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  • Russie-Ukraine : revenir aux principes ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Denis Collin cueilli sur le site La Sociale et consacré à la guerre en Ukraine.

    Agrégé de philosophie et docteur ès lettres, Denis Collin est l’auteur de nombreux ouvrages consacrés à la philosophie, à la morale et à la pensée politique, dont Introduction à la pensée de Marx (Seuil, 2018), Après la gauche (Perspective libres, 2018) et  Malaise dans la science (La Nouvelle Librairie, 2022).

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    Russie-Ukraine : revenir aux principes

    Il y a un débat public, pas toujours clair et généralement étouffé par la propagande de guerre, à propos du conflit en Russie et Ukraine, conflit qui remonte maintenant à près de 10 ans, les troupes russes ayant envahi la Crimée au mois de février 2014. Les accords de Minsk, signés en 2015 entre la Russie et l’Ukraine, avec l’intervention de Hollande et Merkel n’ont fait que reculer la guerre ouverte.

    Je ne veux pas m’engager dans la confrontation des récits de ces 10 dernières années, récits contradictoires : pour les uns, il s’agit d’une guerre défensive menée par la Russie menacée par l’Occident et, pour les autres, il s’agit d’une agression russe contre l’Ukraine, pour assouvir le dessein chauvin grand-russe d’un Poutine qui veut reconstituer la grande Russie, autant que possible dans les frontières de l’ex-Union soviétique. Les premiers font valoir les livres de Brzeziński, qui constitueraient le programme suivi par les États-Unis et permettraient ainsi d’éclairer le conflit, les seconds pourraient voir en Poutine celui qui accomplit le programme de Soljenitsyne de restauration de la « grande Russie », mais ils ne le font tant ils ont par le passé encensé le grand écrivain. On a vu ressurgir à cette occasion la vieille idéologie rance du « panslavisme » défendu par Alexandre Douguine, un philosophe dont la fille fut assassinée dans des conditions mystérieuses – le crime fut évidemment attribué aux services ukrainiens, mais il pourrait s’agir de règlement de comptes au sein de la caste dirigeante, le panslavisme n’étant pas, et de loin, l’idéologie dominante chez les oligarques.

    Je préfère ici m’en tenir aux quelques faits indiscutables – en évitant les récits et les spéculations des politiciens et des stratèges internationaux qui ont tendance à présenter leurs propres spéculations et leurs propres interprétations comme des vérités indiscutables. Et des faits admis, je voudrais me contenter que rappeler quelques grands principes de droit.

    On le sait bien, la discussion sur les responsabilités d’une guerre est toujours une affaire fort polémique. Hannah Arendt rapporte une boutade de Clemenceau : « Durant les années vingt, Clemenceau, peu avant sa mort, se trouvait engagé dans une conversation amicale avec un représentant de la république de Weimar au sujet des responsabilités quant au déclenchement de la Première Guerre Mondiale. On demanda à Clemenceau : “À votre avis, qu’est-ce que les historiens du futur penseront de ce problème embarrassant et controversé ?” Il répondit : “Ça, je n’en sais rien, mais ce dont je suis sûr, c’est qu’ils ne diront pas que la Belgique a envahi l’Allemagne.” » L’histoire du mensonge au XXe siècle a montré que Clemenceau était exagérément optimiste. Si on revient au cas ukrainien, le fait est que le 25 février 2014, la Russie a envahi la Crimée et organisé un référendum qui a abouti au rattachement de la Crimée à la Russie. C’est le point de départ des événements qui vont se dérouler dans le Donbass et aboutiront en 2015 aux accords de Minsk. Il y a un autre fait non moins incontestable, c’est que c’est la Russie a envahi le quart du territorie ukrainien le 24 février 2022. Savoir si la Russie avait de bonnes ou de mauvaises raisons de le faire, savoir si les États-Unis avaient ou non entrepris de déstabiliser ce pays gigantesque qui n’a plus rien à voir avec l’URSS de jadis, c’est une autre affaire.

    Du point de vue du droit international tel qu’il a été inventé en 1648 par les traités de Westphalie qui ont mis fin à la guerre de Trente ans, la Russie a juridiquement tort. On pourra difficilement déclarer Poutine irresponsable. On peut lui chercher des circonstances atténuantes ou resituer tout cela dans le récit historique ou philosophico-historique, cela ne change rien aux faits, et, comme le disait Lénine, « les faits sont têtus ».

    Il y a une autre question de principe, la question du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, revers de la médaille de la souveraineté nationale. Nous ne pouvons pas défendre la souveraineté nationale de la France et dénier celle de l’Ukraine. Même si le gouvernement de ce pays n’est pas très reluisant et s’il est fort corrompu, nous devons reconnaître la souveraineté de l’Ukraine. De la même façon que les horreurs dont s’était rendu coupable Saddam Hussein ne pouvaient justifier l’invasion de l’Irak en 2003, pour ne citer qu’un exemple. Le « droit d’ingérence » est une minable tentative faite par une bande de politiciens d’extrême-gauche ralliés aux « néocons » américains pour donner un vernis « humanitaire » aux diverses opérations militaires depuis les bombardements « humanitaires » sur Belgrade, les opérations en Afghanistan, et d’autres encore. La situation en Ukraine n’autorisait pas plus la Russie à intervenir, même si les minorités russophones et russophiles (ce n’est pas la même chose) étaient en butte à la répression organisée par les dirigeants de Kiev.

    On ne peut pas avoir des principes à géométrie variable. Je sais bien qu’il y a une vieille russophilie française qui s’entretient de la nostalgie de l’Union soviétique, du regret de son effondrement, qui expliquent que les vieux staliniens et cryptostaliniens reportent aisément les sentiments qu’ils avaient envers l’URSS sur les nouveaux maîtres du Kremlin. Mais cela ne justifie pas qu’on change de principes quand il s’agit de faits qui mettent en cause Poutine et son régime dont l’orientation de plus en plus autoritaire n’a cessé de s’affirmer.

    On n’oublie évidemment pas le double jeu et les manœuvres permanentes du gouvernement des États-Unis, qui serait fort heureux de déstabiliser complètement l’Europe pour pouvoir préparer le coup suivant : son règlement de comptes avec la Chine. Sachant tout de même que pour ce dernier enjeu, il est sûrement trop tard et que les rapports de forces internationaux sont complètement bouleversés. Les États-Unis entretiennent les conflits comme des moyens d’essayer de se maintenir à flot, alors qu’ils sont déjà entrés dans la spirale du déclin, comme l’Europe, d’ailleurs.

    Dans l’idéal, il faudrait exiger l’arrêt des hostilités, le retrait des troupes russes sur les frontières d’avant 2014 et l’organisation sous contrôle international de référendums dans les provinces du Donbass et de Crimée qui permettraient à ces peuples de choisir librement, sous la menace d’aucun fusil, ni russe, ni ukrainien, s’ils veulent rester ukrainiens – éventuellement avec un statut spécial – devenir indépendants ou rejoindre la république fédérative de Russie. Ce serait la seule solution conforme au droit international.

    Malheureusement, le droit international étant ce qu’il est, c’est-à-dire un droit sans force, cette hypothèse est fort improbable dans l’immédiat. Que pouvons-nous faire ? En vérité, peu de choses, sinon spéculer sur les intentions des uns ou des autres. Entre les exégètes de la pensée de feu Brzeziński et les kremlinologues qui lisent dans les pensées de Poutine, on ne sait plus où donner de la tête !

    Il me semble cependant qu’on peut se mettre d’accord sur des exigences minimales. La première étant celle d’un cessez-le-feu. Comme le dit Kant, il n’y aucun droit de guerre, la guerre est le contraire du droit et donc il faut l’arrêter. Pour qu’il y ait un cessez-le-feu, il faut cesser de nourrir la guerre et donc refuser de devenir « cobelligérants » en envoyant des armes, des armes dont tout le monde sait par ailleurs qu’elles ne font qu’entretenir la guerre. Si nous avions un gouvernement soucieux des intérêts du peuple, et de la paix, il ferait tout son possible pour favoriser les négociations entre les deux parties en guerre. Quitte à paraître naïf, il faut lever, au moins partiellement les sanctions contre la Russie, sanctions inefficaces qui ne favorisent que les Russes et les Américains et donc les nations d’Europe sont les premières victimes et même les seules victimes.

    L’attitude agressive à l’égard de la Russie ne sert que le régime de Poutine. Et tous les autres régimes, car l’entretien permanent de la menace guerrière est une des ressources essentielles de toutes les tyrannies. Nous aussi, nous subissons notre « quart d’heure de la haine », comme dans 1984. La guerre contre la Russie vient à point remplacer la guerre au COVID… Une politique d’ouverture, publiquement proclamée et adressée à l’opinion russe, par-delà ses gouvernants, pourrait être fort efficace pour faire reculer le pouvoir en place et ouvrir la marche vers la paix, dans le respect des principes de souveraineté nationale.

    Je lance une flèche. La ramasse qui peut.

    Denis Collin (La Sociale, 7 février 2023)

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  • Halte au Feu ! (et mort aux c.. !)

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur Geopragma et consacré au durcissement du conflit russo-ukrainien.

    Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019). Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

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    Halte au Feu ! (et mort aux c.. !)

    Il ne s’agit plus d’une « Opération militaire spéciale » mais d’une véritable guerre. Les objectifs en sont étendus et les moyens aussi. Considérablement. Moscou a pris le mors aux dents devant l’ampleur du soutien occidental au malheureux proxy ukrainien dont le Kremlin a aussi sous-estimé l’héroïsme des troupes et le nationalisme de la population au printemps dernier.

    La leçon a été vite apprise, et l’armée russe a connu en quelques mois une véritable remontée en puissance et efficacité dans tous les domaines. Désormais, Vladimir Poutine, pragmatique fataliste exaspéré par les mensonges de « l’Occident collectif » n’a d’autre choix pour sauver la face que d’aller au bout de l’aventure. D’autant qu’il gagne sur le terrain. Les Américains le savent mais préfèrent sacrifier sans vergogne les Ukrainiens jusqu’au moment où ils pourront leur dire qu’ils ont tout essayé mais qu’il leur faut en rabattre et négocier. Plus on attend plus cette négociation sera douloureuse et l’amputation territoriale importante. On peut continuer à le nier, à s’en indigner, à trouver cela inadmissible, à préférer la fuite en avant mais c’est ainsi. Peut-être aurait-on dû, le 17 décembre 2021, lorsque Vladimir Poutine adressa à Washington, l’Otan et l’UE, des projets de traité sur la refondation de la sécurité en Europe, prendre la peine de les lire au lieu de les lui jeter à la figure.

    Dans cette affaire, un an plus tard, ce n’est pas l’ours russe qui est blessé mais l’aigle américain et les moineaux européens. L’Ukraine a perdu depuis des mois déjà ce conflit et, à moins d’engager l’OTAN (avec tous les aléas politiques et militaires que cela comporte) dans un affrontement ouvert avec la Russie, Kiev ne pourra, pour de multiples raisons et d’abord pour des questions d’effectifs et d’armements, renverser le rapport de force.

    Il faut donc sortir du mensonge irresponsable dans lequel nous entretenons, notamment en France, les peuples européens sur « la victoire ukrainienne » et « la débâcle russe » et commencer à traiter le drame à hauteur du réel et du possible. Les Mediaş Main Stream mais aussi des figures militaires il est vrai de second ordre, portent à cet égard dans notre pays une très lourde responsabilité. Ce n’est pas seulement de l’indigence informationnelle, c’est de la propagande pure et dure. Tout cela pour complaire, dans ce qu’ils s’imaginent être une unité nationale contre la barbarie russe, à des pouvoirs politiques eux-mêmes en plein déni de réalité et bien peu familiers de ce que signifie la guerre. Volontairement sourds et aveugles aussi, devant ce que la Russie et une bonne partie du monde pensent de l’impérialisme occidental à l’heure des nouveaux équilibres de puissance et d’influence : obsolète, illégitime et stupidement belliqueux face à la multipolarité du monde.

    Au lieu de crier à « l’esprit de Munich », aux « réseaux du Kremlin en Europe », à « la Cinquième colonne complotiste », et même carrément d’appeler à une chasse aux sorcières de l’Etat digne du pire maccarthysme, quand des voix de tous bords politiques s’élèvent pour appeler à enrayer au plus vite cette escalade mortifère et inutile (et à imaginer des pourparlers sérieux sans préconditions à partir de l’état des forces sur le terrain avant qu’il ne s’aggrave davantage pour Kiev), j’ose leur donner un conseil : qu’ils prennent donc des cours accélérés d’anglais et se donnent la peine de s’informer ailleurs qu’auprès de l’état-major ukrainien. Qu’ils aillent écouter non seulement les informations officielles de Kiev, mais celle de Moscou, qu’ils s’intéressent aussi au contexte global de ce conflit en Europe, à ce qui se dit et se décide à Pékin, New Dehli, Téhéran, Ryad, Ankara, Bakou, le Caire, et même à Berlin ou Rome ! Qu’ils fassent des liens et changent le petit bout de leur lorgnette pour un grand angle. Surtout, qu’ils prennent enfin le temps de suivre sur… Utube, la bonne demi-douzaine d’anciens militaires presque tous américains ou britanniques, tous anciens du renseignement, qui chaque jour expliquent par le menu ce qui se passe véritablement sur le terrain mais aussi au plan diplomatique mondial.

    La Russie a préféré la réprobation occidentale au risque de voir son existence même mise en danger par l’installation de base OTAN à sa frontière directe. Cela fait plus de 15 ans qu’elle a exprimé à d’innombrables reprises et dans toutes les enceintes, ses préoccupations sécuritaires. Les stratèges américains le savent parfaitement et s’en sont servi pour la poursuite de leurs objectifs propres que j’ai déjà à maintes reprises expliqués, bien moins bien qu’un H. Kissinger ou même qu’un G. Friedman.

    L’escalade en cours rend chaque jour moins improbable un ultime avertissement russe touchant directement un pays de l’OTAN et donnant le signal d’une curée généralisée à l’issue aléatoire ou apocalyptique, considérant la supériorité technologique russe en matière d’armes hypersoniques. Qu’attend -t-on pour se réveiller et dire stop ?

    Il est une autre supercherie sur laquelle je souhaite revenir, car elle est gravissime du point de vue européen. Elle se situe au plan des valeurs de liberté de tolérance, de démocratie et d’égalité qui forment le socle de l’Europe d’après-guerre et de son surplomb « moral » revendiqué. Le chœur des bellicistes enragés qui vocifèrent leur haine de la Russie le font au nom de ces mêmes « valeurs » que l’on a peine à associer au pouvoir ukrainien actuel, qui a interdit partis politiques et Mediaş d’opposition sans parler de la langue russe. Pire, il a intégré depuis des années dans ses forces des milices ultranationalistes dont les discours, rituels et emblèmes témoignent de l’empreinte omniprésente d’une idéologie de sinistre mémoire aux filiations indicibles. Au nom des droits de l’homme et de la liberté, l’Europe qui se veut pacifiste et éclairée, arme et finance un pouvoir miné par un anti-slavisme forcené aux relents suprémacistes. Cette inversion des valeurs devient indéfendable mais est noyée par l’invasion du territoire ukrainien par les forces russes, aussi inexcusable qu’inévitable. De l’aveu même de plusieurs gouvernants occidentaux et ukrainiens, cette guerre a pourtant été voulue et préparée. Une guerre de l’Otan contre la Russie, de l’Occident contre une grande partie du reste du monde dont l’Ukraine n’est que le proxy volontaire et son peuple la victime sacrificielle.

    C’est une guerre existentielle, mais pas seulement pour la Russie. C’est l’avenir du monde et des lignes de forces planétaires qui se jouent sur le sol de ce pays charnière pour la sécurité en Europe. Une sécurité que chaque palier de l’escalade ruine un peu plus. Il s‘agissait de couper la Russie de l’Europe une fois pour toutes. C’est fait. Il s’agissait de placer l’Europe sous dépendance gazière américaine. C’est fait. Aucun dirigeant européen n’a trouvé à redire au sabotage des gazoducs NS 1 et 2. Le socle de la puissance industrielle allemande n’est plus mais Berlin se tait. Cette attitude suicidaire de l’Europe est proprement délirante. Notre dogmatisme et notre servilité n’ont plus de limites. Nous sommes désormais en première ligne d’un affrontement que Moscou ne peut plus éviter et on y va, la fleur au fusil, tout en expliquant que nous ne sommes pas cobelligérants. Voyage en Absurdie.

    Désormais, le pot aux roses vacille. Face à une réalité militaire trop longtemps tronquée défigurée par les nécessités de la propagande, les comploteurs qui dénoncent depuis un an avec aplomb le complotisme des trolls du Kremlin paniquent devant l’imminence du dévoilement de la vérité. Il faut faire retomber la pression. Retrouver un semblant de dialogue. Mais la confiance est totalement partie du côté russe et nous faisons tout pour que Moscou ne le souhaite pas, d’autant que la Russie est actuellement en position favorable et donc va poursuivre au moins jusqu’à la sécurisation de ses gains officiels (les 4 oblasts) et l’assurance que Kiev ne pourra soutenir dans le temps sa guerre d’attrition.

    L’Amérique ne peut l’emporter et a déjà perdu mais veut maintenir à tout prix l’illusion d’une victoire morale et politique possible. L’Europe suit en ordre dispersé et va tout perdre. La France n’a rien compris et encore moins rien voulu comprendre. Nous avons méprisé nos atouts relatifs, renoncé à faire un pas de côté. Comme d’habitude, c’est en suivant une route qui n’est pas la nôtre que nous avons perdu notre chemin.

    La haine domine l’intelligence (de situation mais pas seulement) par l’intolérance et le mensonge. C’est l’Ukraine qui est en morceaux qui sera probablement de fait divisée. C’est son peuple qui souffre de la folie d’un gouvernement qui lui avait promis la paix avec la Russie et n’a fait que fomenter la guerre. C’est la jeunesse Ukrainienne qui, quand elle n’a pu s’enfuir à temps, est sacrifiée et envoyée au front sans expérience dans des assauts désespérés qui veulent masquer au monde le rapport de force sans appel défavorable et pomper les milliards américains et européens pour remplir les poches d’une clique ultra corrompue aux relents d’idéologie fasciste. Ne comprenons-nous pas que c’est indéfendable, que l’anti-slavisme éructant et ultraviolent des milices versées dans les forces ukrainiennes entretenues depuis des décennies par les services occidentaux au cours de la guerre froide, puis réveillées, payées, formées armées depuis 2015 par l’OTAN elle-même, ne sont pas là pour sauver l’Ukraine mais pour la sacrifier à la volonté américaine d’affaiblir la Russie, de la couper à jamais de l’Europe et, dans les plus fous fantasmes, de parvenir enfin à la mettre en coupe réglée et à la piller comme cela avait été si magistralement commencé dans les années 90 ? C’est un éléphant dans la pièce que nous faisons mine d’ignorer. Il peut nous écraser.

    Caroline Galactéros (Geopragma, 30 janvier 2023)

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  • Guerre en Ukraine : c’est reparti comme en 1939 !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré aux nouveaux risques d'escalade dans le conflit russo-ukrainien...

    Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a publié le Dictionnaire de Novlangue (Via Romana, 2015), en collaboration avec Jean-Yves Le Gallou, et deux essais, La Superclasse mondiale contre les Peuples (Via Romana, 2018), La nouvelle guerre des mondes (Via Romana, 2020), Immigration de masse - L'assimilation impossible (La Nouvelle Librairie, 2021) et dernièrement Le crépuscule des Lumières (Via Romana, 2021).

     

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    Chars Leopard 2 polonais susceptibles d'être fournis à l'Ukraine

     

    Guerre en Ukraine : c’est reparti comme en 1939 !

    La guerre russo-ukrainienne est une catastrophe. On l’a assez dit dans ces colonnes. Pour cette raison, tous ceux qui la font se prolonger prennent devant l’histoire une responsabilité écrasante. Comme ceux qui nous ont menés à la guerre mondiale en 1939.

    Une catastrophe

    Cette guerre est une catastrophe car on voit bien, au bout d’un an, qu’aux destructions et aux pertes civiles et militaires croissantes s’ajoute le torpillage durable de l’économie européenne.

    En effet, les sanctions prétendument antirusses nous frappent au premier chef en nous privant de sources d’énergie bon marché. Et en nous rendant dépendants du gaz de schiste que les États-Unis, dont l’économie se porte au contraire très bien, nous vendront cher.

    La guerre russo-ukrainienne consacre aussi l’américanisation de la diplomatie européenne. Et aussi, bien sûr, elle confirme la soumission de la France à l’OTAN. Une France qui a perdu toute « autonomie stratégique », qui était pourtant déjà un pâle succédané de l’indépendance nationale gaullienne.

    Car cette guerre est bien une guerre de l’OTAN contre la Russie et, plus fondamentalement, une guerre de l’État profond nord-américain contre l’avènement du monde multipolaire. C’est donc une guerre contre la majorité de la population mondiale et les civilisations qui l’incarnent.

    C’est dire qu’on nous embarque dans une guerre perdue d’avance.

    Prolonger la guerre, mais au profit de qui ?

    Si on pouvait à la rigueur admettre, au début du conflit, qu’il était légitime d’apporter une assistance à l’Ukraine « agressée » – bien que ce pays ne soit ni membre de l’OTAN ni membre de l’UE –, après bientôt un an de conflit cette attitude apparaît non seulement absurde mais suicidaire.

    A fortiori lorsque Mme Merkel affirme maintenant que les accords de Minsk – qu’elle a pourtant contresignés avec la France – avaient pour seul objet de permettre à l’Ukraine de gagner du temps pour se préparer à affronter militairement la Russie…

    Livrer toujours plus d’armes contribue évidemment à alimenter le parti de la guerre ukrainien en lui faisant croire que cette assistance otanienne lui permettra de vaincre la Russie sur le champ de bataille. Ce qui ne s’est jamais vérifié jusque-là, et pour cause, puisque l’armée ukrainienne a pour l’essentiel été écrasée mi-2022.

    Pourquoi en irait-il autrement demain, alors que toutes les affirmations des généraux de plateau télévision ont jusqu’à présent été démenties par les faits ?

    Et qui peut donc avoir intérêt à prolonger un conflit que l’Ukraine n’est manifestement plus en mesure de gagner ? Certainement pas nous.

    Un scénario sud-vietnamien

    En Ukraine, l’OTAN se trouve en réalité engagée dans un scénario sud-vietnamien, ce qui n’a rien de fortuit puisque cette organisation est dirigée par les États-Unis, qui commettent toujours les mêmes erreurs, sur le dos des autres.

    Comme au Viet Nam, on achemine donc toujours plus de matériel et d’hommes (ici des mercenaires et des « instructeurs ») en Ukraine, comme si la solution était technique et logistique, alors qu’elle est, comme toujours, politique et civilisationnelle. On adopte donc une logique impolitique de fuite en avant, qui ne peut conduire qu’au désastre.

    Les dirigeants de l’OTAN tiennent d’ailleurs, selon cette ligne absurde, des propos ahurissants. Comme M. Stoltenberg lorsqu’il affirme que, quelle que soit l’issue du conflit (tiens, il se pourrait donc que l’Ukraine ne gagne pas ?), on ne pourrait plus avoir de relations normales avec la Russie[1]. Mais il est vrai que, pour les États-Unis, on ne discute pas avec un adversaire : on le diabolise, on le détruit ou on exige sa reddition inconditionnelle, c’est l’esprit du puritanisme.

    Cette logique vietnamienne a cependant toutes les chances de se terminer ici comme là-bas, demain comme hier. C’est-à-dire par un enlisement militaire, et l’abandon final des Ukrainiens à leur sort, comme autrefois les Sud-Vietnamiens. Ou les Afghans.

    Pousser la Russie à bout

    La décision de contribuer de plus en plus à l’équipement militaire et financier de l’Ukraine nous conduit en outre fatalement à la cobelligérance de fait, donc à affronter militairement la Russie.

    Ce dont les Russes n’ont pas manqué d’avertir les Européens. Mais ceux-ci font la sourde oreille, habitués qu’ils sont aux mensonges et rodomontades de leurs propres politiciens : ils croient qu’il en va de même de tous les autres !

    Pourtant, les responsables russes, en général, parlent sérieusement, comme ils l’ont démontré depuis février 2022.

    Dès lors, qui peut sérieusement croire qu’affronter la Russie nous serait profitable ? Qui peut croire que fermer toutes les voies de discussion avec la Russie va nous apporter la paix ? Qui peut croire que nous ayons le moindre intérêt à pousser la Russie dans ses dernières extrémités ?

    Comme en 1939

    Pour la France, l’histoire recommence malheureusement, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Nous voici en effet revenus en 1939.

    Comme en 1939, la France ne maîtrise plus sa politique. Hier, elle était à la remorque d’une Grande-Bretagne qui décidait brusquement d’arrêter l’expansionnisme allemand à Dantzig, après l’avoir laissé faire partout depuis 1936[2]. Aujourd’hui, la France est à la remorque de l’OTAN et de Bruxelles, c’est-à-dire des États-Unis et de l’Allemagne, dans une logique d’affrontement avec la Russie, une nation en pleine expansion, sûre d’elle-même et de son bon droit, comme autrefois le Reich.

    Comme en 1939, une classe politique incapable et cynique nous conduit à la guerre, sans nous avoir donné les moyens de gagner : qu’il s’agisse de guerre économique, sanitaire ou militaire. Et évidemment sans consulter le peuple français, une fois encore.

    Comme en 1939, on veut nous faire mourir pour un pays instable, avec lequel nous n’avons aucun intérêt vital en jeu et pour des frontières artificielles. Au nom de prétendues « valeurs » que l’on se garde pourtant d’invoquer dans d’autres conflits.

    Comme en 1939, on nous abreuve de bobards hallucinants qui empêchent toute appréciation raisonnable de la situation.

    Et comme en 1939, la gauche bourgeoise – c’est un pléonasme politique français – est d’autant plus va-t-en-guerre qu’elle a placé ses économies et ses enfants bien en sécurité, à l’étranger.

    Celui qui ignore les leçons de l’histoire se condamne à la revivre, dit-on.

    C’est le sort qui nous attend dans les plaines d’Ukraine, si on ne se réveille pas à temps.

    Michel Geoffroy (Polémia, 22 janvier 2023)

     

    Notes :

    [1] « Rien ne sera plus comme avant. Même si les armes se taisent en Ukraine, il ne faut pas attendre que nos relations se normalisent avec la Russie. »

    [2] Techniquement, en 1939, c’est la Grande-Bretagne qui annonce que la France déclare la guerre à l’Allemagne, avant même le gouvernement français ! Le Premier ministre Paul Reynaud va même signer un accord secret avec la Grande-Bretagne, à l’insu du cabinet, aux termes duquel la France subordonne les conditions dans lesquelles elle fait la guerre à l’accord du gouvernement britannique…

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  • Russie, OTAN, Ukraine : La guerre à perpétuité ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous Le samedi politique de TV Libertés, diffusé le 21 janvier 2023 et présenté par Élise Blaise, qui recevait Bernard Wicht pour évoquer le conflit en Ukraine et ses risques de propagation...

    Universitaire, historien des idées et spécialiste en stratégie, Bernard Wicht a récemment publié Une nouvelle Guerre de Trente Ans (Le Polémarque 2011), Europe Mad Max demain ? (Favre, 2013), L'avenir du citoyen-soldat (Le Polémarque, 2015), Citoyen-soldat 2.0 (Astrée, 2017), Les loups et l'agneau-citoyen - Gangs militarisés, État policier et citoyens désarmés (Astrée, 2019) et Vers l'autodéfense - Le défi des guerres internes (Jean-Cyrille Godefroy, 2021).

     

                                              

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  • Tour d'horizon... (236)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur le site de Gavroche, Emmanuel Todd intervient pour la première fois en public sur la guerre en Ukraine en tant qu'historien...

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    - sur Grand Continent, Chris Miller évoque la guerre des semi-conducteurs entre la Chine et les États-Unis...

    Semi-conducteurs : Chine et États-Unis dans la nouvelle ère de la guerre

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  • Guerre en Ukraine : trois scenarios pour 2023...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Bernard Pinatel cueilli sur Geopragma et consacré aux scénarios d'évolution de la guerre en Ukraine. Officier général en retraite et docteur en sciences politiques, Jean-Bernard Pinatel a déjà publié plusieurs essais dont Carnet de guerres et de crises 2011-2013 (Lavauzelle, 2014).

     

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    Guerre en Ukraine : trois scenarios pour 2023 et les facteurs déterminants qui les sous-tendent

    Dans « Foreign Affairs » du 4 janvier 2023[i], Barry Ross Posen, professeur de sciences politiques internationales au MIT et directeur du programme études de sécurité du MIT infléchit son évaluation de situation concernant la guerre en Ukraine : « En juillet, j’ai fait valoir que la guerre était dans l’impasse. Compte tenu des succès subséquents de l’Ukraine dans la libération du territoire dans et autour des villes de Kherson et Kharkiv, mon évaluation était clairement prématurée. Mais il convient de noter que l’Ukraine a obtenu ces succès pendant la période où les forces de la Russie étaient à leur plus faible et son leadership à ses plus pauvres moments. Malgré les progrès de Kiev, la triste vérité demeure qu’à l’époque et à l’heure actuelle, le rapport entre les pertes russes et les pertes ukrainiennes est de un pour un, selon les estimations des États-Unis. La campagne de bombardements contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes, qui a commencé en octobre, force l’Ukraine et ses alliés à détourner leurs ressources vers la défense de la population urbaine du pays, vulnérable aux intempéries en l’absence d’électricité. Et le retrait des forces russes de la ville de Kherson en novembre a sauvé des unités capables de destruction et les a libérés pour l’action ailleurs« .

    Cette analyse est importante à plusieurs titres : elle confirme les analyses stratégiques de plusieurs géopoliticiens français ou étrangers notamment ceux de GEOPRAGMA, (dont la pensée reste libre de tout appartenance) car elle minimise les succès ukrainiens que nos analystes de plateaux TV considéraient comme décisifs et qui les autorisaient à pronostiquer la défaite de la Russie.

    A l’orée de 2023 l’évolution de la réflexion de cet influenceur important de la pensée stratégique des élites américaines est l’occasion de rappeler les facteurs déterminants qui se sont dégagés de ces 10 mois de guerre et qui décideront de l’évolution de ce conflit.

    Ils limitent le champ des scénarios plausibles sur la poursuite de ce conflit en 2023.

    Les facteurs déterminants qui se sont révélés au cours de ces 10 mois de guerre :

    1. Les russes, par sous-évaluation des capacités ukrainiennes et de l’héroïsme de ses soldats et probablement pour devancer une attaque de leur part prévue au printemps, se sont lancés le 24 février 2022 dans cette « opération spéciale » avec des forces limitées (environ 100 000 hommes) et un commandement décentralisé (3 corps d’Armée) sur un front très étendu (1000 km). Avec ces forces ils n’avaient, comme je l’ai déclaré le 5 mars sur LCI, ni la capacité de s’emparer de Kiev ni de conquérir toute l’Ukraine que la majorité des consultants TV désignait alors comme l’objectif de la Russie, mettant même en garde contre une extension du conflit aux pays voisins.

    2. Ce qui a été proclamé à l’Ouest comme de grandes victoires ukrainiennes ne sont en réalité que des replis opératifs des forces russes de l’oblats de Kharkiv et de la rive Ouest du Dniepr à Kherson.  En effet, les russes ne pouvaient conserver ces territoires avec des effectifs aussi limités sans s’exposer à des contre-attaques victorieuses de la part de Kiev.

    3. Même si les pertes ukrainiennes[ii] sont égales et probablement supérieures à celles avouées par les autorités de 100 000 hommes soit 10 000 hommes en moyenne par mois de guerre, il est exagéré d’en attribuer autant aux forces russes. En effet l’Ukraine a mobilisé environ un million d’hommes et en a envoyé au front 500 000 ce qui constitue un taux de pertes très élevé de 20%, inconnu depuis la seconde guerre mondiale (par comparaison dans ses OPEX, la quatrième génération du feu, la France a perdu depuis 1969 en moyenne un homme par mois et 350 par mois durant la guerre d’Algérie 1954-1962).

    En outre, 100 000 russes hors de combat signifierait que le taux de perte des forces russes serait de l’ordre de 75% des effectifs engagés en prenant en compte les forces du Donbass et les milices Wagner (50 000 h) ce qui est évidemment irréaliste. En appliquant le même taux qu’a subi l’Ukraine, les pertes des forces engagées du côté russe sont probablement plus proches de 30-40 000 hommes.  Cette évaluation est corrélée par le nombre de prisonniers de part et d’autre.  Les russes affirment détenir plus de 6000 ukrainiens et miliciens, chiffres corroborés par les ONG qui ont été autorisées à les rencontrer alors que Kiev garde un silence total sur le nombre de prisonniers russes. Un indice toutefois, le seul échange de prisonniers médiatisé a porté le 22 septembre sur 215 prisonniers ukrainiens et étrangers contre 55 prisonniers russes. On retrouve ce rapport de 1 à 4 qui reflète probablement mieux les pertes russes par rapport aux pertes ukrainiennes.

    4. Les Russes qui ont une population 4 fois plus importante que celle de l’Ukraine, disposent encore de réserves mobilisables même après le rappel de 300 000 réservistes alors que les ukrainiens ont atteint leurs limites.

    5. Le remplacement des matériels détruits et la maintenance opérationnelle est facilitée côté russe mais constitue un casse-tête pour l’Ukraine. En effet, la Russie possède la deuxième industrie d’armement exportatrice du monde derrière celle des Etats-Unis, loin devant la France troisième (deux fois et demie en valeur source SIPRI). Elle est donc capable de remplacer les matériels perdus et les munitions utilisées à l’identique ou par des matériels d’une génération plus récente (ex les 200 chars lourds T90M[iii]) tout en pouvant obtenir des munitions et des matériels de même type chez les pays amis équipés des mêmes armements.

    En revanche, depuis le 24 février, le soutien des pays occidentaux à l’Ukraine confronte ses forces à un double défi quantitatif et qualitatif.

    Le problème quantitatif vient de la consommation de munitions par l’Ukraine qui tire en une semaine la quantité d’obus et de missiles que les Etats-Unis produisent actuellement en un mois. Ces cadences de tir entrainent de plus une usure rapide des matériels : 50% des obusiers américains serait en maintenance ou hors service ; la précision des canons César français décroit avec leur usage intensif. A cela s’ajoute le fait que les pays de l’OTAN sont incapables de remplacer nombre pour nombre les matériels détruits au combat sans mettre à nu leurs forces car leurs industries d’armement ne sont pas capables d’augmenter rapidement leurs cadences…

    L’aspect qualitatif provient du fait que les pays anglo-saxons et européens ne peuvent remplacer les matériels détruits avec les mêmes matériels de fabrication soviétique des années 80 qui équipaient majoritairement l’armée ukrainienne au début du conflit ce qui entraine une hétérogénéité des matériels à soutenir. De plus les pays de l’OTAN envoient des matériels très différents qui accroissent à chaque envoi l’hétérogénéité du parc ukrainien de matériels ce qui impacte directement leur maintien en condition opérationnelle (MCO). En effet la maintenance des obusiers américains n’a rien de comparable avec celui de nos canons César ; de même celle des engins blindés à roue de transport de troupe VAB et les AMX-10RC canon qui sont actuellement remplacés dans nos régiments par les matériels du programme Scorpion, n’a rien de commun avec celle des blindés anglo-saxons ou allemands. Tout cela accumulé pose aux ukrainiens des problèmes de maintien en condition difficilement surmontables et plusieurs sources indiquent que le taux de disponibilité de leurs matériels est inférieur à 50%.

    6. Un nouvel élément qui vient d’être révélé par le Président du Nigéria : le détournement vers la contrebande d’armes d’une partie des équipements livrées par les occidentaux à l’Ukraine. Ce fait dramatique ne peut plus être occulté[iv] et soulève des questions éthiques et stratégiques auxquelles il n’est pas facile de remédier même si les Etats-Unis s’attachent à mettre en place pour 2033 des mécanismes pour le limiter[v] . Ce révélateur de la corruption endémique en Ukraine et les conséquences sur les ressortissants et les intérêts européens en Afrique est de nature à fragiliser le soutien que les populations et certains dirigeants européens apportent à cette guerre.

    7. Enfin, du fait du délai consenti pour l’application des sanctions et malgré le sabotage de Nord Stream 1 et 2 par les anglais le 26 septembre, les états européens ont importé de Russie les dix premiers mois de 2022 des produits énergétiques pour une valeur de 181 milliards d’euros, soit une augmentation en valeur de 38 % par rapport à l’année précédente[vi] et, malgré cela, les prix de l’énergie flambent en Europe. Les leaders européens prennent conscience qu’ils ne pourront se passer du gaz russe sans accepter un accroissement considérable du prix de l’énergie avec les conséquences en termes économiques et sociaux qui fragilisent leur pouvoir et mettent à mal la cohésion de l’Union Européenne.

    Les scénarios pour demain

    Il est aujourd’hui évident que la Russie reprendra l’offensive début 2023 avec des forces deux à trois fois plus importantes que celles engagées le 24 février 2022. La question que tous les analystes se posent est avec quel but de guerre et quelles chances de réussite ? Les enseignements tirés des 10 premiers mois de guerre permettent d’écarter le scénario d’une défaite russe que souhaite la majorité des commentateurs peu avertis de la chose militaire et qui trop souvent prennent leurs désirs pour la réalité.

    Le scénario coréen.

    Pour les consultants qui défilent sur les plateaux TV, ce conflit ne peut se terminer que par la victoire de l’Ukraine ou par une solution diplomatique qui lui permettrait de recouvrer tout le territoire perdu y compris la Crimée.  Il apparait plus conforme au déroulement de cette guerre d’envisager une situation dans lequel le conflit continue sans victoire ni paix. C’est le scénario Coréen. Poutine a compris que la poursuite de la guerre va couter à la Russie de plus en plus cher en hommes et à son économie car les occidentaux sont en mesure d’accélérer la fabrication d’armes et de munitions et la division des Républicains américains sur le soutien à l’Ukraine laisse le champ libre aux démocrates pour accroitre leur soutien à Zelenski. La diplomatie russe ayant obtenu l’assurance de plusieurs pays européens qu’ils s’opposeront à l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN, Poutine considère que le risque de voir Odessa devenir une base OTAN et la flotte américaine en mer Noire est limité au moins pour les cinq années à venir. Cette assurance est basée sur la prise de conscience d’une partie des leaders européens et de la majorité de la population que ce sont leurs pays qui auront à supporter les conséquences économiques et sociales du prolongement de cette guerre et le soutien à l’Ukraine « quoi qu’il en coûte » est largement remis en cause. En conséquence Poutine limite ses buts de guerre et utilise ses nouvelles forces pour terminer la conquête des 4 oblats de Louhansk, Donetsk, Zaporijjia et Kherson et place ses unités en défensive à leurs frontières. Les Ukrainiens usent leurs forces, déjà fortement éprouvées, en lançant des offensives sur ces défenses qui sont hachées par l’artillerie russe. Et petit à petit fin 2023 s’installe une situation de « non-guerre armée » de part et d’autre d’une « nouvelle frontière » qui n’est pas reconnue par l’Ukraine et par les occidentaux…et on se retrouve dans la situation Coréenne qui perdure depuis 74 ans.

    Le scénario : un pont trop loin

    Avec ses nouvelles forces et pour ne pas laisser le temps aux occidentaux d’ajouter à la guerre économique qu’ils mènent à la Russie, la mise sur pied d’une « économie de guerre » dans leurs pays (accroissement de plusieurs points du PIB des dépenses d’armement, passage aux 3 X 8 dans les industries de défense), Poutine décide de terminer la conquête des 4 oblasts qu’il a annexés juridiquement et de lancer simultanément une offensive pour s’emparer d’Odessa et rejoindre la province autonome de Transnistrie en annexant les oblasts de Mikolaïv et d’Odessa. Cette relance de l’agression russe resoude le camp occidental et il devient évident même chez les leaders politiques favorables à la Russie que Poutine a perdu la tête et qu’il faut donner un coup d’arrêt à la Russie car, après avoir conquis Odessa, rien ne dit qu’il ne foncera pas à nouveau sur Kiev. Les pays européens accroissent leur cobelligérance et une véritable légion étrangère composée de volontaires des pays européens et équipée des derniers matériels les plus performants rejoint l’Ukraine qui reçoit massivement les équipements de défense anti-aérienne pour rendre l’utilisation de l’espace aérien très couteux par la Russie. Des contre-attaques vigoureuses nord-sud mettent à mal les lignes de ravitaillement terrestres russes vers Odessa tandis que des sous-marins occidentaux pénètrent en mer Noire et coulent les navires de ravitaillement russe. La fin de l’année 2024 marque l’échec de cette offensive et la Russie est contrainte de se replier à l’Est du Dniepr.

    Scénario 3 : la nucléarisation du conflit

    Poutine a perdu espoir d’atteindre ses objectifs minima par des moyens classiques : conquérir et défendre les 4 oblasts annexés et obtenir une neutralisation de l’Ukraine qui éviterait de voir Odessa devenir une base OTAN. En effet les livraisons d’armes des pays anglo-saxons, la formation des soldats ukrainiens et l’engagement de plus en plus nombreux de combattants venus d’Occident bloque l’avancée de ses troupes dans le Donetsk. Les pays occidentaux multiplient l’envoi de nouveaux systèmes de défense aérienne en Ukraine, atténuant l’impact des frappes stratégiques de la Russie, ainsi que de son aviation d’appui au sol. Les Etats-Unis autorisent l’Ukraine à déplacer ses lance-roquettes M142 HIMARS vers le sud et à cibler les ports, les bases et les dépôts russes en Crimée. La flotte russe subit des attaques en mer Noire et plusieurs de ses bâtiments sont coulés. Le pont de Crimée est à nouveau endommagé grandement. M. Poutine considère alors que les intérêts vitaux de la Russie sont en jeu. Il déploie ses armements nucléaires non stratégiques et fait exploser une arme nucléaire en altitude au-dessus de l’Ile aux serpents en signe d’ultime avertissement. Il lance aux occidentaux un ultimatum : arrêtez et revenez à la table de négociations ou vous aurez à faire face à l’utilisation d’armes nucléaires non stratégiques sur le théâtre des opérations. Il est évident que ce scénario peut constituer la suite du scénario deux.

    En conclusion

    Les décisions de Washington dans son soutien à Zelenski et la perception par les leaders européens des risques que l’Europe encourt en poussant Poutine dans ses retranchements et leur décision de découpler ou non leur action en Ukraine de celle des anglo-saxons déterminera la désescalade de cette guerre en 2023 ou sa montée aux extrêmes. La position des leaders européens est d’autant plus essentielle que, dans cette guerre, les européens, l’Ukraine et la Russie apparaissent être les « dindons de la farce anglo-saxonne » qui veut affaiblir la Russie avec le sang des Ukrainiens et, en restaurant une guerre plus chaude que froide, interdire toute alliance économique entre l’Europe et la Russie pour éviter qu’elle devienne la première puissance économique mondiale du XXIème siècle. Cette guerre fait reculer le monde multipolaire que nous appelons de nos vœux et nous ramène dans la deuxième moitié du XXème siècle dans un monde dominé par un duopole  USA-URSS remplacé désormais par USA-Chine, alliée de la Russie.  En rejetant ainsi la Russie dans les bras de Pékin, nous nous dirigeons comme des somnambules vers cet affrontement de l’Heartland contre le Rimland, annoncé par les géo-politologues Halford Mackinder (1861-1947) et Nicholas Spikman (1893-1943) d’autant que la prolongation de ce conflit accroit les risques de sa nucléarisation ce qui serait dramatique pour l’Europe alors que  les vraies menaces pour l’avenir de nos sociétés sont le dérèglement climatique, l’immigration massive et l’islam radical.

    Jean-Bernard Pinatel (Geopragma, 15 janvier 2023)

     

    Notes

    [i] https://www.foreignaffairs.com/ukraine/russia-rebound-moscow-recovered-military-setbacks?utm_medium=newsletters&utm_source=fatoday&utm_campaign=The%20New%20Industrial%20Age&utm_content=20230104&utm_term=FA%20Today%20-%20112017

    [ii] On entend par perte, les tués, les blessés graves qui ne reprendront pas le combat et les prisonniers

    [iii] https://www.lefigaro.fr/international/guerre-en-ukraine-la-russie-envoie-200-de-ses-chars-les-plus-modernes-des-t-90m-dans-le-donbass-20221208

    [iv] Muhammadu Buhari, président du Nigéria – la première puissance économique africaine en termes de PIB nominal et la deuxième en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat – a déclaré récemment que des armes en provenance du conflit ukrainien se déversent à flot continu dans la région du bassin du lac Tchad.

    Le chef d’Etat nigérian a lancé cet appel dans son discours d’ouverture du 16ème Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT), qui s’est déroulé dans la ville d’Abuja, la capitale du Nigéria. « Ce mouvement illégal d’armes dans la région a intensifié la prolifération des armes légères et de petit calibre qui continue de menacer notre paix et notre sécurité collectives dans la région », a ajouté Muhammadu Buhari dans son discours. Au point que même certains représentants de régimes occidentaux avaient fini récemment par admettre timidement cette réalité.

    [v] https://www.jmu.edu/news/cisr/2022/10/28-wra.shtml

    [vi] Eurostat

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