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lobby - Page 2

  • Le CRIF : la tentation du lobby...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent article de Jean-Yves Le Gallou, publié sur le site de Polémia et dans lequel il réfléchit aux activités de représentation et d'influence du CRIF... 

     

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    Le CRIF : la tentation du lobby

    Pour avoir évoqué avec des auditeurs le possible rôle d’un « lobby juif » dans le soutien apporté à DSK, Sud-Radio est dans la tourmente : blâme du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), renvoi du journaliste Eric Mazet, diabolisation médiatique, poursuites pénales. Pourtant un livre sur Le Lobby breton, « l’un des plus puissants de France », vient d’être publié sans faire de vagues ; et pourtant toute la thèse de l’auteur est que les Bretons se soutiennent entre eux, ce qui est somme toute… bien naturel. Et un docteur en sociologie, professeur à Sciences-Po, Samuel Ghiles-Meilhac, vient de publier un ouvrage consacré, lui, au Conseil représentatif des institutions juives de France : Le CRIF/ De la Résistance juive à la tentation du lobby/ De 1943 à nos jours. Explications.

    En moins d’un an deux livres viennent d’être publiés sur le CRIF : Le CRIF / Un lobby au cœur de la République d’Anne Kling et Le CRIF/ De la Résistance juive à la tentation du lobby/ De 1943 à nos jours de Samuel Ghiles-Meilhac.

    Tout paraît opposer leurs auteurs : Anne Kling est une essayiste critique, animateur du blog « La France licratisée » ; Samuel Ghiles-Meilhac est sociologue et professeur à Sciences-Po ; il collabore à la revue de BHL, Le Meilleur des mondes, et son livre s’inscrit clairement dans une perspective légitimant le CRIF.

    Le ministre de l’Education choisit le jour de la rentrée pour recevoir le président du CRIF

    Mais les deux ouvrages ont pour point commun d’être une mine précieuse de renseignements historiques et d’informations sur les faits contemporains. Ils se complètent d’ailleurs assez bien : Anne Kling analyse avec précision, et sur la base du site Internet du CRIF, les (très nombreuses) interventions de cette organisation dans la vie publique. Cette description clinique montre l’étendue des pouvoirs du CRIF, une étendue des pouvoirs encore récemment vérifiée par le fait que Luc Chatel, ministre de l’Education, ait choisi le jour symbolique de la rentrée scolaire (5 septembre 2011) pour recevoir officiellement Richard Prasquier, président du CRIF, et Claude Lanzmann, auteur du film Shoah.

    « Un puissant lobby juif français ? » (Samuel Ghiles-Meilhac)

    La méthode de Samuel Ghiles-Meilhac est différente de celle d’Anne Kling mais leurs conclusions convergent. Samuel Ghiles-Meilhac interroge les dirigeants du CRIF et leurs propos confirment sans discussion l’analyse d’Anne Kling. Le dernier chapitre, sorte de conclusion du livre de Samuel Ghiles-Meilhac, s’intitule : « Un puissant lobby juif français ? ». Et le point d’interrogation final ne résiste guère ; car à la lecture du chapitre, une seule réponse est possible : Oui.

    Evoquant l’histoire récente, Samuel Ghiles-Meilhac rappelle un propos tenu par François Mitterrand à Jean d’Ormesson. Arrivé au terme de son mandat, le président de la République évoque « l’influence puissante et nocive du lobby juif » (cité page 246), « un propos iconoclaste » pourtant défendu, en 1999, dans Marianne, par Pierre Bergé, l’un des actuels patrons du Monde : « Je pense – n’en déplaise à beaucoup – que les lobbies existent. Il y a un lobby juif comme il y a un lobby homosexuel et un lobby de femmes. Comme il y a un lobby hispanique aux Etats-Unis et un lobby indien en Angleterre. Les lobbies sont là pour protéger des gens, des peuples, des races, mais aussi – et c’est bien normal – pour protéger leurs croyances et leur permettre de s’imposer » (cité page 247). L’ancien président du CRIF Roger Cukierman a d’ailleurs repris lui-même à son compte le mot « lobby », en déclarant à Samuel Ghiles-Meilhac : « Le mot lobby ne me choque pas. S’il s’agit d’utiliser des moyens légaux pour faire entendre notre voix, alors nous pouvons être un lobby » (cité page 263).

    Le CRIF : « Représentativité et pouvoir symbolique »

    Samuel Ghiles-Meilhac rappelle (page 260) un sous-titre de la une du Monde du 15 février 2008 : « Devant les Juifs de France, le président précise sa pensée sur Dieu et la République. » Et l’auteur de conclure : « Tous les Juifs sont donc pour Le Monde représentés dans cette fédération d’associations (le CRIF). » En sociologue, Samuel Ghiles-Meilhac explique ce phénomène par « le pouvoir symbolique, la charge historique et morale qu’incarne la figure des Juifs dans l’histoire de la société française ». D’où, selon l’auteur, l’intervention du CRIF contre l’Eglise catholique dans l’affaire du Carmel d’Auschwitz, d’où la lutte contre le Front national, d’où les débats et procès autour de la déportation des Juifs : « Le CRIF semble alors incarner l’histoire juive de la France » (page 260). D’où « l’importance considérable [le mot est de l’auteur] du dîner du CRIF » : un lieu d’échange symbolique entre le CRIF qui y reçoit « une légitimité exceptionnelle » et les hommes politiques qui se voient « symboliquement consacrés comme républicains ». L’analyse est juste, même s’il est pour le moins paradoxal de considérer l’allégeance à une organisation communautaire comme une preuve de républicanisme…

    Le CRIF et la politique étrangère

    Samuel Ghiles-Meilhac analyse aussi l’impact du CRIF sur la politique étrangère française, un CRIF dont « le souci d’Israël » se mue en « défense inconditionnelle » (page 297). Il nuance toutefois ce propos en estimant que le CRIF n’obtient pas des succès aussi marquants que l’AIPAC (l’American israel Public Affairs Committee). Il note toutefois le rapprochement – en particulier sous la présidence Sarkozy – de la diplomatie française avec les positions américaine et israélienne.

    Le rôle des rituels et de la « Shoah »

    Reste que : « L’influence du CRIF est une réalité dans la France contemporaine. Il ne s’en défend pas et le revendique de plus en plus (…) La dimension spécifique de la puissance relative du CRIF tient aux dimensions symboliques qui l’entourent » (page 293). L’auteur pense ici au rituel du dîner annuel et aux cérémonies commémoratrices de la persécution des Juifs durant la seconde guerre mondiale. « Dans ce rituel, le CRIF occupe une place charnière qui lui permet de s’arrimer au discours d’unité nationale et d’acquérir une légitimité historique et politique particulière » (page 296). L’auteur n’occulte évidemment pas le rôle de la « Shoah » dans le magistère du CRIF. A commencer par de « faibles ressources (…) considérablement augmentées par la Fondation pour la mémoire de la Shoah » (page 293). Mais l’essentiel « tient à la résonance historique et morale de la Seconde Guerre mondiale et du génocide contre les Juifs. (…) Cet événement central de l’histoire européenne joue un rôle essentiel dans la place qu’occupe le CRIF, né au cœur de la Shoah ». En ce sens, le pouvoir du CRIF – contesté par certains comme le philosophe Alain Finkielkraut – apparaît justifié à Samuel Ghiles-Meilhac.

    Que conclure ?

    D’abord, qu’il est paradoxal de prétendre interdire de parler d’un « lobby juif » alors qu’un universitaire, par ailleurs proche du CRIF, apporte la démonstration implacable que cette organisation communautaire juive fonctionne précisément comme un puissant lobby.

    Ensuite, qu’il n’est pas parfaitement démocratique qu’un organisme communautaire acquière une influence « considérable » sur la base d’une légitimité historique, voire rituelle et religieuse, particulière.

    Enfin, qu’il est sans doute légitime que « le CRIF incarne l’histoire juive de la France » à condition que l’histoire de la France ne se réduise pas à l’histoire juive de la France. La partie ne doit pas l’emporter sur le tout. La mémoire de la « Shoah » ne doit pas conduire à l’oubli d’une histoire multimillénaire ni à la négation de l’identité française.

    Assurément ces débats-là méritent mieux que les oukases médiatiques et les interdits judiciaires. Vive la liberté d’expression !

    Jean-Yves Le Gallou (Polémia, 8 septembre 2011)

    Samuel Ghiles-Meilhac , Le CRIF - De la résistance juive à la tentation du lobby, de 1943 à nos jours, Robert Laffont, collection « Le monde comme il va », janvier 2011, 349 pages.

    Lire : « Ces Bretons qui font bouger la France » Le Figaro Magazine, 10/06/2001 http://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/2011/06/10/01006-20110610ARTFIG00794-ces-bretons-qui-font-bouger-la-france.php

    Clarisse Lucas, Le lobby breton » - (Lobi Breizh), Nouveau monde éditions, dans la collection « Les enquêteurs associés », juin 2011, 343 pages

    Anne Kling, Le CRIF, un lobby au cœur de la République, Editions Mithra, 2010, 294 pages

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  • Le CRIF, un lobby ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un article que Pascal Boniface a consacré au CRIF et à son rôle de lobby à l'occasion de la sortie du livre de Samuel Gilhes-Meilhac, Le CRIF - De la résistance à la tentation du lobby.

     

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    Le CRIF, un lobby?

    Le CRIF est devenu un acteur central de la vie politique française. Son diner annuel est devenu l’un des évènements politico-médiatiques les plus courus, auquel assiste une très grande partie de la classe politique et qui réunit presque autant, voire plus, de ministres que le défilé du 14 juillet. Malgré cela, il fait l’objet de peu d’enquêtes, y compris dans les journaux, avides de révéler les dessous du et des pouvoirs. (cf. le nombre de couvertures que les news magazines consacrent chaque année aux francs-maçons !)

    Samuel Ghiles-Meilhac a réalisé sa thèse, sous la direction de Michel Wieviorka, sur l’histoire du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France). Il a eu accès aux archives du CRIF, à ses dirigeants. Il évite cependant le plaidoyer pro-domo et se montre parfois critique sans dépasser les limites de l’inacceptable pour l’institution qui l’a d’ailleurs invité à présenter son travail (Le CRIF, éditions Robert Laffont, janvier 2011, 356p).

    Ghiles-Meilhac retrace la création du CRIF pendant la résistance, ses débuts timides et fragiles, sa volonté initiale de montrer que le judaïsme français était déterminé à ne pas se laisser « entrainer à trop d’intimité avec Israël » (pour éviter les accusations de double allégeance). La rupture de 1967 ou la crainte de voir disparaître Israël, a conduit les juifs français à affirmer leur solidarité avec l’Etat Hébreu, affirmation renforcée par la rupture de De Gaulle avec Israël et la fierté d’une victoire militaire éclatante. Le CRIF cependant reste discret (le livre d’Harris et Sedouy « Juifs et Français » publié en 1979 ne le cite qu’une fois) et veut toujours éviter une confrontation publique avec les autorités françaises sur le Proche Orient.

    En 1976, pour bousculer les institutions, Henri Hadjenberg organise « les 12 heures pour Israël » où se pressent 100 000 personnes. Il attaque directement Giscard sur sa politique Proche Orientale et demande aux juifs de le sanctionner dans les urnes. Theo Klein prend la présidence du CRIF et veut le dynamiser Il crée le diner annuel en 1985 qui réunit 50 personnes. Le CRIF a de meilleurs rapports avec l’Elysée, Mitterrand est considéré comme judéophile, mais les efforts du CRIF pour empêcher la venue de Yasser Arafat en France en 1989 seront vains. Dans les années 90, le CRIF se fait l’artisan d’un rapprochement israélo arabe, soutient les accords d’Oslo, invite Leïla Shahid à son diner annuel et se sent soutenu nationalement dans son combat contre l’antisémitisme après l’affaire de la profanation du cimetière de Carpentras. Il ira même jusqu’à être en froid avec Netanyahou après l’arrivée au pouvoir de ce dernier en 1976. La reprise du conflit, les attentats du 11 septembre, l’augmentation des actes antisémites en France et l’élection d’un homme de droite décomplexé, Roger Cukierman, à la tête du CRIF vont changer la donne. Nicolas Sarkozy devient le héros du CRIF et ce dernier entend faire valoir ses vues publiquement et être entendu par les pouvoirs publics.

    À plusieurs reprises dans son ouvrage, Ghiles-Meilhac reproche au CRIF une attitude désormais trop suiviste à l’égard du gouvernement israélien et craint que cela l’isole et lui fasse perdre son influence. Il cite d’ailleurs les propos prémonitoires de Raymond Aron qui déclarait en1980, devant le Congrès Juif Mondial « Quel que soit le parti israélien (ou la coalition) au pouvoir, les représentants officiels des communautés soutiennent la politique du gouvernement israélien. Cette situation ne me paraît pas saine. Les juifs de la diaspora doivent avoir sur la diplomatie du gouvernement d’Israël, la même liberté de jugement que les citoyens d’Israël. »

    Il conclue son étude en se demandant si le CRIF est devenu un puissant lobby juif français. Il reconnaît que le terme « lobby juif » provoque des relations passionnées, rappelant les diatribes de l’extrême droite des années 30. Cependant Roger Cukierman lui déclarait lors d’un entretien en 2008 « le mot lobby ne me choque pas s’il s’agit d’utiliser des moyens légaux pour faire entendre notre voix, nous pouvons être un lobby. » Le terme, il est vrai, ne choque pas quand on l’emploie pour les fonctionnaires de l’industrie pharmaceutique, ou les agriculteurs. Peut-être serait-il temps de débattre de façon dépassionnée sur ce terme, ce que veut faire l’auteur. L’inverse n’est pas sain et loin de faire rempart contre l’antisémitisme, il peut au contraire le développer en accréditant la thèse d’un pouvoir tellement fort qu’on ne peut même pas l’évoquer.

    Ghiles –Meilhac, pour répondre à la question de la puissance du CRIF comme lobby, le compare aux institutions juives américaines (où le terme ne choque personne). Évidemment en terme de poids sur la détermination de la politique étrangère ou de moyens humains ou financiers, il n’y a pas de comparaison possible. Mais est-ce bien le bon paramètre, ou faut-il comparer le CRIF à d’autres institutions, non pas américaines mais françaises ? À ce titre, les 500 000 euros qui lui sont fournis chaque année par la Fondation pour la mémoire de la Shoah, pour réaliser des études, constitue un budget conséquent. Ghiles–Meilhac estime que le CRIF a su se placer au centre des dispositifs de lutte contre l’antisémitisme. Il ne s’interroge pas sur ce que peut impliquer, à terme, cette sorte de délégation de pouvoir, ni sur la réalité du phénomène. Il ne cite d’ailleurs pas le livre très critique sur ce point de Guillaume Weil-Raynal, Une haine imaginaire, qui avait fortement déplu au CRIF.

    On aurait aimé plus de développement sur l’influence du CRIF sur la politique intérieure française. Pour l’auteur, le CRIF n’a pas réussi à peser sur la détermination de la politique extérieure française. Il cite pour exemple, le refus de satisfaire deux demandes du CRIF : faire entrer Israël dans la francophonie et accepter le transfert de la capitale à Jérusalem. On peut lui faire remarquer que même les États Unis ne reconnaissent pas un tel transfert. Si on peut lui accorder le fait que le rapprochement avec la Syrie et la réception de Kadhafi à Paris montrent les limites de l’influence du CRIF sur la politique étrangère française, on peut lui rappeler que Bernard Kouchner a publiquement reconnu que le changement de politique à l’égard de l’Iran était motivé par le désir de se rapprocher. Et si en effet le fait que Védrine ne prenne pas le Quai d’Orsay en 2007 n’était pas dû au veto que le CRIF y avait mis, cette intervention reste hors norme. Imagine-t-on quelle institution aurait pu émettre une telle demande sans déclencher un scandale ?

    De même, on peut regretter qu’il ne parle pas du trouble qu’a créé l’appel du ministère public dans l’affaire Halimi, ou les décisions de poursuivre en justice les militants qui préconisent le boycott de certains produits israéliens, deux décisions prises a la demande du CRIF. S’il évoque le cas du soldat Shalit, il ne parle pas de la différence de traitement avec le franco palestinien Salah Hamouri, moins soutenu par la France.

    Pascal Boniface (Le blog de Pascal Boniface, 21 avril 2011)

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  • Mieux comprendre l'Empire afin de mieux le combattre !...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain Soral au magazine Flash à l'occasion de la parution de son essai Comprendre l'Empire. Attention, mer agitée !

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    Vous nous aviez habitués à parler légèrement de choses graves et là, on sent une rupture de ton dans ce dernier ouvrage… C’est la cinquantaine qui vous change ou sont-ce les temps qui changent ?
    Disons que nous ne sommes plus dans les années 1990/2000 où quelque chose se mettait en place avec l’UE, l’Euro, mais où la tentative de putsch mondialiste n’était pas aussi imminente et visible. À cette époque, on pouvait encore tergiverser, mais là, entre la crise financière américaine, les déficits publics européens, les tensions ethniques et sociales qui se généralisent, et pas seulement dans le monde musulman, plus ici l’écroulement de la classe moyenne et la candidature de Strauss-Kahn qui s’avance… Vous conviendrez que les temps ne sont plus à la rigolade, à moins d’être Martien !

    Vous êtes de formation marxiste et pourtant vous continuez de défendre la monarchie capétienne. Le paradoxe est plaisant, mais on sent du fond derrière ce raisonnement. Dites-nous en un peu plus…
    Pour apaiser nos lecteurs de droite, je vais commencer par une citation de Marx, afin de bien leur faire sentir quelle était la position de ce grand penseur sur l’Ancien régime et le monde bourgeois qui lui a succédé : “Partout où la bourgeoisie est parvenue à dominer, elle a détruit toutes les conditions féodales, patriarcales, idylliques. Impitoyable, elle a déchiré les liens multicolores de la féodalité qui attachaient l’homme à son supérieur naturel, pour ne laisser subsister d’autre lien entre l’homme et l’homme que l’intérêt tout nu, l’inexorable “paiement comptant”. Frissons sacrés et pieuses ferveurs, enthousiasme chevaleresque, mélancolie béotienne, elle a noyé tout cela dans l’eau glaciale du calcul égoïste.”

    Ceci pour rappeler que le sujet de Marx c’est la critique de la bourgeoisie, pas de l’Ancien régime ! En revanche, l’outil sociologique marxiste est très utile pour comprendre le renversement de la monarchie française par le nouvel ordre bourgeois. Et ces deux siècles de régime démocratique nous permettent aussi de juger largement des promesses et des mensonges de notre fameuse République égalitaire et laïque, en réalité démocratie de marché et d’opinion sous contrôle de l’argent et des réseaux maçonniques… Je peux donc, à la façon de Maurras, conclure de cette analyse objective que la monarchie catholique, comme système politique, était meilleure garante de l’indépendance nationale et de la défense des intérêts du peuple, que la finance apatride qui se trouve aujourd’hui au sommet de la pyramide démocratique qui n’a, en réalité, de démocratique que le nom !

    De même, vous avez rejoint le PCF au début de sa dégringolade et refusez de vous acharner sur la défunte URSS, y voyant une sorte de tentative maladroite de lutter contre un empire encore plus puissant. On se trompe ?
    Je suis persuadé, par intuition, mais aussi par l’analyse philosophique et historique, que le communisme n’a pu séduire une grande partie des masses travailleuses et des élites intellectuelles en Occident, que parce qu’il renouait avec la promesse chrétienne du don et du nous, détruite par le libéralisme bourgeois et son apologie de l’égoïsme individuel. Tout le reste n’est qu’une histoire de manipulation et de récupération, comme il en va toujours des religions par les Églises. Comme Tolstoï à son époque, je ne vois donc pas le communisme comme une aggravation du matérialisme bourgeois, mais comme une réaction au matérialisme bourgeois. Une tentative de respiritualiser le monde, malgré la mort de Dieu, et il y a pour moi, à l’évidence, bien plus de spiritualité et de christianisme dans l’espoir communiste tel que l’avaient compris le peuple et les poètes, que dans la bigoterie catholique de la IIIe République !

    Par ailleurs, le monde bipolaire USA/URSS était la chance de la France, qui pouvait faire valoir, dans ce rapport de force, sa petite troisième voie. Ce qu’avait parfaitement compris de Gaulle dès 1940. Se réjouir, pour raison doctrinale, de la chute de l’URSS, alors que la nouvelle hégémonie américaine qui en a résulté nous a fait tout perdre, n’est donc pas une attitude de patriote français intelligent.

    Bref, comme je l’explique aussi dans mon livre : l’ennemi de la France catholique est, et reste, la perfide Albion et ses rejetons, le monde judéo-protestant anglo-saxon libéral ; pas la rêveuse Russie d’hier, pas l’Orient complexe et compliqué d’aujourd’hui…

    Continuons à parler de vous. De tous les intellectuels “alternatifs” ou “déviants”, vous êtes l’un des meilleurs dans la maîtrise des codes de la “modernité”. Mais aussi l’un des plus en pointe dans la défense de la tradition, gréco-romaine et chrétienne. Un autre paradoxe ?
    Merci du compliment. Mais je crois que ma réponse précédente éclaire en partie cette juste remarque. La France, qui a été la grande Nation, a produit les plus grands penseurs occidentaux du XVIIe et XVIIIe siècle – les Allemands ayant pris le relai au XIXe après que l’Angleterre nous eut détruits avec Napoléon, comme elle détruira ensuite l’Allemagne avec Hitler… – la France donc, pour des raisons sociologiques et épistémologiques, reste encore aujourd’hui, malgré sa faiblesse politique, la citadelle morale capable de résister, en Occident, au rouleau compresseur judéo-protestant anglo-saxon. À ce rouleau compresseur qui avance en détruisant les deux piliers de notre civilisation qui sont le logos grec et la charité chrétienne. Cette pensée et cette vision du monde helléno-chrétienne – celle de Pascal – qui est française par excellence et européenne, au sens euro-méditerranéen du terme. Une compréhension spirituelle de l’Europe qui passe malheureusement très au-dessus de la tête des Identitaires et de leurs fatales alliances judéo-maçonniques (Riposte laïque + LDJ) d’adolescents niçois…Toute la modernité, comme sa critique intelligente, c’est-à-dire la compréhension et la critique du processus libéral-libertaire provient de cette épistémè helléno-chrétienne, si française. Il est donc logique que quelqu’un qui prétende maîtriser la modernité défende cet outil et cet héritage national incomparable…

    Cela vous amène tout naturellement à prendre la défense d’un islam dont on sent bien que les élites dominantes souhaitent la diabolisation, après avoir eu la peau du catholicisme. Une fois de plus, vous ramez à contre-courant…
    Pour enfoncer le même clou, je rappellerai qu’un Français, donc un catholique, se situe à égale distance d’un anglo-saxon judéo-protestant et d’un arabo-musulman. Et c’est de cet équilibre, comme l’avait déjà compris François 1er, qu’il tire son indépendance et sa puissance. Une réalité spirituelle et géopolitique encore confortée par notre héritage colonial, l’espace francophone qui en a résulté… En plus, la situation aujourd’hui est d’un tel déséquilibre en faveur de la puissance anglo-saxonne, et cette hyper-puissance nous coûte si cher en termes de soumission et de dépendance, qu’il faut être un pur agent de l’Empire – comme Sarkozy et nos élites stipendiées pour se tromper à ce point d’ennemi principal !

    Quant à la question de l’immigration, qui est la vraie question et pas l’islam, il est évident que pour la régler il faudra d’abord que la France reprenne le pouvoir sur elle-même. Or, ce pouvoir en France qui l’a ? Pas les musulmans…

    Revenons-en à votre livre. Si on le résume à une charge contre le Veau d’or et ceux qui le servent, la définition vous convient-elle ?
    Oui. “Comprendre l’Empire” c’est comprendre l’Empire de l’Argent. Et la lutte finale n’est pas contre la gauche ou la droite, les Allemands ou les Arabes, mais contre la dictature de Mammon. C’est en cela que le combat actuel rejoint la tradition…

    Un dernier petit mot d’optimisme pour nos lecteurs, histoire de les inviter à ne pas désespérer ?
    D’abord pour citer Maurras après Marx : “Tout désespoir en politique est une sottise absolue”. N’oubliez pas que, contrairement au football, l’Histoire est un match sans fin. On peut donc être mené 20-0, rien n’est jamais perdu. De plus, notre empire mondialiste en voie d’achèvement ressemble de plus en plus à l’URSS. Un machin techno-bureaucratique piloté par une oligarchie délirante, stupide et corrompue, ne régnant plus sur le peuple, contre ses intérêts, que par le mensonge et la coercition. Le Traité de Lisbonne et la réforme des retraites en témoignent. Il n’est donc pas exclu que, comme pour l’URSS, l’Empire mondialiste s’écroule sous le poids de ses mensonges et de ses contradictions, au moment même où il pensait arriver aux pleins pouvoirs officiels par le Gouvernement mondial, après deux siècles de menées souterraines…

    De ce point de vue, les soulèvements populaires au Maghreb, et qui pourraient bien culminer par la chute d’Israël et la défaite du lobby sioniste aux USA, sont un signe d’espoir bien plus probant que la montée des extrêmes droites sionistes et libérales européennes !

    Alain Soral (propos recueillis par Béatrice PÉREIRE, Flash Magazine, 10 février 2011)

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  • Les snipers de la semaine (16)

     

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    Au sommaire :

    - sur Justice au singulier, Philippe Bilger mouche de belle manière MAM et ses petits voyages entre amis ;

    Une France qui se paie de maux

     

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    - sur Polémia, Andrea Massari flingue le CRIF, son dîner et ses dîneurs...

    Le dîner du CRIF...

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