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  • Macron et la cleptocratie d'Etat contre la France...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Xavier Moreau au site Les non-alignés et consacré à Macron comme représentant de la caste cleptocratique qui domine la France. Saint-Cyrien et ancien officier parachutiste, Xavier Moreau est l'auteur de La nouvelle grande Russie (Ellipses, 2012).

     

                                   

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  • Violences policières : la revanche des faibles...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Eric Werner, cueilli sur Antipresse et consacré à la question des violences policières face au mouvement des Gilets jaunes.

    Auteur de plusieurs essais essentiels comme L'avant-guerre civile (L'Age d'Homme, 1998 puis Xénia, 2015) ou De l'extermination (Thaël, 1993 puis Xénia, 2013) Eric Werner vient de publier dernièrement Un air de guerre (Xénia, 2017).

     

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    Violences policières : la revanche des faibles

    De plus en plus on se rend compte que les gouvernants européens ont tendance à traiter leurs propres populations comme autrefois les anciennes métropoles coloniales, à ce qui se dit aujourd’hui, traitaient les peuples colonisés. Ce retournement endocolonial vient de trouver son illustration dans les récents débordements policiers en France, qui ont surpris tout le monde par leur ampleur. Mais peut-être ne faut-il y voir qu’une élucubration complotiste.

    On dit volontiers que l’État est le détenteur de la violence physique légitime. Mais on s’accorde en même temps à dire que lorsque l’État en vient à recourir à la violence, ce n’est jamais très bon signe : très bon signe pour lui. Car il montre ainsi qu’il n’arrive pas autrement à se faire obéir. En d’autres termes, qu’il est très faible.

    Qui plus est, le recours à la violence contribue à l’affaiblir davantage encore. Hannah Arendt a écrit de très belles pages à ce sujet (1). Le recours à la violence est peut-être payant à court terme, mais si l’on prend en compte ses effets à moyen ou long terme, l’État a plutôt intérêt à s’en abstenir.

    C’est à tout cela que l’on pense en voyant le déchaînement actuel de la violence policière en France. Il n’en est bien sûr que très peu question dans les chaînes d’information officielles. Pour s’en faire une idée un peu précise, il faut aller sur l’internet (2), et en particulier consulter certains sites spécialisés (ceux-là mêmes sur lesquels les chaînes en question ne cessent, en permanence, de déverser leur venin, au motif qu’ils diffuseraient de « fausses nouvelles » : belle actualisation, n’est-ce pas, de la parabole de la paille et de la poutre).

    D’abord quelques chiffres. On apprend ainsi qu’entre le 17 novembre et le 6 janvier, près de 2000 personnes ont été blessées par les forces de l’ordre en France. Parmi elles, au moins 93 blessés graves. Certaines, 13 au total, ont été éborgnées, d’autres encore défigurées ou ont perdu un membre. Beaucoup de ces blessures sont dues à l’utilisation d’armes comme les lanceurs de balles de défense (LBD) : arme qui n’est utilisée par aucune autre police européenne.

    Il semble également que des grenades offensives aient été utilisées pour l’occasion, alors même, on s’en souvient, que cette arme avait causé il y a cinq ans la mort d’un militant écologiste lors d’une manifestation à Sivens.

    Toujours au cours de la même période, pas moins de 5339 personnes ont été placées en garde à vue, certaines, comme le montrent des vidéos, après avoir été plaquées au sol et menottées dans le dos. Plus de 400 l’avaient déjà été le 17 novembre, premier jour de mobilisation des gilets jaunes. Ces personnes étaient pour la plupart des manifestants pacifiques ou même de simples passants. Notons à ce propos que les forces de l’ordre recourent volontiers en France à la stratégie de l’encerclement, ce qui leur permet de maximiser le nombre des arrestations. En bon français, cela s’appelle une rafle.

    On signale également le cas d’un gilet jaune arrêté chez lui en pleine nuit par des policiers du RAID, après que ces derniers eurent défoncé sa porte. Rappelons que le RAID est un service de police spécialisé dans la lutte contre le terrorisme. Jusqu’à preuve du contraire, les manifestations de gilets jaunes n’ont rien à voir avec le terrorisme.

    Voilà donc ce qu’on apprend sur les sites susmentionnés. On comprend mieux à partir de là la hargne des chaînes officielles à leur endroit, en même temps que l’intention souvent prêtée aux dirigeants français actuels de les interdire purement et simplement, au risque de se voir accuser, à tort bien sûr, de vouloir instaurer en France un régime orwellien, avec contrôle total de l’information. Encore une élucubration complotiste.

    La violence policière est en France une constante historique. On pense ici bien sûr à la Commune de 1871, et en remontant plus haut encore dans le temps aux journées de juin 1848. De la répression sanglante de juin 1848, un historien disait il y a une vingtaine d’années qu’elle avait « influé sur l’évolution de la société française jusque sous la Ve République, non pas en dépit mais à cause de son refoulement, qui a empêché qu’elle ait été repensée théoriquement » (3). On pourrait également évoquer dans ce contexte la période 40-45 (elle aussi refoulée), mais aussi les guerres coloniales du XXe siècle, guerres, selon certains auteurs, qui ont directement inspiré la doctrine française actuelle en matière de maintien de l’ordre (4). Les mêmes méthodes que celles autrefois utilisées contre les anciennes populations colonisées le seraient donc aujourd’hui contre les citoyens français eux-mêmes.

    Ce qu’il y a de dangereux dans la situation présente, ce n’est pas seulement que beaucoup de choses, effectivement, dorment dans l’inconscient collectif : elles y dorment donc, et donc également sont prêtes, en toute occasion, à refaire surface. Les LBD, ou le retour du refoulé. Parallèlement aussi, on pourrait évoquer certaines attitudes et comportements, attitudes et comportements qui ne sont pas sans lien avec le racisme social aisément repérable chez nombre de représentants de la classe possédante au XIXe siècle. Car, on le sait, la haine de classe fonctionne dans les deux sens. Les dérapages à répétition du président Macron dans ce domaine le montrent bien. On les interprète volontiers comme des provocations, mais peut-être faudrait-il y voir surtout des lapsus, lapsus lui échappant sans qu’il y fasse trop attention. En cela même, d’ailleurs, d’autant plus significatifs.

    Ainsi, le 27 juin 2017, peu de temps donc après son intronisation, ne déclarait-il pas : « Une gare c’est un lieu où on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien ». C’est moins, il est vrai, ici la haine que le mépris qui est ici en cause. Ce représentant choisi de la suprasociété dit ici ouvertement ce qu’il pense de certains de ses concitoyens : ils ne sont rien. Or il n’est de loin pas seul à le penser. Voyez par exemple comment les médias mainstream, sous couvert de défense de la société ouverte et de lutte contre ses ennemis, se permettent de parler des partis dits « populistes » et de leurs électeurs. On ne peut même plus ici parler de partialité. Les insultes coulent à jets continus. Les « populistes » écoutent, la plupart encaissent, mais certains non : ils n’encaissent pas. Il ne faut pas s’étonner ensuite s’ils entrent en insurrection.

    La IIe République française, responsable des massacres de l’été 48, était un régime faible, passablement brinquebalant même. Quatre ans plus tard il cédera la place au Second Empire. Ceci explique sans doute cela. En 1871, rebelote. La France venait de perdre une guerre, celle qu’elle avait elle-même déclenchée contre la Prusse. Le régime issu de cette défaite, une autre république, avait donc une revanche à prendre : revanche qu’elle prit sur sa propre population. Ce fut la « semaine sanglante » : 20’000 prisonniers passés par les armes. A défaut d’être capables de défendre le pays contre l’ennemi extérieur, les pouvoirs en place, en France, sont volontiers tentés de se refaire une santé aux dépens de l’ennemi intérieur : les gens qui ne sont « rien ». Chacun mesure aujourd’hui le zèle que met le président Macron à défendre les frontières de la France et son autonomie dans tous les domaines.

    Eric Werner (Antipresse n°164, 20 janvier 2019)

     

    NOTES
    1. Cf. en particulier les textes réunis sous le titre : Du mensonge à la violence, Calmann-Lévy, coll. Pocket, 2012.

    2. Cf. l’entretien d’Aude Lancelin avec David Dufresne, Le Média, 7 janvier 2019.

    3. Dolf Œhler, Le spleen contre l’oubli. Juin 1848, Payot, 1996, p. 28.

    4. Cf. Mathieu Rigouste, La domination policière, Une violence industrielle, La fabrique, 2016. En 1951 déjà, dans la première partie de The Origins of totalitarianism, Hannah Arendt avait relevé cet effet boomerang du colonialisme. Paul Virilio reprendra plus tard cette thématique dans L’Insécurité du territoire (1993).

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  • Sur la crise des Gilets jaunes...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Maxime Tandonnet, cueilli sur son blog personnel et consacré à la crise des Gilets jaunes. Ancien haut-fonctionnaire, spécialiste des questions d'immigration, et désormais enseignant, Maxime Tandonnet a été conseiller à l'Elysée sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Il a donné un témoignage lucide et éclairant de cette expérience dans Au cœur du volcan (Flammarion, 2014).

     

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    Point de vue sur la crise des gilets jaunes

    1 - L’un des aspects les plus spectaculaires des événements de ces dernières semaines tient au soutien massif aux gilets jaunes des quatre cinquièmes de la population. Le mouvement en cours, hormis les violences, les exactions, des destructions et profanations, a des explications profondes et anciennes. Il traduit la crise de la démocratie française et le sentiment des Français de ne plus être représentés ni écoutés au sommet de l’Etat.

    2 - Ce sentiment ne fait que s’accroître depuis un demi siècle et il atteint aujourd’hui sa quintessence. Le sondage de CEVIPOL, selon lequel 88% des Français pensent que les politiques ne tiennent aucun compte de leur avis tout comme le vertigineux taux d’abstention aux législatives de 2017 (plus de 50%) sont le signe patent du divorce entre la nation et sa classe dirigeante et médiatique. L’explosion couvait depuis des années, sinon des décennies.

    3 - Le système politique français a sa part de responsabilité. La personnalisation du pouvoir à outrance est au centre de la tragédie actuelle. Elle se traduit par l’étouffement de tous les relais intermédiaires avec la nation (ministres, parlementaires, élus, partis), tandis que la sublimation de l’image personnelle engendre une atmosphère éthérée, passionnelle, mélange d’adoration et de haine, donc dangereusement explosive. Elle écrase toute notion de vérité, d’intérêt général, de projet de société et de bien commun de la nation. Dans la logique de ce système, le discours et l’action politique se focalisent désormais sur la satisfaction d’un intérêt de vanité individuel et non plus sur celui de la collectivité. 

    4 - La déflagration de ces dernières semaines a des causes directes qui sont politiques. Les conditions des élections présidentielles et législatives de 2017, le scandale Fillon qui a privé la France d’un débat d’idées et d’une salutaire alternance, a préparé un terrain propice à l’instabilité. Dès le départ, les conditions de l’élection du chef de l’Etat, avec l’adhésion initiale de 12% du corps électoral au premier tour dans un contexte extrêmement chaotique, puis à l’occasion d’une second tour sans enjeu face à la candidate du FN, fragilisaient sa position. Les événements actuels dérivent en partie d’un processus démocratique inachevé. 

    5 - L’air du temps est imprégné de fausseté et de cynisme qui nourrissent une atmosphère délétère. La promesse d’un « nouveau monde » a fait long feu avec la succession des scandales. Le thème de la « transformation de la France » n’a pas non plus résisté à l’épreuve du réel: aggravation des déficits, des dépenses, de la dette, des prélèvements fiscaux et sociaux. Puis le refrain du « bien » post national et européiste contre la « lèpre populiste » a exacerbé les déchirements du pays. Par une succession de gestes, de paroles et de décisions – incompréhensibles – l’homme de l’Elysée s’est enfermé de lui-même dans sa propre caricature, image d’une élite hors sol et de morgue anti-peuple.  En 18 mois, cette posture a eu pour effet d’exciter les esprits et d’attiser les déchirures, débouchant sur un affaiblissement de l’autorité et de la confiance. 

    6 - La nature même de cette crise donne lieu à une profonde incompréhension. Elle n’est pas seulement de caractère matériel. Les hausses de prix du carburant même excédant 3 et 6 centimes, sont fréquentes, depuis toujours, et bien que douloureuses, ne suscitent pas de réaction populaire. Cette fois, la nouvelle hausse annoncée, solennellement, cristallise un profond malaise dans les profondeurs de la nation, lié au sentiment d’un mépris de la classe dirigeante ou dominante envers les milieux populaires. Elle a pris un caractère emblématique. Cette annonce, dont le caractère inflammable n’a pas été perçu par les autorités du pays, focalise désormais un infini ressentiment.

    7 - La cause initiale des événements, l’étincelle qui a mis le feu aux poudres repose sur une mystification. Le pouvoir a utilisé les mots de réforme, de transformation, et même de révolution (écologique), à propos du geste le plus tristement banal de n’importe quel gouvernement français: une augmentation de taxe ou d’impôt. Ce travestissement des mots a sans doute contribué à affaiblir la position des autorités qui ne peuvent même pas, aux yeux d’une frange de l’opinion qui les soutient habituellement, se prévaloir d’une véritable réforme courageuse et nécessaire de l’économie française. 

    8 - Rarement dans l’histoire récente la situation politique n’aura été aussi fragmentée et volatile. L’Elysée affirme ne pas vouloir reculer. Paradoxalement, le choix du statu quo, qui repose sur des considérations d’image, aggrave un ressenti de déconnexion et d’indifférence à la souffrance populaire. Le bon sens devrait conduire le pouvoir, non pas à reculer sur une réforme qui n’existe pas, mais à tendre la main à la nation par un geste audacieux et inédit en France: le renoncement à une hausse d’impôt! Quels que soient les choix retenus, geste emblématique d’apaisement ou fuite en avant dans la confrontation, les dégâts sont irréparables. De toute évidence, les événements sont en train d’anéantir toute perspective d’un « mandat utile » pour les 3 ans qui viennent et compromettent la perspective de réélection en 2022.

    9 - Cependant, par leurs gesticulations en plein cœur des émeutes, au risque d’attiser les violences, les leaders « anti-système » ont accru leur marginalisation. Quant à l’appel des Républicains à la tenue « d’un référendum sur la transition énergétique », il a été perçu comme décalé. La décomposition de la vie politique qui s’est manifestée avec l’effondrement des partis politiques traditionnels en 2017, poursuit donc ses ravages, voire s’accélère et prive le pays de toute issue apparente… 

    10 - Les solutions politiques avancées par les oppositions ne sont pas de nature à régler le problème de fond de la fracture démocratique: la dissolution, le référendum, voire une nouvelle élection présidentielle anticipée n’offrent pas d’autre perspective qu’un éphémère répit. Remplacer des hommes ou femmes par d’autres, dans la même logique, le même système, produirait l’effet habituel d’euphorie médiatique, pendant six mois, les mêmes délires idolâtres, puis une course éperdue à l’image dans un tourbillon narcissique, et la rechute dans les ténèbres de l’échec, du lynchage, de l’impuissance et de l’impopularité absolue.

    11 - Une authentique révolution démocratique est désormais indispensable: confier le pouvoir à un puissant Premier ministre sous le contrôle effectif d’un Parlement représentatif de la Nation; restaurer la mission de visionnaire  impartial et de sage au dessus de la mêlée du chef de l’Etat, garant de la sécurité et du destin national; associer la nation à la vie publique du pays par un recours fréquent au référendum; renforcer la démocratie de proximité, communale et le respect des pouvoirs locaux; reconstruire un système de partis politiques digne de la démocratie française. 

    Maxime Tandonnet (Blog personnel de Maxime Tandonnet, 3 décembre 2018)

     

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  • Quand les digues se brisent...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Paul Fortune, cueilli sur son blog et consacré à la révolte des Gilets jaunes. Paul Fortune est l'auteur d'un excellent récit initulé Poids Lourd... 

     

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    Quand les digues se brisent

    Il se passe enfin quelque chose. Nous l’avons tant attendu, ce moment. Certains pendant plus de 40 ans, à rêver de révolution et d’un grand mouvement qui emporterait tout sur son passage, noyant ce système et tous ses tenants. Après toutes ces années passées à nous voir humilier toujours un peu plus, il semble que le souffle libérateur se fasse sentir. Comme à son habitude, l’histoire nous prend au dépourvu. Personne, il n’y a encore quelques semaines, n’aurait seulement pu imaginer que ce serait un gilet jaune qui servirait d’oriflamme à une révolution naissante. Le peuple français qui nous désespérait tant par son apathie, sa bêtise et ses renoncements se révèle fidèle à lui-même : brutal dans sa colère, capable des pires débordements, dont nous ne voyons que le début. Ce peuple qui ne semble rien tant aimer que sa tranquillité bougonne et un peu lâche est aussi celui que la violence fascine. Il n’y a qu’à voir tous ces gilets jaunes qui observent avec une relative bienveillance la violence de l’extrême-gauche et de la racaille. La vérité est que les Français aiment cela. Sous couvert de déplorer ces débordements, ils savent au fond d’eux que c’est le seul moyen de se faire entendre et quelque chose au fond de leurs tripes leur rappelle que leurs aïeux ont commis de bien terribles massacres.

    Les exactions, les destructions et les vandalismes sont à la fois déplorables et nécessaires. Tout cela fait partie du triste cortège qui accompagne le réveil d’un peuple en colère : certains se croient tout permis. C’est le jour des fous. Qu’ils prennent garde cependant, tous ces destructeurs : la foule qui aujourd’hui les laisse faire peut se retourner contre eux en un rien de temps. Une fois lancé, un tel mouvement est incontrôlable.

    Peut-être que demain sera le jour de la gueule de bois et que le peuple de France retombera dans son apathie coutumière. La bête n’aura fait que se retourner dans son sommeil. Les jours à venir nous le diront vite. Soyons réalistes : tout dépend maintenant des forces de l’ordre. Si elles décident de rester fidèles au pouvoir, elles seront obligées d’aller vers une répression efficace mais potentiellement meurtrière, et nous pourrions bien voir tout cet élan noyé comme lors d’un soir de février. Si au contraire elles se retournent contre leurs maîtres, alors il ne restera comme solution à ces derniers que la fuite.

    Nous vivons enfin quelque chose d’intéressant. C’est avec un mélange de crainte et d’enthousiasme que j’espère voir advenir le changement.

    Paul Fortune (Blog de Paul Fortune, 3 décembre 2018)

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  • À quoi rêvent les gilets jaunes ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Bernard Huyghe, cueilli sur Huyghe.fr et consacré au mouvement des "Gilets jaunes" et à son idéologie sous-jacente. Spécialiste de la guerre de l'information, François Bernard Huyghe, auteur de nombreux livres, a récemment publié La désinformation - Les armes du faux (Armand Colin, 2015) et Fake news - La grande peur (VA Press, 2018).

     

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    Gilets jaunes : et la dimension idéologique ?

    À quoi rêvent les gilets jaunes ?
    On ne cesse de le répéter, leur mouvement souffre de trois carences : manque de chefs, manque de revendications lisibles et manque d’idées.

    - Pour le manque de chefs - et en attendant qu’ils aient inventés des procédures pour désigner des porte-paroles incontestés, et résolu en quelques semaines le problème séculaire de la représentation et du mandat direct - l’argument n’est pas faux. Il est simplement amusant que ceux qui l’emploient, notamment dits à gauche, aient parfois célébré la spontanéité du printemps arabe, l’intelligence des foules, la non-hiérarchie y compris dans l’entreprise, et, pour les plus vieux, les comités de base et l’auto-organisation des masses, etc. Est-ce si terrible de ne pas avoir de César ou de tribun ? Ce n’est plus cool de décider par délibération permanente sur les réseaux sociaux ?

    - Pour l’absence de revendications, il semble plutôt que c’est leur surabondance qui fait problème. Elles s’articulent autour de demandes simples. Stop d’abord : ils demandent, au-delà du prix du carburant, un relâchement de la pression fiscale pour soulager leur détresse immédiate. L’État-protecteur ensuite : loin d’ignorer que l’on ne peut à la fois diminuer les impôts et augmenter les prestations publiques, ils veulent une juste contribution et une juste protection. La troisième thématique est dégagiste : que Macron, arroseur arrosé, s’en aille, que l’on dissolve l’Assemblée, que l’on supprime éventuellement le Sénat. De la démocratie directe, ensuite, en corollaire. Dernière demande, d’ordre symbolique : être respectés, entendus, reconnus, en finir avec le mépris.
    On a le droit de dire que ces demandes sont irréalistes (soit parce qu’il n’y a pas d’alternative à l’actuelle gouvernance économico-sociale, soit parce que, bon sang, le président a été élu pour cinq ans et qu’il doit appliquer son programme). Mais on ne peut dire qu’elles n’existent pas.

    - Les gilets jaunes n’auraient pas d’idées ? Quand on dit cela, c’est généralement pour afficher une supériorité (ces beaufs ne comprennent rien à l’économie), ou pour leur attribuer, au contraire, des idées inavouables et odorantes, celles de l’extrême-droite. Homophobes, xénophobes, violents, pressophobes, séditieux, complotistes, chemises brunes déguisés en sans-culottes sous leurs gilets jaunes : tout y a passé.

    Or il y a une cohérence dans représentations des protestataires. Si idéologie il y a, elle n’est pas sans rappeler le « qualunquismo » italien d’après-guerre (le mouvement de l’homme « quelconque »). Elle est à la fois de droite et de gauche comme ne l’était pas Macron. Mais surtout elle pose la question du peuple et de son pouvoir. Elle a remporté sa première victoire en dessinant clairement les camps. Au moins chez leurs adversaires qui se sont auto-caricaturés : camp des riches + camp des technos + professeurs de morale antifascistes de profession + bobos écolos amoureux de la planète mais pas des bouseux ; nommez un lieu commun, il a été personnifié.

    La rhétorique des gilets jaunes s’articule, comme toute idéologie, autour d’une opposition. Elle a un adversaire à la fois de classe (riches profiteurs et chiens de garde, les intellectuels bobos), institutionnel (l’État qui ne remplit pas son rôle) et indirectement géopolitique (la mondialisation impitoyable aux faibles). Le tout incarné par Macron, qui combine signes personnels (style provocateur, rhétorique arrogante) et marqueurs de la superclasse. Les valeurs dont ils se réclament ? égalité et protection. Plus exactement, les gilets jaunes ont l’impression de se battre contre un triple déni de la part de la technosphère et des couches supérieures : déni de la réalité qu’ils vivent, déni de leur dignité personnelle et déni de leur rôle de représentants du peuple souverain.

    La légitimité qu’ils invoquent ? le peuple comme sujet politique (démos) mais aussi la classe moyenne ou basse, (la plèbe). Quel projet politique alors ? Une nouvelle constitution, un nouveau système ? Pas clair. Certes pas d’utopie, mais une revendication démocratique : que nos représentants nous représentent authentiquement. On a le droit de juger que c’est court (mais personne ne pond des traités doctrinaux en quinze jours sur les barrages).

    Surtout, les gilets jaunes (qui d’ailleurs commencent à élaborer des cahiers de doléances) ont compris l’essentiel : nous ne sommes pas encore dans la post-politique. Il y a toujours du conflit, des groupes qui s’affrontent pour faire prédominer leurs forces et leurs visions du monde et il n’y pas qu’un seul modèle politique, fixé par les règles de la mondialisation et la rationalité technique et économique... Ce n’est déjà pas si mal de nous le rappeler.

    Dans tous les cas, quand vous avez des passions communes, un adversaire « historique » commun, quelques représentations et catégories explicatives communes, et une folle envie de transformer la politique (ou plus exactement ici le) politique), vous menez une lutte idéologique.
    Dans ce cas, votre problème n’est pas tant de vous renforcer dans vos convictions, ni de mieux vous coordonner (ce que les gilets jaunes font assez bien en exploitant la nature égalitaire et communautaire des réseaux sociaux).
    Le problème c’est de trouver des alliés, des relais dans la société civile, des formes politiques, etc. Tout commence ?

    François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 30 novembre 2018)

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  • Populisme : injure et concept...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Bernard Huyghe, cueilli sur son site Huyghe.fr et consacré au populisme, en tant qu'injure et que concept . Spécialiste de la guerre de l'information, François Bernard Huyghe, auteur de nombreux livres, a récemment publié La désinformation - Les armes du faux (Armand Colin, 2015) et Fake news - La grande peur (VA Press, 2018).

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    Populisme, injure et concept

    Populiste devient l’injure politique par excellence, et pas seulement contre Jean-Luc Mélenchon. Un synonyme d’extrémistes ou de fascistes, de brutes exclues du cercle de la raison ou de danger pour la démocratie.
    Suivant les cas, on leur reproche la violence de leur discours, leur haine des élites, la prétention d’incarner un peuple authentique sans respecter ses représentants légaux, leur mépris des normes, du droit ou de l’humanité quand elles contrarient la volonté politique du peuple... Ou encore leur naïveté : exiger la réalisation immédiate de leurs revendications égoïstes, sans tenir compte des réalités, notamment économiques. Condamné pour son style, ses hostilités, ses fantasmes et son irréalisme, le populisme est le repoussoir idéal et à tous les étages.

    Il y aurait à dire sur un terme dont le sens a tant évolué au cours du temps (songez au populisme russe narodnik, aux populistes américains, au roman ou au cinéma « populistes »). Mais si l’accusation de populisme est lancée si spontanément, souvent par une classe politique en plein désarroi idéologique, c’est certes parce que cette dernière veut être jugée sur ses ennemis. Mais aussi parce qu’elle ne comprend pas ce qui la menace autrement que comme une absurdité tombée du ciel. Le refus politique du Système, de la bien-pensance et du politiquement correct se traduit à chaque élection. Et chaque fois, les commentateurs se réfèrent à un manque d’éducation des masses, aux ratés de la pédagogie, à une insuffisance ralentissant le mouvement qui doit amener chacun à conquérir son autonomie. Donc un problème de pédagogie...

    Certes, une hostilité nouvelle se développe envers les élites politiques, économiques et médiatiques, vues comme consanguines, liées par les mêmes intérêts, ne cherchant qu'à perpétuer leur pouvoir. Dans cette optique, la classe cosmopolite et oligarchique est autant contestée pour son pouvoir financier que pour son hégémonie morale. Aux yeux de ses adversaires, sa volonté de nier la gravité de la situation est inséparable de son mépris du peuple : il vote mal et est agité par des "fantasmes". Il a mauvaise haleine et mauvaises pensées. Du coup, la prophétie devient autoréalisatrice, et le concept fourre-tout de populisme finit par alimenter l’hostilité de ceux d’en bas donc par produire ce qu’il combat.

    La lutte anti élite renvoie à une lutte des classe inédite. Elle n'oppose plus cette fois les possesseurs de moyens de production à ceux qui n'ont que leur force de travail. Beaucoup d’auteurs l’ont décrite : c’est une lutte des périphériques contre centraux (en termes de sociologie électorale : France rurale et de petites villes contre bobos de centre ville), des enracinés contre les mobiles, de ceux qui profitent de moins en moins de l'ascenseur social (notamment par l'école) contre ceux qui sautent d'université étrangère en nouveau job, de ceux qui éprouvent chaque matin les conditions de vie du citoyen lambda contre les belles âmes et les esprits supérieurs qui se réclament de l’Universel.

    Mais le grand reproche populiste, c’est "il disent tous la même chose", donc la dénonciation du pouvoir idéologique. Ses détenteurs ne cessent d'exalter le dialogue, mais en même temps ils interdisent d'évoquer certaines réalités ou d'employer certains mots; leur fonction est de conformiser et de calmer. de ringardiser/criminaliser certains courants, d'éviter des sujets et de protéger la bulle idéologique contre le réel. Les notions de complotisme ou de désinformation auraient pour fonction d’empêcher discuter toute hypothèse alternatives.

    Ce qu’on nomme populiste est, au fond, un sentiment de dépossession : on m'a privé, moi citoyen, l'État républicain qui me protégeait et me donnait la liberté de participer. On m'empêche de voter sur ce qui me concerne (ou parfois on décide le contraire de mon vote), on m'a remplacé par des sondages ou on parle en mon nom.
    C’est le discours typique de ceux qui savent que leurs enfants vivront plus mal qu’eux, et qu’ils subiront la loi de fer de l'économie qui s'affranchit toujours davantage des frontières et des lois. Elle délie toutes les solidarités et détruit toutes les protections : individualisme et économisme sont les deux faces de la même médaille. Le marché qui devait assurer la prospérité, nous n'avons plus la sécurité matérielle la plus élémentaire.

    Perpétuellement soupçonné d'être raciste ou "phobe", prié de se repentir, infantilisé, ringardisé, mis en garde contre les archaïsmes, prié de prendre cent précautions et de respecter toutes sensibilités, morigéné par les experts, appelé à surmonter ses peurs et ses fantasmes, sommé de choisir entre les solutions qui échouent et celles qui sont pires,... le présumé populiste subit la double peine de l’insécurité matérielle et de la stigmatisation morale.

    Au total le spectre qui hante l’Europe n’est maintenant plus celui des classes qui projetteraient de s’emparer de l’État et de la richesse, c’est celui des déclassés obsédés par la perte de leur sécurité et de leur dignité. Les culpabiliser n’est certainement pas les apaiser. Et les psychiatriser n’est pas les convaincre.

    François-Bernard Huygue (Huyghe.fr, 20 octobre 2018)

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