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sacré - Page 4

  • "Pour savoir ce qui est aujourd'hui sacré, cherchez ce qui est tabou..."

    Nous reproduisons ci-dessous un court entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la situation du christianisme à l'heure de la démission du pape Benoît XVI...

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    A propos du christiannisme et de Benoît XVI...

    Entretien avec Alain de Benoist


    À en croire un ancien numéro de votre revue, Éléments, si le catholicisme du XXe siècle a vidé les églises, au moins aura-t-il empli les idées, notre monde étant constitué d’idées chrétiennes, non point devenues « folles », pour reprendre l’expression de G.K. Chesterton, mais « laïcisées ». Le diagnostic tient-il toujours la route ?

    Il a en tout cas été porté de longue date. L’avènement de la modernité se confond avec un mouvement de sécularisation qui doit s’envisager de façon dialectique. D’un côté, la religion perd sa place sociale et son rôle politique, désormais rabattu sur la sphère privée. De l’autre, les valeurs et les concepts chrétiens ne disparaissent pas ; ils sont seulement retranscrits en un langage profane. C’est en ce sens que la modernité reste tributaire de la religion. Le très catholique Carl Schmitt affirmait que « tous les concepts prégnants de la théorie moderne de l’État sont des concepts théologique sécularisés ». Il faisait lui-même un parallèle entre monarchie et monothéisme, entre déisme et constitutionnalisme (« Le Dieu tout-puissant est devenu le législateur omnipotent »). Karl Löwith et bien d’autres ont montré, de leur côté, que l’idéologie du progrès reprend la conception linéaire et finalisée de la temporalité historique qui, dans le christianisme, a remplacé la vision cyclique des Grecs : le bonheur remplace le salut, le futur se substitue à l’au-delà. L’idéologie des droits de l’homme tire pareillement son origine de l’idée chrétienne d’une égale dignité de tous les hommes, membres d’une famille unique. Les notions mêmes de sécularité et de laïcité appartiennent à la terminologie chrétienne. C’est la raison pour laquelle Marcel Gauchet a pu définir le christianisme comme la « religion de la sortie de la religion ».

    Vous n’êtes pas spécialement connu pour hanter les églises, mais, à titre personnel, que vous inspire le pontificat de Benoît XVI ?

    Benoît XVI a été dans son rôle. Il a beaucoup fait pour rapprocher les chrétiens des juifs. Il a dénoncé le « fondamentalisme islamique », sans préciser toutefois que ce sont surtout les musulmans qui en sont les victimes. Avec le motu proprio qui a réhabilité la messe traditionnelle, il a tenté sans grand succès de ramener les traditionalistes dans le giron de l’Église. Pour le reste, il est toujours comique de voir les médias lui reprocher de n’avoir pas été plus « en phase avec son époque », comme si la doctrine de l’Église (à laquelle nul n’est obligé d’adhérer) était une sorte de programme politique qu’on pourrait infléchir au gré des circonstances. Il est curieux également qu’aucun de ceux qui le présentent comme un « conservateur », que ce soit pour s’en féliciter ou pour le déplorer, n’ait rappelé que dans l’encyclique Caritas in veritate (2009), il s’était explicitement prononcé pour l’instauration d’un gouvernement mondial : « Il est urgent que soit mise en place une véritable Autorité mondiale, telle qu’elle a déjà été esquissée par mon Prédécesseur, le bienheureux Jean XXIII […] Le développement intégral des peuples et la collaboration internationale exigent que soit institué un degré supérieur d’organisation à l’échelle internationale de type subsidiaire pour la gouvernance de la mondialisation. » (§ 67)

    En 2013, une chrétienté bousculée par l’islam et, surtout, par un monde de plus en plus sécularisé, a-t-elle quelque chose à apporter à une humanité tendant à perdre le sens du sacré ?

    Je fais partie de ceux qui pensent que le sens du sacré ne se perd jamais totalement : la production d’une individualité collective est déjà de nature religieuse. Même sur le plan politique, le sacré est une composante inéliminable du pouvoir dans la mesure où le pouvoir met en jeu le problème de la vie et de la mort. Toute époque a ses zones de sacré. Pour savoir ce qui est aujourd’hui sacré, cherchez ce qui est tabou. La chrétienté, qui n’a pas le monopole du sacré, est aujourd’hui menacée par l’individualisation et, surtout, la privatisation de la foi. Pour retrouver une visibilité publique et en finir avec la relégation du fait religieux dans la sphère de la conscience privée, l’Église s’appuie sur l’émergence de la « société civile ». On l’a bien vu avec la mobilisation des familles catholiques contre le mariage gay. Pour continuer d’avoir un impact sur une société sécularisée, l’Église se pose en autorité morale, en experte ès affaires humaines, voire en marqueur identitaire. Cela n’empêche pas qu’il n’y a plus que 5 % de pratiquants en France et que l’âge moyen des prêtres est de 75 ans. On ne peut s’empêcher de penser qu’il y a là quelque chose qui touche à sa fin.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 19 février 2013)

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  • Bellone ou la pente de la guerre...

    Les éditions Flammarion publient dans leur collection de poche Champs l'essai de Roger Caillois intitulé Bellone ou la pente de la guerre. Co-fondateur en 1938 avec Georges Bataille, Michel Leiris et Jules Monnerot, notamment, du Collège de sociologie, Roger Caillois est un penseur inclassable qui s'est intéressé au sacré, au jeu, à la guerre ou au fantastique. Une partie de son oeuvre est disponible chez Gallimard dans la collection Quarto. 

     

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    "Roger Caillois a réuni et articulé en un ensemble cohérent l’essentiel de ses réflexions, inaugurées avec Bataille au Collège de Sociologie, sur «la fascination que la guerre exerce sur le cœur et sur l’esprit humain» qui deviendra la polémologie. L’érudition sert ici un propos dont l’originalité reste entière et les mises en perspective historiques tendent à faire tomber quelques idées reçues, notamment sur l’humanisme pacifiant des notions d’égalité et de droits de l’homme. Le texte de Caillois est augmenté d’un éloge de la guerre pour le moins surprenant de Proudhon et d’importantes pages de Jünger sur le sujet. Ce titre a été traduit en plusieurs langues et constitue une base de réflexion tout à fait pertinente pour les conflits actuels."

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  • Sacré art contemporain...

    Les éditions Jean-Cyrille Godefroy viennent de publier Sacré art contemporain - Eveques, Inspecteurs et Commissaires, un essai d'Aude de Kerros. Sculpteur, l'auteur a déjà publié L'art caché - Les dissidents de l'art contemporain, consacré aux artistes qui rejettent l'art conceptuel officiel et subventionné, autrement appelé "art contemporain" ou AC.

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    Ce livre évoque une controverse artistique et intellectuelle qui traverse notre époque sous l’angle particulier du lien qui existe entre la création, l’art et le sacré. Une crise s’est ouverte en 2011 avec les manifestations populaires contre des œuvres subventionnées de Serrano (Piss Christ) Castellucci (Sur le visage du Christ) et Garcia (Golgotha Picnic ). Fruit de la commande publique, faite désormais selon des critères conceptuels de l’Art contemporain, c’est un  art sacré d’Etat qui a pris place dans les églises. Ce phénomène massif a provoqué des transferts inédits, de légitimité, de sens et de sacré. Un véritable clergé administratif, « les inspecteurs de la création », a usé de  son prestige et de sa séduction auprès du clergé d’église, et imposé dans les sanctuaires la foi conceptuelle, son culte et son dogme fondé sur la déclaration créatrice de l’artiste.  Concevoir une œuvre d’art devient désormais un acte terroriste non sanglant visant, par le détournement des objets, situations, lieux et mots à faire exploser tout contexte et semer la confusion dans le monde immatériel de l’esprit, des idées et du sens.Cette nouvelle définition de l’art défendue et sacralisée par l’Etat est estimée être un Service Public. 

    Aude de Kerros est graveur, essayiste, critique d’art, auteur de « L’Art Caché  » et de nombreux articles et analyses sur l’Art contemporain. Elle nous fait l’histoire de la captation du sacré par une administration en quête de légitimité historique et monétaire. Elle révèle la dernière métamorphose de "l'Art contemporain", AC, en une nouvelle religion aux pratiques cultuelles archaïques."

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  • Jünger et ses dieux...

    Les éditions Orizons ont publié en début d'année un essai de Michel Arouimi intitulé Jünger et ses dieux. Michel Arouimi est maître de conférence en littérature comparée à l'Université du Littoral de la région Nord-Pas-de-Calais.

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    "Le sens du sacré, chez Ernst Jünger, s'est d'abord nourri de l'expérience de la guerre, ressentie comme une manifestation de la violence que le sacré, dans ses formes connues, semble conjurer. D'où le désir, toujours plus affirmé chez Jünger, d'une nouvelle transcendance. Mieux que dans ses pensées philosophiques, ces problèmes se poétisent dans ses grands romans, où revivent les mythes dits premiers. Or, ces romans sont encore le prétexte d'un questionnement des pouvoirs de l'art, pas seulement littéraire. Dans la maîtrise des formes qui lui est consubstantiel, l'art apparaît comme une réponse aux mêmes problèmes que s'efforce de résoudre le sacré. La réflexion de Jünger sur l'ambiguïté du sens de ces formes semble guidée par certains de ses modèles littéraires. Rimbaud a d'ailleurs laissé moins de traces dans son oeuvre que Joseph Conrad et surtout Herman Melville, dont le BillyBudd serait une source méconnue du Lance-pierres de Jünger. La fréquentation de ses " dieux littéraires ", parmi lesquels on peut compter Edgar Poe et Marcel Proust. a encore permis à Jünger d'affiner son intuition de l'ordre mystérieux qui s'illustre aussi bien dans la genèse de l'oeuvre écrite que dans un destin humain."

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  • Les snipers de la semaine... (31)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Atlantico, le psychologue et caractérologue Maxence Brulard mouche Nicolas Sarkozy pour sa gestuelle d'élève soumis et fayot face à Barack Obama lors de leur interview télévisée commune...

    Obama / Sarkozy : la rencontre du sphinx et du lutin

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    - sur Causeur, Romaric Sangars dézingue le touriste comme "figure du client hyperbolique pour qui l’intégralité de l’univers visité devient objet de consommation"...

    Le tourisme et le sacré

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  • La confession négative...

    "J'ai dû tuer des hommes, autrefois, et des femmes, des vieillards, peut-être des enfants. Et puis j'ai vieilli. Nous avons vieilli plus vite que les autres. Nous avons dit ce qu'on dit que nul ne peut regarder fixement : le soleil, la souffrance, la mort. De tout ça, je peux parler à peu près librement : ceux qui m'avaient fait jurer de me taire et me menaçaient de mort, si je racontais certaines choses, ceux-là ne sont plus de ce monde, maintenant, et il y a longtemps que j'ai regagné l'Europe où les hommes ne croient plus à rien et où les ormes sont morts de maladie."

    Publié en 2009, La confession négative, le superbe récit que Richard Millet a tiré de son "expérience intérieure" de la guerre du Liban, reparait en collection de poche chez Folio. Nous reproduisons ici la recension qu'en avait fait la revue Eléments sous la plume de Jean-Charles Personne.

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    La consolation par Richard Millet

    Au cœur de Babel surgit une voix étrange, brisée, toute tachetée léopard, une vraie voix qui brutalise les conventions et se plaît, parfois, à en rajouter à la vilenie humaine. Une voix au diapason de laquelle on redécouvre à pas comptés la clairière des grâces nonchalantes, la vaste et lumineuse prairie des paradis perdus. C'est ainsi, me semble-t-il, que résonne à l'oreille des lecteurs la voix hautaine et envoûtante de Richard Millet. Présents à mon esprit, à l'instant même, se mêlant, une image et un livre. L'image, c'est Richard Millet photographié une coupe à la main au milieu des bulles du Tout Paris littéraire: visage lourd, renfrogné, regard perdu, lippe désabusée. Portrait lumineux qui laisserait penser que seul l'ailleurs, loin des bulles, est désirable. Le livre, c'est La confession négative. Pour l'occasion, je viens de le relire avec la même émotion, la même admiration. Avec, en plus, la conviction réfléchie de participer, comme lecteur attentif et quelque peu averti, au surgissement d'une œuvre pathétique en même temps que jubilatoire: peut-être la dernière cantate de la plus haute prose française, un hymne désolé au pied d'une idole: la langue de Bossuet, de Pascal... et de Haubert.

    Commençons par souligner que La confession négative est précédée de quelques quarante titres dont certains ne cessent d'enrichir la mémoire d'une cohorte d'inconditionnels: La gloire des Pythre (1995), L'amour mendiant (1996), Le sentiment de la langue (1993), Ma vie parmi les ombres (2003), Petit éloge d'un solitaire (2007), etc. Il me semble qu'on ne peut comprendre et le sens, et la portée de La confession si on ne la rattache pas «charnellement» à l' œuvre en construction, à ce qui précède et qui surviendra, ainsi qu'à la formidable ambition littéraire de son auteur.

    Confession négative? Un récit, tout simplement un récit. Celui d'une tranche de vie violentée, cruelle, barbare. Richard Millet, pour des raisons et hasards qui lui appartiennent et qu'il convient de préserver de toute intrusion politico-idéologique, c'est-à-dire subalterne, s'est engagé (1975-1976) dans les milices chrétiennes du Liban dévoré d'horreurs, de cruautés, de massacres. Il a participé: «J'y étais donc à la guerre, et pour rien au monde je ne serais rentré en France». Non seulement il a participé, pas dans l'intendance, ni dans un corps «d'élite» style hussards-gants blancs, mais dans la boue de la vengeance, avec en bruit de fond «la vibration initiale de la roquette sortant du tube avec quelque chose de jouissif, dirais-je, en reprenant une épithète appartenant au vocabulaire en vigueur dans la France contemporaine, mais que je n'aurais pas osé employer, au Liban, ce pays gardant encore au français sa dimension pudique et noble ». La guerre dans toute sa plus terrible violence - pas de règles: «Quel qu'il soit un ennemi n'est pas un homme, mais un animal dangereux; le tuer compte seul et je n'ai jamais repensé aux hommes que j'ai tués en regrettant de l'avoir fait [ ... ] j'ai été plus rapide ou plus habile ou les dieux ont guidé ma main». J'invite tous ceux qui aspireraient à «comprendre» l'incompréhensible, à déjouer l'entreprise de falsification du réel aujourd'hui à l'œuvre, à se reporter au passage qui relate une extraordinaire conversation entre l'auteur et deux journalistes: «Rappelez-vous Nietzsche: encore un siècle de journalisme et les mots pueront... » Si les mots puent, sur le terrain, ce sont aussi les cadavres qui puent: la guerre, quoi, à la manière d'autrefois, celle de Monsieur de Montluc.

    Au milieu de ce désordre sanglant, s'énoncent peu à peu, tandis que s'éclairent et se précisent les visages et les prières - et c'est peut-être la seule leçon de cette mémoire reconstituée -, les retrouvailles avec la vérité et l'essence des choses. La solitude, la violence, l'écriture silencieuse ordonnent un lexique puis une syntaxe, puis un ordre, celui des mots, de la langue de la seule métrique musicale du monde. «J'ai regardé la vallée. J'étais au bord du vide - au-delà du bien et du mal, sans doute nulle part. Je comprenais que tout ça ne me concernait plus, ne m'avait sans doute jamais concerné, sinon par la folie, la pauvreté, la mort, tout ce qui me hantait et dont seule l'écriture me délivrerait. » Le grammairien, c'est ainsi que ses amis de combat l'avaient surnommé, nous quitte, nous laissant bouleversés par la vague très pure et très haute de sa phrase immaculée.

    Pour en terminer, pour aujourd'hui, je renverrai à un roman (cette fois) de Richard Millet, Ma vie parmi les ombres, lequel s'achevait ainsi:

    «Et ceci tu t'en souviens: "Mon ami, je souffre, je vous aime et je vous attends."

    Julie de Lespinasse, une lettre datée" de tous les instants de ma vie". La plus belle phrase de la langue française, disait grand-mère. Elle n'avait pas tort, ai-je dit... et aussi pour ne pas avouer que pour moi, la plus belle phrase de la langue française et même de toute langue, hors toute littérature, une de ces phrases que je ne puis me répéter sans être au bord des larmes, tout en étant aussitôt consolé trouvant d'emblée cette chose si rare qu'est la consolation, cette phrase est prononcée par Jésus, à la fin de l'évangile selon saint Matthieu: "Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde."»

    A bien la lire, La confession négative emprunte la voie sacrée de la consolation! Reconnaissance au grammairien.

    Jean-Charles Personne (Eléments n°133, octobre-décembre 2009) 

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