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hédonisme - Page 2

  • Merci aux soixante-huitards !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la génération "mai 68"...

     

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    Merci aux soixante-huitards !

    La génération cocon
    Les soixante-huitards ont grandi dans un cocon protecteur. Nés après 1945, ils n’ont pas connu la guerre, sinon au cinéma, à la différence de leurs parents, de leurs grands-parents et de leurs arrière-grands-parents. L’empire et l’Algérie ont été abandonnés et la génération 1968 se trouvait de toute façon trop jeune pour les guerres coloniales.

    Les soixante-huitards ont vécu dans un monde de croissance et de plein emploi. Dans les années 1960 les services publics fonctionnent très bien, le budget s’équilibre et l’Education nationale continue de promouvoir l’ascenseur social. Une famille nombreuse peut encore vivre sur un seul salaire. Les trains arrivent à l’heure et personne ne voyage sans billet. Les villes et les villages restent à taille humaine : il y a encore des commerces et des artisans et les jeunes ne couvrent pas les murs de graffitis. On peut sortir le soir sans craindre les bandes ou les cambrioleurs. La police poursuit les délinquants et la justice les sanctionne. Les campagnes sont peuplées. On a le droit de garer sa voiture où l’on veut, on a le droit de fumer, de rouler sans ceinture de sécurité et on n’a pas à trier ses ordures. On respecte la France comme puissance économique, militaire et diplomatique et l’Allemagne, convalescente et divisée, ne la ramène pas. Et l’URSS fait contrepoids à l’Amérique.

    La révolte des enfants gâtés
    Mais dans ce pays de Cocagne, si on le compare à la France d’aujourd’hui, nos soixante-huitards s’ennuient. Pensez donc : leur seul défi existentiel consiste à savoir quel vélomoteur acheter – Solex, Motobécane ou Honda –, quel disque voler et avec quelle fille sortir. Un choix dramatique qui montre à l’évidence qu’il faut changer la société !

    Alors les enfants gâtés vont tout casser, à l’ombre des drapeaux rouges et noirs qu’ils brandissent pour donner le change et faire peur à papa et maman.
    Car si nos révolutionnaires boutonneux jouent les maoïstes, ils ne construiraient pas un barrage avec leurs petites mimines comme en Chine. Ils disent admirer le Viet-Cong, mais ils ne feraient pas 80km à vélo de nuit dans la jungle en transportant 50kg de riz et de munitions sur leur porte-bagage. La seule jungle où ils jouent au Che se trouve au bois de Boulogne. Ces trotskistes ne connaissent pas le Goulag ni la Tchéka. Ils se disent anars mais roulent dans la 404 de papa en fumant un pétard.

    Dès le début les soixante-huitards nous enfument avec leur discours d’extrême gauche et leurs calculs de bourges : cela dure depuis 45 ans !
    Il faut reconnaître qu’ils ont trouvé la formule gagnante : l’alliance du fric et de la bonne conscience de gôôche. D’ailleurs le Parti communiste ne s’y trompe pas dès 1968 et leur manifeste une grande méfiance. Mais le PC a perdu et eux ils ont gagné.

    La génération des ingrats
    En vilains ingrats, les soixante-huitards n’auront de cesse de tirer l’échelle derrière eux, alors qu’ils ont bénéficié de tout.
    D’abord, ils s’en prennent à l’université puis, par contamination, à l’enseignement tout entier. Et à l’art et à la culture aussi. Enfin à la justice, car le poisson pourrit toujours par la tête. A bas la sélection, à bas la reproduction, à bas l’autorité, vive la spontanéité, le savoir c’est réac ! Vive Xénakis, à bas Gounod ! A bas la justice de classe ! Ils vont assurément enrichir notre quotidien.

    Grâce à leurs idées géniales, l’enseignement en France a implosé et on a interrompu la transmission culturelle. Les délinquants courent les rues. Fini l’ascenseur social ! Mais nos soixante-huitards s’en moquent puisqu’ils en sont sortis avant. Et leurs enfants, s’ils en ont eu, vont dans le privé ou dans les grandes écoles.

    No future… pour les autres ! Astuce !

    A nous le pouvoir !
    Les gauchos d’hier – qui vilipendaient le « pouvoir personnel » et la société de consommation – ne vont pas rester camper au Larzac ni rouler bien longtemps en 2 CV.

    Ils vont vite investir tous les rouages de l’Etat, des médias et de l’économie, souvent grâce à leurs gentils papas PDG ou conseiller d’Etat. Pour faire notre bien, assurément, puisqu’ils sont de gôôche. Les soixante-huitards passent donc du col mao au Rotary sans problème car finalement ils trouvent très chébran le pouvoir et l’argent.

    Mais, en dignes émules de Derrida, c’est, bien sûr, pour tout déconstruire, à l’exception de leur propre situation évidemment. Astuce !
    Les soixante-huitards vont donc virer néo-libéral très vite et sans remords particulier. Grâce à eux les entreprises vont changer de nom et de taille et devenir plus « mondiales ». Le super-capitalisme c’est l’Internationale en plus cool. En plus, on y parle anglais : super-branché !

    Nos experts vont privatiser, financiariser et délocaliser à tour de bras. Ceux qui prétendaient parler au nom des travailleurs vont tuer le travail. A eux les parachutes dorés et le prix du « meilleur manager de l’année ». A vous la désindustrialisation, le chômage et les petits boulots pour vos enfants et petits-enfants. Astuce !

    A nous la finance et les médias !
    Dans la finance ils ont aussi fait très fort. Très créatifs décidément, les enfants du professeur Spock (1) : indépendance des banques, mise en place de l’euro-carcan, explosion de l’endettement public, super-profits pour les banquiers, sauvetage des banquiers libéraux donneurs de leçons par les contribuables, super-montages sophistiqués pour gruger les épargnants, prise de contrôle des médias par les banques. Du grand art !

    Les médias leur réussissent bien, aussi. Avec eux, le PAF se distingue enfin de l’ORTF et de ses vieilleries franchouillardes genre Thierry la Fronde ou La Caméra explore le temps ! Enfin, les médias vont s’ouvrir au fric, à la pub, au sexe, à la violence, à la « diversité », bref, aux séries américaines ! Et puis tous se mettent au politiquement correct et les médias rapportent gros : une bonne affaire commerciale mais aussi politique, puisqu’ils assurent la domination de gôôche sur les esprits. Mieux que l’alliance du sabre et du goupillon car, en plus, les spectateurs en réclament ! Tout le monde devant ses écrans du matin au soir et des télés partout. Astuce !

    Changeons le peuple !
    Leur autre grande réussite c’est la natalité, la politique familiale, les prestations sociales et l’immigration. Non seulement ces éternels adolescents ont tué le père, mais ils ont au surplus tué la mère et l’enfant. Ils ont dépassé Œdipe ! Familles je vous hais, disent les soixante-huitards. Familles autochtones, s’entend, car les familles du Maghreb et d’Afrique leur plaisent beaucoup, par contre.

    Ils ont « libéré » les femmes françaises de la maternité pour qu’elles puissent enfin goûter aux charmes du travail salarié comme les hommes. Ils ont déconstruit les prestations familiales qui ne leur semblaient pas assez égalitaires, encouragé l’avortement – désormais remboursé par la Sécurité sociale – et promu la loi du genre : aujourd’hui il n’y a donc plus que les immigrés et les homos qui veulent se marier et avoir des enfants. Astuce !

    A vous les dettes !
    Mieux encore : les soixante-huitards ont préféré la sexualité à la natalité, mais sans changer notre système de protection sociale fondé sur la cotisation et non sur la capitalisation ; car on est de gôôche, quand même !
    Devinez le résultat ? La natalité française a chuté et, comme il y a de moins en moins d’actifs, c’est nous qui payons la retraite des soixante-huitards, mais à un taux de cotisation nettement plus élevé que le leur. Et les enfants que nous n’avons pas financeront sans doute la nôtre !

    A nous, en plus, la réduction continue des « dépenses de santé », à eux le financement de la « dépendance » puisqu’ils n’ont pas de familles. Et, comme ils sont très prévoyants, les soixante-huitards augmentent gentiment nos impôts pour que nous puissions rembourser la montagne de dettes qu’ils nous ont léguée. Astuce !

    Enfin, comme ils n’aiment pas trop le peuple depuis qu’il ne vote plus à gauche, ils ont décidé d’ouvrir toutes grandes les portes de l’immigration… au nom des droits de l’homme, bien sûr, mais aussi de son prophète le CNPF (on dit Medef aujourd’hui). Le grand remplacement de la population européenne leur doit beaucoup. Et puis ils trouvaient le catholicisme étouffant : à la place ils nous offrent l’alliance de l’islam et du puritanisme anglo-saxon, ce qui, vous en conviendrez, est beaucoup plus cool.

    Faites comme je dis, pas comme je fais !
    Et puis souvenez-vous : Peace and love, Faites l’amour, pas la guerre, A bas la bombinette du Grand Charles, à bas l’armée. Mais, curieusement, depuis qu’ils sont aux commandes ils aiment beaucoup la guerre, du moins ils aiment envoyer les autres la faire pour leur compte : aux Malouines, en Serbie, dans le Golfe, en Irak, en Libye. Avec un peu de chance aussi, bientôt en Iran ou en Corée du Nord.
    Mais attention : il ne faut pas confondre. Les soixante-huitards ont des « valeurs » : ils font la guerre – sans la déclarer – au nom du Bien. N’est-on pas allé au Mali « parce qu’il y avait des femmes qui étaient victimes de l’oppression et de la barbarie » (2) ? Astuce !

    Ils criaient aussi « CRS=SS » et qu’il était « interdit d’interdire ». Mais depuis ils couvrent la France des services de sécurité, de caméras et de radars. Ils nous ont aussi offert les lois mémorielles, la police de la pensée politiquement correcte, la censure des médias et de l’édition, la police fiscale, les quotas ethniques et sexistes. J’en oublie certainement.

    La génération Attila
    La génération des soixante-huitards restera dans l’histoire comme la génération Attila : après elle, rien ne repousse. Elle ne nous laisse que des immeubles de bureaux, entourés de décombres, dans lesquels errent des chômeurs, pardon, des titulaires de « contrats d’avenir ».

    Elle nous lègue une Union européenne qui déconstruit avec zèle l’Europe. Une montagne de dettes. Une immigration catastrophe. Le saccage de 2000 ans d’histoire et de culture européennes. La destruction de l’Etat et de la Nation. La fin de la décence commune et de la morale publique.

    On dit que les soixante-huitards ont quand même donné naissance à quelque chose : la génération X et maintenant Y. On ne sait pas trop ce que cela signifie, sinon qu’il s’agit des dernières lettres de l’alphabet. Ce n’est pas bon signe…

    Michel Geoffroy

    Notes :
    (1) Pas celui de Star Trek !
    (2) Francois Hollande, le 7 mars 2013, à la Journée internationale des droits de la femme.

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  • La fabrique des imposteurs...

    Les éditions Les Liens qui Libèrent viennent de publier La fabrique des imposteurs, un essai de Roland Gori. Psychanaliste, Roland Gori est notamment l'auteur de La santé totalitaire - Essai sur la médicalisation de l'existence (Denoël, 2005).

     

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    "L’imposture a toujours existé mais certaines sociétés la favorisent plus que d’autres. L’imposteur est aujourd’hui dans nos dispositifs d’évaluation et de normalisation comme "un poisson dans l’eau" : faire prévaloir la forme sur le fond, valoriser les moyens plutôt que les fins, se fier à l’apparence et à la réputation plutôt qu’au travail et au courage, préférer la popularité au mérite, opter pour le pragmatisme avantageux plutôt que le courage de l’idéal, choisir l’opportunisme de l’opinion plutôt que tenir bon sur les vertus, chérir le semblant et ses volutes plutôt que la pensée critique, les "mouvements de manche" plutôt que la force de l’oeuvre, voilà le "milieu" idéal pour que prospère l’imposture ! Notre société du conformisme et de la norme, même travestie sous un hédonisme de masse et grimée de publicité tapageuse, d’éloges factices du vrai, de reproduction en masse de l’unique, fabrique de l’imposteur.
    L’imposteur est un authentique martyr du lien social, virtuose de l’apparence, "maître" de l’opinion, "éponge vivante" des valeurs de son temps, "cannibale" des modes et des formes dont il s’affuble comme des "fétiches" pour parer à l’inconsistance de son existence, pour vivre à crédit, au crédit de l’Autre. L’imposture est parmi nous, elle est la soeur siamoise du conformisme galopant, de l’homogénéisation croissante des cultures et des styles.
    Ce conformisme a un prix, lourd, très lourd : la stérilité des reproductions contrôlées, la violence symbolique des automatismes sociaux, la prolétarisation généralisée de l’existence. Au nom des normes les pouvoirs "sécuritaires" inhibent les sujets comme les peuples, les empêchent de créer et de s’émanciper en confisquant le débat démocratique, en discréditant l’art de transmettre l’expérience.
    Au risque de fabriquer demain une société de "termites" ou de robots parfaitement adaptés aux exigences de compétitivité et de précision de la nouvelle économie "globalisée". Par une intimidation sociale très précoce et insidieuse, contraignante mais compassionnelle, cette civilisation des mœurs emmène vers une soumission forcée aux normes, fabrique parfois ses propres risques qu’elle feint ensuite d’éradiquer."

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  • L'alternance unique...

    Le 6 octobre 2011, l'essayiste Jean-Claude Michéa était l'invité de l'émission Les Matins, sur France Culture, à l'occasion de la sortie de son livre Le complexe d'Orphée. Vous pouvez regarder - et écouter ! - cette émission ci-dessous.

     


    les matins - Jean-Claude Michéa par franceculture

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  • Les drogues douces et le Meilleur des mondes...

    Alors que le débat sur la dépénalisation de la consommation de cannabis fait rage, grâce à une habile campagne médiatique de mise en condition, nous reproduisons ci-dessous un texte de Claude Bourrinet publié par Voxnr, qui pose bien les données du problème...

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    Les drogues douces et le Meilleur des mondes

    Les récentes prises de position en faveur de la dépénalisation des drogues dites « douces », ou de leur légalisation, soit sous forme de proposition de loi, soit sous celle de déclarations individuelles, parfois au plus haut niveau, permettent de mettre en lumière les contradictions d’un système juridique qui, dans le fond, comme le rappelle Jean-Claude Michéa dans « L’empire du moindre mal » (Champs essais), a décrété qu’on pouvait se passer de la Vérité, du bien, de la Gloire et de l’Honneur, pour se rabattre pragmatiquement sur la logique du pur utilitarisme.

    Celui-ci revient en fait à l’enregistrement d’un simple rapport de force, puisque rien de transcendant, sinon la liberté elle-même, n’informe ou ne limite l’expression de la transgression permanente des normes. Les glissements sémantiques, idéologiques, peuvent aller très vite. Aussi voit-on les affirmations provocatrices d’un Cohn Bendit, au début des années 80, encore marquées du coin brûlant de mai 68, sur la libido et la légitimité du plaisir enfantin, avec ou sans la participation d’adultes, susciter maintenant gêne ou indignation quand, à l’époque, ce discours était tenu pour acceptable, ou comme non sujet à condamnation pénale. La société serait-elle devenue plus « morale » ? Il faudrait alors que l’adoption par des couples homosexuels, que l’on considérait jadis comme une aberration, au point qu’une telle hypothèse n’était même pas dicible, le fût devenue - ce qui est bien sûr le cas dans le discours de certains, avec éventuellement la reconnaissance de la prostitution comme métier à part entière, ou la constitution d’un service sexuel dû aux handicapés. Dans l’ordre du relatif, tout est possible (et même le jeu ironique des effets « domino » : le pédophile, au fond, n’est-il pas la victime collatérale de la survalorisation du « droit de l’enfant », si à la mode actuellement, et qui vise à saper sournoisement l’autorité de l’adulte ? Un jour, quand l’enfant éternel aura supplanté l’homme mûr, on s’avisera qu’on est tous égaux, et alors ce sera la revanche et le triomphe du pédophile !). Mais l’étonnant est qu’on puisse encore emprunter le ton moralisateur pour démolir la morale.

    On voit bien, du reste, que cette morale, qui constitue un obstacle au progrès indéfini des droits de la personne, s’inscrit dans une tradition qu’il s’agit d’abattre. Or, tout ce qui est stable demeure un danger pour le jeu fluctuant du marché. La seule et ultime raison de la gestion irraisonnée de l’homme est sa satisfaction personnelle, que l’on pare du slogan pompeux et prétentieux de « réalisation de soi », ce qui est, d’un point de vue philosophique, un casse-tête désespérant (qu’est-ce que « soi » ? quand pourrions-nous parler de « réalisation » ? et dans quelle mesure l’homme est-il sa propre mesure ?). Il n’est pas besoin, d’ailleurs, d’être grand philosophe, pour percevoir jusqu’où, jusqu’à quels délires, peut aller cette revendication d’autosatisfaction. Sade n’est pas loin, et dans ce cas comme en d’autres, l’argument qui met en avant la nocivité pour autrui de certaines pratiques , étant donné la plasticité et la relativité d’un tel concept, ne vaut pas grand-chose. Littéralement, on n’en sort pas. Car pourquoi, par exemple, ne pas prendre sérieusement en considération, sinon par des sondages préfabriqués par le matraquage, ou trafiqués, l’opinion de la majorité, ou du moins de certains courants religieux ou philosophiques, pour atténuer des revendications qu’on nous présente toujours comme légitimes, et pour ainsi dire avalisés par le cours de l’Histoire ? Au fond, le mariage homosexuel heurtera l’Eglise, une grande partie des Israélites et la majorité des Musulmans. Mais il est vrai que la doxa politiquement correcte considère la religion comme un legs nuisible du passé. De quel droit ?

    Uniquement parce qu’elle est du passé et prétend à la vérité. L’ultima ratio du système est le présent informe. Une réforme ne se justifie que par son actualité. Elle appartient au monde de maintenant, elle est « moderne ». Mais qui est légitime pour affirmer cela ? Nous avons là, comme dans les cultes à mystère, l’absolue absence de réponse rationnelle.

    Cela ne va pas sans contradiction, et des légitimités s’entre choquent. Prenons par exemple l’un des chevaux de bataille des Verts rejoints par les socialistes, la revendication de la légalisation des drogues dites « douces » (et qui ne le sont pas). L’argument est d’abord pratique : il s’agit d’empêcher les circuits illégaux et parallèles, qui enrichissent la mafia et nourrissent une partie de la banlieue (cette dernière réalité étant, faut-il le dire, prise en compte cyniquement par l’Etat, ce qui explique l’absence de moyens radicaux pour mettre fin au trafic). Parallèlement, il est indispensable d’éviter, tant que faire se peut (le fameux « moindre mal »), les risques encourus par les consommateurs livrés à des produits douteux, car « impurs ».

    On notera au passage l’argument qui consisterait à créer un marché légal des hallucinogènes. La gauche se révèle au grand jour dans cette circonstance. Finalement, elle se fait la championne du marché (certes, légal !). Cela ne va pas sans tartufferie : qu’est-ce qui fait dire en effet que de l’ « herbe », même non trafiquée, serait sans nocivité pour la santé ? Ne faut-il pas, du reste, fumer, pour consommer ces drogues ? Le tabac n’est-il donc plus nuisible ? Et le mineurs n’ont-ils pas « droit » aussi à ces drogues, donc au tabac, qui leur est interdit ? Et quand celui-ci sera définitivement prohibé (ce qui arrivera), que faire ? Manger, comme au 19e siècle, le haschisch ? Et comment pourra-t-on éviter la persistance d’un marché noir de drogues « dures » ? Faut-il aussi légaliser celles-ci ? C’est ce qui, logiquement, devrait s’ensuivre…

    Mais outre ces apories, il faut saisir ce en quoi ces positions sont suprêmement idéologiques (ce qui permet de souligner combien le système libéral, qui voudrait nous délivrer de la tyrannie des systèmes d’opinions, nous y ramène infailliblement). Ainsi, comment expliquer que, comme pour le mariage homosexuels, qui n’émeut qu’une frange minoritaires de bobos en manque de sensations … plutôt banales (qui songe encore à se marier dans un monde qui discrédite toute valeur ?!), la question de la légalisation du haschisch et assimilé hante et agite le bocal empesté des progressistes ? Pourquoi, par exemple, s’en prendre, avec les puritains et autres hygiénistes américanoïdes, à l’alcool, et singulièrement au vin, avec des accents que l’on ne retrouve que quand on attaque avec des traits haineux les « réactionnaires » ?

    Les « drogues douces » ont, par rapport à notre civilisation, une origine allogène. Elles viennent du Proche et du Moyen Orient, ou des pays du Maghreb. Elles sont donc entachées d’un préjugé favorable, comme les immigrés, les sans papiers, le raï, le rap, et tout ce qui contredit la culture indigène (c’est-à-dire d’ici). Aussi le vin, par exemple, si ancré dans notre terroir et ses traditions de bonne vie ou ses racines sacrées, est-il vertement dénoncé. Il ne faut pas chercher plus loin pour vilipender un produit si digne de soupçon. Et le rapprocher des alcools durs, qu’on ingurgite brutalement pour atteindre l’ivresse, lors de soirées étudiantes par exemple, c’est faire preuve d’une extrême mauvaise foi, et d’une propension à la reductio ad diabolum, comme c’est la coutume dans d’autres domaines.

    Par ailleurs, les drogues dites « douces » appartiennent à l’imaginaire, aux codes de la société postmoderne, hédoniste et décomplexée, telle qu’elle s’est développée dans la Silicone vallée, et telle qu’on nous la donne en viatique pour un avenir radieux. Elles constituent, si l’on veut, l’hostie, la relique, par quoi on entre dans la nouvelle religiosité (qui saura trouver son inquisition), le dogme de la philosophie sectaire, par laquelle on nous somme d’être heureux, on nous initie aux mystères du Brave new world (souvenons-nous du soma, consommé à outrance, dans le célèbre ouvrage d’Aldous Huxley).

    Pauvre libéralisme, qui orne la misère humaine du halo du droit, et du romantisme de pacotille d’une bohème usée et fatiguée. Ne resterait-il que le joint pour être révolutionnaire ? Quel manque d’imagination, quelle médiocrité!

    Claude Bourrinet (Voxnr, 19 juin 2011)

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  • Le bruit des baskets...

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de François Taillandier parue dans le quotidien L'Humanité. Auteur de plusieurs essais, comme Les parents lâcheurs (Rocher, 2001), François Taillandier est aussi romancier et est, notamment, l'auteur d'une magnifique fresque romanesque en cinq volumes, intitulée La grande intrigue, parue chez Stock (mais en cours de publication en poche dans la collection Folio), que nous vous recommandons.

     

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    Le bruit des baskets

    Était-ce pour l’anniversaire de sa mort ? Dimanche, à la supérette G 20 de mon quartier, une radio rediffusait le Bruit des bottes, de Jean Ferrat, chanson écrite aux alentours de 1980. Ferrat alertait sur la possibilité d’un coup d’État fasciste, en cas, par exemple, d’arrivée de la gauche au pouvoir. Beaucoup, dont j’étais, partageaient cette crainte, que les faits semblaient justifier : il y avait les précédents de la Grèce, du Chili et d’une bonne partie de l’Amérique latine, où les régimes à képis étaient soutenus à bout de bras par les mêmes Etats-Unis qui avaient martyrisé le Vietnam.

    L’histoire a des cheminements imprévus : trente ans plus tard, il reste à constater que nous étions menacés par tout, sauf par cela. Comme Pasolini l’avait pressenti, le capitalisme multinational a rompu les amarres avec les formes anciennes de domination. L’acceptation empressée des revendications strictement sociétales, la promotion d’un nouvel individualisme hédoniste, la concurrence mondiale du travail, l’endettement permanent et encouragé, s’ajoutant aux désillusions du communisme réel, lui ont fourni des masses atomisées, soumises, peu capables d’une contestation structurée du système. Je ne sais quel ploutocrate américain proclamait récemment : «La lutte des classes existe, et nous sommes en train de la gagner.» Ces gens-là ont compris que la séduction est plus efficace que la violence pour asservir les peuples.

    Il doit être désormais entendu que nos gouvernants nous aiment et ne veulent que nous protéger. Et quand ils se rendent invisibles, c’est pour ne pas être importuns. Les mouchards sont technologiques, le flicage confié au code-barres et à la puce, la traçabilité numérisée ; le collectivisme est celui des marques ; l’enrégimentement est festif. Les ennemis désignés du système sont les fumeurs persistants, les virus virtuels, les misogynes s’il en reste, les déchets non triés et les tapis-puzzles à base de formamide. La propagande organisée n’incite qu’à la consommation, le seul impératif social est de « mangerbouger ». Le bruit des baskets a succédé à celui des bottes. Tout le monde ou presque en redemande.

    Certes, il subsiste quelques « fachos ». Et aussi quelques révolutionnaires. Doctes et médias ont trouvé la parade en les regroupant sous l’appellation infamante de « populistes ». On n’aura même pas besoin de leur faire du mal.

    François Taillandier (L'Humanité, 17 mars 2011)

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  • Marine Le Pen et la gauche paradoxale...

    Nous avons reçu en commentaire de notre note Des lignes qui bougent ?... ce point de vue fort intéressant de Claude Bourrinet.

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    Marine Le Pen et la gauche paradoxale

    Les causes du « malaise »
    Le titre de cet article est à double entrée : la copule « et » peut en effet s’entendre comme un signe d’opposition, mais il peut aussi s’interpréter comme un lien d’équivalence. Dans le premier cas, le terme « gauche » fait référence à la mouvance officielle qui le revendique comme un label ; dans le second, il traduit une connivence avec le peuple, contre une oligarchie qui lui est antithétique.
    Le malaise qui travaille au corps la caste politique actuelle, face à la montée d’un populisme contestataire, trouble d’abord les champions historiques, et pour ainsi dire institutionnalisés, des « exploités » et des « opprimés », mais qui gêne aussi la partie adverse, qui leur fait face comme dans un miroir, et qui joue avec eux cette musique en boucle qu’est l’alternance. Il  prend sa source surtout, plus que dans un « danger fasciste » fantasmé, dans la confusion de mots, dans l’usage d’un discours brouillé dont on voit bien qu’il a perdu son efficace.
    La sphère politique étant constituée autant d’images que de discours, il semble évident que le choix des vocables, et les connotations qui y sont attachées sont primordiaux.  En outre, il s’agit là d’un univers éminemment symbolique, à même de motiver des engagements forts, et peut-être plus lisible pour les masses que la pertinence d’intérêts véritables, qu’il est parfois difficile de démêler dans l’embrouillement des évènements. Or, si les mots dénotent, et ont donc une attache avec le réel, il s’en faut parfois de beaucoup pour qu’imaginaire et emblèmes y correspondent et s’y adaptent comme des gants à une main. Le plus souvent, le réel rejoint avec retard l’expression discursive  qui a tendu à le remplacer, parfois même jusqu’à l’invalider, le périmer ou le faire éclater.
    C’est justement ce qui est train de se produire avec l’extension, l’approfondissement et la consolidation du votre Front national, qui est en quelque sorte une immixtion du réel dans le jeu hautement virtuel du politique.

    Une « modernité » conquérante
    A trop user de la terminologie journalistique, qui consiste à donner une certaine crédibilité aux pétitions de principes, on perd la vérité du monde. Il n’est qu’à dire ce qui est, de façon tautologique, comme l’enfant qui clame que le Grand duc est nu. Ainsi la « droite » n’est plus, depuis longtemps à droite, et s’est spécialisée dans la gestion libérale et mondialisée de l’économie, n’ayant plus à cœur que de promouvoir la productivité du pays. Et la « gauche » ne défend plus le peuple.
    Laissons les premiers, qui inspirent pitié par leur pauvreté idéologique, car on ne ferait, en analysant le contenu de leurs propositions « sociétales », que retrouver en substance le programme de la « gauche », à savoir un abandon totale des barrières morales, culturelles et sociologiques, lesquelles avaient le tort d’empêcher la modernité d’exercer les ravages que l’on sait. L’application de la vulgate libérale n’a jamais produit des œuvres de génie dignes d’être retenues par l’Histoire. Le libéralisme, c’est l’homme perçu à travers son estomac et ses parties génitales, et sa réduction démoralisante à ses stimuli animaux.
    La « gauche » a visé plus haut. Elle s’est voulu l’héritière, comme sa sœur libérale, de l’idéologie des Lumières, mais dans une version plus idéaliste, plus rhétorique, plus messianique, bien que le projet libéral promît aussi de son côté l’avènement d’une société d’abondance, seule apte à porter le bonheur chez les hommes.
    L’évolution politique, depuis 89, au-delà du simple positionnement dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, qui a engendré les termes « droite » et « gauche », a été un progressif détachement, marqué par des chocs révolutionnaires, des problématiques attachées à l’Ancien Régime. Une fois que l’hypothèque monarchiste a été balayée, ne sont restés en présence que les partisans de la « modernité », même si on ne plaçait pas exactement la même idée derrière ce vocable. L’essentiel était que la solution aux maux de la société se trouvait devant, dans un avenir qu’on espérait radieux.
    Or, d’un côté comme de l’autre, du côté « libéral » comme du côté « socialiste », la conséquence a été une dépossession quasi complète de ce qu’avait en propre le peuple, c’est-à-dire le sentiment d’une communauté, d’une solidarité qui lui permettait de résister aux assauts de l’industrialisation et de l’urbanisation.

    La dépossession du peuple
    La marche irrésistible de l’industrie a jeté dans la misère et l’acculturation le peuple paysan, qui s’est parfois soulevé contre le progrès, par des révoltes, des grèves ou simplement en cassant les machines. Ces actions ont pris parfois une résonnance « réactionnaire », et ce que Marx a nommé « socialisme utopique » peut se lire comme une nostalgie programmatique d’un passé idéalisé. L’anarchisme, le syndicalisme révolutionnaire ne peuvent se comprendre aussi que comme cette tentative de sauver, dans la classe des artisans le plus souvent, les traditions de corps et une culture populaire mises à mal par la massification d’une économie de plus en plus déracinée et anonyme.
    Ce n’est certes pas un hasard que la « gauche », en se faisant le porte-parole des revendications populaire, n’a eu de cesse de combattre cette mouvance libertaire incontrôlée, que l’on accusait de confusionnisme, et qui du reste connut en son sein, notamment chez d’anciens communards,  la tentation du boulangisme et de l’antisémitisme.
    Le républicanisme avait pour vocation de gommer les frontières de classes. Pour lui, le peuple était un bloc, à l’exception de quelques archaïsants irréductibles. Le notable patriote s’adresse à la Nation, et veut concilier tous les intérêts. Or, bourgeoisie et prolétariat en vinrent à s’affronter. Naquirent alors les « socialistes », militants spécialisés dans la revendication, porteurs de prophétisme grandiloquent, et même lestés d’une doctrine à prétention scientifique, le marxisme. Nous assistons là à la deuxième dépossession des masses populaires, surtout après l’institution, à la suite de l’Affaire Dreyfus, d’une nouvelle caste, d’un clergé laïque, les « Intellectuels »,  qui va porter la parole sainte au milieu des ouvriers, et s’attachera à les éduquer, ou du moins à leur indiquer la bonne direction. Tous les comités qui vont fleurir à la suite du Front populaire, et qui se nourriront du mythe fallacieux et mortifère de l’Union soviétique, ce paradis rouge, confisqueront la parole prolétarienne, pour l’instrumentaliser et en faire une légende. Les « acquis » tant vantés n’ont été conquis que pour être vite récupérés par la classe marchande, et, ce qu’il en resta ne fut toléré que parce que cela correspondait aux nouveaux réquisits keynésiens de la société d’abondance.

    L’ultime dépossession
    Les partis politiques sont des machines à sélectionner une noblesse d’appareil, et à produire, par des slogans et des mots d’ordre, un semblant de discours qui trahit ou étouffe la parole populaire.
    Ce système hégémonique, bien qu’en perte d’influence depuis l’abandon des « grands récits » idéologiques, a permis la persistance d’une bureaucratie de spécialistes, qui se cooptent et contrôlent la société. Cette maîtrise douce et astucieuse de l’opinion, qui s’est donné le luxe d’un semblant de débat, incarné par le jeu de l’alternance, a été très utile quand il s’est agi de préparer, ou plutôt d’imposer au pays le tournant mondialiste, l’intégration au nouvel ordre libéral. Dans les faits, la « gauche » et la « droite » se sont rejoints sur cette cause, notamment par le truchement du projet d’union européenne, qui a été, une fois l’hypothèse de l’Europe puissance abandonnée, la porte de sortie par laquelle toutes les attaches identitaires ont été rompues. De là une difficulté récurrente à marquer des différences, sinon par des étiquettes qu’on agite et auxquelles seuls croient les journalistes.
    La nouvelle classe hégémonique communie dans l’instauration d’une société résolument moderne, moderniste, destructrice, dévastatrice. La famille, la patrie, le syndicalisme, les vieilles revendications de solidarité, de vie en commun, le simple désir de se retrouver sur un terrain civique qui inclut des impératifs de combats, bref, le veux monde, tout cela est non seulement déconstruit comme un témoignage d’un passé méprisé, mais même entaché de soupçon, comme si regarder en arrière en déplorant la perte de l’authenticité était un signe d’appartenance au fascisme. C’est ainsi qu’on a loué les familles recomposées en ignorant la souffrance enfantine, qu’on a promu la permissivité en regrettant hypocritement la violence sexuelle, qu’on a voué aux gémonies l’art ancien au profit d’un art dit « contemporain » qui, quand il n’est pas pure spéculation, n’est qu’une machine à araser les goûts et les imaginations, qu’on a abandonné l’idée de Nation, si antique, au nom d’un magma cosmopolite où seule l’élite « nomadisée » se retrouve, qu’on a prêché un hédonisme de bazar, qui rabaisse l’individu et enlève de son esprit le sentiment de l’héroïsme, du sacrifice, et même toute énergie, qu’on a encouragé, au nom de l’humanité, une immigration de masse, provoquant ainsi la baisse des salaires et la dévastation de vastes territoires de la République, qu’on a vanté la culture « jeune » en ouvrant grand les portes à l’américanisation de la France, en rompant les solidarités générationnelles tout en donnant comme modèle l’individualisme, l’égoïsme et le cynisme. Il faut ajouter à cela le profond mépris dont font l’objet toutes les résistances qui voient le jour, et que des humoristes vendus ont traînées dans la boue en les accusant d’avoir pour auteurs des « beaufs », des « Dupont-la-joie ».
    C’est dans ce qu’il reste du peuple, après ce travail destructeur entrepris par la « gauche » et la « droite » réunies, que gît encore le respect de la famille, de la patrie, de la langue française et de l’autorité naturelle. Pour combien de temps ?
    Ce n’est donc pas un paradoxe d’avancer alors que Marine Le Pen est la seule, dans le monde politique, à se trouver à « gauche », si être à gauche est défendre le vrai peuple.

    Claude Bourrinet (17 mars 2011)

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