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sacré - Page 4

  • La représentation du divin, un vieux clivage...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la question de la représentation du divin dans les différentes religions...

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    « Iconoclastes contre iconodules : une histoire vieille comme les religions… »

    Avec la tuerie perpétrée à Charlie Hebdo, un débat est redevenu d’actualité : la légitimité d’une représentation du sacré, que ce soit pour l’exalter ou le dénigrer. Dans l’islam, est-il donc interdit de représenter le Prophète ?

    On connaît dans le monde musulman un certain nombre de représentations du Prophète, notamment sur des enluminures et des miniatures persanes ou turques. Mais il est vrai qu’il s’agit d’exceptions. En règle générale, la tradition islamique condamne la représentation imagée. Le Coran est pourtant parfaitement muet sur la question. Il dénonce bien sûr les « idoles » (al-âçnâm), mais les termes « image » (çûra) et « représentation » (rasm) sont totalement absents. C’est en fait vers la tradition qui se met en place à partir des VIIe et VIIIe siècles, et vers les recueils de h’adîths codifiés dans la seconde moitié du IXe, qu’il faut se tourner pour trouver les bases de l’aniconisme musulman. Al-Bukhâri, par exemple, déclare que « les anges n’entreront pas dans une maison où il y a un chien, ni dans celle où il y a des images ». À la fin du VIIe siècle, la célèbre réforme monétaire du calife Abd al-Mâlik interdit de faire figurer des visages sur les pièces de monnaie.

    Par la suite, l’hostilité aux images ne cessera de s’accentuer, surtout chez les sunnites, comme en témoigne la célèbre fatwâ du juriste shaféite syrien al-Nawawî, au XIIIe siècle : « Les grandes autorités de notre école et des autres tiennent que la peinture d’une image de tout être vivant est strictement défendue et constitue l’un des péchés capitaux […] parce qu’elle implique une copie de l’activité créatrice de Dieu. » La calligraphie, née dans les mosquées, permet alors de ramener le Prophète à un graphème. À l’inverse, on observe dans le monde iranien, et notamment dans le mysticisme soufi, une approche de la question nettement plus nuancée, tant dans la pratique que chez les exégètes.

    Le paganisme n’était pas avare de représentations divines, en fresques, peintures ou statues, au contraire du monothéisme qui les prohibait. Comment expliquer cette différence fondamentale ?

    « La religion grecque est la religion même de l’art », disait Hegel. C’est en tout cas en Grèce qu’elles ont connu l’une et l’autre leur plus bel épanouissement. L’usage des statues (agalmata), en particulier, est constitutif de la cité grecque. Le divin chez les Grecs se constate, s’éprouve en ce qu’il se donne à voir (et ce voir est indissociable d’un savoir). Pour les Européens, il a toujours été impensable de séparer la divinité de la beauté, elle-même indissociable de l’expérience de la vue.

    Au contraire, la tradition biblique tend à dévaloriser la vue au profit de l’écoute (« Chema Israel », Deut. 6,4), qui commande un mode de compréhension plus abstrait, moins lié au sensible. Comme l’a écrit Régis Debray, dans le monothéisme, « seule la parole peut dire la vérité, la vision est puissance de faux ». Dans le Décalogue, la prescription iconoclaste constitue le second « commandement » : « Tu ne te feras aucune image taillée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux, là-haut, ou sur la terre, ici-bas, ou dans les eaux » (Exode 20, 4 et 34,17 ; Lév. 26, 1 ; Deut. 5, 8, etc.). Cette interdiction des images figurées est en rapport immédiat avec la proscription de l’« idolâtrie », c’est-à-dire de toute forme de culte étranger (« Tu n’auras pas d’autres dieux devant moi »). L’« idole », en grec éidôlon, désigne ce qui se donne à voir. Mais dans la Bible, la transcendance absolue ne peut être ramenée à une représentation particulière. Cette vieille opposition du concept et de l’image, c’est aussi celle que l’on retrouve entre l’art figuratif et un « art contemporain » qui tend à privilégier l’abstraction.

    Au sein même du christianisme, le débat a fait rage entre iconoclastes et iconodules. Et dans les temples protestants, il y a des croix, mais pas de Christ dessus…

    Dans les premiers siècles de notre ère, l’art chrétien est presque inexistant. Issu du judaïsme, le christianisme a hérité de sa réticence de principe envers les représentations figurées. Il doit en outre se différencier du paganisme, qui fait grand usage des statues. Au début du IIIe siècle, Clément d’Alexandrie rappelle ainsi qu’il est interdit aux chrétiens « de produire des œuvres trompeuses, car Moïse a dit : Tu ne feras pas d’images… » Comme en outre les évangiles ne disent strictement rien de l’apparence physique de Jésus, la représentation que pourrait en donner les artistes serait nécessairement arbitraire : « Nous ne connaissons pas son apparence », dit saint Augustin. Tertullien, dans son De idolatria, manifestait déjà la même réticence. Eusèbe de Césarée, dans une épître adressée vers 315 à l’impératrice de Byzance, affirme qu’il est matériellement impossible de représenter le Christ : la fusion en lui de l’élément divin et de l’élément humain rend par avance blasphématoire tout portrait que l’on pourrait donner de lui. Les icônes ne deviendront courantes qu’à partir du VIe siècle, mais ne recevront de véritable justification doctrinale que deux siècles plus tard.

    À partir de 1200, Orient et Occident empruntent des voies différentes. Tandis que dans la chrétienté orientale, l’image se fige dans le modèle de l’icône, l’art religieux explose sous toutes ses formes dans la plupart des pays d’Europe occidentale. L’image, du même coup, perd de son caractère proprement sacré, même lorsqu’elle continue à représenter des sujets religieux. Le grand art chrétien relève désormais avant tout de l’esthétique, tandis que le culte des images à l’ancienne se perpétue plutôt dans les ex-voto, les images de dévotion, les tableaux de mission ou de confréries. Le protestantisme reprendra plus tard à son compte la vieille prescription iconoclaste. C’est pour la même raison qu’il rejettera le culte marial et le culte des saints, trop proches selon lui du polythéisme.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 10 février 2015)

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  • "Pour savoir ce qui est aujourd'hui sacré, cherchez ce qui est tabou..."

    Nous reproduisons ci-dessous un court entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la situation du christianisme à l'heure de la démission du pape Benoît XVI...

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    A propos du christiannisme et de Benoît XVI...

    Entretien avec Alain de Benoist


    À en croire un ancien numéro de votre revue, Éléments, si le catholicisme du XXe siècle a vidé les églises, au moins aura-t-il empli les idées, notre monde étant constitué d’idées chrétiennes, non point devenues « folles », pour reprendre l’expression de G.K. Chesterton, mais « laïcisées ». Le diagnostic tient-il toujours la route ?

    Il a en tout cas été porté de longue date. L’avènement de la modernité se confond avec un mouvement de sécularisation qui doit s’envisager de façon dialectique. D’un côté, la religion perd sa place sociale et son rôle politique, désormais rabattu sur la sphère privée. De l’autre, les valeurs et les concepts chrétiens ne disparaissent pas ; ils sont seulement retranscrits en un langage profane. C’est en ce sens que la modernité reste tributaire de la religion. Le très catholique Carl Schmitt affirmait que « tous les concepts prégnants de la théorie moderne de l’État sont des concepts théologique sécularisés ». Il faisait lui-même un parallèle entre monarchie et monothéisme, entre déisme et constitutionnalisme (« Le Dieu tout-puissant est devenu le législateur omnipotent »). Karl Löwith et bien d’autres ont montré, de leur côté, que l’idéologie du progrès reprend la conception linéaire et finalisée de la temporalité historique qui, dans le christianisme, a remplacé la vision cyclique des Grecs : le bonheur remplace le salut, le futur se substitue à l’au-delà. L’idéologie des droits de l’homme tire pareillement son origine de l’idée chrétienne d’une égale dignité de tous les hommes, membres d’une famille unique. Les notions mêmes de sécularité et de laïcité appartiennent à la terminologie chrétienne. C’est la raison pour laquelle Marcel Gauchet a pu définir le christianisme comme la « religion de la sortie de la religion ».

    Vous n’êtes pas spécialement connu pour hanter les églises, mais, à titre personnel, que vous inspire le pontificat de Benoît XVI ?

    Benoît XVI a été dans son rôle. Il a beaucoup fait pour rapprocher les chrétiens des juifs. Il a dénoncé le « fondamentalisme islamique », sans préciser toutefois que ce sont surtout les musulmans qui en sont les victimes. Avec le motu proprio qui a réhabilité la messe traditionnelle, il a tenté sans grand succès de ramener les traditionalistes dans le giron de l’Église. Pour le reste, il est toujours comique de voir les médias lui reprocher de n’avoir pas été plus « en phase avec son époque », comme si la doctrine de l’Église (à laquelle nul n’est obligé d’adhérer) était une sorte de programme politique qu’on pourrait infléchir au gré des circonstances. Il est curieux également qu’aucun de ceux qui le présentent comme un « conservateur », que ce soit pour s’en féliciter ou pour le déplorer, n’ait rappelé que dans l’encyclique Caritas in veritate (2009), il s’était explicitement prononcé pour l’instauration d’un gouvernement mondial : « Il est urgent que soit mise en place une véritable Autorité mondiale, telle qu’elle a déjà été esquissée par mon Prédécesseur, le bienheureux Jean XXIII […] Le développement intégral des peuples et la collaboration internationale exigent que soit institué un degré supérieur d’organisation à l’échelle internationale de type subsidiaire pour la gouvernance de la mondialisation. » (§ 67)

    En 2013, une chrétienté bousculée par l’islam et, surtout, par un monde de plus en plus sécularisé, a-t-elle quelque chose à apporter à une humanité tendant à perdre le sens du sacré ?

    Je fais partie de ceux qui pensent que le sens du sacré ne se perd jamais totalement : la production d’une individualité collective est déjà de nature religieuse. Même sur le plan politique, le sacré est une composante inéliminable du pouvoir dans la mesure où le pouvoir met en jeu le problème de la vie et de la mort. Toute époque a ses zones de sacré. Pour savoir ce qui est aujourd’hui sacré, cherchez ce qui est tabou. La chrétienté, qui n’a pas le monopole du sacré, est aujourd’hui menacée par l’individualisation et, surtout, la privatisation de la foi. Pour retrouver une visibilité publique et en finir avec la relégation du fait religieux dans la sphère de la conscience privée, l’Église s’appuie sur l’émergence de la « société civile ». On l’a bien vu avec la mobilisation des familles catholiques contre le mariage gay. Pour continuer d’avoir un impact sur une société sécularisée, l’Église se pose en autorité morale, en experte ès affaires humaines, voire en marqueur identitaire. Cela n’empêche pas qu’il n’y a plus que 5 % de pratiquants en France et que l’âge moyen des prêtres est de 75 ans. On ne peut s’empêcher de penser qu’il y a là quelque chose qui touche à sa fin.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 19 février 2013)

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  • Bellone ou la pente de la guerre...

    Les éditions Flammarion publient dans leur collection de poche Champs l'essai de Roger Caillois intitulé Bellone ou la pente de la guerre. Co-fondateur en 1938 avec Georges Bataille, Michel Leiris et Jules Monnerot, notamment, du Collège de sociologie, Roger Caillois est un penseur inclassable qui s'est intéressé au sacré, au jeu, à la guerre ou au fantastique. Une partie de son oeuvre est disponible chez Gallimard dans la collection Quarto. 

     

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    "Roger Caillois a réuni et articulé en un ensemble cohérent l’essentiel de ses réflexions, inaugurées avec Bataille au Collège de Sociologie, sur «la fascination que la guerre exerce sur le cœur et sur l’esprit humain» qui deviendra la polémologie. L’érudition sert ici un propos dont l’originalité reste entière et les mises en perspective historiques tendent à faire tomber quelques idées reçues, notamment sur l’humanisme pacifiant des notions d’égalité et de droits de l’homme. Le texte de Caillois est augmenté d’un éloge de la guerre pour le moins surprenant de Proudhon et d’importantes pages de Jünger sur le sujet. Ce titre a été traduit en plusieurs langues et constitue une base de réflexion tout à fait pertinente pour les conflits actuels."

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  • Sacré art contemporain...

    Les éditions Jean-Cyrille Godefroy viennent de publier Sacré art contemporain - Eveques, Inspecteurs et Commissaires, un essai d'Aude de Kerros. Sculpteur, l'auteur a déjà publié L'art caché - Les dissidents de l'art contemporain, consacré aux artistes qui rejettent l'art conceptuel officiel et subventionné, autrement appelé "art contemporain" ou AC.

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    Ce livre évoque une controverse artistique et intellectuelle qui traverse notre époque sous l’angle particulier du lien qui existe entre la création, l’art et le sacré. Une crise s’est ouverte en 2011 avec les manifestations populaires contre des œuvres subventionnées de Serrano (Piss Christ) Castellucci (Sur le visage du Christ) et Garcia (Golgotha Picnic ). Fruit de la commande publique, faite désormais selon des critères conceptuels de l’Art contemporain, c’est un  art sacré d’Etat qui a pris place dans les églises. Ce phénomène massif a provoqué des transferts inédits, de légitimité, de sens et de sacré. Un véritable clergé administratif, « les inspecteurs de la création », a usé de  son prestige et de sa séduction auprès du clergé d’église, et imposé dans les sanctuaires la foi conceptuelle, son culte et son dogme fondé sur la déclaration créatrice de l’artiste.  Concevoir une œuvre d’art devient désormais un acte terroriste non sanglant visant, par le détournement des objets, situations, lieux et mots à faire exploser tout contexte et semer la confusion dans le monde immatériel de l’esprit, des idées et du sens.Cette nouvelle définition de l’art défendue et sacralisée par l’Etat est estimée être un Service Public. 

    Aude de Kerros est graveur, essayiste, critique d’art, auteur de « L’Art Caché  » et de nombreux articles et analyses sur l’Art contemporain. Elle nous fait l’histoire de la captation du sacré par une administration en quête de légitimité historique et monétaire. Elle révèle la dernière métamorphose de "l'Art contemporain", AC, en une nouvelle religion aux pratiques cultuelles archaïques."

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  • Jünger et ses dieux...

    Les éditions Orizons ont publié en début d'année un essai de Michel Arouimi intitulé Jünger et ses dieux. Michel Arouimi est maître de conférence en littérature comparée à l'Université du Littoral de la région Nord-Pas-de-Calais.

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    "Le sens du sacré, chez Ernst Jünger, s'est d'abord nourri de l'expérience de la guerre, ressentie comme une manifestation de la violence que le sacré, dans ses formes connues, semble conjurer. D'où le désir, toujours plus affirmé chez Jünger, d'une nouvelle transcendance. Mieux que dans ses pensées philosophiques, ces problèmes se poétisent dans ses grands romans, où revivent les mythes dits premiers. Or, ces romans sont encore le prétexte d'un questionnement des pouvoirs de l'art, pas seulement littéraire. Dans la maîtrise des formes qui lui est consubstantiel, l'art apparaît comme une réponse aux mêmes problèmes que s'efforce de résoudre le sacré. La réflexion de Jünger sur l'ambiguïté du sens de ces formes semble guidée par certains de ses modèles littéraires. Rimbaud a d'ailleurs laissé moins de traces dans son oeuvre que Joseph Conrad et surtout Herman Melville, dont le BillyBudd serait une source méconnue du Lance-pierres de Jünger. La fréquentation de ses " dieux littéraires ", parmi lesquels on peut compter Edgar Poe et Marcel Proust. a encore permis à Jünger d'affiner son intuition de l'ordre mystérieux qui s'illustre aussi bien dans la genèse de l'oeuvre écrite que dans un destin humain."

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  • Les snipers de la semaine... (31)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Atlantico, le psychologue et caractérologue Maxence Brulard mouche Nicolas Sarkozy pour sa gestuelle d'élève soumis et fayot face à Barack Obama lors de leur interview télévisée commune...

    Obama / Sarkozy : la rencontre du sphinx et du lutin

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    - sur Causeur, Romaric Sangars dézingue le touriste comme "figure du client hyperbolique pour qui l’intégralité de l’univers visité devient objet de consommation"...

    Le tourisme et le sacré

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