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etats-unis - Page 50

  • Un questionnaire...

    Les éditions Gallimard viennent de rééditer, dans leur collection L'Imaginaire, le remarquable récit autobiographique d'Ernst von Salomon intitulé Le questionnaire. Combattant politique, écrivain appartenant à la mouvance de la Révolution conservatrice, scénariste, Ernst von Salomon est l'auteur de plusieurs ouvrages marquants comme Les réprouvés (1930), La ville (1932), Les Cadets (1933) ou Histoire proche (1936), tous disponibles en traduction française.

     

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    " «En 1951 , alors que l'Allemagne de l'Ouest vivait encore sous le régime du Statut d'Occupation – moins de six ans après l'écroulement du régime hitlérien, moins de deux ans seulement après la fondation de la République fédérale –, un écrivain qui avait, tout jeune, connu un grand succès à l'époque de la République de Weimar, et dont le grand public n'avait plus entendu parler depuis 1933, faisait paraître un gros roman qui devint très vite ce que, à l'époque, on n'appelait pas encore un "best-seller". Ernst von Salomon, l'auteur, avait alors quarante-neuf ans. Le Questionnaire apparut comme un livre d'impénitence. L'idée de se servir du canevas du fameux questionnaire, élaboré par les Américains pour prendre les anciens nazis dans la nasse infaillible d'innombrables questions, pour raconter sa propre vie et dénoncer l'imbécillité des vainqueurs, pour montrer et démontrer qu'ils ne valaient pas mieux que les vaincus, pour dénoncer les injustices et les mauvais traitements infligés aux Allemands, cette idée était sinon géniale, pour le moins maligne et drôle. Le Questionnaire paraissait rompre avec tous les conformismes et dresser ses réquisitoires aussi bien contre les nazis que contre les Américains. Son ambition et son ambiguïté faisaient du "Fragebogen" le livre le plus discuté, le premier livre vraiment discuté, de l'après-guerre allemand. Il fut traduit dans les principales langues. L'édition allemande, dans ses formes successives, dépassa 250 000 exemplaires.»
    Joseph Rovan. "

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  • L'invention de la géopolitique américaine...

    Les Presses universitaires de la Sorbonne viennent de publier un essai d'Olivier Zajec intitulé Nicholas John Spykman - L'invention de la géopolitique américaine. Saint-cyrien, diplômé de Sciences Po Paris, agrégé et docteur en histoire, Olivier Zajec est maître de conférence en science politique à Lyon III et enseigne la géopolitique et la stratégie théorique à l’École de guerre.

     

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    " Mars 1942. En plein conflit mondial, un professeur américain de relations internationales développe la théorie géopolitique du rimland censée garantir la domination de Washington sur le monde d’après-guerre. Pour les historiens, Nicholas Spykman partage ainsi avec Kennan la réputation d’avoir inspiré la stratégie du containment anticommuniste de la Guerre froide, qui triomphe à partir de 1947. Le réalisme dur de cet « élève de Machiavel », accusé d’être la voix « de la destruction et du nihilisme », lui vaudra d’intenses critiques.

    Toujours cité, jamais étudié, Spykman méritait-il ces jugements ? Ancien agent secret néerlandais, théoricien cosmopolite passé de la sociologie interactionnelle à la politique internationale, partisan de la Société des Nations, fondateur du premier département de Relations internationales de Yale avec le soutien de la fondation Rockefeller, agnostique, polyglotte et dandy, qui était-il réellement ? Jusqu’ici, personne – y compris aux États-Unis – ne s’était encore penché sur son parcours intrigant. Fondée sur des documents inédits, cette biographie intellectuelle comble ce vide en reconstituant l’ensemble de son parcours et en analysant l’histoire de la fascination-répulsion qui marqua la réception des théories géopolitiques allemandes aux États-Unis, des prémisses de la Seconde Guerre mondiale à la naissance du bipolarisme. La « géopolitique » telle que la pensait Spykman a-t-elle réellement eu une influence sur la manière dont la Guerre froide a été menée ? Inattendue, la conclusion à laquelle parvient cette biographie intellectuelle inédite ouvre la voie à une réévaluation de la période cruciale de l’entre-deux-guerres, qui prépara l’accession des États-Unis  au rang de première puissance mondiale. "

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  • Feu sur la désinformation... (80)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés, consacrée au décryptage des médias et dirigée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, avec le concours d'Hervé.

    Au sommaire :

    • 1 : Violence caillassages, incendies, frontière forcée : l’AFP minimise
      Le 29 février, l’Etat a ordonné le démantèlement d’une partie de la jungle de Calais, le même jour les clandestins ont tenté de franchir en force la frontière de la Macédoine. Dans les deux cas, les violences des clandestins ont été occultées
    • 2 : Le zapping d’I-Média.

    • 3 : Trump Tentative de diabolisation par le KKK
      « Donald Trump soutenu par des membres du KKK », c’est la tentative de diabolisation orchestré par les médias contre le l’homme fort des primaires républicaines. Anne Sinclair et I-télé en pointe.
    • 4 : Tweets d’I-Média.
    • 5 : Décapitation de Moscou : djihadiste ou malade mentale
      Moscou, les médias plaident la maladie mentale pour une nounou qui a décapité un enfant aux cris de « Allah Akbar ». I-Média décrypte et réinforme.
    • 6 : Le bobard de la semaine.

     

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  • Une agence très secrète dans la lumière...

    Les éditions Tallandier viennent de publier un ouvrage de Claude Delesse intitulé NSA - L'histoire de la plus secrète des agences de renseignement. Docteur en science de l'information et auditrice de l'IHEDN, Claude Delesse est directrice de recherches au Centre français de recherches sur le renseignement.

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    " Plus grande agence de renseignement électronique au monde, la NSA espionne tout le monde : du terroriste au hacker, du grand industriel à l’employé de base, du chef d’État au simple citoyen. Comment fonctionne-t-elle? Quelles sont ses missions? Quelles sont ses cibles? Quels scandales a-t-elle traversés? Quelles conséquences aura l’affaire Snowden sur son avenir?

    Depuis sa création en 1952 jusqu’à la lutte contre Al-Qaïda et Daech, en passant par les guerres de Corée, du Vietnam, d’Afghanistan et d’Irak, la NSA apporte depuis plus de soixante ans un soutien aux décisions politiques et militaires des États-Unis. Il est fascinant, voire inquiétant, de découvrir son univers interne et ses programmes, de percevoir l’envergure et l’outrance de la collecte d’informations au nom de la lutte contre le terrorisme et la criminalité. Instrument au service de la puissance américaine, la NSA s’est livrée à de tels excès que, en 2013, Edward Snowden, jeune agent d’à peine 30 ans, en a révélé les abus, provoquant la plus grande crise de son existence. Hors de toute polémique et en s’appuyant sur de multiples sources, Claude Delesse retrace pour la première fois l’histoire de la NSA. Elle décrit ses rouages et ses alliances, révèle ses dérives et ses menaces, éclairant ainsi l’incroyable épopée d’une agence obsédée par le secret. "

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  • L'appel aux Dieux...

    Les éditions du lore viennent de publier un recueil de Collin Cleary intitulé L'appel aux Dieux - Essais sur le paganisme dans un monde oublié de Dieu. Docteur en philosophie, Collin Cleary est un penseur indépendant qui vit à Sandpoint dans l’Idaho. Il est l’un des fondateurs avec le musicien et publiciste Michael Moynihan de la revue américaine TYR: Myth—Culture—Tradition.

     

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    " Le néo-paganisme est la tentative de faire revivre les religions polythéistes de la vieille Europe. Mais comment ? Peut-on simplement inventer ou réinventer une foi vivante et authentique ? Ou les néo-païens modernes sont-ils simplement engagés dans des jeux de rôles sophistiqués ?

    Dans L’appel aux dieux, Collin Cleary affirme que les dieux ne sont pas morts ou ne nous ont pas oubliés, dans la mesure où nous ne sommes pas morts pour eux ou que nous-mêmes ne les avons pas oubliés. La civilisation moderne – incluant une grande partie du néo-paganisme moderne – vient d’un état d’esprit qui aliène l’homme du divin et nous piège dans un monde de nos propres créations. S’inspirant de sources allant du taoïsme à Heidegger, Collin Cleary décrit la manière dont nous pouvons atteindre une attitude d’ouverture qui pourra permettre aux dieux de revenir.

    Dans ces neuf essais diversifiés, Collin Cleary explore aussi la tradition païenne nordique, le tantrisme, les écrits d’Alain de Benoist, Karl Maria Wiligut et Alejandro Jodorowsky, et la fameuse série TV Le Prisonnier de Patrick McGoohan. Les essais de Cleary sont des modèles de la manière de combiner la clarté et l’esprit à la profondeur spirituelle et la sophistication intellectuelle.

    L’appel aux dieux établit Collin Cleary comme l’un des principaux intellectuels du néo-paganisme contemporain. "

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  • Donald Trump et la politique étrangère...

    Nous reproduisons ci-dessous une analyse de Caroline Galactéros, cueillie sur le site du Point et consacré aux positions de Donald Trump en politique étrangère. Des positions qui sont tout sauf absurdes et qui font trembler l'establishment de Washington et le lobby militaro-industriel. L'analyse de l'auteur rejoint par bien des points celle d'un observateur avisé comme Philippe Grasset sur son site De Defensa...

     

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    La politique étrangère vue par Donald Trump

    Vue d'Europe, notamment de Paris, la victoire éventuelle du tonitruant Donald Trump à la primaire républicaine en vue de la présidentielle américaine est présentée comme une catastrophe. Rustique, emporté, machiste assumé, briseur des tabous de la political correctness si prisée des élites sur les deux rives de l'Atlantique, il passe pour un éléphant dans un magasin de porcelaine qui fracasserait sans réfléchir les potiches-mantras d'une Amérique « gendarme du monde » répandant par le feu, le sang et le dollar la démocratie et surtout le marché sur la partie encore arriérée de notre planète. Le milliardaire-outsider a ligué contre lui « l'establishment » démocrate mais aussi républicain, notamment les néoconservateurs qui, derrière leurs concurrents Ted Cruz ou Marc Rubio, ne décolèrent pas de le voir surfer sur le désaveu de l'électorat pour les politiciens-patriciens, aussi démagogues mais plus déconnectés encore de la réalité américaine. C'est un animal politique qui détruit les codes de pensée et de parole et les understatements calibrés de la compétition présidentielle. Il parle à l'Amérique profonde, la choque et la rafraîchit tout à la fois.

    Nul ne peut encore dire s'il va l'emporter ou s'effondrer. Sa nette victoire dans le New Hampshire doit lui donner des ailes. Malgré la camarilla médiatique lancée contre lui, un fait notable doit retenir l'attention : Trump a une vision des relations internationales tout à fait originale et, osons le dire, novatrice. En ce domaine, son abandon pourrait être une mauvaise nouvelle pour la paix du monde. Car il se démarque sensiblement de l'interventionnisme propre à tous les autres candidats, à l'exception de Bernie Sanders. Ceux-ci, ignorant les fiascos stratégiques irakien, afghan ou libyen, persistent à voir dans l'aventurisme militaire et l'entretien d'un savant chaos – notamment moyen-oriental – des martingales pour restaurer la puissance et l'influence américaines en chute libre depuis 2003. Chacun d'eux propose un alliage d'impérialisme classique dont seules les proportions de soft et de hard power diffèrent.

    Donald, lui, s'insurge contre cette dispendieuse et contre-productive tendance américaine à se mêler de tout. Il se soucie comme d'une guigne du « regime change » et de la « responsabilité de protéger ». Il ne croit pas dans l'expansion souhaitable des droits de l'homme qu'il assimile à « un prêchi-prêcha » dangereux et ruineux. C'est un homme d'affaires, qui aime le statu quo et trouve aux régimes autoritaires des vertus, notamment en matière de lutte contre l'islamisme. Il recherche des marchandages globaux et équilibrés avec des interlocuteurs à poigne qui peuvent partager son langage, celui du pur intérêt national. La multipolarité du monde est pour lui une évidence. Il faut s'en accommoder et baser les relations internationales sur des convergences d'intérêt pragmatiques. Ce realpoliticien ne voit dans le messianisme américain qu'une « danseuse » hors de prix trop sujette aux entorses. Son mercantilisme profond rime avec un protectionnisme et un isolationnisme mesurés, l'intervention américaine ne pouvant se concevoir que contre gains sonnants et trébuchants ou réciprocité protectrice.

    Vision contre-intuitive

    Dans l'atmosphère actuelle où le moralisme entêté sert de cache-misère au cynisme producteur d'ultra-violence et au chaos sécuritaire, cette vision du monde paraît contre-intuitive. Aussi passe-t-il pour un populiste naïf et va-t-en-guerre, alors qu'il a mieux compris que d'autres les conditions d'un apaisement de la conflictualité mondiale, et l'ordre des priorités souhaitable pour un Occident en déroute : acceptation de la multipolarité du monde, lucidité, réciprocité, recherche de compromis équilibrés, non-ingérence dans les affaires des États, respect de la légalité internationale. On peut trouver quelques inconséquences ou naïvetés dans cette profession de foi décoiffante. Par exemple, la posture de Barack Obama lui semble infiniment trop conciliante envers l'Iran, mais aussi envers le Japon, les Philippines, le Mexique ou même l'Europe, qui « profiteraient » indûment de la protection américaine sans bourse délier. C'est évidemment un peu court et même partiellement faux.

    La politique américaine de bases militaires permanentes dans les zones d'influence déterminées en Asie et en Europe, initiée après la Seconde Guerre mondiale, reste moins dispendieuse que des corps expéditionnaires projetés à grands frais au coup par coup. Surtout, elle a rapporté gros en termes de puissance et d'influence économique et culturelle. Elle correspond aussi à une emprise stratégique et militaire. La conditionnalité de ce « parapluie sécuritaire » américain ne se mesure pas qu'en argent, même si les achats d'armements en sont une contrepartie majeure – comme viennent encore de le démontrer les Polonais en annonçant l'achat probable d'hélicoptères de combat Black Hawk et AW 149 au détriment des Caracal d'Airbus –, et il faut se souvenir que le Japon financera près des deux tiers de la guerre du Golfe de 1990. Le marchandage réside surtout dans la limitation de la souveraineté de facto admise par ces affidés qui ont accepté un contrôle géopolitique étroit de Washington. L'Otan est le véhicule institutionnel et opérationnel de cette dépendance consentie qui a tué dans l'œuf le projet d'une « Europe-puissance », celui d'une défense européenne autonome, y compris au plan industriel, et ruiné jusqu'à la simple ébauche d'un rapprochement politique et stratégique avec la Russie, puisque les anciens satellites de Moscou ont tous été « accueillis » dans l'Otan et dans l'UE.

    Pour Trump, ce sur-engagement des États-Unis dans le monde ne les a pas vraiment servis. L'ingratitude de leurs alliés, le déclenchement d'hostilités ouvertes entre civilisations concurrentes doivent conduire Washington à « réduire la voilure » de cet impérialisme à contre-emploi. On peut parier que le complexe militaro-industriel fera tout pour qu'il échoue...

    Donald Trump porte donc des lunettes neuves pour voir le monde tel qu'il est et ne va pas. C'est ce qu'on lui reproche. À ses yeux, mieux vaut les régimes autoritaires que le chaos, et une diplomatie fondée, non sur la confiance ou l'amitié feinte, mais sur le respect et des convergences équilibrées d'intérêts bien compris. Comme en affaires, il faut se parler, beaucoup, souvent, pour bien se comprendre et nouer des partenariats vigilants mutuellement fructueux. Et en matière de négociations, rien de tel que des personnalités fortes plutôt que des leaders fuyants et ondoyants. Trump ne voit pas l'autorité ni le charisme comme des handicaps, mais comme des vertus pour guider et composer. La Russie est à ses yeux un État puissant, tenu par un pouvoir autoritaire légitime qu'il faut arrêter d'ostraciser et aider plutôt à « faire le job » en Syrie et en Irak contre Daech et les autres islamistes, soutenus et armés par l'Amérique à contre-emploi, car ils sont tous hors de contrôle.

    Dans sa conception très darwinienne de la puissance, les empires vont et viennent. Ils doivent impérativement s'adapter pour survivre. La définition claire du périmètre (restreint) de « l'intérêt national », la réciprocité comme base cardinale d'échange, la négociation musclée comme mode d'action sont les pierres angulaires de cette pensée plus stratégique que tactique, délibérément affranchie de toute idéologie et a-dogmatique. Elle puise ses racines au XIXe siècle, dans le mercantilisme d'un Robert Taft, sénateur opposé au libre-échangisme de Truman, à la politique de containment de l'Union soviétique et à la création de l'OTAN, jugée over-reactive, et aussi chez Charles Lindbergh qui a dirigé le courant isolationniste America First Movement.

    Une pensée inconfortable

    Notre turbulent candidat considère que la Chine, dont la politique monétaire déstabilise à dessein l'Amérique, est l'ennemi véritable. Il faut cesser d'encourager sa démocratisation, car on lui facilite la vie… De là à effectuer, comme il le propose, un repli stratégique de l'Asie, à rebours du shift towards Asia amorcé sous George Bush junior et consolidé sensiblement sous Obama, il y a certes une marge d'appréciation… Là encore, cette conception « trumpienne » est partiellement naïve : les encouragements occidentaux à l'ouverture de la société et du régime chinois visent à déstabiliser ce dernier, non à l'aider. Tout l'enjeu pour le pouvoir de Pékin est de maîtriser la tension grandissante entre, d'une part, les impératifs d'une modernisation économique et sociale, du développement de son marché intérieur, de la gestion des aspirations populaires et de l'ouverture au monde et, d'autre part, le maintien d'un contrôle politique étroit de cette population immense.

    Peut-on pour autant accuser d'irréalisme un homme qui reconnaît sans ambages que « l'Irak a été un désastre et (que) Daech est né de ce désastre » ? On ne peut en tout cas lui dénier un solide pragmatisme et une certaine créativité conceptuelle, certes intellectuellement inconfortable comparée au discours d'une Hillary Clinton incapable de penser out of the box, qui voit encore en l'Amérique « la Nation indispensable » à qui revient naturellement le devoir d'imposer la vision d'un monde divisé entre good et bad guys et tenante de l'hégémonie libérale d'une pax americana dont tant d'États ne veulent plus. Si Hillary Clinton arrivait au pouvoir, on peut parier qu'elle conforterait une ligne impérialiste, donc interventionniste classique, camouflée sous les traditionnels oripeaux moralisateurs qui ont pourtant laissé le roi nu depuis septembre 2001.

    Une chance pour l'Europe

    Le plus intéressant dans cette « doctrine Trump » tient finalement en deux points, sur lesquels les Européens pourraient utilement méditer :

    - une inclination forte pour un désengagement américain de l'Otan en Europe, qui ouvrirait une fenêtre inespérée pour relancer la politique européenne de défense et de sécurité, et pousser l'UE à se penser de nouveau comme un acteur de l'histoire, alliée, mais non alignée systématiquement sur les desiderata de Washington.

    - dans le prolongement du projet gaullien d'une Europe européenne « de l'Atlantique à l'Oural », François Mitterrand avait échafaudé, dans la foulée de la réunification allemande qu'il n'avait pas vu venir, le projet d'une véritable Confédération européenne, sans l'Amérique, qui englobait la Russie autour d'une Pax Europa, "afin que l'Europe reprenne sa vraie place dans le monde après son autodestruction des deux dernières guerres mondiales ». Mikhail Gorbatchev y avait trouvé l'écho à son propre projet de « Maison commune », convergence scellée, le 29 octobre 1990, par le Traité franco-soviétique d'entente et de coopération. C'était sans compter sur la doctrine Baker. Dès décembre 1989, les Américains feront pression sur les Allemands afin qu'ils encouragent l'approfondissement de la CSCE (Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, future OSCE) dont les USA font partie... À partir du début de l'année 1991, Washington finance larga manu les pays d'Europe centrale et orientale et les monte contre le projet de Confédération européenne, au prétexte qu'il viserait à les exclure de la CEE (future UE). L'élargissement parallèle de l'Otan et de la CEE (présenté comme son pendant « naturel ») aux anciennes républiques-satellites ensevelira méthodiquement l'ambitieuse perspective franco-russe qui réunifiait enfin les deux parties du continent européen... et lui aurait conféré un poids stratégique considérable.

    Une autre lecture du Choc des civilisations

    Last but not least, Donald Trump serait-il le premier à bien lire Samuel Huntington et son Clash of Civilizations paru en 1996, mais déjà ébauché dans Foreign Affairs dès 1993 ? La lecture hâtive de l'ouvrage du politologue américain a conduit à une interprétation partiale et dangereuse de sa pensée. Pour Huntington en effet, nous sommes bien passés d'un monde bipolaire - basé sur l'opposition entre le monde occidental démocratique et « plus riche », et le monde communiste « plus pauvre » - à un monde multipolaire. Mais c'est à tort que l'on voie dans sa théorie l'origine de la politique néoconservatrice de Georges W. Bush et de sa guerre contre « l'axe du Mal ».

    En réalité, l'analyse de Georges W. Bush (ou plutôt de son entourage) recouvre pour partie seulement les postulats de Huntington sur l'existence de différentes civilisations et sur les difficultés de coexistence entre elles. Le néo-conservatisme interventionniste développé à partir de la première guerre du Golfe (1990) va à l'inverse des conséquences stratégiques que Samule Huntington tire de son constat anthropologique initial très clivant (notamment à l'endroit du monde musulman). Il condamne en effet fermement l'interventionnisme, le Regime change et le Nation building, y voyant des utopies dangereuses qui ne feront qu'exacerber la violence entre les différentes civilisations. Visionnaire, il encourage une forme d'isolationnisme pour les USA qui ne doivent plus être dans un rapport de force pure avec les autres États, mais inventer un nouveau rapport de négociation avec les États champions et hérauts des différentes civilisations afin d'organiser au mieux leur coexistence. Ce message de paix et de bon sens ne vous rappelle-t-il pas quelqu'un ?

    Entourage

    S'il n'a pas (encore) d'équipe constituée en matière de politique étrangère, Donald Trump s'appuie sur les conseils de son chef de campagne, Sam Clovis, ancien colonel de l'US Air Force et sur le général Michael Flynn, ancien patron de la Defense Intelligence Agency (Agence américaine du renseignement militaire). Le général Flynn est connu pour sa critique explosive, à partir de son départ de la DIA en 2014, de la décision américaine de ne pas stopper l'émergence de l'État islamique en Irak et au Levant, mais au contraire de soutenir la formation de groupes djihadistes naissants comme forces d'opposition en Syrie (salafistes, Frères musulmans et Al-Qaïda en Irak notamment). Une nébuleuse connue aujourd'hui sous le nom… de Daech.

    Trump n'est donc pas si désinformé ou ignorant qu'on le dit. Il devrait désormais songer à s'adjoindre aussi les services de Henry Kissinger, le vieux maître du réalisme stratégique, qui semble redécouvrir avec une ferveur salutaire les vertus d'un partenariat stratégique équilibré avec Moscou au bénéfice du monde entier.

    Caroline Galactéros (Le Point, 11 février 2016)

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