre de petites entreprises pour y satisfaire. L’enfer des détails ne sert que la concentration des entreprises, et la mise sous tutelle des Nations et des Etats. Quant à la supercherie de la RSE, des indicateurs de qualité environnementale, il devient de plus en plus évident qu’ils servent non à protéger l’environnement et les citoyens des excès de la technique et des entreprises, mais à protéger les entreprises des dégâts qu’elles provoquent sur l’environnement et la vie des citoyens (une entreprise bien notée ne risque rien !) — et d’abord parce qu’elles ignorent superbement les biens communs, la qualité de la vie et les singularités locales (lire  » The perils and opportunities of ESG investing », Ron Ivey, American Affairs, Spring 2022).

    Le Green Deal est le résultat de l’expulsion des Européens des débats et des décisions de l’Union européenne, mise en place par des organisations complices, comme cette filiale de Bain Company, (cabinet de conseil américain) connue pour avoir sélectionné les « citoyens » consultés pour la Convention sur l’avenir de l’Europe sur la base de leur consentement au fédéralisme… Et comment accepter les prétentions écologiques de Blackrock, choisi pour « conseil » dans le « verdissement » des financements de l’Union, l’un des trois géants mondiaux de la gestion de capitaux, à ce titre coresponsable de la concentration des entreprises, de la constitution de monopoles et de la financiarisation des stratégies d’entreprise ?

    Cette escroquerie démocratique ouvre une voie royale au localisme, foyer de la vraie renaissance européenne, celle des particularités locales, régionales et nationales qui rendra à l’Europe les vrais moyens de son rayonnement ; la diversité de ses peuples, de ses cultures, et des systèmes qu’ils se donnent pour demeurer eux-mêmes, chez eux, dans le foyer que la nature leur offre.

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 29 juillet 2022)

     

    Note :

    1 — Les travaux universitaires qui dénoncent l’inconsistance de la « RSE », des indicateurs « ESG » et autres créations de consultants et de financiers en quête de nouveaux territoires se multiplient aux Etats-Unis ; lire : « The perils and Opportunity of ESG investing », Ron Ivey, in American Affairs, Spring 2022.

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  • La croix gammée contre l'Irminsul...

    Les éditions Ars Magna viennent de rééditer un essai de John Yeowell intitulé Odinisme et christianisme sous le IIIe Reich - La croix gammée contre l'Irminsul. Ancien combattant de le deuxième guerre mondiale et ancien haut-fonctionnaire britannique, John Yeowell (1918-2010) a été un des recréateur de l'Odinisme en Angleterre.

     

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    " Depuis presque un siècle, beaucoup ont voulu voir dans le national-socialisme une manifestation du paganisme des anciens Germains. Or, il est un fait que les tenants du paganisme - partisans d’une foi organique, tolérante et ouverte - ont été persécutés sous le régime hitlérien, qui, en revanche, s’appuyait sur des forces chrétiennes puissantes. C’est cette attitude complexe du régime national-socialiste vis-à-vis, d’une part, du paganisme et, d’autre part, des Églises chrétiennes que ce livre entend explorer. Avec ce document, c’est un point d’histoire important qui est abordé et éclairé, non, peut-être, pour y apporter un regard définitif, mais pour ouvrir un débat enrichissant. "

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