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ernst jünger - Page 17

  • Jünger et ses dieux...

    Les éditions Orizons ont publié en début d'année un essai de Michel Arouimi intitulé Jünger et ses dieux. Michel Arouimi est maître de conférence en littérature comparée à l'Université du Littoral de la région Nord-Pas-de-Calais.

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    "Le sens du sacré, chez Ernst Jünger, s'est d'abord nourri de l'expérience de la guerre, ressentie comme une manifestation de la violence que le sacré, dans ses formes connues, semble conjurer. D'où le désir, toujours plus affirmé chez Jünger, d'une nouvelle transcendance. Mieux que dans ses pensées philosophiques, ces problèmes se poétisent dans ses grands romans, où revivent les mythes dits premiers. Or, ces romans sont encore le prétexte d'un questionnement des pouvoirs de l'art, pas seulement littéraire. Dans la maîtrise des formes qui lui est consubstantiel, l'art apparaît comme une réponse aux mêmes problèmes que s'efforce de résoudre le sacré. La réflexion de Jünger sur l'ambiguïté du sens de ces formes semble guidée par certains de ses modèles littéraires. Rimbaud a d'ailleurs laissé moins de traces dans son oeuvre que Joseph Conrad et surtout Herman Melville, dont le BillyBudd serait une source méconnue du Lance-pierres de Jünger. La fréquentation de ses " dieux littéraires ", parmi lesquels on peut compter Edgar Poe et Marcel Proust. a encore permis à Jünger d'affiner son intuition de l'ordre mystérieux qui s'illustre aussi bien dans la genèse de l'oeuvre écrite que dans un destin humain."

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  • L'Europe de Weimar...

    Nous reproduisons ci-dessous un article d'Alain de Benoist publié dans le Figaro magazine en 1978 et consacré à l'Allemagne de Weimar...

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    L’EUROPE DE WEIMAR

     

    Il y a décidément une fascination pour Weimar ! Une fascination qui emprunte à l'expressionnisme, au Bauhaus, à Bertolt Brecht, à Marlène Dietrich, au Docteur Mabuse et à L’ange bleu. Mais aussi à Stefan George et à Georg Lukács, à Spengler et Rosa Luxemburg, Alfred Weber et Theodor Adorno, au putsch de Berlin et à la Commune de Bavière, au communisme et aux corps-francs. Pourquoi cette fascination ? Walter Laqueur, professeur d'histoire à Tel-Aviv, directeur de l'Institut d'histoire contemporaine et de la Wiener Library, donne peut-être la réponse quand il dit de la culture de Weimar qu'elle fut la « première culture authentiquement moderne ».

    C'est en effet dans cette République née de la défaite et de l'humiliation nationale produite par le Diktat de Versailles, qui commence en novembre 1918 avec la mutinerie de la flotte de la Baltique pour s'achever en 1933 avec le défilé des chemises brunes sous la Porte de Brandebourg, c'est dans cette société dominée par les partis, marquée par la violence (354 attentats politiques recensés entre 1919 et 1922), l'inflation et le chômage, c'est dans ce tourbillon politique, dans ce chaos économique, que semblent être apparus la plupart des grands courants de pensée, intellectuels et politiques, artistiques et littéraires, dont se nourrit encore notre époque, qu'il s'agisse de l'existentialisme, de l'écologisme, du néo-nationalisme et du néo-marxisme, des mouvements de jeunesse et de la microphysique, du nietzschéisme et de l'Ecole de Francfort, de l'art abstrait et de la musique atonale.

    Mais la République de Weimar n'est pas seulement « moderne » en raison de son extraordinaire densité historique et intellectuelle, qui fait que son nom est désormais associé à ceux, si différents, d'Einstein, Spengler, Brecht, Gropius, Thomas Mann, Moeller Van den Bruck, Fritz Lang, Ernst Jünger, Max Reinhardt, Gottfried Benn, Paul Klee ou Heidegger. Elle l'est aussi, et surtout, par la transformation générale des idées dont elle a été le lieu.

    A partir de 1918-20, on assiste en effet, en Allemagne, à des redéfinitions radicales. Une pléthore d'idées nouvelles font leur apparition, aussi bien parmi les intellectuels « de droite » (dont « à très peu d'exceptions près, souligne Laqueur, aucun ne se rallia plus tard au nazisme ») que parmi ceux « de gauche », tandis qu'en l'espace de quelques mois, les mêmes électorats passent massivement d'un bout à l'autre de l'échiquier politique. Le vocabulaire associe alors les termes les plus contradictoires. On parle de « Révolution Conservatrice » et d'athéisme religieux, de néopaganisme et de marxisme mystique, de Règne et d'Empire, de classe et de nation, de pouvoir et d'utopie. Des hommes classés « à droite », comme Jünger et Moeller Van den Bruck, rêvent d'une alliance des « peuples jeunes » : l'Allemagne et la Russie soviétique. Le gouvernement social-démocrate fait appel aux « ultras » des corps-francs pour rétablir l'ordre à Berlin. Leo Schlageter, jeune résistant exécuté par l'occupant (français) de la Ruhr, est tout à la fois célébré par la droite nationaliste et le parti communiste. « Conservateurs » et « progressistes » se disputent l’idée de révolution et critiquent avec la même virulence l'univers plat et banal (entzaubert, « désenchanté ») de la bourgeoisie. Le tonnerre gronde sur fond de « décadence » et d'« avant-garde ». Berlin s'amuse, mais on se bat aux frontières. Tout s'effondre et tout renaît. C'est l'inter-règne.

    Les hommes eux-mêmes suivent les itinéraires les plus surprenants. Citons le cas d'Edgar J. Jung (né en 1894), ancien des corps-francs, membre du cercle jeune-conservateur de Munich, auteur d'un vigoureux pamphlet contre le « règne des médiocres » (Die Herrschaft der Minderwertigen, 1927), proche collaborateur de von Papen à partir de 1932, assassiné par les nazis en juillet 1934 au moment de la « nuit des longs couteaux ». Ou celui d'Ernst Niekisch (1889-1967), membre du parti social-démocrate en 1917, directeur à partir de 1926 de la revue « nationale-bolchevique » Widerstand, à laquelle collabore Ernst Jünger, condamné sous Hitler à la détention à vie, communiste orthodoxe après la guerre, professeur à Berlin-Est de 1948 à 1954.

    Telle fut la République de Weimar, époque de contrastes et de désespoir, de surenchères et de contradictions, que Georg Lukács, dans sa Théorie du roman, décrira comme le temps de la « culpabilité parfaite » (das Zeitalter der vollendeten Sündhaftigkeit), dans laquelle le poète Gottfried Benn verra en 1955 « les plus merveilleuses années de l'Allemagne », et dont Ernst von Salomon, cité par Dominique Venner dans son remarquable ouvrage sur les corps-francs, dira : « Ce que nous voulions, nous ne le savions pas, et ce que nous savions, nous ne le voulions pas. Pourtant, nous étions heureux dans la confusion, car nous avions la sensation de ne faire qu'un avec notre temps… » (Les réprouvés).

    Si la République de Weimar reste aujourd’hui encore si mal connue, et surtout si mal comprise, c'est précisément – de pair avec ce que Joseph Rovan appelle « l'ignorance des réalités allemandes qui persiste en France » (L'Allemagne n'est pas ce que vous croyez, Seuil, 1978) – parce que cette période ne laisse pas ramener aux schémas classiques auxquels nous sommes habitués, et que pour apprécier et analyser les hommes, les partis, les idées ou les événements qui l’ont illustrée, ces schémas se révèlent inadaptés.

    Mais en même temps, c'est aussi parce qu’elle constitue une sorte d’énigme historique que Weimar reste au cœur de nos préoccupations. Ce n'est pas un hasard si le « culte de Weimar », pour parler comme Laqueur, atteint aujourd’hui son apogée, de Paris à Tokyo et de Rome à New York, au moment où notre univers politique et intellectuel est affecté par de puissants reclassements. Ce n'est pas un hasard non plus si l'on n'en finit plus, en « redécouvrant » Marcuse, Adorno, Rosa Luxemburg ou Wilhelm Reich, de constater que l'essentiel du débat d'idées actuel avait déjà été dit dans le courant des années 1920. Certes, il ne faut pas abuser des analogies historiques. Tout se passe néanmoins comme si Weimar constituait le parfait modèle d’un « entre-deux-temps » à venir. Comme si Weimar était le signe avant-coureur d'un nouvel inter-règne, plus étendu cette fois dans l'espace et dans le temps. Peut-être est-ce le sentiment que l'Europe contemporaine commence à ressembler à une vaste République de Weimar qui crée chez nos contemporains, autour de cette époque, une atmosphère mythique, dépassant de beaucoup les modes et les nostalgies, et qui, séduisant en même temps qu'elle affole, mobilise la sensibilité plus encore que la raison.

    Alain de Benoist (Le Figaro magazine 30 septembre-1er octobre 1978)

    Walter Laqueur, Weimar. Une histoire culturelle de l’Allemagne des années vingt, Robert Laffont, 323 p. ; Dominique Venner, Les corps-francs de la Baltique, Livre de poche, 509 p. ; Volker Hentschel, Weimars letzte Monate, Droste, Düsselforf, 180 p.

     

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  • Le plus nouveau des philosophes !...

    Nous reproduison ci-dessous un article d'Alain de Benoist consacré à Clément Rosset et son livre intitulé Le réel - Traité de l'idiotie, ouvrage qui est régulièrement réédité aux Edistions de Minuit. Cet article a été publié initialement dans le Figaro magazine en 1978...

     

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    LE PLUS NOUVEAU DES PHILOSOPHES

    Clément Rosset et la réalité des choses

     

    « Au centre du cosmos, le pouvoir n'est plus souverain, mais anonyme ». On pense à cette phrase de Jünger en lisant le très remarquable ouvrage que vient de publier le jeune philosophe Clément Rosset, professeur à la faculté de Nice, ouvrage dans lequel il approfondit des thèses déjà présentées dans La philosophie tragique (PUF, 1960), Logique du pire (PUF, 1971), L'Anti-nature (PUF, 1973) et Le réel et son double (Gallimard, 1976), En s'efforçant – vingt siècles après les Grecs – de penser le monde comme chaos. Et en affirmant que toute réalité est « idiote », c'est-à-dire, au sens étymologique premier, unique et singulière, sans double ni reflet.

    Les hommes ont toujours eu du mal à accepter que les choses soient ce qu'elles sont – et non ce qu'elles « pourraient » ou « devraient » être. « L'homme est mauvais conducteur de la réalité », disait Reverdy. Aujourd'hui plus que jamais, nombreux sont ceux qui disent : « L'utopie ou la mort! » – sans voir que c'est la même chose. Loin de remédier à ce penchant, les philosophes s'y sont précipités. Dans L'île de la raison, de Marivaux, tout le monde finit par quitter ses illusions et se rendre à l'évidence. Tous, sauf un : le philosophe. C'est que le philosophe, trop souvent, ne peut s'empêcher, soit de récuser le réel, soit de l'assortir d'une projection, d'un miroir, d'un double (on connaît le « mythe de la caverne », chez Platon.) Toujours le sollicite l'idée d'une « valeur ajoutée », permettant l'interprétation d'un sens supposé. En donnant au monde une « signification » imaginaire, en y voyant la manifestation d'un « ordre » ou l'ébauche d'une « direction », le philosophe croit élucider l'énigme par excellence. Il croit enrichir le réel, alors qu'il le dévalue subtilement – en l'aliénant au sens propre, c'est-à-dire en l'assujettissant à une autre chose que ce qu'il est.

    Dans cette recherche d’un sens global, Clément Rossé voit une « maladie endémique ». Le philosophe qui disserte sur le sens des choses, dit-il, révèle seulement, par sa dévotion pour le « double » qu'il accole au réel, son incapacité profonde à affronter la réalité de l'absence de sens. La vérité est que le monde est chaos. Il ne contient de sens que celui que nous y mettons. Il n'y a pas de sens de l'histoire, pas de clef universelle du devenir, pas de secret des choses. Ou plutôt, le secret des choses, c'est qu'il n'y a pas de secret. Le monde, comme l'inconscient, ne cache qu'une chose : il cache qu'il n'a rien à cacher.

    La question de savoir si le monde relève du hasard ou de la nécessité n'est pas moins oiseuse, car ces deux termes ne sont que deux façons de désigner une même chose. Toute réalité, est in-signifiante parce qu'elle est à la fois fortuite et déterminée. Là où il y a une volonté, dit-on, il peut y avoir un chemin. Oui, mais là où il y a un chemin, il ne peut qu’y avoir une volonté. « Il suffit, pour s'en rendre compte, d'essayer de marcher au hasard – tâche impossible s'il en est. On peut bien, il est vrai, se déplacer sans intention déterminée ou tituber d'un pas d'ivrogne : l'itinéraire qu'on aura suivi en fin de compte n'en aura pas moins tous les caractères de la détermination ». Autrement dit : « On peut faire tout ce qu'on veut, on ne pourra jamais pour autant faire n'importe quoi ». Quoi qu'on fasse, ce sera toujours quelque chose. Tout ce qui est hasardeux est en même temps nécessaire, car rien n'échappe à la nécessité d'être quelque chose. La faculté d'exister n'importe où ne dispense pas de la nécessité d'exister quelque part. Bref, écrit Clément Rosset, citant le romancier Malcolm Lowry, tout ce qui advient se fait somehow anyhow : « De toute façon d'une certaine façon ». Conclusion : de ce que les choses sont (inévitablement) comme elles sont (et non autrement), on ne peut tirer l'idée qu'elles ont un sens.

    Clément Rosset dénonce donc, avec bonheur, ceux pour qui l'histoire s'explique par un facteur priviligié (la classe, le sexe, l'économie, la race, la « nature », etc.) ; ceux pour qui le monde n'est qu'un aperçu (mineur et parfois illusoire) de ce qui existe vraiment ; ceux qui s'imaginent que le monde devrait être autre chose que ce qu'il est (et que notre rôle est de le « changer »). Et il décrit deux types de théoriciens particulièrement courants aujourd'hui : l'« illusionniste » et l'« inguérissable ».

    L'« illusionniste » est celui pour qui le sens du réel réside dans un « objet manquant » – « manquant à sa place » – qui se dérobe toujours, et qu'il fait « voir » (en coulisse) par simple pouvoir de suggestion. Parmi les « illusionnistes » modernes, on pourrait citer Kafka et la « Loi », Georges Bataille et le « désir », Jacques Lacan et le « signifiant », Jacques Derrida et la « différence ». L'« inguérissable », quand à lui, est ce type de dévot qu'aucun démenti ne décourage, car s'il admet que le monde puisse ne pas avoir tel ou tel sens, il n'admettra jamais qu'il puisse n'en avoir aucun. Il remplace alors les certitudes du dogme par une dogmatique de l'incertitude. « En principe général, écrit l'inguérissable Gilles Deleuze, on a d'autant plus raison qu'on a passé sa vie à se tromper ». « Ainsi, commente Rosset, se déplace l'apparence du sens, c'est-à-dire le non-sens, au long du fil d'une interminable circulation de la folie : la “vérité” était hier à Moscou, elle est aujourd'hui à San Francisco, elle sera demain dans la philosophie chinoise, l'écologie ou l'alimentation macrobiotique ».

    Face aux doctrines « déréalisantes », Clément Rosset recommande d'admettre le monde comme il est. Non seulement de l'admettre, mais de le vouloir comme il est. Non seulement de le vouloir, mais de chercher à le renforcer dans ce qu'il est. Il préconise donc l'amour du réel, cette « grâce » qui prend la forme d'une allégresse – cet amour qui n'est pas seulement l'amour de la vie ni l'amour des autres, ni l'amour de soi, ni l'amour de Dieu, mais qui est, d'abord et avant tout, l'amour de ce qui est. L'amour, l'acceptation et le désir, sans aucun double « correctif », de ce miroir unilatéral qu'est la réalité.

    Une telle démarche, jubilatoire et tragique, n'équivaut nullement à un refus d'agir sur le monde, ni à une quelconque résignation. Elle est même au contraire la condition sine qua non d'une action efficace. C'est en effet dans la mesure où rien n'est prévu, où rien n'est joué, que tout reste possible. Rendre le réel au « non-sens », ce n'est pas le dévaluer ni le décrire comme absurde ou comme inintéressant, ou encore comme anodin, mais le rendre riche de toutes les possibilités. Le monde, en fin de compte, n'est riche que de son absence de signification grâce à laquelle il peut être le lieu de toutes les significations. Il est riche en tant que chaos, parce qu'à ce chaos l'homme – le seigneur des formes – peut à chaque instant donner sa marque. C'est peut-être en renonçant à trouver du sens dans le monde que nous aurons quelque chance, un jour, de pouvoir en mettre.

    Alain de Benoist (Le Figaro magazine, 4-5 février 1978)

     

    Clément Rosset, Le réel. Traité de l’idiotie, Minuit.

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  • Céline, l'indomptable...

    Nous vous signalons la parution du numéro de juin 2011 de La Revue des Deux Mondes ,la plus vieille revue française, dont le dossier est consacré à Céline.

     

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    "Pourquoi Céline. La réponse est très simple : parce que, que cela plaise ou non, Céline est le plus grand écrivain français du XXe siècle. Il est donc important, pour un pays tel que la France, où la littérature a si longtemps joué un rôle identificateur, de se poser la question de savoir ce qu’il en est, aujourd’hui, de sa relation à Céline. Il y a des raisons à cela. Pour avoir créé l’inoubliable personnage du Voyage au bout de la nuit, Céline a pris une longueur d’avance sur la mise en lumière de l’effondrement de la société française au moment de la Grande Guerre. Une capacité de vérité inégalable. Il a écrit : « La vérité, personne n’en veut. » C’est possible, lui-même la voulait-elle à ce point, pour avoir été, dans un même corps, un homme à deux pensées, l’une d’un immense romancier, l’autre d’un fou paranoïaque, déchaîné contre « le juif » dans l’instruction d’un procès métaphysique qui le dépassait ? Les écrivains ne sont pas comme les gens de morale, qui ont pour vocation de dire le Bien. Céline n’a jamais souhaité être quelqu’un d’autre que cet homme qui ne croyait à rien hormis à un certain pouvoir de la prose poétique. On cherche en vain, dans ses livres, de quoi subvenir à l’insatiable besoin de Bien et de Bon qui fait écrire tant d’imposteurs. Céline a pu errer sans jamais faire montre de la moindre culpabilité, on a le droit de s’en émouvoir à la lecture des fameux pamphlets semi-clandestins (on peut les lire sur Internet…), mais on ne peut pas dire que Céline a été un ­imposteur. Son œuvre est là pour témoigner de ce paradoxe spécialement explosif : un pouvoir de création unique, l’invention d’une langue propre à son temps, un aveuglement insensé sur cette même époque. Inutile de couper cela en tranches distinctes : il faut tout prendre ou rien.
    Le dossier que nous présentons ici aux lecteurs de la Revue ne cherche pas l’exhaustivité. La parution chez Gallimard d’une biographie par son éditeur hors pair, Henri Godard, réunit pour la première fois tous les éléments susceptibles d’apporter à l’œuvre célinienne tout l’éclairage nécessaire. Céline, il l’a dit, il l’a écrit, était un fervent lecteur de la Revue des Deux Mondes, notamment lors de son séjour comme prisonnier au Danemark, après la guerre, dans l’attente d’une possible extradition. Olivier Cariguel nous montre ici, pièces à l’appui, lettres inédites et autres éléments, quel lecteur Céline a été de la Revue. Dans le même numéro, on lira également parmi d’autres (Marc Weitzmann, André Derval), l’étude d’Eryck de Rubercy croisant sa lecture de l’écrivain allemand Gotfried Benn et celle d’Ernst Jünger avec celle de l’auteur du Voyage.
    Un document exceptionnel au centre de ce dossier : une conversation à trois, au lendemain de la mort de l’écrivain, entre Jean-Louis Bory, Maurice Clavel et Quentin Ritzen. Depuis sa première publication dans Arts (le 12 juillet 1961), celle-ci n’avait pas été remise à la disposition du public.
    À l’heure d’une vaine polémique sur une improbable « célébration » du cinquantenaire de sa mort, puissent ces travaux ­d’approche contribuer à la précieuse connaissance d’une œuvre capitale du XXe siècle.
    À lire également, dans ce même numéro, l’entretien de Donatien Grau avec l’architecte Claude Parent, l’un des plus grands, et le reportage de Sophie Anmuth en provenance du Caire. Où l’on voit que si les enthousiasmes des premiers jours ne sont plus de mise, reste qu’un processus de révolution politique continue d’être à l’œuvre. Le reportage de Sophie Anmuth nous aide à le mieux comprendre.
    Bonne lecture,
    Michel Crépu"

    Au sommaire du dossier :

    Olivier Cariguel - Céline envoûté par la Revue des Deux Mondes
    Frédéric Verger - Le fanfaron des génocides
    Jean-Louis Bory, Maurice Clavel,Quentin Ritzen et jacques Legris -     Entretien - Trois écrivains parlent de Céline, Rabelais de l’ère atomique
    Eryck de Rubercy -     Benn, Jünger et Céline
    Albrecht Betz -     Céline et le IIIe Reich
    André Derval -     Singulier ou pluriel ? Céline, du nombre…
    Marc Weitzmann -     Quelques questions sur un anniversaire
    Michel Crépu -     Céline, boîte noire du XXe siècle
    Olivier Cariguel -     Les livres du cinquantenaire

     

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  • D'un Céline l'autre...

    Les éditions Robert Laffont publient dans leur remarquable collection Bouquin un fort volume consacré à Louis-Ferdinand Céline. Intitulé D'un Céline l'autre, il rassemble deux cents témoignages sur l'auteur du Voyage au bout de la nuit, réunis par David Alliot et, pour nombre d'entre eux, inconnus ou inédits. "Chaque témoignage est minutieusement introduit à la compréhension du lecteur à travers un appareil critique très exhaustif : notice biographique du témoin, origine du texte, contexte dans lequel il a été écrit". Le volume est préfacé par l'avocat François Gibault, auteur d'une grande biographie de Céline paru en trois tome dans les années 80 au Mercure de France (T1 : 1894-1932 - Le temps des espérances, T2 : 1932-1944 - Délires et persécutions, T3 : 1944-1961 - Cavalier de l'Apocalypse).

     

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    "Cinquante ans après sa mort, aux lecteurs de juger sur pièces celui qui est, avec Marcel Proust, l'écrivain français le plus important du XXe siècle.

    Journaux intimes, Mémoires, correspondances… Ces témoignages sur Louis-Ferdinand Céline (1894-1961), issus des sources les plus diverses, sont pour un tiers totalement inédits. Ils composent, en filigrane, une biographie kaléidoscopique de l’écrivain depuis son enfance jusqu’à sa mort, en passant par la révélation, dans les années 1930, du génial Voyage au bout de la nuit, sans occulter la période de l’Occupation et de l’exil au Danemark. Intellectuels, artistes, résistants ou collabos, patients et maîtresses, tous ont leur opinion à son sujet.
    L’historien Jacques Benoist-Méchin est fasciné par la « force éruptive » qui se dégage de Céline. Gen Paul, le peintre de Montmartre, excédé par ses « vacheries », voit en lui un « monstre ». Elizabeth Craig, une de ses muses emblématiques, proteste, au contraire, de son « immense tendresse ». Le lieutenant allemand Gerhard Heller, qui le rencontre pendant l’Occupation, est subjugué par sa puissance visionnaire, qui capte « l’envers démoniaque » du monde. Et il n’est pas le seul.
    Mais son antisémitisme fanatique indigne aussi beaucoup de ses admirateurs. Ernst Jünger dénonce chez Céline « la monstrueuse puissance du nihilisme». L’écrivain et résistant Roger Vailland voudrait littéralement en finir avec lui. Mais comment abattre l’auteur de Voyage au bout de la nuit ? L’actrice Françoise Fabian, qui le rencontre à Meudon, sa dernière retraite, témoigne d’un homme vivant dans le plus grand dénuement, enfin « sans masque ».
    Cinquante ans après sa mort, la fascination à son égard reste intacte et les controverses qu’il continue de susciter font toujours de Céline un « impardonnable », selon la formule admirative de Dominique de Roux."

     

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  • Ernst Jünger : publication de ses carnets de la première guerre mondiale !

    Les éditions Klett-Cotta, qui éditent en Allemagne l'ensemble de l'oeuvre d'Ernst Jünger, viennent de publier sous le titre de Kriegstagebuch 1914-1918, les carnets qu'a tenu Jünger au jour le jour durant la première guerre mondiale et qui lui ont servi de support à la rédaction d'Orages d'acier, du Boqueteau 125 ou de Feu et sang.

    Les lecteurs français devront, bien entendu, patienter avant d'avoir accès à la traduction de ce document essentiel. 

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