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sidération - Page 2

  • La stratégie Sarko-masochiste...

    Nous reproduisons ci-dessous un articlede J.H. d'Avirac, cueilli sur Polémia, qui nous livre une analyse brillante de la stratégie mise en place par Sarkoozy pour sidérer les Français et assurer sa ré-élection.

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    Austérité et marketing politique : la stratégie Sarko-masochiste

    Pour façonner cette stratégie et cette posture inédite – pour ne pas dire à l’opposé de tout ce que nous avons connu jusqu’alors – toutes les conditions sont finalement réunies :

    • - une gauche bisounours façon Flanby, « caviar-Sofitel » ou « rouge et de Lille », toujours prompte à vouloir « réenchanter » les Français ;
    • - une conjoncture mondiale pesante, alarmiste et ultramédiatisée ;
    • - un citoyen plus amnésique et consodépendant qu’il ne l’a jamais été ;
    • - une armée d’oiseaux de mauvais augure qui, de droite à gauche, économistes ou politiciens, n’en finissent pas de nourrir le pessimisme ambiant avec une réelle clairvoyance se mettant paradoxalement et involontairement au service du dessein sarkoziste.

    Avoir l’audace de « faire mal » dans ce contexte apocalyptique pourrait contribuer à reconstruire la figure héroïque du Radeau de la Méduse !… Médusés, nous pouvons l’être, en effet !… Ainsi, nous serions tous dans la même galère, rameurs fouettés jusqu’au sang et sommés de ne pas nous tromper de capitaine ou de figure de proue, au risque d’éventrer dans la tempête la coque du navire sur les redoutables récifs Standard & Poor, Fitch ou Moodys…

    Les pyromanes devenus pompiers

    Tout ceci tiendrait à peu près la route à un détail près : les donneurs de leçon d’aujourd’hui ont mis, il n’y a pas si longtemps, la main dans le pot de confiture et même le bras tout entier. Ils ont largement contribué à créer la situation dans laquelle nous sommes englués et ne devraient pas avoir une once de crédibilité dans le combat auquel ils nous convient. Mais là encore tout est prévu : un doigt de mea culpa, deux doigts de plan Orsec (l’austérité devenant la promesse attendue) et cela hors de toute logique partisane. Gageons qu’il y aura en effet dans cette campagne une volonté sarkozienne de mélanger les genres entre le combat électoral et l’impérieuse nécessité de rester à bord jusqu’au bout pour sauver la France, l’Europe, voire le monde !… Loin donc de l’UMP, bien au-dessus des partis, au-delà des visions du monde vécues comme trop abstraites lorsque la maison brûle. C’est bien casqué jusqu’aux dents et dans son rôle de « Playmobil Soldat du Feu » que le petit Nicolas donnera le meilleur de son jeu d’acteur.

    Tragédie, émotion, grand frisson

    Ainsi se met en place peu à peu le grand théâtre de la « Sarkologie » pour reprendre le terme de Michel Maffesoli. Notons que ce dernier mise dans son ouvrage éponyme sur une réélection présentée comme l’aboutissement d’une dramaturgie où le registre émotionnel sera la clé oscillant sans cesse entre hostilité et fascination.

    Sous couvert de pragmatisme, voici donc venir l’ultime imposture : créer la tension nécessaire au ralliement. Et le comédien a plusieurs cordes à son arc. A coup sûr, nous le verrons fondre sous les risettes de la petite Giulia, verser une larme sur le sort d’un jeune travailleur français de souche et SDF, vibrer intérieurement sous le drapeau. Moins de Rolex et de délires américains, plus de France éternelle et, par-dessus tout, savamment distillé, l’homme derrière le combattant débarrassé de cette indécence bling-bling désormais bien identifiée et circonscrite par les conseillers en communication.

    Face à l’héroïque président sortant : un candidat favori des sondages de cette fin d’année – une situation qui est par expérience d’une extrême précarité – et une candidate luttant pour la respectabilité dans un royaume soumis au politiquement correct.

    Oublier la face noire du quinquennat

    Manipulé et légumisé jusqu’à la moelle, l’électeur devrait pouvoir ainsi, au fil du temps, en oublier la face noire et chiffrée de ce désastreux quinquennat : les 500 milliards de dette (sur les 1700) d’origine garantie Sarkozy ; nos 12 millions d’immigrés ou « fils de » (200.000 de plus chaque année) tantôt présentés au gré des circonstances comme un problème ou « une chance pour la France » ; la face cachée des « pères la vertu » budgétaire : 600 millions de dépenses en sondages et communication des ministères entre 2006 et 2010, les 140% d’augmentation du salaire présidentiel décidé au lendemain de l’élection mais fort heureusement désormais « gelé », les nuits de Sarko ou Rama Yade au G20 ou à la Coupe du monde à plus de 30.000 € la suite, des voyages en avion présidentiel (ULM sommairement aménagé à 185 millions d’euros) au coût horaire de 20.000 €, la garden-party de l’Elysée à 700.000 €, les campagnes de pub du gouvernement à 100 millions d’euros par an, les 800 millions d’euros dilapidés contre la grippe A (A comme Apocalypse Bachelot), les visites présidentielles d’usines ou d’hôpitaux à 200.000 € la journée (salaire de 8 infirmières pendant 1 an), les congrès du président devant les parlementaires à 600.000 € (5000 € la minute).

    Sans parler, évidemment, des 120.000 emplois industriels massacrés chaque année et du doublement du déficit de notre commerce extérieur depuis 2007, des chiffres dramatiques de l’insécurité, des perfusions de milliards destinés aux banques avec les contreparties demandées les plus laxistes d’Europe et de ces fort coûteuses guerres estampillées « BHL, le seigneur des guerres justes » pour rétablir charia et polygamie en Afrique du Nord…

    Alliés serviles ou pourfendeurs de la dictature financière

    Nous le voyons venir, dans ce contexte la seule chose qui soit véritablement de « rigueur » pour l’UMP et son champion, c’est bien la mise en scène pour sauver les meubles. Ce bataillon ne sera d’ailleurs pas économe de volte-face, tour à tour alliés serviles ou pourfendeurs de cette dictature financière qui s’abat bien réellement sur le monde. Scénographie, préparation de l’opinion, complicités médiatiques… tout l’arsenal est prêt pour faire du vibrionnant roi de la scène, sanglé de clous et de cuir, un père fouettard plus vénéré que le père Noël, un défenseur de l’identité presque plus convaincant que le Front, un humaniste plus sensible que les sociolandes, un gestionnaire plus crédible et rigoureux que le Finanzminister d’Angela. Quant au spectateur, tétanisé, il s’enfoncera une fois de plus au plus profond de son fauteuil dans les ténèbres de la salle, victime consentante d’un numéro de cirque tout simplement au sommet de l’obscénité et du mensonge, dont les protagonistes miment la comédie de ce Pouvoir qui ne leur appartient plus.

    J.H. D'Avirac (Polémia, 14 novembre 2011) 

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  • Les nouvelles formes de la désinformation...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de François-Bernard Huyghe, cueilli sur son site Huyghe.fr et consacré aux nouvelles formes de la désinformation. François-Bernard Huyghe est l'auteur de nombreux essais consacrés à l'infostratégie comme L 'Ennemi à l'ère numérique, Chaos, Information, Domination (PUF, 2001) ou  Maîtres du faire croire. De la propagande à l'influence (Vuibert, 2008). Il a dernièrement publié avec Alain Bauer Les terroristes disent toujours ce qu'ils vont faire (PUF, 2010).

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    Les nouvelles formes de la désinformation

    Stratégiquement, l’information peut être considérée comme

    - un ressource rare : il importe de savoir des choses vraies que ne sait pas l’adversaire ou le concurrent, par exemple connaître ses forces et ses plans tandis qu’il ignore tout des nôtres, ou être au courant d’un événement qui risque de changer les conditions de l’affrontement ou de la compétition. Il s’agit donc de se renseigner (de veiller) et de conserver ses secrets, les deux faces de la même approche.

    - un levier pour agir sur les hommes en suscitant leur adhésion à une cause, leur enthousiasme, leur indignation, leur découragement, s’ils sont dans le camp d’en face…. C’est typiquement ce que fait la propagande, de manière directe et visible, ou encore l’influence et le formatage des esprits de manière indirecte et subtile.

    - une arme offensive : il s’agit alors d’utiliser certains messages ou certains symboles pour provoquer un dommage chez l’adversaire. Pour aller plus en détail, on peut s’en prendre

    • o Soit à ses plans en lui insufflant de fausses certitudes qui lui feront commettre des erreurs. On peut alors parler d’intoxication : passer de la mauvaise information (au sens de non conforme à la réalité)
    • o Soit à une opinion (chez l’adversaire, chez les neutres) pour l’amener à croire des choses qui seront défavorables à la cible, en ruinant sa réputation, en lui faisant perdre des alliés. Il s’agit alors de désinformation.
    • o Soit au fonctionnement de son système d’information, afin de créer du chaos, de rendre une organisation incapable de recueillir, conserver ou traiter correctement l’information, de communiquer efficacement… Cette forme d’action « incapacitante », qui diminue les performances de la cible, peut être considérée comme de la déstabilisation. Elle se pratique très bien par des moyens technologiques (cyberattaques).



    Les catégories que nous venons de rappeler ne sont pas étanches. Par exemple :

    • - Difficile de mener une vraie opération d’intoxication sans avoir quelque peu violé les secrets de l’adversaire, exploité un bon renseignement et, dans tous les cas, sans avoir mené sa propre opération dans la plus totale confidentialité. Les alliés auraient-ils réussi l’opération Mincemeat en 1943 (opération qui consistait à faire de telle sorte que les Nazis découvrent un faux noyé portant de faux plans d’un faux débarquement) s’ils n’avaient bien connu le mode de fonctionnement de l’adversaire ?
    • - Difficile de tracer une frontière très nette entre un opération d’intoxication qui s’adresse aux dirigeants d’une désinformation qui s’adresse à un public plus large. Ainsi lors de l’affaire des Armes de Destruction Massive en Irak, les faux rapports décrivant la façon dont Saddam Hussein cherchait à se procurer de l’uranium enrichi au Niger étaient-ils destinés à tromper les chefs d’État et les membres du Conseil de Sécurité ou les populations du monde entier ?


    L’utilisation offensive de l’information en fait un moyen symbolique d’attrition (terme stratégique qui peut se traduire par « causer des pertes ») ou de désorganisation et division. Sun Tze conseille d’utiliser les espions ennemis : « Si vous venez à les découvrir, gardez vous bien de les faire mettre à mort… Les espions des ennemis vous serviront efficacement si vous mesurez tellement vos démarches, vos paroles et toutes vos actions qu’ils ne puissent jamais donner que de faux avis à ceux qui les ont envoyés. ». Plusieurs stratagèmes chinois reposent sur cette technique. Un des plus anciens est celui de «l’agent perdu» qui consiste à envoyer dans le camp ennemi un espion particulièrement maladroit de telle sorte qu’il soit pris. On le fera parler et on s’emparera des messages chiffrés qu’il détient : ils révéleront que le général ennemi est un traître (ce qui, bien entendu, est totalement faux : tout est truqué dans cette affaire) : il sera donc exécuté, à tort, par le souverain ennemi et cela contribuera à affaiblir son armée.

    De ce point de vue, il est permis de considérer la désinformation comme une intoxication s’adressant à des peuples entiers et recourant le plus souvent pour cela à des relais médiatiques qui rendront la désinformation encore plus contagieuse (ce qui en fait, si l’on préfère, une sorte de rumeur délibérée pensée et relayée pour produire un dommage maximal).

    Le mot « désinformation » a fini par désigner toute forme de bobard journalistique, de trucage, déformation ou simplement toute interprétation tendancieuse, à tel point qu’elle devient l’information dont nous doutons comme l’idéologie l’idée que nous refusons. D’un côté, le Charybde paranoïaque : voir partout des complots contre la vérité et des manipulations invisibles. De l’autre, le Sylla de l’angélisme : noyer la réalité de la désinformation dans des considérations vagues sur la relativité de toute vérité du type : toute image est sélectionnée et interprétée, tout événement est construit. L’usage commun oscille toujours entre la désinformation/résultat (je suis désinformé = on nous cache tout, la vérité est ailleurs, tous des menteurs, etc.) et la désinformation/manœuvre (services secrets, complots, stratégie…).

    Répétons que le recadrage idéologique, le psittacisme médiatique, la myopie engagée, la construction de l’agenda par les médias ne doivent pas être assimilés à leur emploi tactique. Ou plutôt, la désinformation ne doit pas être confondue avec les règles du jeu qu’elle exploite .

    Du reste, le préfixe « dé » du mot est assez mal choisi : dans la désinformation, on ne prive pas d’information, on met en scène une pseudo information de façon qu’elle soit reprise par d’autres et qu’elle procure un avantage stratégique. Contrairement à la propagande qui est sans rapport avec la notion de vérité (au contraire : plus elle colle à la vérité, plus elle est efficace), la désinformation n’a de sens que si elle persuade un nombre suffisant de gens de la vérité d’un événement, non seulement faux (cela, c’est simplement mentir), mais aussi fabriqué, truqué en vue d’un effet offensif.


    Le mot désinformation a longtemps été lié à un contexte de guerre froide. Annie Kriegel écrivait à l’époque :

    « Le terme de désinformation, comme d’autres aussi chanceux : nomenklatura, goulag, langue de bois, est tombé dans le domaine public, mais, de proche en proche, immergé dans des contextes de plus en plus dépourvus de rapports avec le contexte initial, celui constitué par le monde communiste, il risque de perdre tout contour et toute couleur, peut-être toute substance. Tantôt le voici gonflé au point de se trouver aspiré vers le ciel métaphysique du mensonge qui couvre de son ombre gigantesque les ténèbres du monde de la chute. … Tantôt le voici, plus raisonnablement, mais de manière encore trop extensive, qui s’identifie, sinon à l’humanité toute entière, du moins à l’humanité communiste. C’est en somme confondre la désinformation avec l’idéologie »

    Il faut rappeler que le mot était d’abord apparu dans des dictionnaires soviétiques pour désigner les mensonges que les capitalistes répandaient pour ternir l’image du socialisme radieux. Puis très vite, le terme est passé chez l’adversaire. La désinformation est devenue un manière de regrouper les mises en scène et campagne de dénigrement, vraisemblablement montées par le KGB, et imputant de faux crimes au monde occidental : faux activités de néo-nazis (qu’auraient toléré les «bellicistes» de RFA), faux carnets d’Hitler, fausses lettre de dirigeants de l’Otan ou des USA, fausse preuve que le Sida avait été fabriqué par des laboratoires de la CIA. À cette époque, c’est surtout la droite qui dénonce la désinformation communiste (liée à l’idée de « subversion »). On verra par la suite que ce procédé n’est nullement le monopole des régimes marxistes.

    On notera que la désinformation est surtout négative : elle vise essentiellement à attribuer des crimes ou des plans criminels à celui que l’on désire affaiblir, en faisant si possible révéler la chose par un journaliste « indépendant ».
    La désinformation suppose une mise en scène initiale destinée à accréditer le mensonge plus une utilisation intelligente de relais apparemment neutres.
    Exemple du premier procédé : lors du procès de Nuremberg, lorsque l’Urss de Staline accuse la Wehrmarcht vaincue d’avoir massacré des milliers d’officiers polonais à Katyn (un crime dont l’Armée Rouge était responsable) elle produit de fausses preuves : témoignages, balles allemandes…
    Exemple du second procédé : lorsque la même URSS veut disqualifier Kravchenko, qui révèle la nature régime soviétique, elle utilise non seulement les PC nationaux (eux ne faisaient pas de désinformation délibérée, ils étaient plutôt dans l’aveuglement idéologique), quelques compagnons de route mais aussi des agents payés (comme André Ullmann produisant des faux anti Kravchenko) qui cachent leur allégeance.

    En ce sens, certaines des affaires qui ont marqué l’après chute du Mur se plaçaient dans la tradition des « forgeries » de services secrets. On pense ici aux faux cadavres de Timisoara destinés à saler un peu plus l’addition de Ceaucescu (qui en avait pourtant beaucoup fait contre son peuple).

    Depuis la décennie 90, nous avons découvert que la désinformation n’était en aucun cas intrinsèquement liée au communisme. Dans la première et la seconde guerre du Golfe comme au moment de la guerre « humanitaire » du Kosovo, les imputations de crimes atroces et de plans diaboliques ont fonctionné suivant le même schéma : fausses « super-armes » de Saddam, fausses horreurs comme les couveuses de Koweit City que l’on disait délibérément débranchées par les soudards irakiens, faux génocide de Kosovars (certains journaux parlaient à l’époque de centaines de milliers de victimes), faux plans d’épuration ethnique des Serbes
    En attendant peut-être de nous débarrasser ce concept des années 50, la désinformation est à repenser. Autrefois la difficulté était de la situer entre la lutte idéologique opposant deux systèmes et les déformations et mésinformations journalistiques.

    Désormais, ce qu’il faut bien nommer désinformation avoisine trois domaines.

    • - Le domaine de la « sidération » agressive militaire. Il s’agit ici d’une infoguerre vraiment martiale avec ses psyops, opérations psychologiques, version « âge de l’information » de la guerre psychologique de papa. Cette stratégie-là se préoccupe aussi de « management de la perception », donc de proposer du « contenu », de faire circuler des informations sélectionnées en fonction de leur capacité d’influencer les « estimations » des acteurs dans un sens favorable à ses desseins. Sous cette phraséologie compliquée typique du Department Of Defense, se cachent des méthodes d’action sur les médias étrangers. Aux USA, la révélation de l’existence d’un « Office of Strategic Influence » a provoqué un scandale qui a abouti à sa fermeture en 2002 : cette officine avouait naïvement qu’elle aurait pu non seulement désinformer des opinions étrangères, mais aussi mentir à des Américains.
    • - Le domaine de la rumeur, de la e-rumeur, de la légende urbaine , et autres formes de prolifération, sur la Toile, de l’information anarchique, là encore, pas forcément fausse ou malicieuse. Les communautés d’internautes sont prêtes à reprendre et amplifier toute nouvelle sensationnelle qui ne provient pas des médias « officiels », toujours suspects. Les publicitaires découvrent la puissance du « marketing viral » pour répandre l’image positive de leurs produits. C’est encore plus vrai de rumeurs négatives et autres « hoaxes »: elles prolifèrent par milliers . La désinformation stricto sensu cohabite avec les virus, l’altération de données, le déni d’accès, qui consiste à sursaturer un système informatique, avec la prise de commande à distance sur des réseaux. La désinformation qui agit sur la croyance des victimes, c’est-à-dire sur leur interprétation du réel, voisine ainsi une quasi-désinformation ou anti-information : celle qui agit sur le fonctionnement des organisations et des systèmes.
    • Le domaine de l’économie, surtout celle que l’on disait nouvelle. Les faux sites, les opérations de dénigrement par forums Internet, pseudo associations, et pseudo scandales interposés, les révélations et pressions, composent l’arsenal de l’économie dite hypercompétitive . Une opération de désinformation peut viser à faire perdre à sa victime sa réputation, à faire baisser son action en Bourse ou tout simplement un temps de paralysie, crucial dans une économie « zéro délai » en flux tendus. D’où ce paradoxe : plus l’entreprise se dote de déontologues et de codes d’éthique, plus elle se veut citoyenne et responsable, plus elle est soumise au danger de telles opérations. Ici, la désinformation est à rapprocher de la déstabilisation, du risque informationnel. Et ce paradoxe-là pourrait bien peser lourd à l’avenir.


    Un autre élément qui change la pratique de la désinformation : le monde semble s’être peuplé de chasseurs de bobards. Avec le journalisme numérique, avec la possibilité de mettre en ligne des vidéos « démentant la version officielle » ou « révélant une opération de désinformation » la chasse à la désinformation et au trucage semble ouverte. Or, le problème est que le meilleur côtoie le pire en ce domaine.

    Le meilleur : la multiplication des sites sérieux d’analyse de l’information, le travail d’intelligence collective ou de vérification des sources qui permet souvent en quelques minutes de déceler une information fausse ou suspecte. Un exemple : après l’élection d’Ahmaninedjad, d’anciens otages de l’ambassade des États-Unis à Téhéran affirmèrent que le nouveau président de l’Iran était un de leurs anciens bourreaux, ils produisirent même une photo d’époque où le nouvel élu semblait bien apparaître avec vingt ans de moins. Quelques minutes plus tard, des amateurs avaient comparé des photos, mesuré des tailles, et ils démontraient qu’il ne s’agissait pas du même homme.

    Le pire : n’importe quel paranoïaque peut dénoncer les trucages de la presse « officielle », les expliquer par des complots du complexe militaro-industriel et révéler aux foules éblouies que les Américains n’ont jamais débarqué sur la lune, qu’il n’y a jamais eu d’avion lancé contre le Pentagone le 11 Septembre ou qu’il n’y avait aucun juif dans les Twin Towers.

    L’accusation de désinformation peut elle même être désinformante. Le conflit du Proche-Orient est un terrain de choix pour cette technique, d’autant qu’il existe un public pro-israélien et pro-palestinien prêt, dans nombre de pays, à croire les uns que toutes les accusations contre Tsahal sont honteusement truquées, les autres que la main du Mossad est partout et la presse occidentale toujours à son service.

    Le pire est qu’ils trouvent toujours un début de vérité, donc un début de trucage adverse, pour justifier leur attitude hypercritique.

    Deux exemples célèbres au début de la seconde Intifada. Lorsque le petit Mohamed Djura est tué par des balles israéliennes, il devient une icône dans tout le monde arabe. L’accusation de trucage ne tarde pas : les journalistes ont tout bidonné, c’est une balle palestinienne qui l’a atteint, l’opinion occidentale gobe n’importe quoi… Accusation portée comme par hasard par une association dont le dirigeant se révéla être un ancien du Mossad, et dont les tribunaux firent justice. Oui, mais quelques jours après la mort du petit Mohamed, Libération avait présenté une photo d’un malheureux Palestinien matraqué par un soldat de Tsahal. Mais cette fois-là, il se révéla que le « Palestinien » était en fait un touriste venu en Israël qui avait manqué d’être lynché par la foule, et que le soldat protégeait au contraire.

    Depuis, la compétition visant à dénoncer les mises en scènes adverses ne s’est pratiquement pas arrêtée (elle fut très vive pendant l’invasion israélienne du Sud Liban). Avec un « avantage » côté pro-israélien où il existe davantage de moyens (et de relais notamment dans les télévisions américaines) pour dénoncer le « Palywood » (comprenez, le cinéma, le Hollywood, des fausses victimes palestiniennes).

    Dernier élément : la crainte de la désinformation (d’ailleurs infiniment plus facile à l’image avec des procédés numériques) se nourrit de la révélation de quelques scandales journalistiques : articles truqués de Stephen Glass, Jayson Blair, Jack Kelley, fausse interview de Castro, fausses révélations sur les ADM irakiennes… ou tout dernièrement ce consultant français à Washington qui publiait des entretiens fictifs dans Politique Internationale...

    François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 12 août 2011)

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  • La grande infusion...

    Nous vous servons ci-dessous une petite tasse d'infusion préparée par J.H. d'Avirac sur Polémia...

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    DSK : la grande infusion

    La version « infusée » du Journal de la Femme de chambre est à coup sûr plus intéressante que sa version Twitter. Nous proposons ici une petite grille d’analyse un brin iconoclaste mais en phase avec les réflexes et la versatilité de l’Homo consumens, si omniprésent dans nos comportements.

    DSK : l’équivalent pour la gauche « morale » de la crise de la Vache folle pour l’élevage industriel

    Beaucoup de choses ont déjà été dites ou écrites sur l’affaire DSK et son ADN généreusement dispensé ; peu d’hypothèses, en revanche, ont été formulées sur l’effet produit chez « l’électeur consommateur » dans le temps. Dans le bref espace-temps de l’effet de « sidération », les -12 points encaissés par le présumé séducteur au baromètre du Figaro Magazine et le +2 points engrangé par tel ou tel ne sont rien… Ils ne sont rien en regard de l’effet « d’infusion », ô combien plus dévastateur pour la gauche morale et révélateur à long terme.

    Dans un monde où l’on consomme de la politique comme la dernière barquette micro-ondable de lentilles au petit-salé, la crise DSK est à la gauche ce que la crise de la Vache folle fut à la consommation de produits alimentaires : un électrochoc puis une révélation annonciatrice d’une mutation.

    L’évasion du consommateur est la conséquence de la crise de confiance

    Une fois la charge à haut voltage interrompue, nous aurons peut-être l’immense plaisir de déguster une toute nouvelle potion. Le parallèle « alimentaire » peut paraître trivial, mais il se révèle à n’en point douter pertinent car l’esprit de nos concitoyens a été formaté sur ce mode d’implantation des messages et sa désactivation peut-être tout aussi rapide et radicale que sa mobilisation. Demeureront peut-être quelques fâcheuses habitudes, mais l’évasion du consommateur est la conséquence immédiate et définitive de la rupture du contrat de confiance qui le lie à la marque.

    La ménagère sait que les « grands » groupes et les « grandes » marques peuvent mentir

    Retour au supermarché : les deux décennies qui viennent de s’écouler ont fait prendre conscience à la ménagère occidentale que les « grands » groupes et les « grandes » marques pouvaient mentir ; que derrière les emballages pimpants et les artifices marketing se cachaient trop souvent une recherche systématique de la marge brute à court terme ; que dans le sachet de tisane au thym et saveurs provençales pouvaient se cacher le pesticide, l’arôme artificiel, le conservateur et l’ionisation des plantes potentiellement cancérogènes.

    L’infusion socialiste est du même tonneau

    L’infusion socialiste « façon social-démocratie » était bien de ce tonneau : une touche de bons sentiments ; une morale apparemment inoxydable ; une bonne dose d’universalisme ; du cœur à toutes les sauces pour masquer jalousie, ambitions personnelles, absence de repères réels ou de principes et mépris rose/bobo/caviar/intello, le tout dans une crème ultradécadente où les addictions au sexe, à l’alcool et autres babioles deviennent le quotidien d’hommes pressés « aimant plaire »…

    La crise du discours publicitaire

    Retour au supermarché et sur l’extraordinaire mutation générée par les dernières crises alimentaires : notre ménagère de quarante ans s’est bien littéralement métamorphosée. Elle a ouvert les yeux sur un monde où désormais le progrès n’est plus synonyme de bonheur universel. Elle ne croit plus au discours publicitaire, même si ce dernier conserve subliminalement un certain impact. Elle détaille les listes d’ingrédients présentes sur les emballages. Elle veut du naturel sous label. La profusion de pseudo-labels l’oblige à un véritable parcours du combattant, parcours d’experts auquel elle se livre volontiers. Elle se méfie du « global » auquel elle préfère désormais le « local ». Elle demande un projet et une éthique d’entreprise suivis de faits concrets. Elle fonce dans l’ « équitable », le « solidaire », le « français » (cf. la dernière étude du CREDOC qui révèle que 64% des Français sont prêts à payer plus cher pour le « made in France »). On lui disait que la marque était tout, elle n’y croit plus et demande des preuves. Proposez-lui un litre de lait, elle vous demandera la carte d’identité du producteur et la photo de la vache, histoire de vérifier qu’elle n’est pas folle dingue !

    La mutation de l’ « électeur-consommateur »

    Voilà ainsi préfigurée la mutation de l’ « électeur-consommateur ». L’infusion magique dont il est en train de s’imprégner pourrait bien se révéler étonnamment efficace… Une sorte de purge, en somme, évacuant (définitivement ?) la naïveté, la passivité, la mise en scène inquisitoriale des bons contre les méchants ou les mal-pensants, la primauté du melting-pot métisseur sur le très suspect combat de la préservation des identités.

    Tout ceci nous fabrique au bout du compte un consommateur-électeur mature, rebelle, légitimement révolté par ces donneurs de leçons vérolés, qui méprisent l’école de la vie et l’honnête citoyen.

    Pour faire de cette infusion un breuvage explosif, utiliser une théière d’un nouveau genre, véritable machine à faire tomber les masques : un doigt de réinfosphère, une pincée d’humour, de la hauteur, beaucoup de hauteur, du temps, encore du temps ; éloigner les facilités de langage, les récupérations hasardeuses, les tentations du poujadisme à deux balles ; lui préférer les valeurs sûres, les idées à l’endroit, les principes, les ancrages, les origines… bref, de la finesse, de l’excellence et de l’exigence dans un monde de brutes dépressives et dégénérées. A consommer et à faire consommer sans modération car il est des potions qui soulèvent des montagnes.

    J.H. d’Avirac (Polémia, 7 juin 2011)

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