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transmission - Page 2

  • « Une occasion historique de clarifier les termes du débat politique » ...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec François-Xavier Bellamy publié dans le Figaro et cueilli sur son site personnel, dans lequel il évoque la question du libéralisme.

    Agrégé de philosophie, François-Xavier Bellamy a publié Les déshérités ou l'urgence de transmettre (Plon, 2014).

     

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    « Une occasion historique de clarifier les termes du débat politique »

    Emmanuel Macron affirme que « le libéralisme est de gauche ». S’agit-il d’une captation idéologique ou d’une mise au point philosophique ?

    Ce n’est clairement pas une captation idéologique, puisqu’il y a une vraie tradition libérale de gauche ; mais c’est une mise au point, en ce sens qu’Emmanuel Macron valide par là le déplacement des plaques tectoniques du débat intellectuel et politique entamé avec la chute du mur de Berlin. Dans un monde bipolaire, le libéralisme était anti-communiste, et donc de droite. Aujourd’hui, après avoir porté des réformes de société très libérales sans les assumer comme telles, la gauche au gouvernement accepte enfin de revendiquer un libéralisme cohérent.

    Comment définir ce libéralisme de gauche ? S’agit-il du développement des droits individuels ?

    On pourrait définir ce libéralisme de gauche par la volonté de déconstruire tout ce qui précède le choix des individus. Dans un entretien au Nouvel Obs, Manuel Valls présentait comme l’objectif final d’une politique de gauche « l’émancipation de l’individu. » Emmanuel Macron le rejoint, par exemple lorsque qu’il critique le concept de « tabou. » Sous ce nom, la gauche dénonce tous les interdits qu’elle veut briser ; il s’agit donc de défaire les héritages culturels, familiaux, spirituels, et même naturels, dans lesquels elle ne voit, selon les mots de Vincent Peillon à l’Assemblée nationale, que des déterminismes auxquels il convient d’arracher l’individu. C’est tout le sens d’un certain usage du concept de laïcité.

    Une part de la droite semble partager cette vision…

    De ce fait cette conception de la liberté a largement irrigué le paysage politique, et la droite s’est longtemps soumise à cette entreprise de déconstruction qui se présentait comme un progrès.

    La mandature Hollande peut-elle être qualifiée de libérale ?

    On peut dire qu’elle aura été marquée par la contradiction qui a longtemps marqué la gauche française, cette tension entre un libéralisme sociétal affirmé et la multiplication des freins à l’initiative individuelle en matière économique. Avec 57% du PIB consacré à la dépense publique, la France est aujourd’hui encore très loin du libéralisme global qu’Emmanuel Macron appelle de ses vœux…

    Si la gauche est libérale, que peut être la droite ?

    Le piège serait pour la droite de se crisper maintenant dans un conservatisme étroit, au motif que la gauche revendique la liberté. La situation actuelle offre une chance historique de clarifier les termes même du débat public. Ce que la gauche nous propose, quand elle nous parle de liberté, c’est, dans tous les domaines, l’atomisation individualiste ; et derrière la revendication de « droits » nouveaux, l’égoïsme décomplexé. Pour Emmanuel Macron, « tous les jeunes doivent rêver d’être milliardaires » ; proposons d’autres rêves à la génération qui vient, des rêves qui donnent toute sa consistance à l’idée de liberté ! La droite doit se saisir de ce travail, et, au lieu de la solitude du consommateur, proposer une société d’acteurs libres, engagés et responsables.

    Certains libéraux affirment que le libéralisme est forcément révolutionnaire et qu’il est antinomique avec toute forme de conservation.  Existe –t-il une perspective « libérale-conservatrice » ?

    La vraie révolution aujourd’hui consiste sans aucun doute à reconnaître, dans la crise d’adolescence collective que nous semblons traverser, que notre liberté n’est pas immédiate, et qu’elle suppose l’humilité qui reconnaît et reçoit l’enracinement qui la fait croître. La liberté se nourrit d’un héritage, d’une langue, d’une éthique, dont le discrédit – qui a pourtant été opéré depuis cinquante ans au nom de l’émancipation individuelle – ne peut mener qu’à une aliénation définitive.

    La liberté de penser, d’agir, de juger ne sont pas des productions spontanées ; elles sont le résultat du travail patient de la culture. Dans la folie de sa déconstruction, où nous croyons trouver notre affranchissement,  nous ne faisons que permettre la standardisation à grande échelle des comportements, des opinions, et des personnes. Inspirée par ce libéralisme individualiste, une mondialisation débridée rejoint les idéologies les plus coercitives pour produire de l’uniformité, de l’indifférenciation et de l’indifférence à grande échelle.

    Le clivage droite/gauche est-il encore pertinent ?

    La cohérence retrouvée de la gauche redonne à la droite sa pleine nécessité. La liberté au nom de laquelle une grande partie de la gauche revendique aujourd’hui la PMA, la GPA, l’euthanasie ou le suicide assisté se veut totale et irresponsable. La droite doit maintenant, en renouant avec son héritage intellectuel, montrer combien il est nécessaire de préserver les conditions éthiques d’une société authentiquement humaine, et pour cela de recevoir et de transmettre l’héritage culturel qui peut seul fonder notre avenir. Ainsi sera refondée pour les individus la perspective de relations réelles, par lesquelles ils puissent échapper à la solitude de l’intérêt pour vivre l’expérience d’une liberté totale, parce que responsable.

    Que vous inspire le poids intellectuel et médiatique grandissant d’une gauche non libérale  dont témoigne notamment le phénomène Michel Onfray ?

    Dans cette recomposition idéologique, au-delà de toutes les étiquettes, il faut évidemment s’attendre à des convergences nouvelles.

    Le but ultime du libéralisme est-il la disparation de la politique ?

    Le libéralisme, en effet, a été dans l’histoire ce que Schmitt appelait « le mouvement ultime de dépolitisation et de neutralisation » de la société. En ce sens, les réformes sociétales de la gauche libérale, tout comme la vision économique défendue par Emmanuel Macron, tendent en même temps à la dérégulation, et à la déconstruction de l’Etat ramené au rôle de gestionnaire technique des interactions sociales. Mais il est clair, là encore, qu’il ne peut y avoir de liberté véritable sans qu’elle soit sous-tendue par une loi commune, dont l’ordre protège, éclaire et consolide les choix individuels.  Quand la politique fait défaut – et c’est l’honneur d’une partie de la gauche de n’avoir cessé de le rappeler, c’est toujours le plus faible et le plus fragile dans la société qui en paie le prix.

    François-Xavier Bellamy, propos recueillis par Vincent Tremolet de Villers (Le Figaro, 30 septembre 2015)

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  • Les snipers de la semaine... (105)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Sputnik, Alexandre Latsa flingue les dirigeants de la droite, américanisés et alignés sur leur maître...

    La trahison de la droite française

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    - sur Le Comptoir, Romain Masson dézingue la réforme des collèges projetée par le gouvernement...

    Réforme des collèges : le savoir, fin de transmission

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  • La crise de l’école a fondamentalement des causes idéologiques...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la crise de l'école...

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    « La crise de l’école a fondamentalement des causes idéologiques »

    Après les incidents suscités dans les écoles par le refus de certains élèves d’observer une minute de silence en hommage aux morts de Charlie Hebdo, Najat Vallaud-Belkacem annonce le lancement d’un vaste programme de « formation des futurs citoyens aux valeurs de la République ». Elle ajoute que « les candidats professeurs seront désormais évalués sur leur capacité à faire partager les valeurs de la République ». Qu’est-ce que cela signifie ?

    Les « valeurs de la République » qu’on invoque aujourd’hui rituellement se ramènent à un seul et unique concept : la laïcité. Une laïcité qui n’est pas la laïcité « prudentielle » dont parlait Émile Poulat, mais une sorte de nouvelle religion publique qui, pour s’imposer, exige que l’enfant soit soustrait à toute appartenance, à toute croyance, à toute identité héritée. C’est le principe même de la métaphysique progressiste : l’idée qu’une société libre et fraternelle ne pourra naître que de la ruine de toutes les formes particulières d’enracinement. C’est aussi l’idéal d’une société censée se composer de sujets autosuffisants, sans aucune forme d’engagement ni d’attachement mutuel autre que volontaire, rationnelle ou contractuelle. Vincent Peillon l’avait d’ailleurs dit sans fard : l’école doit « arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel ». Pour les modernes, être libre, c’est être indéterminé.

    Le postulat de base est que des élèves que l’on aura coupé de leurs racines seront plus portés à la « tolérance ». En termes clairs : les enfants d’origine immigrée se sentiront moins étrangers en France quand les jeunes Français se sentiront eux-mêmes étrangers chez eux. Ce n’est évidemment qu’un vœu pieux, car l’indistinction généralisée est fondamentalement polémogène. C’est en outre un détournement évident du rôle de l’école.

    L’institution scolaire se porte déjà très mal. D’innombrables livres sont parus ces dernières années pour dénoncer la baisse de niveau d’une école transformée en « fabrique de crétins » (Jean-Paul Brighelli). La faute aux réformes ? Aux enseignants ?

    Cessons de croire que les enseignants sont pour la plupart des « soixante-huitards attardés ». Ce sont au contraire dans leur immense majorité des fonctionnaires conformistes, qui gèrent les choses comme ils peuvent, leur principal souci étant de se conformer à l’injonction qui leur est faite d’éviter de « faire des vagues ». Quant aux incessantes réformes adoptées par des gouvernements de droite ou de gauche depuis cinquante ans, elles ont en général aggravé la situation. Mais il est parfaitement inutile de s’obnubiler sur elles si l’on ne comprend pas de quelle idéologie elles relèvent. La crise de l’école a fondamentalement des causes idéologiques. J’en distinguerai au moins quatre.

    La première est celle dont j’ai déjà parlé. On peut la résumer d’une formule : le refus de transmettre. François-Xavier Bellamy, dans son excellent ouvrage intitulé Les déshérités, rapporte ces mots d’un inspecteur général de l’Éducation nationale qui l’avaient profondément marqué quand il était jeune enseignant : « Vous n’avez rien à transmettre » ! Dans cette perspective, la transmission de la culture est automatiquement suspecte d’« aliénation » et d’« enfermement ». La culture doit être « déconstruite » pour fonder le savoir sur la seule raison. Valérie Pecresse, ministre UMP de l’Enseignement supérieur, avait ainsi supprimé des concours d’entrée aux grandes écoles l’épreuve de culture générale, jugée « discriminatoire ». Aujourd’hui, des pans entiers de culture sont progressivement abandonnés au motif de lutter contre les « stéréotypes », en particulier dans le domaine du « genre ». La mémoire et l’identité d’un peuple disparaissent ainsi de l’apprentissage scolaire.

    À cette idéologie du refus de la transmission s’ajoute très classiquement le vieil égalitarisme. Comme on se refuse à admettre que les élèves ne sont pas tous également capables, on conclut de l’égalité des chances au départ à l’égalité des résultats à l’arrivée (la totalité des classes d’âge doivent « avoir le bac »). Résultats : effondrement des niveaux, illettrisme et diplômes au rabais.

    « À partir du moment où l’on interdit de transmettre la culture, au motif qu’elle est discriminatoire, écrit encore François-Xavier Bellamy, on rend l’origine sociale des élèves plus déterminante que jamais. Puisque le savoir n’est pas transmis à l’école, seuls seront sauvés ceux qui le reçoivent dans leur famille. » C’est aussi l’opinion de Michel Onfray : « L’école d’aujourd’hui tue sur place les enfants de pauvres et sélectionne les enfants des classes favorisées qui monnaient dans la vie active, non ce qu’ils ont appris à l’école, mais ce qu’ils ont appris chez eux. » Au nom de l’égalité, on a ainsi mis en place le système scolaire le plus inégalitaire qui soit. Bourdieu a produit le système qu’il dénonçait.

    Troisième facteur, aggravé par le discrédit général de la notion d’autorité : le « pédagogisme » des années 1980 et 1990, dont le grand théoricien a été Philippe Meirieu (celui qui proclamait naguère qu’il fallait apprendre à lire sur les modes d’emploi des appareils ménagers). Sous prétexte de se mettre « à hauteur de l’enfant », il revient à abandonner toute logique éducative afin, comme le stipulait la loi Jospin de juillet 1989, de laisser l’enfant « construire lui-même ses propres savoirs ». Transformé en gentil moniteur-accompagnateur, le bon prof serait celui qui laisse l’élève « être lui-même » dans une école transformée en « lieu de vie ». D’où la disparition des cours magistraux (au profit des « séquences pédagogiques ») et la multiplication des « expérimentations » les plus aberrantes, qui ont encore tiré le système vers le bas.

    La dernière influence est plus récente. C’est la conception utilitaire ou « managériale », qui veut que l’école existe, non pour éduquer, mais pour donner des « outils », un « bagage » pour trouver un métier. Dans cette conception purement marchande de l’école, la culture générale et les études classiques sont supprimées dans la mesure même où on les juge « inutiles ». La culture, qui est du domaine de l’être, est réduite à un « capital » aussi léger que possible, tout entier pensé dans le vocabulaire de l’avoir, le but étant de fabriquer des « individus indéterminés, indifférenciés et indifférents, acteurs et produits parfaits de la société de consommation » (Bellamy). « Du point de vue anthropologique, écrivait Pasolini, la révolution capitaliste exige des hommes dépourvus de liens avec le passé. » Au moment où l’on va vers l’instauration du « tout numérique » à l’école, cette tendance est évidemment appelée à se développer.

    Des solutions ?

    Si l’on veut favoriser chez les élèves de toutes origines la volonté d’appartenance à la France, il faut poser en principe que la France est d’abord une nation (avant d’être une « République ») et, comme l’a rappelé récemment Robert Redeker, que l’amour d’une nation se nourrit de deux éléments fondateurs : l’amour de la langue et l’amour de l’histoire. Or, l’enseignement de l’histoire, de la langue et de la littérature françaises a été systématiquement détruit. Ce n’est pas la « laïcité » qui va y suppléer. En dernière analyse, on ne peut faire l’économie d’une anthropologie. La question est de savoir si l’homme est ou non un être social dont la culture est inhérente à sa nature humaine, et si le propre de l’expérience humaine tient au fait que nous ne sommes pas immédiatement nous-mêmes. Tant que ces questions-là n’auront pas été posées, l’école continuera à sombrer.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 27 janvier 2015)

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  • Le livre, dernier refuge de l'homme libre ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la question de la culture et de la transmission...

    alain de benoist,turbocapitalisme,hollande,taubira,révolution

     

     

    « Numérique : le livre, dernier refuge de l’homme libre ? »

    Fleur Pellerin, ministre de la Culture, admettait récemment n’avoir pas eu le temps de lire un livre depuis deux ans. Vous, dont la bibliothèque compte près de 200.000 livres, est-ce que cela vous indigne ?

    Je trouve qu’elle est plutôt à plaindre. Fleur Pellerin n’est pas une femme antipathique. Comme beaucoup de jeunes Asiatiques, elle a sûrement travaillé dur pour obtenir ses diplômes. Elle a passé un baccalauréat scientifique, elle est passée par l’ESSEC et par l’ENA, avant de devenir à vingt-six ans magistrate à la Cour des comptes, ce qui n’est pas rien. Elle a ensuite occupé des fonctions gouvernementales en étant successivement chargée de l’Économie numérique, du Commerce extérieur, puis du Tourisme. Le problème est que tout cela n’a rien à voir avec la culture, ce qui est un peu gênant quand on est titulaire d’un poste qui fut, en d’autres temps, occupé par André Malraux.

    Bien entendu, un ministre de la Culture ne doit pas être nécessairement un écrivain. Mais si madame Pellerin n’a rien lu depuis deux ans (saluons au moins sa franchise !), c’est de toute évidence qu’elle n’a pas lu grand-chose avant non plus. J’ai du mal à l’imaginer plongée dans La Recherche, dans Les Cloches de Bâle ou dans Les Possédés, pour ne rien dire des Deux Étendards ou de La Fosse de Babel. Elle dit qu’elle « n’a pas eu le temps », ce qui prête à sourire. Les gens qui n’ont « pas le temps de lire » sont des gens qui n’en éprouvent pas le besoin. Quand on en a le besoin, on trouve toujours le temps. Fleur Pellerin ne dirait pas que depuis deux ans elle n’a pas eu le temps de manger ! Érasme, lui, confiait : « Quand j’ai un peu d’argent, je m’achète des livres et s’il m’en reste, j’achète de la nourriture et des vêtements. » . Je trouve que c’est une bonne façon de procéder.

    De son côté, Natacha Polony n’en finit plus de rappeler que l’école sert d’abord et avant tout à lire, écrire et compter. Et que l’enseignement numérique n’est finalement que subsidiaire…

    Il est toujours bon de rappeler le b.a-ba, mais l’école, en principe, ne doit pas seulement servir à lire, écrire et compter. L’Éducation nationale est censée éduquer, ce qui n’est pas tout à fait la même chose qu’enseigner. Éduquer, c’est mettre en forme et c’est transmettre. Or, nos enseignants ne savent visiblement plus que transmettre ni comment transmettre. Dans Les Déshérités, François-Xavier Bellamy assure même qu’il leur est « interdit de transmettre ». Entre ceux qui veulent voir leurs enfants acquérir des connaissances « utiles pour avoir un métier », transformant ainsi l’école en antichambre du cabinet d’embauche, ceux qui veulent laisser s’épanouir la « créativité » de ceux qui en sont manifestement les plus dépourvus, et les élèves eux-mêmes qui trouvent que « ça ne sert à rien » d’apprendre quelque chose, puisque « maintenant on trouve tout sur Wikipédia », la ligne de crête n’est pas facile à suivre. D’ailleurs, question lancinante : qui éduquera les éducateurs ?

    Dans L’Enseignement de l’ignorance, Jean-Claude Michéa affirme que l’oubli de l’histoire et des lettres classiques n’est nullement un « dysfonctionnement » de l’école, mais le but même qui lui est désormais assigné. Pour créer l’Homo œconomicus que le monde actuel place au centre de sa conception du monde, il faut que le futur consommateur soit rendu parfaitement malléable, et donc « libéré » de tout repère « archaïque ». L’oubli du passé répond aux exigences conjointes de la gauche libérale, de l’industrie des loisirs et du patronat. C’est pourquoi l’école actuelle fabrique des crétins à la chaîne, c’est-à-dire des incultes portés par la seule immédiateté de leurs désirs marchands. Or, la culture n’est pas un bagage qui permet de faire bonne figure à « Questions pour un champion », ni un élément décoratif conçu de façon bourgeoise comme la potiche qu’on place sur un dessus de cheminée, et moins encore une « industrie » dont l’avenir est dans le numérique, comme le croit Fleur Pellerin. La culture – je dis la culture, pas les « produits culturels » – est ce qui permet à l’homme d’acquérir une forme intérieure. Bernanos disait qu’« on ne comprend rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure ». C’est exactement cela.

    Autrefois, il fut prétendu que la photo allait détrôner la peinture, que le cinéma allait tuer le théâtre, que la télévision allait achever le septième art, et que les vidéo-clubs ne feraient qu’une bouchée des salles de cinéma. À l’heure d’Internet et de la VOD, qui va tuer qui ?

    Les nouveaux procédés techniques ne font pas forcément disparaître les précédents, mais ils les transforment. Lorsqu’il a perdu le monopole de l’image qui bouge au profit de la télévision, le cinéma a considérablement changé. Revoyez Ginger et Fred de Fellini ! De même, l’œil de l’Homo numericus qui balaie l’écran d’une tablette n’est pas l’œil qui découvre peu à peu une page imprimée. André Suarès écrivait en 1928 : « Il est possible que le livre soit le dernier refuge de l’homme libre. Si l’homme tourne décidément à l’automate, s’il lui arrive de ne plus penser que selon les images toutes faites d’un écran, ce termite finira par ne plus lire. Toutes sortes de machines y suppléeront : il se laissera manier l’esprit par un système de visions parlantes […] Tout y sera, moins l’esprit. Cette loi est celle du troupeau. »  Le plus grand risque pour l’homme d’aujourd’hui est d’adopter un comportement technomorphe qui étouffe peu à peu ce qu’il y a en lui de proprement humain. Là, ce n’est plus Ginger et Fred qu’il faut évoquer, mais Fahrenheit 451.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 12 décembre 2014)

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  • Les déshérités...

    Les éditions Plon viennent de publier un dossier de François-Xavier Bellamy intitulé Les Déshérités ou l'urgence de transmettre. Agrégé de philosophie, François-Xavier Bellamy est professeur en khâgne à Paris.

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien avec l'auteur sur TV5 Monde.

     

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    " Cinquante ans après Les Héritiers de Pierre Bourdieu, paru en 1964, François-Xavier Bellamy dresse le constat suivant : nous voulons toujours éduquer, mais nous ne voulons plus transmettre. Cette crise de la culture n’est pas le résultat d’un problème de moyens, de financement ou de gestion. Il s’est produit, dans nos sociétés occidentales, un phénomène unique, une rupture inédite : une génération s’est refusée à transmettre à la suivante ce qu’elle avait à lui donner, l’ensemble du savoir, des repères, de l’expérience humaine qui constituait son héritage. Dans cet ouvrage, l’auteur pose la question : comment reconstruire le dialogue des générations ? Et trace des pistes pour ne pas laisser dans le dénuement une génération qui crie qu’elle ne veut pas mourir. "

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  • Tableau noir...

    Les éditions Hugo et Cie viennent de publier Tableau noir, un essai décapant de Jean-Paul Brighelli. Normalien et agrégé de lettres, ancien professeur de classes préparatoires, Jean-Paul Brighelli est un défenseur inconditionnel de l'élitisme républicain et aussi un redoutable polémiste. On lui doit déjà plusieurs essais consacrés à l'école, réédités en format poche, comme La fabrique du crétin (Folio, 2006) ou A bonne école (Folio, 2007).

     

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    " Il y a dix ans La Fabrique du crétin dressait le constat lucide et accablant des dysfonctionnements de l’école de la République. Aujourd’hui, Tableau noir dresse le constat impitoyable d’une faillite générale, malgré les réformes entreprises, ou à cause d’elles. Venu au pouvoir avec un pseudo-projet de refondation, le gouvernement socialiste a achevé le désastre initié dans les années 1990. Une faillite voulue, conforme aux engagements européens d’une France à bout d’école comme on est à bout de souffle; faillite de la formation, faillite de la transmission, parce que la faillite principale, c’est celle du renouvellement social.

    Ce sont prioritairement les plus pauvres qui paient le plus cher. Loin de les pousser au plus haut de leurs capacités, on ne leur donne même plus les bases qui leur permettraient de comprendre qu’on les sacrifie. Et parallèlement, on massacre aussi les enseignants, quand on en trouve encore : parce qu’il ne suffit pas de vouloir recruter, encore faut-il réinventer un métier chaque jour plus difficile; les ambitions sont chaque année revues à la baisse ou les résultats flamboyants d’un baccalauréat qui ne veut plus rien dire sont l’attestation la plus exemplaire de la faillite du système. Tableau noir, au-delà du constat accablé, est un livre de propositions."

     

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