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  • Un héritage de Vichy ?...

    « L’auteure a osé un pari et elle l’a gagné. » (Emmanuel Le Roy Ladurie)

    Les éditions Armand Colin publient cette semaine une étude historique de Cécile Desprairies intitulée L'héritage de Vichy - Ces 100 mesures toujours en vigueur. L'ouvrage, préfacé par Emmanuel Leroy-Ladurie, montre que le régime de Vichy, dans l'histoire politique de la France, est loin de s'être inscrit en rupture complète avec la République...

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    "Accouchement sous X, fête du Travail, cantine d’entreprise, sport au baccalauréat, création des comités d’établissement devenus comités d’entreprise, médecine du travail, certificat prénuptial, salaire minimum, Ordre des médecins… autant de mesures qui nous viennent de Vichy et de l’Occupation allemande. Si à la Libération, avec le rétablissement de la légalité républicaine, la plupart des mesures du régime de Vichy furent abolies, certaines ont été maintenues et, avec elles, des habitudes nées de la guerre.
    Comment l’expliquer ? Vichy n’aurait donc été qu’une parenthèse au sein de notre histoire républicaine ? Ou n’aurait-on gardé de ce régime autoritaire et répressif que ce qui relevait de la gestion du quotidien ? L’affaire est des plus complexes et chacun se fera son opinion.
    Ce livre exerce en quelque sorte un droit d’inventaire et, pour chacune de ces mesures ou dispositions qui sont restées, revient sur les raisons, parfois antérieures à Vichy, de leur conception et leur devenir aujourd’hui. Un défi passionnant, enrichi d’illustrations inédites."

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  • Les habits républicains de l'oligarchie...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré au détournement de l'idée de république par les serviteurs de l'oligarchie...

     

     

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    Les habits « républicains » de l'oligarchie ou comment le politiquement correct se cache derrière le mot République

    Si l’on interroge nos concitoyens – du moins les Français de souche - sur ce que représente pour eux le mot République aujourd’hui, ils l’associent en général à la liberté et bien sûr à la devise « liberté, égalité, fraternité » ainsi qu’aux « immortels principes » de 1789. L’exclamation populaire « on est en République » - pour dire que l’on peut faire ce que l’on veut-en témoigne encore.

    Le mot a donc plutôt une connotation positive aujourd’hui. Et c’est d’ailleurs pourquoi la plupart des mouvements politiques, y compris à droite, s’efforcent de se l’approprier.

    Néanmoins ce mot est trompeur car il est devenu une composante de la novlangue : il véhicule donc désormais l’idéologie de l’oligarchie française. Le propre de la novlangue est d’inverser le sens des mots pour leur faire désigner le contraire de ce qu’ils signifiaient jusqu’alors. Il faut donc décrypter le terme et se méfier de l’usage qui en est fait.

    République est devenue synonyme d’apartheid politique

    De nos jours, un parti qualifié de « républicain » n’est pas un parti qui se réclame des principes de la Révolution Française mais seulement un parti qui exclut de constituer des alliances électorales et gouvernementales avec la terrible « extrême droite ».

    Le mot « républicain » sert à sidérer l’électeur car il s’applique à toute la gauche et l’on n’entend jamais dire que l’extrême gauche ne serait pas républicaine. Tout au plus admet-on qu’elle est « radicale ». Par contre le qualificatif « républicain » permet de diviser la droite entre celle qui serait fréquentable et celle qu’il faudrait diaboliser : la fameuse « extrême droite ». Car la droite fréquentable est justement celle qui s’est ralliée à l’idéologie de la gauche.

    Le mot « républicain » sert donc à valoriser l’attitude de ceux – notamment à droite - qui organisent un impitoyable apartheid culturel, social et politique à l’égard d’une partie de leurs concitoyens.

    Républicain est devenu synonyme d’impopulaire et de minoritaire

    En novlangue un parti « républicain » n’est pas un parti qui exprime la volonté du peuple. Un parti « républicain » de nos jours, doit refuser au contraire toute « démagogie », ce qui veut dire qu’il ne doit s’intéresser au peuple que dans le cadre des élections périodiques (qualifiées aussi de « respiration démocratique » en novlangue: ce qui signifie donc qu’en dehors des campagnes électorales la démocratie étouffe….). Et ne pas être « populiste » veut dire en novlangue qu’il ne faut pas suivre le point de vue de la majorité de ses concitoyens. Il faut au contraire se préoccuper prioritairement du sort et du point de vue des « minorités ».

    Sur les principaux sujets de société les hommes politiques « républicains » adoptent donc des positions qui vont à l’encontre des préférences de la majorité de la population, telles qu’elles apparaissent notamment dans les sondages.

    Ils sont ainsi tous favorables à l’immigration, à l’islam, aux transferts de souveraineté au profit de l’union européenne, au libre-échangisme, au remboursement de l’avortement, aux revendications homosexualistes, à l’augmentation des impôts, à l’OTAN, à la « réinsertion » des délinquants, au gouvernement des juges et à la « discrimination positive » : c’est le programme commun des partis « républicains » c’est à dire le catalogue des différentes façons de décliner le politiquement correct.

    C’est que « la majorité n’a pas toujours raison » disait significativement, à propos de la votation suisse sur les minarets, M. Cohn-Bendit, un « républicain » modèle adulé des médias.

    Ces républicains sont minoritaires, favorables aux « minorités » et ils s’en flattent !

    République est devenue synonyme de communautarisme

    La révolution française a démantelé les structures communautaires de l’ancien régime, à commencer par les corporations, comme autant d’obstacles à la libre expression des droits individuels et de l’égalité des citoyens. De là vient aussi son hostilité à la religion et le culte de la « laïcité ».

    Pour les mêmes raisons, les républicains marqueront leur hostilité à toute forme de communautarisme - comme on dirait aujourd’hui - et on se souvient de la célèbre formule de Clermont-Tonnerre lors du débat sur l’émancipation des Juifs : « Il faut tout accorder aux Juifs comme individus et rien comme nation ». De la fin du XIXe siècle à la première moitié du XXe, les républicains resteront des assimilationnistes farouches, des centralisateurs hostiles aux identités régionales et indifférents aux identités ethniques.

    Mais aujourd’hui ceux qui se prétendent « républicains » ont inventé un nouveau concept : la « laïcité positive ». Cette laïcité ne serait plus la séparation de l’Église et de l’État, mais la « défense des cultes » !

    Elle consisterait au contraire à ce que les collectivités publiques favorisent l’exercice des cultes - et pour être plus précis celui du culte musulman - en finançant des mosquées, en reconnaissant dans l’espace public les pratiques musulmanes.

    Ces « républicains » prétendent en outre que la France serait désormais composée non plus de citoyens français mais de « communautés » diverses, dont il faudrait reconnaître l’existence et respecter les usages propres : les Musulmans, les Juifs, les Antillais, les Africains, les gens du voyage, les Roms etc….Bref selon cette curieuse logique l’égalité devrait être « diverse » !

    République est devenue synonyme de  promotion des privilèges de la naissance

    Les « républicains », de nos jours, prônent non pas les droits égaux pour tous mais au contraire la « discrimination positive », un concept américain qu’ils ont importé.

    La « discrimination positive » est le contraire de « l’égalité républicaine » c’est à dire de l’égalité des droits. Elle consiste à octroyer des avantages à certaines catégories de population en fonction de leur origine : en particulier au profit des personnes issues de l’immigration et d’origine africaine ou arabe. Ces droits sont donc au sens propre des privilèges (c'est-à-dire des droits privés) en fonction de la naissance comme sous l’ancien régime, même si la novlangue les repeint d’une fausse couleur « sociale ».

    Ces « républicains » ont donc inversé la logique de l’égalité : pour eux c’est l’égalité des droits qui constituerait ….une discrimination, car elle ne permettrait pas de corriger les inégalités liées à l’origine ou au milieu social. Dès lors la justice ne reposerait plus sur les droits égaux mais sur la réparation de discriminations passées, réelles ou supposées, sur l’ingénierie sociale. Saint Just doit se retourner dans sa tombe !

    République est synonyme de gouvernement des juges

    Les républicains d’hier affirmaient, à l’encontre des protestants anglais, que c’était la loi qui fondait le droit et non la jurisprudence ou la tradition.

    Mais les « républicains » d’aujourd’hui sont devenus anglo-maniaques : ils imposent la prééminence des juges inamovibles sur les législateurs élus. Cela s’appelle en novlangue « l’État de droit ». En réalité c’est la mise en tutelle de la souveraineté du peuple.

    Les modernes « républicains » ont ainsi transformé les parlements en exécutifs, mais dans les sens passif du terme ! C'est-à-dire en assemblée qui n’impulsent rien mais se bornent à exécuter (on dit « transposer » en novlangue) des directives venues d’ailleurs, des juges européens, de Bruxelles, de Strasbourg ou des marchés. Montesquieu doit aussi se retourner dans sa tombe !

    Républicain est synonyme de cosmopolite

    Les idées républicaines étaient perçues comme universalistes dans la mesure où elles devaient finir par s’imposer à tous avec le progrès des « Lumières de la raison ». Mais les républicains n’étaient pas pour autant des cosmopolites car ils pensaient que les droits de l’homme devaient s’incarner dans la communauté nationale et la citoyenneté.

    Mais les « républicains » d’aujourd’hui sont des cosmopolites qui sacrifient tout au culte du veau d’or, au culte de l’homme aux semelles de vent. Ils prétendent que la fraternité devrait reposer, non plus sur la nation et la citoyenneté, mais sur le brassage des cultures et la « diversité ».

    Comme le déclarait significativement M. Fabius en 2003 « quand la Marianne de nos mairies prendra le beau visage d’une jeune française issue de l’immigration, ce jour là la France aura franchi un pas en faisant vivre pleinement les valeurs de la République » (le 17 mai 2003 au congrès socialiste de Dijon). Dans son esprit le métissage serait donc la quintessence des valeurs républicaines !

    Les partis « républicains » n’ont d’ailleurs eu de cesse de réduire la citoyenneté à une simple formalité administrative, à une obscure affaire de « papiers » que certains auraient et d’autres n’auraient pas (les pauvres). Et de reconnaître à tout homme, dès lors qu’il est présent sur le territoire national, les mêmes droits que ceux des citoyens voire des droits supérieurs (comme l’aide médicale d’urgence ou l’hébergement gratuits pour les « réfugiés »). Dans cette logique, les partis de gauche préconisent d’ailleurs d’octroyer le droit de vote sur la base de la résidence et non plus sur celle de la citoyenneté. Pour eux le résident et le citoyen c’est pareil !

    Les « républicains » ont d’ailleurs consciencieusement démantelé les institutions et processus qui dans notre pays cimentaient la citoyenneté en France: l’école publique, le service militaire et l’assimilation des étrangers.

    L’école publique a été livrée aux talibans de la pédagogie égalitaire, aux égoïsmes syndicaux et abandonnée par le pouvoir exécutif. Le service militaire a disparu avec la professionnalisation des armées. L’assimilation des étrangers a cédé la place à « l’intégration des immigrés » : c'est-à-dire au bouleversement de la société française pour qu’elle s’adapte, de gré ou de force, au flot d’immigration réclamé par le patronat.

    Le mot République est le signe de reconnaissance des escrocs de la politique

    Les « républicains » autoproclamés et encensés par les médias trahissent en réalité sans vergogne l’héritage dont ils se réclament bruyamment. Ce sont en d’autres termes des escrocs.

    Le bicentenaire de la révolution française en 1989 permet de dater avec précision ce tournant du « républicanisme » new-look – version Jean-Paul Goude - en cosmopolitisme de plus en plus affirmé, au service des intérêts et appétits croissants de la nouvelle oligarchie.

    La liberté ? Mais les partis « républicains » ont adopté des législations répressives et de plus en plus intrusives dans l’existence de chacun. Les lois mémorielles mettent en tutelle la liberté de recherche historique. Les lois « antiracistes » et « anti-phobies » s’attaquent en permanence à la liberté d’expression. Les « républicains » bradent en outre la souveraineté du peuple qui seule peut fonder sa liberté.

    L’égalité ? Mais ils la bafouent chaque jour en mettant en place un droit inégal au profit de leurs clientèles minoritaires. Et l’oligarchie s’isole de plus en plus du reste de la nation.

    La fraternité ? Mais ils organisent la préférence étrangère, détruisent la citoyenneté et sèment la haine politique et sociale en diabolisant l’opinion majoritaire et en réduisant l’être à l’avoir.

    Et où sont les incorruptibles de nos jours ? Du côté de ces « républicains », qui sont de toutes les « affaires », ou justement du côté de ceux qu’ils diabolisent ?

    Le retour du Directoire

    Le mot République est désormais frelaté. Il sert d’emballage politiquement correct, à la potion que le système nous inflige, car celle ci a très mauvais goût pour le plus grand nombre.

    A cette « République » usée et corrompue, il est maintenant plus fructueux d’opposer d’autres principes fondateurs : la souveraineté du peuple, la primauté des législateurs sur les juges, la démocratie directe, la préférence nationale, le rétablissement des libertés individuelles et de l’égalité des droits entre les citoyens, le respect des frontières et de la souveraineté des Etats, le respect de l’identité des peuples. Car c’est dans ces principes que réside l’universalisme de demain.

    L’oligarchie est « républicaine » comme les régimes communistes s’appelaient « démocraties populaires » !

    Mais nous vivons aujourd’hui sous la domination des républicains du Directoire. Le Directoire fut la période de décadence finale de la première République qui avait versé dans l’affairisme,  la corruption politique et le mépris cynique du peuple.

    Le Directoire n’a duré que 4 ans : le peuple, conduit par les héros, a fini par jeter dehors ces Incroyables et ces Merveilleuses qui tenaient le haut du pavé en parlant une langue incompréhensible. 

    Avis aux oligarques « républicains » !

    Michel Geoffroy (Polémia, 19 avril 2012)

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  • La vieille Europe et le jeune Machiavel...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr, qui appelle les peuples européens à renouer avec la pensée de Machiavel pour sortir de leur sidération et de leur impuissance... 

     

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    La vieille Europe et le jeune Machiavel
     
    Machiavel n'a jamais eu si mauvaise presse que parce qu'il effrayait ceux qui étaient incapables de grandeur, encore moins capables de la concevoir, et aussi ceux qui gouvernaient selon ses principes sans que cela se sût. Aussi fut-il perçu comme le théoricien des tyrans, quand il fut plutôt l'éducateur le plus lucide des Républicains.
    Or, dans Le Discours sur la première décade de Tite-Live, il loue la lutte de classe. Pour lui, c'est l'une des sources de la puissance antique de Rome.

    Le malheur de Florence, selon lui, ne résida pas dans la présence en son sein de conflits entre le popolo minuto et le popolo grasso, qui auraient eu le malheur de la déchirer, mais, paradoxalement, dans son renoncement à ceux-ci, et dans l'abdication du peuple, face à la menace étrangère, à des condottieri. Les dominés auraient dû mener leur lutte jusqu'au bout, jusqu'à faire prévaloir leur vue.

    Du reste, une République est un Etat qui se maintient et se renforce face à l'adversité interne, et grâce à elle. La puissance de régulation de la société par un organisme voué à la stabilité doit se réactiver par une vertu sans cesse renouvelée grâce à des luttes qui le mettent en danger. L'équilibre ne peut alors être que le fruit d'un déséquilibre pérenne.

    Qu'importe les motivations des uns et des autres, l'ambition et l'amoralisme des hommes d'Etat, et la naïveté ou l'erreur des révoltés. L'essentiel est que se développe et se maintienne une situation de heurts afin que les rouages du corps politique ne rouillent pas, qu'au contraire ils se renforcent par l'habitude du danger, de la violence et des grands desseins. Car la Fortune suscite, lorsque la lutte s'amplifie, les hommes capables de la conduire, et parfois, ce sont de grands hommes.

    Il n'est rien de pire pour un Etat que la paix civile, l'affadissement du combat politique, et la domination sans partage d'une coterie qui endort et s'endort, tombe dans la récréantise en amollissant et avilissant le peuple. Pour Machiavel, la décadence de l’empire romain n'a pas d'autre facteur.

    C'est ainsi que la vieille Europe, au sortir de plusieurs guerres continentales, et d'une tuerie sans précédent, a préféré l'esclavage à la liberté. On appela cela une paix, quand ce n'était que le prix de l'asservissement.

    Le danger d'une guerre mondiale sur ses terres l'avait, en la scindant, donné entièrement aux deux belligérants qui se partageaient le monde et menaçaient de déclencher une guerre nucléaire. Depuis 1989, elle n'a pas eu la force de reconquérir son indépendance, qui aurait supposé une prise de risque historique, et a préféré se leurrer en considérant qu’il était encore possible de vivoter dans l’abondance, moyennant la servitude. C’est ainsi que tous les Etats de l’Union européenne ont aliéné leur puissance politique et militaire et choisi de se soumettre aux Etats Unis d’Amérique.

    Outre qu’une telle option ne s’accompagne pas nécessairement des dividendes attendus, si l’on en juge par la crise actuelle, qui est une véritable captation des richesses européennes par les compagnies financières internationale – car les esclaves sont rarement récompensés – on assiste à une destruction intérieure des corps et des âmes, un effondrement des capacités à voir clair et à réagir. Non seulement la propagande règne sans partage, plongeant les peuples européens dans une sorte de paralysie, de sidération, qui leur fait avaler tous les mensonges du système, mais il arrive aussi qu’ils se conduisent exactement comme ils ont été conditionnés à le faire, à coups de spécialistes et d’endoctrinements médiatiques, qui persuadent qu’il n’est d’autre réaction à penser.

    C’est ainsi que la fable du 11 septembre, mise en doute dans le monde entier, et aux USA même, est considérée ici comme un dogme ; que les guerres en Serbie, en Libye récemment, n’ont suscité aucune contestation, bien qu’elles soient le signe d’une vassalisation ; que personne ne conteste la politique périlleusement assassine d’Israël ; que tout le monde gobe les mensonges sur l’Iran et la Russie, préparant le terrain à un conflit d’ampleur ; que la politique libérale mondialiste, enfin, est rarement remise en cause, et apparaît donc comme la non-pensée unique (la véritable pensée impliquant la contradiction, opposition donnée difficilement par quelques mouvement, dont le Front national en France).

    Dernièrement, les milieux bancaires ont tenté et réussi des putschs dans certains pays de l’Union. En Grèce et en Italie, la connivence entre la droite et la gauche de l’argent a permis la prise du pouvoir de la finance internationale. Le peuple grec semble réagir, mais sa rage est impuissante. En Italie, la faveur populaire, stupidement, paraît plébisciter Mario Monti. En Espagne encore, les électeurs, par dépit, ont remplacé des maîtres par d’autres plus féroces, comme les grenouilles de la fable, qui demandaient un roi.

    Notons au passage que les deux nations latines, l’Italie et l’Espagne, ont un taux de naissance très bas, de l’ordre de 1,4%, tandis que les contre-maîtres germaniques de la puissance étatsunienne, tout aussi vieillissants, qui pavoisent sur la médiocrité de leurs « alliés », partagent ce triste record.

    L’Europe ressemble à un asile de vieillards, campés sur leurs rentes, et s’affairant pour sauvegarder quelques instants confortables d’existence, tandis qu’au dehors, la « racaille » aiguise les couteaux pour faire place nette.
     
    Claude Bourrinet (Voxnr, 22 novembre 2011)
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  • Extension du domaine du halal...

    Nous reproduisons ci-dessous un article intéressant d'Emmanuel Lemieux, publié sur le site Les influences et consacré à l'enquête sur les banlieues réalisé par Gilles Kepel pour l'Institut Montaigne. Emmanuel Lemieux s'est fait connaître au début des années 2000 par un ouvrage bien documenté sur les milieux intellectuels, intitulé Pouvoir intellectuel - Les nouveaux réseaux (Denoël, 2003).

     

    Banlieue de la République , Clichy-sous-bois , Gilles Kepel , Halal , Institut Montaigne , Montfermeil

     

     

    Banlieues : extension du domaine du halal

    Une enquête de terrain, dirigée par le politologue Gilles Kepel, témoigne de l’influence de l’islam dans la vie quotidienne. L’Institut Montaigne appelle à une nouvelle attraction républicaine.

    Attention, pincettes. Rendue publique ce mardi 4 octobre 2011, "Banlieue de la république" est une étude commandée par l’Institut Montaigne et conduite par le politologue Gilles Kepel, avec la collaboration de Leyla Arslan et Sarah Zouheir. "Une enquête lourde, et longue d’une année et demi, qui a mobilisé cinq chercheurs et dégagé un budget conséquent à 100% financé par l’Institut", confirme Michaël Cheylan, directeur des affaires publiques du think tank libéral. Une enquête en profondeur également, menée à Clichy-sous-bois et à Montfermeil (Seine-Saint-Denis), qui s’est intéressée à l’ensemble des dimensions permettant de "faire société". Une centaine de personnes, régularisées ou non, ont été interviewées en français, mais aussi en arabe, en turc, en cambodgien, en anglais, en peul, en soninké, sur les questions du logement, de l’éducation, de l’emploi et de la sécurité, et de leurs rapports à la politique et à la religion. L’auteur des "Banlieues de l’islam" entreprend ainsi une radiographie de l’état des lieux, vingt-cinq ans après. Le changement est de taille : en 1985, Gilles Kepel rencontra essentiellement des immigrés qui lui parlèrent de l’islam en France. En 2011, ses équipes traitent majoritairement d’enfants de l’immigration qui vivent avec l’islam de France.

    " Ces banlieues ne sont pas représentatives, comme on le dit d’un sondage réalisé selon la méthode des quotas, elles sont emblématiques" prévient Gilles Kepel. Il a choisi deux communes regroupant 60 000 habitants dans l’agglomération, emblématiques en effet des émeutes urbaines de 2005, mais aussi des handicaps sociaux. Le chômage, coeur noir de tous les problèmes, est ainsi de l’ordre de 27,7% à Clichy sous Bois, de 17,5% à Montfermeil lorsqu’il pèse 11% pour toute l’Ile-de-France. Les foyers non imposables représentent 61,30% des foyers de Clichy sous bois, 45, 40% de Montfermeil quand l’Ile de France en enregistre 33,60% Les habitants de moins de 14 ans sont plus nombreux qu’en région parisienne, et nombreux également se comptent ceux dont un parent sur deux au moins est d’origine étrangère (76% à Clichy-sous-bois, 50% à Montfermeil contre 16,9% en Ile de France).

    "Le halal touche profondément à la chair : de la table au lit"

    Le point le moins consensuel, mais le plus crucial, de ce "carottage" sociologique en banlieue profonde est l’observation de l’influence de l’islam dans la vie quotidienne des citoyens français. Certes, l’effet de piété exacerbée marque particulièrement ce territoire étudié, où les deux tiers des enquêtés se déclarent de confession musulmane. Indéniablement, l’islam, entre mouvement tabligh ("propagation de l’islam) et imam de quartier (à l’image d’un Don Camillo traditionnel-conservateur des années cinquante), pèse et structure tout un type de relations bien éloigné de l’attraction républicaine et du "vivre ensemble ". "L’une des transformations majeures en un quart de siècle est l’ubiquité du halal", instruit Gilles Kepel pour qui "cette revendication identitaire a explosé". Le halal (ce qui est licite et ce que ne l’est pas) ne se réduit plus à une déjà épineuse affaire de cantine scolaire. "Le halal a un spectre beaucoup plus large que la viande, analyse le sociologue, et touche profondément à la chair ; il fait passer de la table au lit, et construit des repères passablement complexes pour définir le licite et l’illicite." Ces lois sont extrêmement mouvantes, et sont liées "à la situation d’enclavement, au contrôle social et à l’ordre moral quotidien qui en découlent." Marqueur communautaire fort, le halal agit comme "le miroir inversé du casher" et constitue le fer de lance d’ "une compétition mimétique". Aux yeux des sondés musulmans, les juifs apparaissent en effet comme une minorité qui a su imposer sa différence au sein de la république française.

    L’étude bat également en brèche la fable du mariage mixte majoritaire ou en progrès en France. "La majorité des enquêtés souhaite que leurs enfants se marient avec une personne pratiquant le même culte. Cette préférence pour le mariage endogame revient également dans les réponses des Chrétiens d’Orient, qui, y voient la seule manière de préserver l’existence de leur communauté", retient l’enquête.

    "Promesse laïque et républicaine"

    Gilles Kepel voit l’affirmation d’un islamisme identitaire, mais aussi l’ambivalence de ce mouvement. Que "l’attraction de la promesse laïque et républicaine" revienne pour de bon et méthodiquement dans ces quartiers, avec notamment la question obsessionnelle de l’emploi, l’action revitalisée des pouvoirs publics sur le désenclavement, les transports, l’éducation, et "les valeurs de la Nation" s’inviteront durablement. C’est ce qu’estime à la suite de l’étude de Gilles Kepel, le Comité directeur de l’Institut Montaigne. Dans une tribune publiée sur le monde.fr, ce groupe de personnalités comme Claude Bébéar, Nicolas Baverez, Lionel Zinsou, Guy Carcassonne, Michel Godet, Bernard de la Rochefoucauld, Natalie Rastoin, Henri Lachmann appelle les candidats à la présidentielle 2012, à un peu plus d’ambition sur le sujet et "à raviver la cohésion d’une société malade du chômage de sa jeunesse".

    Emmanuel Lemieux (Les influences, 4 octobre 2011)

     

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  • Quelle armée pour la France ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du colonel François Chauvancy, de l'Armée de Terre, publié dans le quotidien Le Monde daté du 13 juillet 2011 et consacré à la place que notre pays veut accorder à son armée.

      

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    Quelle armée pour la France au XXIe siècle ?

    Les armées sont le berceau de l'Etat car la sécurité a été et est la condition de tout développement économique ou social. En même temps, résultat de trente ans de réformes, sinon de restructurations, les armées doutent, s'inquiètent. Leur capacité à agir est de plus en plus réduite, leur légitimité à exister peut-être compromise à terme. Cette situation est aussi confrontée aux interrogations des Français : quel est l'intérêt de ces forces armées qui, finalement, n'assurent leur protection que d'une manière lointaine, sans doute coûteuse, peu visible et pas toujours compréhensible en Afghanistan, en Libye ou en Afrique ?

    La "réorganisation" issue du Livre blanc a fait des armées de simples contributrices à la protection des citoyens par le biais des politiques de sécurité intérieure et de sécurité civile. Certes la règle, pour l'instant respectée, est de fournir en fonction des effets attendus, une capacité "clés en mains" sous le commandement opérationnel du chef d'état-major des armées. Les armées garderaient pour seules vocations d'assurer la pérennité de la dissuasion et de servir de corps expéditionnaire... ce qui sera valable tant qu'il y aura des conflits. Cela signifie à terme de nouvelles réductions de leur format à moins que l'on tire les conséquences de l'échec de l'Europe de la défense avec le cas libyen. Faire une guerre juste et légale ne suffit pas pour entraîner derrière soi des forces alliées.

    L'armée est de plus en plus une inconnue pour les citoyens. Son image positive, sans doute aussi sa capacité à recourir à la force maîtrisée, nourrissent les fantasmes de syndicalistes de la police (novembre 2005 lors des émeutes), de politiques (Ségolène Royal pour remettre les "jeunes" désocialisés dans le droit chemin), d'élus (appel du maire de Sevran en 2011), du citoyen qui souvent évoque son regret du service militaire... pour les "jeunes". L'armée d'hier, dernier recours contre tous les désordres, n'existe (presque) plus et ce ne sont pas les soldats patrouillant ostensiblement dans les gares et les aéroports qui y changeront quelque chose.

    Enfin, cette mauvaise idée du "coeur de métier" a justifié les réformes et les abandons. Certes l'aptitude à faire la guerre est spécifique. Cependant, c'est surtout leur aptitude à agir dans des situations très dégradées qui donne l'utilité sociale des armées. Elle dépasse largement la notion de "coeur de métier".

    UN MINISTÈRE DES ARMÉES

    Peut-on encore redéfinir les relations entre la nation et les armées ? L'idée de la simple contribution de celles-ci à la sécurité du territoire et à la protection des Français est à revoir. Les armées ne font pas que "contribuer". Elles sont le garant de la pérennité de la France. Elles ne sont ni politisées ni syndiquées, ne se mettent pas en grève, servent en tout temps, en tout lieu. Elles sont l'expression de la communauté nationale dans sa diversité et dans la volonté de servir avec abnégation. Cette place doit être confirmée par des signes forts.

    Aussi, la nécessaire visibilité des forces armées, et donc leur rayonnement, devrait amener le retour d'un ministère des armées comme le précise l'ordonnance de 1959 au lieu d'un ministère de la défense afin que les soldats de la République puissent s'identifier à "leur" ministère. Cela implique ensuite qu'un ministre des armées soit autant présent sur la scène politique qu'un ministre des affaires étrangères dès lors qu'un conflit est engagé. Toutes les unités militaires devraient rejoindre à terme le ministère des armées, alors qu'une partie d'entre elles servent au sein du ministère de l'intérieur avec le statut militaire (gendarmerie, pompiers militaires à Paris et à Marseille, sécurité "civile") pour lui permettre de fonctionner en permanence, notamment à moindre coût.

    Les forces armées, notamment terrestres, doivent surtout retrouver leur vocation à protéger le peuple sinon les institutions, quelle que soit la crise. Elles doivent disposer d'une capacité à intervenir sur le territoire national, voire créer des unités spécialisées régionales sous la forme par exemple d'une garde nationale complétant la réserve. Le rôle de celle-ci doit être revu avec des réservistes devenus souvent des supplétifs de toutes les administrations en mal d'effectifs. Cette réappropriation de la défense du pays par un plus grand nombre de citoyens pourra renforcer le lien entre l'armée et la nation, favoriser le recrutement, et envisager pourquoi pas un nouveau rôle social pour les armées.

    Enfin, revitaliser l'esprit de défense amoindri avec la suspension du service militaire et valoriser les armées nécessitent le vote de la proposition de loi du 1er juin faisant notamment du 11-Novembre une journée dédiée au souvenir des soldats morts dans toutes les guerres. L'armée de la République a vocation à protéger le peuple et les institutions. A ce titre, sa place dans les institutions représente un facteur d'équilibre des pouvoirs régaliens et un élément clé de la démocratie. L'engagement de chaque soldat-citoyen fait de l'armée la protectrice naturelle et ultime de la nation dans toutes les crises sinon contre tout excès de pouvoir ou totalitarisme.

    Or, il est possible que le rôle de l'armée puisse changer et être affaibli. Ce choix important, hasardeux dans un monde de plus en plus dangereux et une violence de moins en moins retenue, devra être assumé par chaque citoyen et par la classe politique. Cette question doit donc être posée : quelle armée la nation souhaite-t-elle au XXIe siècle et pour quel rôle ?

    Colonel François Chauvancy (Le Monde, 12 juillet 2011)

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  • Chevènement, le PS et la doxa néolibérale...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien de Bernard Poulet avec Jean-Pierre Chevènement, publié sur le site de L'Expansion, dans lequel ce dernier revient sur la conversion du PS au néolibéralisme

     

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    Pourquoi les socialistes se sont-ils convertis au néolibéralisme peu après être arrivés au pouvoir, en 1981, se demande Jean-Pierre Chevènement dans son dernier livre, La France est-elle finie ? (Fayard, 315 pages, 19 euros). A l'approche de la présidentielle, l'ancien ministre socialiste explique pour L'Expansion les raisons de ce tournant dont ses anciens camarades ne sont jamais revenus. Au passage, il en étrille quelques-uns.

    Pourquoi pensez-vous que la gauche doit réévaluer l'histoire du tournant économique du début des années 80 ?

    A chaque étape, la gauche n'est repartie qu'en se mettant au clair avec elle-même. Or, en 1981, à l'instar de Christophe Colomb, la gauche française a cru découvrir les Indes - le socialisme -, et elle doit réaliser qu'elle a trouvé l'Amérique - le néolibéralisme. Même si l'environnement international n'était pas favorable, rien n'obligeait les socialistes français à opérer ce tournant néolibéral, ni à aller aussi loin : l'Acte unique européen, négocié par Roland Dumas, et la libération totale des mouvements de capitaux, y compris vis-à-vis de pays tiers, ou l'abandon de la clause d'harmonisation fiscale préalable qui figurait dans le traité de Luxembourg. Ou encore le Matif [Marché à terme international de France], créé en 1984, et la loi de libéralisation financière, en 1985. Tout cela était une manière de mettre Margaret Thatcher au coeur de la construction européenne, d'accepter d'abandonner l'Europe, pieds et poings liés, au capitalisme financier. En critiquant ces choix, je n'ignore pas l'existence du monde extérieur, mais on n'était pas obligé d'appliquer toutes les règles de la doxa néolibérale. On aurait pu maintenir quelque chose ressemblant à une économie mixte. L'Etat pouvait garder la maîtrise de quelques mécanismes de régulation essentiels. L'idéologie néolibérale a fait admettre comme vérité d'évangile que, grâce à la désintermédiation bancaire, les entreprises s'alimenteraient à plus faible coût sur les marchés financiers. L'entrée dans une mécanique irréversible en souscrivant à toutes les dérégulations prévues par l'Acte unique, la libéralisation des mouvements de capitaux, l'interdiction des politiques industrielles et des aides d'Etat, l'introduction de la concurrence dans les services publics, tout cela, personne ne nous le demandait vraiment.

    Quels ont été les motifs des architectes de cette politique ?Robert Lion et Jean Peyrelevade, qui dirigeaient alors le cabinet du Premier ministre Pierre Mauroy, Philippe Lagayette, qui était aux manettes de celui de Jacques Delors aux Finances, comme tous les hiérarques du ministère de l'Economie et des Finances, Michel Camdessus, directeur du Trésor, Renaud de La Genière, gouverneur de la Banque de France, et plus tard Jean-Claude Trichet, lui aussi à la tête du Trésor, ou Pascal Lamy, directeur de cabinet du président de la Commission européenne (1), tous croyaient fermement à la théorie de l'efficience des marchés. Ils étaient convaincus que tout ce qui était réglementation devait disparaître pour sortir de ce qu'ils appelaient l'"eurosclérose" et libérer l'économie des contraintes bureaucratiques qui l'empêchaient de se développer. Comment tant d'hommes dont je ne puis suspecter l'honnêteté ont-ils pu opérer pareille conversion ? Cette énigme doit être résolue.C'étaient des représentants de la haute fonction publique...

    Haute fonction publique qui avait, pour l'essentiel, sa carte au Parti socialiste, où, il est vrai, elle était plutôt orientée "deuxième gauche". Personne parmi eux n'était résolu à mener une politique un tant soit peu volontariste. Tout s'est passé comme s'il leur fallait user la gauche au pouvoir et l'amener au "tournant libéral" que la technocratie bien-pensante avait, déjà avant 1981, imaginé pour elle. On les appelait "les rocardiens" ; en fait, ils étaient partout, et Rocard n'y était pour rien ! Tout cela a été conçu par des gens qui savaient où ils allaient et qui étaient décidés à se faire un allié de la puissance des marchés. Jacques Delors était cohérent. Il a passé consciemment un pacte avec ce qu'il appelle "les vents dominants" de la mondialisation. Très peu de gens dans l'administration, en dehors de ceux qui étaient avec moi à l'Industrie, s'opposaient à ce courant dominant, et la plupart de ceux qui avaient la charge d'appliquer le programme sur lequel François Mitterrand avait été élu, en 1981, n'y croyaient tout simplement pas. Il y avait une sorte de frénésie idéologique qui voulait que plus on libéralisait, plus on était "moderne".

    Mais où était le Parti socialiste ?

    Le Parti socialiste était presque absent sur les questions industrielles, monétaires et de régulation, qui lui paraissaient très techniques. Il estimait qu'il s'agissait d'une parenthèse qui ne changeait pas les orientations fondamentales, à commencer par le souci prioritaire de l'emploi. Le premier secrétaire du PS d'alors, Lionel Jospin, s'est porté garant de cette continuité politique et de l'absence de tournant réel, d'autant que François Mitterrand affirmait haut et fort ne pas avoir changé d'orientation. Le Parti communiste n'intervient pas non plus en 1983. Car il ne veut pas apparaître comme le parti de la dévaluation. L'affaire ne se joue finalement qu'entre un très petit nombre d'hommes.

    C'est donc Jacques Delors qui a joué le rôle clé ?

    Il était lié à François Mitterrand depuis les années 60. C'était un militant chrétien social, l'homme du dialogue social au cabinet de Jacques Chaban-Delmas. Je le reconnais comme un maître en idéologie. Il a toujours agi avec une bonne conscience inaltérable. Son discours pieux déconnectait parfaitement l'économique et le social, et, avec son disciple Pascal Lamy, il était sans doute convaincu que l'autorégulation des marchés tendait à favoriser la croissance. J'aime ces deux-là. Leur dogmatisme libéral sans peur et sans reproche, tout enrobé de bonne conscience chrétienne moralisante, fait plaisir à voir !

    Delors jouait dans les médias le rôle de saint Sébastien, criblé de flèches par ses camarades de parti, alors qu'il organisait le désengagement de l'Etat et la désintermédiation bancaire. Mystification conceptuelle qui conduisit en fait à l'explosion des revenus financiers. Mais je ne crois pas qu'il ait bien vu monter le capitalisme financier à l'horizon de la société. A l'époque, très peu de gens avaient compris qu'on avait tourné la page de l'ère du New Deal et du keynésianisme. Ne mesurant sans doute pas ce qu'il faisait, c'est lui qui a mis en place la dérégulation sur le continent. Il a fait la politique que Margaret Thatcher et Ronald Reagan appliquaient en Angleterre et aux Etats-Unis.

    Mitterrand n'y comprenait pas grand-chose, mais il souhaitait un accord européen, car il ne voulait pas que la France soit "isolée". Il raisonnait comme si elle était toujours le n° 1 en Europe. Quand il poussera à l'adoption de la monnaie unique, il ne verra pas non plus que la réunification allait faire de l'Allemagne le pays central, gouvernant l'euro comme un "mark bis".

    Depuis, la conversion au néolibéralisme ne s'est plus démentie, puisque c'est Dominique Strauss-Kahn, ministre des Finances de Jospin, qui autorisera le rachat d'actions par les entreprises. Comment l'expliquer ?

    Dominique Strauss-Kahn a théorisé la non-intervention de l'Etat dans l'économie lors d'un séminaire tenu à Rambouillet en septembre 1999. Je fus alors le seul, avec Martine Aubry, à le contredire. Deux semaines plus tard, Lionel Jospin dira que "l'Etat ne peut pas tout faire". Ce qui se jouait, c'était l'idée que l'Etat n'avait plus rien à faire dans l'organisation de l'économie et que les décisions de structures devaient être laissées à des autorités indépendantes. Dominique Strauss-Kahn en fut le théoricien, ce qui l'amena, par exemple, à liquider les dernières participations de l'Etat dans Usinor.

    Si vous lisez son rapport à Romano Prodi en 2004, il est à mes yeux proprement confondant d'irréalisme. Il propose littéralement de former une nation européenne, de faire des listes plurinationales aux élections, de créer des médias transnationaux. On y sent à l'oeuvre la volonté de gommer la nation et d'en faire disparaître les repères. Comme chez Jean Monnet, qui est quand même, dès 1943, le grand inspirateur de cette construction d'une Europe par le marché. Vision purement économiciste, où la souveraineté populaire disparaît, happée par celle de l'empire (en l'occurrence américain).

    Mitterrand ne s'est-il pas servi de la construction européenne comme d'un prétexte pour cacher ses abandons ?

    Un prétexte, peut-être, mais aussi, chez lui, une conviction sincère. Je n'arrive d'ailleurs pas à rejeter sa vision, au moins quant à l'objectif final. L'idée que les peuples d'Europe doivent se rapprocher toujours plus me semble juste, surtout quand on est coincé comme aujourd'hui entre la Chine et les Etats-Unis. Le problème, ce sont les modalités de la construction européenne. Je ne crois pas que celle-ci impliquait un ralliement aussi complet au néolibéralisme. Pour construire une Europe "européenne", il ne fallait pas faire l'impasse sur les peuples, qui sont du ressort de la démocratie.

    Pour vous, le socialisme n'a plus de sens aujourd'hui...

    Je n'ai jamais beaucoup cru à l'autogestion. Mais je crois en la citoyenneté. Le socialisme, aujourd'hui, ça veut dire la perfection de la république, bref, la république sociale, comme l'avait pressenti Jean Jaurès. Le socialisme comme modèle de société toute faite dans laquelle on entrerait comme on enfile ses chaussures ne me séduit pas. Je n'aime pas me gargariser de formules dont je ne comprends pas le sens. Je suis viscéralement hostile à tout millénarisme et ne me range pas dans la catégorie des socialistes utopistes. "Aller à l'idéal, oui, mais comprendre le réel", disait Jean Jaurès.

    Pourquoi les socialistes n'ont-ils pas refait cette histoire ?

    Sans doute parce qu'ils restent prisonniers d'une confusion entre l'idée européenne et le logiciel néolibéral présent dans les traités qu'ils ont signés. Ils sont du parti du "Bien". Ils se veulent avant tout de "bons européens". L'Europe les sanctifie. Ils ne se rendent pas compte que l'Europe telle qu'ils l'ont façonnée est régie par des règles essentiellement néolibérales.

    Ils ne sont pas idiots, quand même ?

    Non, ils ne sont pas idiots, mais ils n'osent pas penser. Et puis leur ciment, c'est leur attachement au pouvoir. Etre "européen", c'est ce qui fait leur crédibilité vis-à-vis de gens qui ne pensent pas comme eux. François Mitterrand l'avait compris d'emblée en 1972 : je fais le Programme commun, disait-il, mais je suis européen, alors vous pouvez quand même me faire confiance.

    Jean-Pierre Chevènement

    Propos recueillis par Bernard Poulet (L'Expansion, 6 juin 2011)

    (1) Jacques Delors à partir de 1984.

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