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alain de benoist - Page 122

  • Les mensonges de l'Histoire...

     

    mensonges,histoire

     

    Le numéro de mars 2011 de la revue Le spectacle du monde est en kiosque. 

    Le dossier est consacré aux mensonges de l'Histoire. On pourra y lire , notamment, une introduction de Jean Sévillia ("De l'histoire à la police du passé"),  un entretien de François Bousquet avec Marc Ferro, des article d'Alain de Benoist ("Néron, l'incendiaire de Rome ?"), de Dominique Venner ("la féodalité, une oppression ?") mais aussi de Philippe Conrad, d'Eric Branca, de Christian Brosio et de Fabrice Moracchini.

    Hors dossier, on pourra lire des articles sur Jean Raspail, Jacques Vergès ou Renaud Camus ainsi qu'une analyse de la situation en Egypte par Pascal Meynadier et on retrouvera les chroniques habituelles de Patrice de Plunkett et d'Eric Zemmour.

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  • Marine Le Pen : la droite ou le peuple ?...

    Nous reproduisons ci-dessous l'entretien donné à Flash Magazine (n°58) par Alain de Benoist à l'occasion de l'arrivée de Marine Le Pen à la présidence du Front National...

     

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    Questions à Alain de Benoist à propos de l'arrivée de Marine Le Pen à la tête du Front National
     
    Comment avez-vous jugé la campagne des deux prétendants à la succession ?

    Elle était complètement inutile. A la question de savoir qui avait la carrure nécessaire pour diriger un parti politique, en l’occurrence le Front national, la réponse s’imposait d’elle-même. On me dit que Bruno Gollnisch est un gentil garçon qui a de grandes qualités humaines, ce dont je ne doute pas. S’il avait les qualités d’un chef, cela se saurait depuis longtemps. Marine Le Pen possède apparemment cette carrure – ce qui ne garantit d’ailleurs pas qu’elle en usera à bon escient. Gollnisch m’a surtout paru désireux de témoigner, tandis que Marine a posé d’emblée qu’elle a l’intention de faire du FN un outil pour s’emparer du pouvoir. Quand on veut simplement témoigner, réunir des « anciens » ou se borner à n’être qu’un mouvement protestataire, il vaut mieux s’abstenir de faire de la politique.

    Mais ce qui m’a le plus frappé dans cette « campagne », c’est l’abjection de certaines critiques dirigées contre Marine Le Pen dans la presse d’extrême droite. Brutales ou hypocritement voilées, elles révélaient la bassesse d’esprit de leurs auteurs, maniaques obsessionnels, grenouilles de bénitiers ou paléo-nostalgiques de toutes les guerres perdues. Elles confirmaient aussi qu’à droite, les débats d’idées se ramènent généralement à des querelles de personnes, ou bien alors à des considérations « métaphysiques » détachées de tout contexte socio-historique.

    Le discours de Bruno Gollnisch était plutôt tourné vers le passé, et celui de Marine Le Pen vers l’avenir. La nouvelle présidente du Front national a principalement axé le sien sur l’Etat, la nation, la laïcité et le social. Peut-on parler de révolution culturelle ?

    Je vois dans le discours de Marine Le Pen au moins trois inflexions nouvelles : sa critique accentuée du libéralisme économique et du pouvoir de l’argent, sa critique très jacobine du « communautarisme », et enfin une critique de l’« islamisation » qui me paraît se substituer de plus en plus à la critique de l’immigration. J’approuve la première, je désapprouve les deux autres. Il est possible de dénoncer les pathologies sociales issues de l’immigration sans s’en prendre aux immigrés qui, à certains égards, en sont aussi les victimes. Il est en revanche impossible de critiquer l’« islamisation » sans stigmatiser les musulmans. C’est en outre ouvrir la porte aux alliances contre-nature que l’on voit se multiplier actuellement, avec comme conséquence que la droite et l’extrême droite islamophobes sont en train devenir en Europe une pièce du dispositif israélien.

    Carl Schmitt disait dès les années 1930 que « l’ère de l’Etat est sur son déclin ». Tout ce qui se passe aujourd’hui dans le monde en est la confirmation. Dans ces conditions, l’appel à l’« Etat fort » me semble relever de l’incantation. Croire que l’on fera disparaître par décret des communautés dont l’existence crève les yeux ne me paraît pas plus raisonnable. Je crois pour ma part que la société doit se construire à partir du bas, selon le principe de subsidiarité, et qu’une communauté nationale ne se construit pas sur la ruine des communautés particulières. Quant à la laïcité, je la conçois comme le moyen de reconnaître toutes les croyances, y compris dans leur dimension publique, pas comme un prétexte pour les faire disparaître de la vue en les rabattant sur le for privé.

    L’orientation très sociale développée par Marine Le Pen fait du Front national un cas à part par rapport à la plupart des mouvements populistes européens, qui sont à la fois anti-immigration et très favorables au libéralisme économique. Qu’en pensez-vous ?

    J’en pense du bien. Mais dans ce domaine, le FN revient de loin. Rappelez-vous l’époque où Jean-Marie Le Pen se présentait comme le « Reagan français » ! Même en 2007, le programme du Front était encore bien libéral. A date récente, d’ailleurs, le FN a brillé par son absence dans toutes les luttes sociales, qu’il s’agisse de la lutte des « Contis » ou des manifestations contre le nouveau régime des retraites. C’est dire que, pour entamer un nouveau cours – et subsidiairement démontrer aux électeurs de gauche qu’il a plus de vrai socialisme au Front national qu’au PS ou au PC – il reste beaucoup à faire. En la matière, il ne suffit pas de défendre les « petits » contre les « gros » ou de dénoncer de façon démagogique le « capitalisme mondialisé ». Il faut encore démonter la logique du profit et les mécanismes d’accumulation du capital, contester les valeurs marchandes et la conception commerciale de la vie, s’opposer à l’utilitarisme et à l’axiomatique de l’intérêt, et surtout démasquer les rapports de classes tels qu’ils existent dans notre pays. Frontistes, encore un effort !

    Quelle sera selon vous la tactique du FN dans les années et les mois à venir ?

    Ce n’est évidemment pas à moi (qui n’ai jamais de ma vie voté pour le Front national) de le dire. En tant qu’observateur extérieur, j’estime en revanche que, dans la mesure où le FN entend changer véritablement, il va devoir choisir entre deux voies possibles. Soit être un parti de droite « respectable », appelé à terme à passer des accords politiques, voire des accords de gouvernement, avec la famille politique correspondant aujourd’hui à l’UMP ; soit se poser véritablement comme le parti du peuple, en devenant le porte-parole des classes populaires, qui font aujourd’hui les frais de la crise, et des classes moyennes menacées de déclassement et de paupérisation. Ce choix détermine des stratégies totalement différentes, mais implique aussi à bien des égards des orientations opposées. Dans l’un et l’autre cas, d’ailleurs, je pense que le FN aurait tout intérêt à changer de nom.

    Pour l’instant, on a peu entendu Marine Le Pen sur la politique étrangère. Néanmoins, des jalons ont été posés : son entretien au quotidien israélien Haaretz et sa volonté, si elle parvenait à l’Elysée, de resserrer les liens avec la Russie (pour renforcer la politique de la France) et l’Afrique noire (pour lutter à la racine contre l’immigration). Un bon début ?

    Disons un début. Ses déclarations sur la Tunisie ont été plutôt décevantes. Toute la question est de savoir si Marine Le Pen se situe dans l’optique du « choc des civilisations » ou si elle entend contester frontalement un Nouvel Ordre mondial qui utilise (et encourage) l’éventualité de ce « choc » pour renforcer la puissance dominante des Etats-Unis et de ses alliés. Le vrai clivage est là.
     
    Alain de Benoist (Flash Magazine, jeudi 27 janvier 2011)
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  • Alain de Benoist et la question de l'immigration...

    Vous pouvez visionner ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Alexandre Douguine, portant sur la question de l'immigration. Enregistré en 2005, au moment des émeutes de l'automne en banlieue, ce document n'en conserve pas moins tout son intérêt.

     

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  • Liberté, égalité, identité !...

    Nous reproduisons ci-dessous un éditorial de Robert de Herte (alias Alain de Benoist) paru dans la revue Eléments (été 2004) et consacré à la question de l'identité...

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    Liberté, égalité, identité

     

    Que faut-il savoir d’un individu pour établir son identité ? Ce qui le caractérise en propre ou à quelles catégories il appartient ? Et que faut-il savoir de soi pour répondre à la question : « Qui suis-je ? » Mais d’ailleurs, s’agit-il vraiment d’un savoir ? De quelque chose qu’il faudrait découvrir, soit en soi-même, soit en portant le regard au-delà de soi, ou de quelque chose qui se construit tous les jours ? Etudier la notion d’identité, c’est affronter une série de paradoxes.

     

    Un premier paradoxe est que l’identité désigne à la fois ce qui nous distingue des autres et ce qui nous rend semblable à eux ou à certains d’entre eux. L’identité renvoie aussi bien au spécifique qu’à l’identique, au semblable qu’au dissemblable, à la différence qu’à la ressemblance. D’un côté, elle répond à une logique de définition du sujet (« qui suis-je ? »), de l’autre à une logique d’appartenance (« sur quoi se fonde ma sociabilité ? »). Dans le premier cas, elle dit en quoi je diffère de tout autre que moi. Dans le second, elle fonde le lien social qui m’unit à tous ceux qui partagent les mêmes valeurs symboliques, les mêmes pratiques sociales, les mêmes formes de langage. Le concept d’identité s’articule de façon dialectique à l’interface de l’appartenance et de la singularité.

     

    Le « grand malaise » de la modernité tient à l’effacement ou à la relégation des différences, donc des identités. Mais en même temps, la question de l’identité ne se pose qu’à partir du moment où l’individu peut se poser lui-même comme source suffisante de détermination de soi. Cela signifie que le questionnement identitaire surgit à la fois de l’effacement des différences et de l’épanouissement de l’idéal d’expression de soi. La demandé d’identité est une demande « antimoderne », dans la mesure où la modernité n’a cesse d’étendre l’indistinction, mais cette demande s’exprime dans les catégories – irréversibles – de la modernité : le souci de soi. C’est un second paradoxe.

     

    L’identité n’est pas seulement un concept psychologique, à l’aide duquel on essaie de saisir l’aspect fondateur de la conscience de soi. C’est également un terme politique et social. Déjà, après 1945, la décolonisation avait eu comme moteur essentiel le déni de reconnaissance de la personnalité propre des colonisés, et par suite leur volonté d’affirmer une identité collective menacée, non pas seulement par un pouvoir politico-économique dominant, mais par une hétéroculture imposée. Contre la négation ou l’oubli d’un passé propre, elle est alors allée de pair avec la réappropriation d’une mémoire. Aujourd’hui, la globalisation stimule les prises de conscience identitaires dans la mesure même où elle tend à éradiquer les identités. La vogue de l’écologie témoigne elle-même d’une quête d’« authenticité » qui n’est pas sans rapport avec l’identité. La revendication d’identité apparaît ainsi comme le troisième volet d’un tryptique historique : on a d’abord demandé la liberté, puis l’égalité, et enfin l’identité.

     

    Les sociétés contemporaines évoluent vers un pluralisme croissant, qui se traduit par l’émergence d’une pluralité d’identités. Les revendications identitaires (linguistiques, ethnoculturelles, religieuses, sexuelles, etc.) fleurissent de toutes parts, nourrissant des débats passionnés. Ces revendications n’aspirent pas seulement à la dignité dans l’égalité, mais avant tout à une reconnaissance qui ne peut plus désormais se cantonner dans l’espace privé. L’injustice par excellence ne réside plus seulement dans les « inégalités », mais dans le déni de reconnaissance des identités, réelles ou postulées. A l’exigence quantitative de redistribution (des ressources et des biens) se substitue l’exigence qualitative et morale d’une reconnaissance de ces identités. C’est ce qu’observait Albert O. Hirschman quand il notait que « les luttes sociales prennent de plus en plus la forme de conflits relatifs à des biens “non redistribuables” dont la nature, contrairement à celle des conflits portant sur des biens qui peuvent être redistribués, exclut leur répartition selon le principe d’égalité ». Ces conflits identitaires sont d’autant plus difficiles à résoudre que, contrairement aux conflits sociaux de type classique, ils portent sur des valeurs qui par définition ne sont pas négociables.

     

    C’est donc toute l’évolution de la société globale qui fait resurgir la question de la différence et de la reconnaissance de l’altérité, renouvelant ainsi un vieux débat qui s’était déjà exprimé à l’époque de Herder dans l’opposition entre le romantisme et les Lumières. Evolution prévue par Henri Lefebvre qui, dan son Manifeste différentialiste (1970), décrivait déjà l’époque actuelle comme celle d’une « lutte titanesque où s’affrontent les pouvoirs homogénéisants et les capacités différentielles ».

     

    Il ne faut cependant pas s’y tromper : le retour en force des revendications identitaires est aussi l’indice de l’effacement des identités. Nos contemporains ont des revendications d’identité, des simulacres d’identité (pseudo-réenracinements folkloriques, réanimation artificielle de traditions sans aucune portée sociale, concurrence des « mémoires ») beaucoup plus que desidentités réelles. Si le « problème de l’identité » imprègne tant les consciences, c’est qu’il les mobilise avant tout autour d’un objet perdu, ou incertain, qui se dérobe sans cesse. Je désire d’autant plus qu’on reconnaissance mon identité que j’ai le sentiment de n’en avoir déjà plus.

     

    Le sacre de l’autonomie comme norme ultime s’est ubstitué aux « grands récits » qui conféraient naguère du sens à la vie de chacun. L’individu doit désormais déterminer lui-même le sens de son existence afin qu’elle puisse s’inscrire dans la durée. Pour ce faire, il lui faut dire ce qu’il est ou ce qu’il entend être, car décliner son identité est plus que jamais une manière de produire du sens. Mais cette exigence est elle-même paradoxale. La même modernité qui fait injonction de répondre à la question : « Qui suis-je ? » prétend en effet assurer l’autonomie du sujet dans un monde où les repères s’effacent, c’est-à-dire dans un monde où l’identité ne va plus de soi. Elle met au premier plan la notion d’identité, alors qu’elle n’a cessé de promouvoir le Même. La sensibilité égalitaire impose aux individus de se différencier dans la similitude, d’œuvrer à leur « épanouissement personnel » sur fond d’indistinction. Tâche épuisante. La crise identitaire n’est pas sans lien avec la composante dépressive ou mélancolique de la vie actuelle.

     

    Dans ces conditions, la tentation peut être grande de choisir la solution de facilité, de croire que le seul passé est le dépositaire de l’identité perdue, celle-ci étant appréhendée sur le mode de l’essence ou du dépôt intangible. « Toute utilisation de la notion d’identité commence par une critique de cette notion », disait Claude Lévi-Strauss. C’est qu’il en va de cette notion comme de bien d’autres : le mauvais usage qu’on peut en faire discrédite cet usage sans discréditer du même coup la notion, mais la notion ne saurait elle-même faire perdre de vue les mauvais usages qu’on peut en faire. L’identitarisme peut aboutir au meilleur comme au pire, inspirer la xénophobie la plus agressive ou le service du bien commun le plus désintéressé. Il faut défendre l’identité de manière positive et ouverte. Mon identité n’est pas une forteresse aveugle, une cuirasse derrière laquelle je m’abrite pour me couper des autres. Elle est cette fenêtre qui n’appartient qu’à moi grâce à laquelle je peux découvrir le monde.

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  • Pour une humanité plurielle...

    Nous reproduisons ci-dessous un éditorial de Robert de Herte (alias Alain de Benoist), publié en juillet 2003 dans la revue Eléments et consacré aux peuples menacés.

     

     

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    Pour une humanité plurielle

    Les « populations autochtones » – dites parfois « indigènes » ou « tribales » – représentent à l’heure actuelle environ 350 millions d’hommes répartis entre plus de 5000 ethnies. L’actualité les évoque parfois, qu’il s’agisse des Inuits du Canada, des Bushmen du Kalahari, des Papous de Nouvelle-Guinée, des Batwa (Pygmées) d’Afrique centrale, des Aborigènes d’Australie, des Yanomanis du Brésil et du Venezuela, des Nambikwara du Matto Grosso, des Naga de Birmanie, des Iakoutes de Sibérie, des Touaregs d’Algérie et du Maroc, des Masaï du Kenya, des Hmong du Vietnam, des Aïnous du Japon, des Karens de Birmanie, des Penan de Bornéo, des Saami de l’extrême nord européen, des Amérindiens de Guyane. Bien décrite par un Jean Malaurie, un Lucien Bodard ou un Jean Raspail, dans une tradition qui va de Montaigne à Lévi-Strauss, leur condition est dans le meilleur des cas celle de minorités ethniques et culturelles. Mais avec une tendance lourde : vingt à trente langues ou dialectes disparaissent chaque année.

     

    Tout peuple est par définition menacé. Ceux-là le sont d’une manière particulière : ils ont été victimes du plus fondamental « choc des civilisations » de l’histoire, le choc avec le modèle occidental. Au fils des siècles, ils ont été successivement victimes du paternalisme des missionnaires, du feu des militaires et de l’intérêt des marchands. Depuis 2000 ans, l’Occident n’a jamais cessé de vouloir convertir, assimiler, imposer. Il a violé les âmes, dépossédé les communautés de leurs terres, colonisé leur imaginaire, détruit leur système de croyances. Il l’a fait parce qu’il croyait invariablement que ce qu’il apportait était ce qu’il y avait de meilleur, et qu’il en était la meilleure incarnation possible. On a ainsi procédé au saccage des milieux naturels, des traditions locales et des savoirs enracinés. L’occupation des terres, la déforestation, la pollution, les maladies, l’alcool et la télévision ont fait le reste.

     

    Ce n’est ni le romantisme ni le goût de l’exotisme qui conduit à s’intéresser à ces peuples, et moins encore une conception de la vie qui conduirait à ne plus s’attacher à son bien propre. C’est bien plutôt la claire conscience que, dans une vision traditionnelle du monde, il n’y a jamais de séparation totale entre les êtres : seule le principe d’une commune appartenance peut fonder l’harmonie « cosmique ».

     

    Deux attitudes opposées menacent ce principe : la xénophobie et l’universalisme. D’un côté, ceux qui se font gloire de ne s’intéresser qu’aux leurs ou à eux-mêmes (c’est le principe même de l’individualisme), de l’autre, ceux qui ne s’intéressent à tous les hommes que l’idée de leur indistinction. Quand l’amour des siens devient prétexte pour rabaisser ou nier les qualités des autres, ou refus de reconnaître ce qu’ils peuvent avoir à nous apprendre, la xénophobie domine : on se donne alors le droit de supprimer les autres. Mais l’universalisme menace lui aussi la vie humaine, car il ne garantit de libertés et de droits qu’aux convertis, à ceux qui ont accepté de se conformer au modèle dominant. Il exige de l’Autre qu’il cesse d’être Autre, car en lui il ne veut reconnaître que le Même. Or, le fait naturel de l’altérité ne doit conduire ni à la négation ni à l’assimilation, mais à la reconnaissance et à la réciprocité. Les cultures sont des ensembles cohérents par eux-mêmes, mais ce ne sont pas des planètes séparées. L’Un et le Multiple doivent donc être saisis ensemble, d’un même mouvement. L’altérité est toujours un bien positif face à l’idéologie du Même.

     

    Historiquement, c’est dans la Bible qu’apparaît, non pas seulement le droit moral de tuer, mais le devoir de massacrer certains peuples. C’est au nom de Yahvé que des populations entières ont été vouées à l’anathème (hérem), c’est-à-dire exterminées, anéanties corps et biens (Deut. 20,13) ; Josué 6,17). Pour la première fois, l’altérité fut alors désignée comme le danger, comme le mal. Or, le seul moyen de vaincre le mal, c’est d’en extirper jusqu’aux racines. A l’origine, le précepte du Décalogue : « Tu ne tueras pas » signifie seulement : tu ne tueras pas les tiens, ou bien : tu ne tueras pas en dehors des cas où il est prescrit de tuer !

     

    L’ethnocide n’est pas toujours brutal. Il y a même bien des façons pour un peuple d’être dépossédé de lui-même : la domination politique, l’immigration incontrôlée, l’hégémonie culturelle, l’assimilation. Les Vendéens le furent en leur temps différemment des Sioux et des Iroquois. Aujourd’hui, les Yanomanis ou les Indiens du Chiapas sont menacés à leur manière, les Berbères et les Tibétains aussi, les Palestiniens également.

     

    Mais il y a encore une autre raison de s’intéresser aux peuples menacés. C’est que ces peuples ont souvent su maintenir ce que nous avons connu nous-mêmes, mais que nous n’avons pas été capables de conserver. C’est chez eux que subsiste une vision cosmique et holiste du monde, où les notions de tradition, de communauté et de clan n’ont pas encore perdu leur sens. L’éthique de l’honneur, le système vindicatoire, les groupes de lignages, le sens de l’hospitalité, les épreuves initiatiques et les rites de passage, relèvent de cette vision du monde. Un monde où la terre est sacrée, où la parole engage plus que l’écrit, où les animaux sont nos frères, où ce qui a de la valeur ne peut s’acheter ni se vendre. « Que l’idée nous plaise ou non, écrit Teddy Goldsmith, les peuples vernaculaires détiennent une véritable sagesse dans leur rapport au cosmos ». Il y a plus de véritable socialité organique sur le moindre marché africain que dans n’importe quel supermarché occidental, qui n’est que le reflet du nihilisme contemporain.

     

    La Genèse prétend qu’au commencement, « tout le monde se servait d’une même langue et des mêmes mots » (Gen. 11,1). C’est encore un mensonge. L’humanité a toujours été plurielle. Mais c’est précisément cette diversité qui est aujourd’hui menacée. La destruction exponentielle du monde par une société en proie à l’obsession du « développement » résulte d’une perspective dans laquelle le « progrès » se définit comme une lutte contre la nature, oubliant que les systèmes naturels tendent à maintenir l’ordre des ensembles dont ils font partie. Avec la globalisation, il semble n’y avoir plus de place dans le monde que pour un seul monde. Mais la globalisation suscite le renouveau identitaire comme l’exil stimule le désir de patrie. « Vivre comme l’autre de l’autre, dit Hans-Georg Gadamer, cette tâche humaine fondamentale vaut à une échelle infime comme à une échelle supérieure ». La biodiversité commence avec la diversité humaine, c’est-à-dire la sociodiversité.

     

    Les peuples menacés ne sont pas des « bons sauvages ». Ils ne sont pas non plus des peuples fossiles, « arriérés » ou « primitifs », des témoins d’un stade dépassé de l’histoire, mais des peuples qui possèdent des cultures distinctes et des manières différentes d’être au monde qui, en tant que telles, sont aussi porteuses d’avenir. C’est pour cela que nous avons besoin d’eux. Ils essaient de survivre au moment où nous croyons vivre, alors que pour tout ce qui est important nous sommes devenus plus pauvres qu’eux.

    Robert de Herte (Eléments, juillet 2003)

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  • Pourquoi le capitalisme appauvrit-il les peuples ?...

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    Sur Radio Courtoisie, le prochain Libre Journal des enjeux actuels dirigé par  aura lieu le mardi 15 février 2011, de 21h30 à 23 h 00, et aura pour thèmes : "Pourquoi le capitalisme appauvrit-il les peuples?, Actualité de Spengler, L'homme est-il un animal? ". Arnaud Guyot-Jeannin, l'animateur de l'émission, aura pour invités : Alain de Benoist (Philosophe, directeur des revues Krisis et Nouvelle Ecole, éditorialiste et rédacteur permanent à la revue Eléments) et Pascal-Manuel Heu (Historien du cinéma). L'émission sera rediffusée le jeudi 17 février à la même heure.

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