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communisme - Page 10

  • Ainsi finissent les salauds ?...

    Les éditions Robert Laffont publient cette semaine Ainsi finissent les salauds - Séquestrations et exécutions clandestines dans Paris libéré, un essai de des historiens Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre. On doit déjà à ces deux auteurs un essai intitulé Liquider les traîtres (Robert Laffont, 2007), consacré à la police politique secrète du PCF pendant la deuxième guerre mondiale.

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    "A l'Institut dentaire du square de l'avenue de Choisy [...], on allait, durant un mois ou deux, jouer les émules de la Gestapo... ceux qui se réclamaient du bon droit... des meilleurs principes." (Alphonse Boudard, Les Combattants du petit bonheur, 1978).

    Entre le 20 août et le 22 septembre 1944, près de quarante corps sont repêchés dans la Seine, à Paris et ses alentours. Tous les corps portent au cou, attaché par une cordelette de soie, le même pavé de grès, pas assez lourd, semble-t-il, pour lester correctement les cadavres. Qui sont ces hommes et ces femmes ? Qui sont les tueurs ? Dans la tourmente de la Libération de Paris, toutes les hypothèses peuvent être formulées. Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre ont mené l'enquête, qui à l'époque, n'alla jamais à son terme. Ils ont retrouvé les identités des victimes et remonté le cours de leurs vies. Tous les chemins les ont conduits à l'Institut dentaire, sinistre centre clandestin de séquestration et d'exécution, ou plus de deux cents personnes furent incarcérées et torturées entre le 20 août et le 15 septembre 1944. Qui tenait ce centre ? La Milice ? La Gestapo ? Non, des "FTP" de la dernière heure qui profitèrent de ces troubles journées pour régler quelques comptes sanglants. Comme dans Liquider les traîtres, Berlière et Liaigre ont réussi à conjuguer avec talent la rigueur historique et le souffle romanesque.

     

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  • Le Bloc : un roman contre le FN, tout contre...

    « Finalement, tu es devenu fasciste à cause d'un sexe de fille. »

    « Tu te demandes vraiment, cette nuit, ce qui mérite le plus ton respect ou ton sacrifice. Une société où neuf couples sur dix, en sortant du cinéma, avant même de s'adresser la parole, rallument leur portable ou celle où une jeune fille voilée est capable de se faire exploser à un poste frontière au nom de son peuple et de sa foi. »

    « A l'époque quand on t'invitait, dans ces émissions, c'était pour que tu serves de punching-ball à la bonne conscience des antifascistes en peau de zob, des antiracistes avec bonniche tamoule non déclarée, et des post-soixante-huitards qui se gobergeaient aux commandes depuis trente ans, jouaient aux libertaires, se proclamaient du côté du progrès et n'avaient pas prononcé le mot “ouvrier” depuis qu'ils étaient descendus des barricades pour devenir patrons de presse ou députés européens. Et qui publiaient chaque année la même autofictionnette merdique, la même biographie sur un héros inattaquable de la Résistance derrière lequel ils cachaient leur nullité ou le même essai libéral-libertaire sur la mondialisation heureuse.»

    « Du sang. Soleil rouge. »

     

    Jérôme Leroy est un auteur inclassable, un auteur de gauche de droite, un hussard rouge, adepte d'un « communisme sexy et balnéaire », quelque peu guerrier aussi, qui écrit des polars d'anticipation particulièrement sombres et désenchantés, et dont l'oeuvre a toujours séduit les franges non-conformistes de la droite. L'auteur de ces lignes l'a découvert il y a plus d'une dizaine d'année au travers de son roman Monnaie bleue (Rocher, 1997), après la lecture d'une recension particulièrement élogieuse signée par Dominique Venner dans la revue Eléments (n°91, mars 1998). Qu'allait-il donc offrir à ses lecteurs en abordant un thème aussi délicat que celui du Front National ? Thierry di Rollo, honnête auteur de science-fiction, venait de se brûler les ailes sur le même sujet avec Préparer l'enfer (Gallimard, 2011), une daube outrageusement caricaturale et manichéenne... Alors le résultat, c'est Le Bloc, publié chez Gallimard, dans la Série noire, un polar politique percutant, construit autour de deux personnages archétypiques, Antoine et Stanko...

    Stanko, c'est le fils d'un peuple humilié, trahi et broyé par la mondialisation , qui par la violence et le sang, mais aussi par l'amitié et la fidélité, s'est forgé un présent de reître. « Sans vous, je serais en taule, avec des perdants de mon genre, ou à trainer comme une épave alcoolique, dans les villes du bassin minier, vieux skin au foie détruit, ou déjà mort ». Sacrifié, il va mourir en homme libre, une arme à la main, debout face au soleil.

    Antoine, lui, c'est l'intellectuel dégoûté par le monde tiède et aseptisé qui l'entoure, l'esthète au physique de rugbyman, dont la violence est comme un trop-plein d'énergie animale, et aussi le compagnon et l'amant éperdu d'Agnès Dorgelles, la nouvelle chef du Bloc, le parti de la droite populiste, en pleine ascension.

    Jérôme Leroy atteint une compréhension remarquable du milieu qu'il dépeint grâce à l'empathie dont il fait preuve, et qui place son roman à côté du Fasciste (Payot, 1988 ) de Thierry Marignac. Dans sa galerie de personnage, on trouve des tordus et des salauds, bien sûr, mais aussi des aventuriers déjantés, des convaincus et des combattants. Et Antoine, notamment, peut aisément trouver sa place dans la lignée des héros de Jérôme Leroy, de Laurent Sandre,dans Monnaie bleue, à Kléber, dans La minute prescrite pour l'assaut. Antoine, d'ailleurs, que le narrateur tutoie tout au long du livre pourrait presque passer pour un double de l'auteur, pour le personnage que sa jeunesse rouennaise aurait pu l'amener à devenir... Au fait, et si Jérôme Leroy était devenu communiste pour un sexe de fille ?...

    FD

     

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    "Sur fond d’émeutes de plus en plus incontrôlables dans les banlieues, le Bloc Patriotique, un parti d’extrême droite, s’apprête à entrer au gouvernement. La nuit où tout se négocie, deux hommes, Antoine et Stanko, se souviennent. Antoine est le mari d’Agnès Dorgelles, la présidente du Bloc. Stanko est le chef du service d’ordre du parti. Le premier attend dans le salon d’un appartement luxueux, le second dans la chambre d’un hôtel minable. Pendant un quart de siècle, ils ont été comme des frères. Pendant un quart de siècle, ils ont participé à toutes les manips qui ont amené le Bloc Patriotique aux portes du pouvoir. Pendant un quart de siècle, ils n’ont reculé devant rien. Ensemble, ils ont connu la violence, traversé des tragédies, vécu dans le secret et la haine. Le pire, c’est qu’ils ont aimé cela et qu’ils ne regrettent rien. Ils sont maudits et ils le savent. Au matin, l’un des deux devra mourir, au nom de l’intérêt supérieur du Bloc. Mais qu’importe : à leur manière, ils auront écrit l’Histoire. Plus qu’un simple roman noir, Le Bloc est un roman politique qui cherche à répondre à une question de plus en plus cruciale : comment expliquer et surtout comprendre l’affirmation de l’extrême droite dans les 30 dernières années ? En plongeant le lecteur dans la tête des deux protagonistes centraux, dans une posture empathique et compréhensive à mille lieux de la critique antifasciste traditionnelle, Jérôme Leroy prend des risques. La critique, bien présente, est ici en creux, elle se dessine dans l’esprit même du lecteur sans que l’auteur ait besoin de la formuler. En décrivant le parcours de ces deux hommes, il peint un tableau général de la déliquescence politique française contemporaine : disparition progressive du PC, abandon de la classe ouvrière par une gauche socialiste « boboisé » qui se réfère plus à l’idéologie libéralo-libertaire de Mai 68 qu’à la lutte des classes, droite de plus en plus arrogante, tournée vers le business et les profits transnationaux. Leroy décrit une société française à l’agonie, une poudrière qui éclate soudainement lors d’émeutes dont tout le monde parlait mais que personne en réalité n’a vu venir. Son constat fait mouche et oblige son lecteur à reconsidérer l’espace politique qui l’entoure."

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  • Le Grand Remplacement...

    Les éditions David Reinharc viennent de publier un essai de Renaud Camus, intitulé Le Grand Remplacement, dans lequel il dénonce l'immigration comme une véritable colonisation de peuplement. Il poursuit dans ce livre certaines des analyses qu'il a précédemment développé dans Le communisme du XXIème siècle (Xénia, 2007) ou dans La Grande Déculturation (Fayard, 2008).

     

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    "« Pouvez-vous développer le concept de Grand Remplacement ?

    Oh, c'est très simple : vous avez un peuple et presque d'un seul coup, en une génération, vous avez à sa place un ou plusieurs autres peuples. C'est la mise en application dans la réalité de ce qui chez Brecht paraissait une boutade, changer de peuple. Le Grand Remplacement, le changement de peuple, que rend seul possible la Grande Déculturation, est le phénomène le plus considérable de l'histoire de France depuis des siècles, et probablement depuis toujours. » Renaud Camus, entretien pour Le Nouvel Observateur.

    Ce livre réunit, outre le bref entretien cité ci-dessus, trois allocutions prononcées par Renaud Camus la première, Le Grand Remplacement , à Lunel le 26 novembre 2011 ; la deuxième, La Nocence, instrument du Grand Remplacement , à Paris le 18 décembre suivant, lors des Assises sur l'islamisation ; la troisième à l'Assemblé nationale, salle Lamartine, le 6 janvier 2011, à l'occasion des États généraux de l'Indépendance : Que peut être une pensée libre aujourd'hui ? ."

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  • L'holywoodisation de la politique...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par François-Bernard Huyghe au site Info Syrie dans lequel il analyse les méthodes de désinformation utilisées par l'Occident.

     

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    "On assiste à une hollywoodisation de l'information..."

    -La désinformation a longtemps été considérée, chez nous, comme une réalité essentiellement soviétique. Quand commence-t-on à prendre conscience d’une désinformation « à l’occidentale » ?

    -F.-B. Huygue : La désinformation soviétique était une désinformation de services secrets et s’exerçait via des supports classiques comme la presse écrite, ou les documents écrits – qu’on se souvienne par exemple des faux carnets secrets d’Hitler ; la désinformation occidentale a, bien sûr, toujours existé. On a en simplement réalisé toute l’ampleur avec la première guerre du Golfe où il y avait, via CNN, un monopole américain de la représentation du conflit : en bref, si les Irakiens voulaient se voir mourir, il fallait qu’ils regardent CNN. Les autorités américaines tenaient là leur revanche de la guerre du Viet Nam, où ils avaient, en quelque sorte, été trahis par leur propre presse, qui relayait à l’envi toutes les atrocités et bavures commises par l’armée américaine, et qui se livrait, dans les faits, à une véritable campagne de démoralisation de cette armée. Rien de tel en Irak où la presse a collaboré avec l’institution militaire, qui délivrait les accréditations aux journalistes « embeded » – intégrés aux unités militaires et littéralement commandés par les « communication officers« . On s’est vite rendu compte que l’énorme couverture médiatique de cette guerre n’a absolument pas empêché la floraison – et la diffusion mondiale – des bobards de guerre, comme le plus gros canon (irakien) du monde, la marée noire provoquée par Saddam, les bébés koweiti sous couveuse débranchés par les soldats irakiens, sans parle du statut flatteur de « quatrième armée du monde » décerné à l’unanimité de la presse occidentale aux troupes de Saddam Hussein. Au même moment – 1990-91 -, le bloc de l’Est s’effondre, ce qui donne à l’Ouest, et singulièrement aux Américains, le monopole de la désinformation d’échelle universelle.

    Bien sûr, toutes ces manip’s ont été assez vite décelées, dénoncées, analysées ; j’ai moi-même participé à nombre de colloques où l’on s’est penché sur cette désinformation made in USA. Ce qui n’a pas empêché l’intox de se poursuivre, notamment lors de la deuxième guerre du Golfe en 2003 avec les fameuses et imaginaires « armes de destruction massive  » de Saddam. De toute façon, la désinformation, ça ne marche qu’a une seule et unique condition : si elle répond aux attentes du récepteur ; bref, la désinformation ne peut se faire qu’avec le consentement de l’opinion, qui n’a ni le temps ni l’envie de remettre en cause ses préjugés sur telle ou telle question. Et plus le public aura été préparé psychologiquement par les médias, plus il réagira comme le souhaitent les manipulateurs : on est donc là en présence d’un cercle assez vicieux.

    La désinformation est, aujourd’hui et maintenant, essentiellement liée à ce que mon maître Régis Debray désigne comme « vidéosphére » : tout passe par l’oeil de la caméra qui a de plus en plus tendance à « scénariser » l’information, avec ce qu’il faut de drames, de « gentils » évidents et de « méchants » indéfendables. On assiste depuis vingt ans, sous l’influence des moyens et de l’idéologie des Américains, à une hollywoodisation de l’actualité, où l’Amérique et ses alliés sont, bien sûr, les bons et des gens comme Saddam Hussein, Milosevic, Ahmadinejad, Kadhafi – Poutine dans une certaine mesure – et, plus récemment, Bachar al-Assad sont les méchants de ce film.

    Ce phénomène est porté encore par deux grands événements : d’abord la démocratisation de l’information par internet pour faire circuler, ou même fabriquer, de l’information, ou de la désinformation. Tout le monde peut se connecter à tout le monde en un  temps record. Ca peut donner les mots d’ordre et convocations à des manifs politiques lancés par de jeunes Tunisiens et Egyptiens sur Facebook et Twitter. Evidemment, l’impact du message d’un individu va être néanmoins fonction des moteurs de recherche, ou des communautés disposées à relayer ce message.

    Ensuite il y a ce phénomène contemporain que j’appellerai le scepticisme de masse : s’il se passe par exemple un événement comme le 11 septembre, il peut se trouver beaucoup de gens pour nier sa réalité, parler de complot et de trucage. Cette négation, cette méfiance sont nourris par la désidéologisation, la fin des grands récits idéologiques (communisme, libéralisme triomphant), le discrédit des discours officiels. L’atomisation des sources de l’information – on n’est plus à l’époque où le 20 heures de Poivre d’Arvor était une grand-messe fédératrice de l’information – facilite les discours et interprétations dissidents : l’internaute est seul devant son écran, séparé du monde par lui et il peut, plus facilement, se fabriquer son propre univers, sa propre info.

    On aurait pu croire que cette méfiance, cette prise de distance d’avec les vérités médiatiques assénées aurait un effet positif, dans le sens d’un meilleur esprit critique du citoyen, qui n’accepterait plus les bobards d’antan. Eh bien pas du tout ! Les bobards existent plus que jamais, et si d’aventure ils sont découverts, il est trop tard, comme en Irak. Et surtout, il existe une désinformation par le scepticisme : on nie les évidences, au profit de thèses conspirationnistes ou carrément fantaisistes, impliquant jusqu’aux extra-terrestres.

    Et puis il y a internet, arme à double tranchant ; d’un côté on a, notamment aux Etats-Unis, des enquêteurs du web très consciencieux et sérieux : ce sont par exemple des internautes américains qui ont démonté la supercherie de la liesse populaire au moment du renversement de la statue de Saddam à Bagdad, en montrant les camions qui avaient acheminé la poignée de manifestants encadrés par les G.I.’s. Mais d’un autre côté, ce scepticisme de masse peut être exploité par une foultitude de complotistes et de détraqués pour qui, comme dans la série des X-Files, « la réalité est (forcément) ailleurs« .

    Et puis, bien sûr, des puissances politiques ont intérêt à la désinformation. En cette ère de l’image, il est devenu essentiel de décrédibiliser les images fournies par le camp opposé. L’exemple qui me vient à l’esprit est celui de cet enfant palestinien tué dans les bras de son père par des balles israéliennes au cours de la seconde intifada ; cette image terrible est devenue une icône pour la cause palestinienne ; à tel point que des spécialistes des services israéliens se sont acharnés à la décrédibiliser en faisant une sorte de révisionnisme, en affirmant que les images de la mort de l’enfant ont été truquées en arguant de l’angle de tir, de la nationalité palestinienne du cameraman ayant filmé la scène, en parlant d’ombre impossible, etc.

    La vérité devient d’autant plus difficile à cerner et à imposer que, dans un monde divisé et compliqué, il peut y avoir de vrais complots, de même qu’un paranoïaque peut faire l’objet d’une vraie persécution ! Et puis, circonstance aggravante de la confusion, on peut mentir pour une cause vraie ou justifiée : il y a certainement eu des bilans exagérés de morts du côté palestinien, il n’empêche que Tsahal tue des civils palestiniens et que la cause palestinienne est éminemment défendable.

    -Voilà qui nous amène à la Syrie, avec cette histoire de lesbienne damascène persécutée par le pouvoir qui se révèle être un Américain barbu de 40 ans installé en Ecosse..

    -FBH : Exactement, ce type en substance a expliqué qu’il avait menti, mais pour témoigner d’une réalité vraie ! On pourrait bien sûr parler de la fausse démission de l’ambassadeur de Syrie dont on a (mal) imité la voix. Et les fameux réseaux sociaux sont souvent des amplificateurs de trucages ou de fausses nouvelles. On ne peut pas dire que la corporation des blogueurs sorte renforcée de cette histoire. En ce qui concerne les journalistes professionnels qui répercutent ces montages, il faut dire à leur décharge relative qu’ils travaillent souvent dans des conditions d’urgence, avec des moyens limités, qui ne leur permettent pas de vérifier dans les délais voulus l’authenticité d’une nouvelle.

    -Mais, tout de même, il y a des ressorts idéologiques ou géopolitiques à la désinformation, en Syrie comme ailleurs…

    -FBH : Bien sûr ! L’idéologie, c’est quand les réponses précèdent les questions, comme disait Althusser. L’idéologie, c’est une interprétation de la réalité, qui nous structure, et la vie serait probablement invivable sans idéologie. En Occident, la majorité des gens fonctionnent avec ce que j’ai pu appeler la « soft-idéologie », minimaliste car réduite aux droits de l’homme et à une liberté abstraite, et basée sur le principe qu’il n’existe pas d’alternative au système et à ses valeurs. Du coup, en Syrie, comme en Tunisie ou en Egypte, le consommateur d’infos occidental va spontanément se ranger du côté des manifestants luttant pour la « liberté », surtout si ces manifestants par leur côté jeune et branché ou au moins « démocrate » ont un air de parenté avec les Occidentaux, et que les régimes auxquels ils s’opposent paraissent dictatoriaux, archaïques ou au moins psychorigides. L’identification est d’autant plus facile chez l’internaute français ou anglais qu’il lui suffit d’un clic pour s’associer, sans trop de risque, au mouvement. Et puis on ne sait pas – et on ne réfléchit pas – au type de régime que pourraient mettre en place ces manifestants : il se peut, en Egypte comme en Tunisie – comme en Syrie aussi – que les insurgés portent finalement au pouvoir des islamistes du type Frères musulmans, pas vraiment « cools » d’un point de vue jeuniste occidental !

    Mais si on objecte ça l’opinion dominante a tôt fait de vous faire passer pour un salaud soutien des dictateurs, ou désinformateur au service du Baas (par exemple), risque que je prends moi-même en ce moment en vous disant ceci sur votre site (rires). Mais encore une fois, on est confronté à un phénomène d’hollywoodisation de l’info, les blogueurs, mais aussi les médias »sérieux », étant de plus en plus dans le storytelling, la belle histoire avec une fin édifiante qui verrait la victoire des « gentils » sur les « méchants ». Et tant pis pour le manichéisme, le refus de la complexité du monde.

    -Il y a aussi certainement chez les journalistes un tropisme du changement, une forme de « bougisme » appliqué à l’actualité internationale…

    -FBH : Sans aucun doute. Mon ami le chercheur en médiologie Daniel Bougnoux a résumé le problème des médias par cette formule trinitaire : « l’argent-l’urgent-les gens ». L’argent, c’est l’exigence de la rentabilité et d’un bon taux d’audience ; l’urgent, c’est la disponibilité réduite, brève, de l’attention du public, et la brièveté croissante du délai d’enquête ou de vérification dont dispose le journaliste, dans un monde de concurrence exacerbée et accélérée ; les gens, c’est les journalistes, milieu réduit et fort différent, dans son mode de vie et ses opinions, du reste de la population : il y a une déformation globale et importante de la vision du monde et de la société qu’a la caste médiatique par rapport à celle de la population « moyenne ».

    -Pour en revenir à la Syrie, percevez-vous dans le traitement médiatique de l’actualité de ce pays des zones d’ombre, de la désinformation d’obédience ou d’origine américaine ? La version « standard » de manifestants à mains nues affrontant un pouvoir surarmé et brutal est-elle crédible ?

    -FBH : Moi, je ne doute pas que le régime baasiste soit capable d’ordonner à sa police de tirer. Cela dit, il est évident que des questions se posent, et des remarques s’imposent. D’abord, c’est une révolte contre des chiites, ce qui fait bien l’affaire de certains pays, musulmans mais pas chiites, surtout quand des tentatives de déstabilisation de l’Iran ont fait long feu. Tout ça ne prouve pas que Damas soit victime d’un complot saoudien ou américain, mais il est permis de se poser des questions. Et puis il y a ce problème récurrent, en Occident, du « deux poids, deux mesures » : on s’indigne de la répression en Syrie, et on passe sous silence celle pratiquée au Bahrein par l’armée saoudienne qui a étouffé le mouvement populaire menaçant la dynastie alliée à Ryad (et à Washington).

    -Que pensez-vous des affirmations du gouvernement syrien faisant état de la mort de militaires et policiers tués par des insurgés armés ? On a vu des cadavres en uniforme, à Jisr al-Choughour, dans le nord du pays…

    -FBH : Il m’est difficile d’être affirmatif, chacun fait sa propagande. Maintenant il n’est pas du tout impossible que les troupes de Damas se soient heurtés à des insurgés armés islamistes. Et si groupes armés il y a, ils sont forcément soutenus par des puissances étrangères : mon père a été résistant, il recevait ses armes des Anglais ! Mais pour les médias occidentaux, il vaudra mieux – toujours dans le cadre du storytelling édifiant et politiquement correct – tourner l’objectif vers des civils jeunes et désarmés, plutôt que sur des barbus en armes. Dans le cas des soldats apparemment tués à Jisr al-Choughour, on se retrouve dans le cas de figure suivant : la méta-propagande occidentale dit que les images syriennes sont de la propagande ! Ca me rappelle tout à fait cet épisode de la guerre de l’OTAN contre la Serbie quand Milosevic a reçu Ibrahim Rugova, figure de proue des Albanais du Kosovo, et dont les médias occidentaux avaient fait une sorte de Gandhi balkanique. Quand la télévision serbe a diffusé les images de cet entretien, pourtant bien réel, entre le « Gandhi » albanais et l’ »Hitler » serbe, l’OTAN a décrété qu’il s’agissait d’un montage, Rugova étant certainement au fond d’une geôle serbe : toujours ce besoin de décrédibiliser les images de l’adversaire.

    Il est vrai qu’il est de plus en plus difficile au citoyen-téléspectateur moyen de s’y retrouver, la confusion et les contradictions, sinon l’imposture, sont partout : regardez Barak Obama, que nos médias ont « vendu » comme un mix de John Kennedy et Martin Luther King, on lui a décerné le prix Nobel de la Paix, moyennant quoi il envoie 50 000 G.I.’s en Afghanistan, avant ensuite d’annoncer un début de retrait américain dès cet été. A propos de l’Afghanistan, tout le monde sait, à commencer par les militaires, que c’est une guerre perdue. Mais les Etats occidentaux continuent officiellement d’entretenir la fiction d’une mission démocratique difficile, certes, mais qui doit être poursuivie. Ca aussi c’est de la désinformation, ou de la fuite en avant.

    -Depuis le temps que vous travaillez sur les médias et les manipulations qu’ils peuvent relayer, n’êtes-vous pas découragé ? La vérité, ou la dénonciation du mensonge, enseignent-elles vraiment ? Il y a eu l’Irak (deux fois), la Serbie, l’Iran, la Côte d’Ivoire et, aujourd’hui, la Libye et la Syrie, pays qui ont en commun d’être ou d’avoir été en butte à l’hostilité occidentale et d’avoir suscité un discours officiel et unanimiste dans les médias, dont beaucoup des termes se sont avérés faux. Bref, la désinformation continue, en dépit des travaux et colloques, en dépit de la contre-information parfois disponible sur internet…

    -FBH : Oui, la désinformation continue, parce que c’est une arme politique et géopolitique. En ce qui concerne les médias, on doit incriminer, comme je l’ai déjà dit, les exigences d’un métier confronté de plus en plus à la concurrence et à la rapidité ; on doit aussi pointer la paresse et le conformisme idéologique de nombre de journalistes. Au fond qui fabrique l’info, en matière de politique étrangère ? Il y a les conseillers de la Maison Blanche, les « spin doctors » qui donnent souvent le la aux chancelleries – et aux médias – occidentaux. Et parfois ces spin doctors n’agissent pas, ou pas seulement, pour la grandeur et la sécurité de l’empire américain : entre autres, le conseiller aux affaires étrangères du candidat républicain John MacCain était payé par les Georgiens, des alliés stratégiques de Washington dans le Caucase. Et Dick Cheney, l’éminence grise néoconservatrice de George Bush Jr, un des grands artisans de la guerre d’Irak, avait des intérêts dans les entreprises travaillant à la reconstruction du pays, après la chute de Saddam Hussein…

    Reste que, en dépit de tous les moyens employés à faire passer le message officiel dans les opinions, les promoteurs de la propagande disons « occidentale » sont soumis aux aléas de la démocratie d’opinion sur laquelle ils s’appuient : en clair, les « croisés de la Vertu », en Libye, en Afghanistan ou ailleurs, ont des obligations de résultats rapides. Car l’opinion occidentale se lasse vite, et pratique, comme les journalistes d’ailleurs, le « zapping » géopolitique. Si Kadhafi tient encore deux ou trois mois, par exemple, que pourra faire la coalition ? Pour en revenir au dossier syrien, on est bien obligé de constater une absolue concordance entre les buts géostratégiques américains et les mots d’ordre, campagne de presse et discours qu’on nous assène, de laCôte d’Ivoire à la Syrie en passant par l’Iran, le Soudan ou la bande de Gaza.

    -Une dernière question : quel pourrait être le prochain pays à susciter une désinformation ?

    -FBH : L’Iran me paraît demeurer un bon « client » pour ça.

    -François-Bernard Huyghe, nous vous remercions.

     

    Propos recueillis par Info Syrie (23 juin 2011)

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  • L'alliance Staline Hitler...

    Editeur, diplômé de l'institut d'etudes politiques de paris et auteur de plusieurs essais non-coformistes, Jean-Gilles Malliarakis vient de publier aux éditions du Trident une étude historique consacrée au pacte germano-soviétique et intitulée L'alliance Staline Hitler. L'ouvrage est complété par plus de 95 documents diplomatiques, en particulier allemands et soviétiques pour éclairer cet accord dont les détails sont souvent pudiquement laissés dans l'ombre par l'Histoire officielle...

     

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    "Le 23 août 1939 fut signé à Moscou un prétendu pacte de non-agression. Il était signé par Joachim von Ribbentrop, qui sera pendu à Nuremberg en 1946 et le commissaire du peuple Viatcheslav Mikhaïlovitch Molotov. Celui-ci dirigera encore la diplomatie de son pays après la guerre et mourra dans son lit en 1986. Il se nouait alors une véritable alliance officielle entre Hitler et Staline. Le premier était resté à Berlin, alors que le second se congratulait avec le ministre des affaires étrangères du Reich. Elle ne fut aucunement rompue par Moscou mais par l'Allemagne. Staline le soulignera encore dans son discours du 3 juillet 1941. Le "génial" dictateur communiste figure hilare sur la photo de famille prise à Moscou pendant que son ministre paraphe le traité. Pendant la nuit était convenu un protocole (alors) secret, précisant le partage non seulement de la Pologne mais de toute l'Europe à l'est de la Vistule. Ce document sera complété et aggravé par l'entrée en guerre effective de la l'URSS contre sa malheureuse voisine le 17 septembre, la jonction historique de la Wehrmacht et de l'Armée rouge, "scellant dans le sang", l'expression est de Staline lui-même, la complicité des deux agresseurs.

    C’est bien Staline qui prit la décision et l’initiative d’approcher ce dangereux allié.
    Les 95 documents de la Wilhelmstrasse publiés dans ce livre se trouvent parfaitement éclairés par le rapport Staline au XVIIIe congrès du parti bolchevik. Ce discours de mars 1939, précède, théorise et explique la suite des événements : les intrigues d’avril, mai et juin et les accords négociés pendant l’été, il nous a paru naturel d’inviter le lecteur à les revisiter.

    La trame en devient parfaitement claire.

    Elle accable à la fois Staline et l’aveuglement des dirigeants français."

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  • Naissances du totalitarisme...

    Les éditions du Cerf, dans leur collection Politique, viennent de publier un ouvrage collectif consacré au totalitarisme, intitulé Naissance du totalitarisme, sous la direction de Philippe de Lara, maître de conférence à Paris II en philosophie et sciences politiques, avec des contributions, notamment, de Bernard Bruneteau, auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, et Emilo Gentile, spécialiste italien du fascisme.

     

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    "La question totalitaire n'est pas close. Les révolutions communiste, fasciste et nazie forment un phénomène unitaire. Le fait est désormais à peu près accepté, mais il reste encore à le dompter dans la pensée. Philosophes et historiens se livrent ici ensemble à ce travail.

    Le totalitarisme ne se limite pas aux systèmes stalinien et nazi dans leur maturité. Dès les premiers pas du bolchevisme et du fascisme apparaît une combinaison inédite de violence politique et de foi révolutionnaire. Des observateurs lucides en eurent l'intuition dès les années trente (Bernard Bruneteau). Emilio Gentile montre le totalitarisme originaire du fascisme, dès la naissance du « parti milice » de Mussolini en 1919. Ce mélange de terreur et de ferveur défie les notions habituelles d'idéologie et de tyrannie. L'idéologie est-elle le cœur des régimes totalitaires ? La question divise toujours les historiens. Révolution du nihilisme, religion politique, contre-religion : Thierry Gontier, Philippe Raynaud et Paul Thibaud discutent ces interprétations.

    Pourquoi la Russie, pourquoi l'Italie, pourquoi l'Allemagne ? L'anthropologie renouvelle la question des origines : le totalitarisme est une réaction extrême à la modernisation, dans des pays où elle a été tardive et brutale (Philippe de Lara). À la fois réactions passéistes et surenchères futuristes, les totalitarismes sont partie intégrante de la modernité."

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