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  • Revue Conflits : le grand dessein de Poutine...

    Le premier numéro de la revue Conflits, dirigée par Pascal Gauchon et consacrée à la géopolitique vient de sortir en kiosque. Une belle initiative à soutenir !

     

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    Présentation de la revue Conflits

    Pourquoi une nouvelle revue de géopolitique ?

    La géopolitique est à la mode. Peut-être trop. Peut-elle échapper au règne de l’immédiat et à la superficialité ?

    C’est ce que nous espérons faire à Conflits. Nous entendons apporter une réflexion de fond sur cette discipline qui constitue d’une certaine façon la culture générale de notre époque, ce qui nous permet d’avoir un regard synthétique sur le monde.

    Pour cela nous voulons faire de Conflits le carrefour de toutes les géopolitiques, celle des universitaires, celle des militaires, celle des hauts fonctionnaires, celle des entreprises, car la géopolitique ne se réduit pas aux relations entre Etats.

    Le « manifeste pour une géopolitique critique » que nous définissons dans le premier numéro fixe nos principes d’analyse :

    - géopolitique du temps long qui se méfie des émotions immédiates,

    - géopolitique du terrain qui assume ses liens de filiation avec la géographie,

    - géopolitique globale qui étudie l’ensemble des forces à l’œuvre, politiques, économiques, sociales ou culturelles,

    - géopolitique réaliste qui se méfie des bons sentiments,

    - géopolitique du soupçon qui cherche à déceler les intérêts à l’œuvre derrière les discours…

    Principes fondateurs : Fondée sur des principes solides, Conflits n’est cependant pas une revue destinée aux seuls spécialistes. Nous entendons attirer à la géopolitique non seulement les étudiants, mais aussi le grand public averti. Notre présentation en témoigne, mais aussi l’originalité de beaucoup de nos rubriques : « grande stratégie» qui présente la géopolitique d’un Empire ancien, «géopolitique fiction » qui imagine l’avenir à partir d’un événement possible (pour ce numéro, la tentative d’annexion de Taiwan par la Chine), « tourisme géopolitique» qui présente une grande ville sous l’angle de son rayonnement et de sa puissance, « polémique » qui défend une thèse inattendue voire paradoxale à laquelle nos lecteurs peuvent réagir sur notre site Internet.

    Conflits présente ainsi un visage original et attrayant de la géopolitique. Elle entend démontrer que la géopolitique est partout (une rubrique qui apparaîtra dès le numéro 2), que partout le rapport de forces structure l’espace, de la maison familiale à la Lune en passant par les stades comme par les musées. C’est une autre façon de voir le monde que nous proposons à nos lecteurs.

    L'équipe de Conflits:

    L’équipe des rédacteurs comprend une quinzaine d’auteurs permanents, pour la plupart jeunes enseignants auxquels s’ajoutent des militaires et des cadres d’entreprise. La moyenne d’âge de ce «noyau dur » est de 34 ans. Ils partagent la même conception de la géopolitique et sont en relation permanente. Plusieurs articles sont le fruit d’un véritable travail d’équipe, ainsi la chronologie qui figure au début de la revue.

    Conflits fait par ailleurs appel à des spécialistes pour des articles précis et interrogent des personnalités reconnues de la géopolitique.

    C’est ainsi qu’interviennent dans le numéro 1 Yves Lacoste, « père de la géopolitique » française, François Godement, spécialiste de la Chine, Pascal Marchand, spécialiste de la Russie, Xavier Raufer, spécialiste de la criminalité internationale, Pascal Lorot qui a popularisé la notion de «géoéconomie » ou Christian Harbulot, créateur de l’Ecole de guerre économique.

     

    Au sommaire du numéro 1 :

    Editorial

    Actualité 

    Enjeux

    Entretien. Yves Lacoste

    Polémique. Barack Obama, un grand président ! par Thomas Snégaroff

    Portrait. L’inconnue Xi-Jinping par François Godement

    Afghanistan. Les Américains ont-ils mieux réussi que les Russes ? par Mériadec Raffray

    Afrique. Guerres ethniques ou guerres religieuses ? par Mathieu Lhours

     

    Histoire et prospective

    Grande stratégie. La géopolitique des Chevaliers Teutoniques par Sylvain Gouguenheim

    Bataille. Koulikovo : la Russie sort du bois par Pierre Royer

     

    Encarté

    Dossier

    Eurasie. L’Europe doit-elle regarder à l’est ?

    Lu, vu, entendu, visité

    Le nouvel ordre américain

    Livres

    Revues, colloques, sites

    Cinéma, séries, jeux

     

    Géotourisme. Berlin et la nouvelle puissance allemande par Thierry Buron

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  • Art contemporain et Etat culturel...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Aude de Kerros, cueilli sur Contrepoint et consacré à l'art contemporain, un "art" très largement subventionné en France...

    Aude de Kerros est l'auteur de plusieurs essais consacré à la question de l'art, comme L'art caché - Les dissidents de l'art contemporain (Eyrolles, 2007), Sacré Art Contemporain (Jean-Cyrille Godefroy, 2012) ou 1983-2013 Années noires de la peinture (Pierre-Guillaume de Roux, 2013), avec Marie Sallantin et Pierre-Marie Ziegler.

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    Aude De Kerros : « L’Etat culturel a détruit la création française »

    Qu’est-ce que l’art contemporain ? Quelle est sa caractéristique principale ?

    L’art contemporain est une forme de création centrée, contrairement à l’art, sur le concept. Depuis les années 60 il a connu plusieurs métamorphoses Aujourd’hui l’AC veut être une expression de la mondialisation. Pour cela il doit être hyper-visible et rentable. Ainsi l’artiste d’AC1 est devenu un concepteur d’objets, mis en forme par des designers, fabriqués en « factory », sous différents formats et en nombres adaptés aux stratégies de diffusion. Ces objets sont conçus pour habiter tous les circuits de consécration, de l’espace urbain au musée et à la galerie. Cette adaptabilité à chaque lieu assure sa visibilité et sa vente. L’objet destiné aux Institutions et au grand collectionneur rapporte souvent moins que la vente de tous les produits dérivés et des droits sur l’image. Aujourd’hui l’AC fonctionne comme un produit financier composite, fondé sur un produit manufacturé sur mesure. Ce produit financier voit fabriquer sa valeur en réseau dont le centre est le grand collectionneur et ses amis. Ce système fonctionne comme un trust et une entente réunis. Il satellise marchands, salle des ventes, institutions et médias. Son privilège sur les autres marchés financiers est de ne pas être régulé.

    Sur quelles structures repose l’art contemporain ?

    La consécration de « l’art » se faisait lentement par la reconnaissance des pairs, des amateurs et d’un marchand. « L’art contemporain » a changé la donne, sa valorisation se fait en réseau. Au début des années 60, la consécration devient rapide grâce à des réseaux centrés autour de grandes galeries qui lancent un nom en deux ans. A partir de la fin des années 90 c’est autour des grands collectionneurs que se fabrique la valeur, cette fois-ci en réseau fermé. Il faut y appartenir pour collectionner sans risques mais pour ce faire il faut une fortune hors normes. Le marché de l’AC comprend un deuxième cercle de « suiveurs », collectionneurs solitaires qui ont les moyens de « se faire plaisir ». Ils se veulent découvreurs, à leurs risques et périls d’artistes « émergeants » encore accessibles parce que non cooptés par le premier cercle. Grâce à cela, ils côtoient le monde prestigieux des grandes fortunes internationales. Certains manifestent ainsi leur candidature à entrer dans la cour des grands.

    Le troisième cercle, celui des « innocents » appartiennent à ceux qui croient en l’AC comme on croit à une religion. Ils pratiquent le culte en achetant l’œuvre d’artistes candidats à l’émergence.

    Comment expliquer que c’est l’art contemporain qui est devenu cette clé d’accès ? Qu’est-ce qui le caractérise ?

    C’est un art visuel accessible au-delà des langues et des cultures car il a adopté les images de la grande consommation culturelle, dite « mainstream ». L’AC a capté les codes des marques internationales, du pop, de toutes les représentations partagées d’un bout de la planète à l’autre. L’AC acquiert ainsi un pouvoir fédérateur grâce à ce langage minimum, non verbal. C’est une communion dans le presque rien. Son contenu est souvent critique, nihiliste et dérisoire, il permet un consensus négatif et passe ainsi par dessus les obstacles liés à la foi religieuse, aux goûts culturels, à l’attachement national, aux convictions intellectuelles et politiques.

    Mais pourquoi ce réseau s’est-il structuré autour d’un art ? Après tout, les associations de riches ne sont pas récentes…

    Après la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide culturelle, l’AC a été « reprogrammé ». Il est devenu à la fois produit financier, industrie culturelle, divertissement planétaire. Il a été le prétexte le plus adapté d’évènements et de fêtes destinées à une hyper-classe internationale liée par des intérêts d’argent. Lieux de rencontre aux quatre coins du monde, occasions périodiques, sans qu’aucune idée commune ne soit nécessaire à partager… Quoi rêver de mieux ? En résumé l’art contemporain, c’est le réseau social des très riches.

    Pour autant, lorsque l’on regarde la nouvelle génération d’entrepreneurs (Marc Zuckerberg, Elon, Musk, Richard Bronson, Jeff Bezos et en France Xavier Niel), semble-t-elle répondre aux mêmes codes comportementaux ? N’y a-t-il pas chez eux un rejet de ce type de réseau ?

    Il m’est difficile de juger ces personnes, il faudrait que je les connaisse mieux. Cependant je constate que l’hégémonie culturelle américaine en vigueur depuis la chute du mur de Berlin, se trouve confrontée à une résistance de plus en plus forte de la part des pays émergents qui ont l’ambition de développer leur singularité culturelle. Si l’Amérique défend « le multiculturalisme dans tous les pays », les pays qui ont les moyens financiers souhaitent créer leurs propres industries culturelles et exprimer leur identité sur leur propre sol et rayonner au-delà en particulier auprès des pays du même « bassin culturel ».

    Dans votre livre vous expliquez qu’il y a un problème spécifiquement français. Pouvez-vous nous expliquer ce dont il s’agit ?

    Marie Sallantin, Pierre Marie Ziegler et moi-même avons décrit, dans « 1983-2013 – Les Années Noires de la Peinture – Une mise à mort bureaucratique ? » 2, le système si particulier qui régit l’art en France. Nous avons évoqué avec précision le domaine des arts plastiques mais il n’en demeure pas moins que l’interventionnisme radical est aussi appliqué dans les autres domaines de l’art.

    La situation actuelle est le résultat d’une longue histoire qui a mis la France au cœur de la guerre froide culturelle après la 2ème guerre mondiale. Son pouvoir de référence et son prestige devaient disparaître au profit des deux grandes puissances en conflit. L’Amérique a gagné cette guerre en faisant de New York la place de consécration financière de l’art dans le monde et en rendant obsolète toute autre forme de consécration.

    En France à partir de 1983, le Ministère de la Culture se transforme en Ministère de la création. En l’espace de trois mois sont créées des institutions bureaucratiques dotées d’un budget conséquent qui vont permettre l’encadrement de la vie artistique.

    Pendant trente ans, cette administration, grâce à l’action d’un nouveau corps de fonctionnaires : les « inspecteurs de la création », a dit promouvoir un art d’avant-garde, révolutionnaire, d’essence conceptuelle. En réalité ces « experts » ont dépensé, pendant 30 ans, 60% du budget destiné à acheter des œuvres à des artistes vivants, à New York, dans des galeries newyorkaises, d’artistes « vivant et travaillant à New York ». Ainsi mourut la place de Paris.

    Pourquoi cette exclusion de la peinture ?

    La peinture, la sculpture, la gravure, ne surgissent pas de nulle part, elles sont la suite d’une longue histoire. C’est vrai de tous les lieux qui ont produit un grand art. L’exception française réside en ce que tous les moments de la peinture y ont été reçus et assimilés… un avenir de la peinture y est donc possible.

    La direction étatique de la création en France, cas unique dans un Etat non totalitaire, a eu pour conséquence l’existence d’un art officiel. L’administration a fait le choix exclusif du conceptualisme et a donc rejeté de façon systématique la peinture, comme n’allant pas « dans le sens de l’Histoire ». En peu de temps l’Etat est devenu le seul réseau de consécration en France. Il a satellisé grands médias, université et quelques collectionneurs, mécènes et galeries. Ce qui est surprenant c’est que la peinture n’a pas été simplement exclue mais diabolisée. Nous en apportons la preuve dans les « Années Noires ». La conséquence a été que les marchands du secteur privé n’ont pas pu supporter la concurrence déloyale de l’Etat. L’invisibilité médiatique, la disparition des commandes et achats de l’Etat ajoutés à la condamnation officielle de la peinture ont rendu toute consécration impossible par des circuits privés.

    Pour que l’art conceptuel puisse être « le seul art contemporain » il fallait que la peinture disparaisse. Pour que cela soit définitif, l’administration a interrompu la transmission du grand métier, en changeant le contenu des enseignements des Ecoles d’Art dépendant de l’Etat,

    En 1983 l’Etat français a nationalisé banques et assurances mais a échoué dans sa tentative de monopole de l’éducation en raison d’un soulèvement populaire. La « nationalisation » de l’Art a eu lieu sans provoquer une telle indignation. Aujourd’hui le conformisme de droite et de gauche s’en accommode. Il est vrai que les médias ont occulté systématiquement tout débat sur ce sujet pendant trente ans (exception faite entre novembre 1996 et mai 1997). Les élites françaises sont peu intéressées par ce sujet dont ils ne comprennent pas les tenants et aboutissants et en ignorent l’Histoire.

    Les banques et les sociétés d’assurance ont été re-privatisées mais l’art est resté en France un monopole d’Etat. Les « inspecteurs de la création » sont toujours là alors que les « ingénieurs des âmes » créés par Staline pour remplir les mêmes fonctions d’encadrement et de distribution de subventions ont disparu depuis un quart de siècle.

    Ne voyez-vous aucun signe d’amélioration ces toutes dernières années ?

    Les médias ont célébré en 2013 le trentième anniversaire des institutions culturelles crées en 1983 : trente ans d’art dirigé donc ! Ils y ont interviewé les fonctionnaires. Ceux-ci ont ajouté un zeste élégant d’autocritique. Colloques, rapports et écrits faisant un bilan critique de cette longue administration n’ont eu de visibilité que sur Internet, malgré la sollicitation qui a été faite aux grands médias d’en tenir compte où de publier dans leurs « pages débat » des points de vue plus critiques.

    Ce positionnement dans le refus du débat concerne également les grands médias de droite où de gauche. De même, si la dissidence française dans le domaine de l’art a produit une critique cultivée et approfondie du système en place, c’est en dehors d’un positionnement politique. C’est un problème de liberté nécessaire à l’art.

    Il y a cependant progrès puisque le débat sur l’art est aujourd’hui présent sur Internet de façon intense. Les internautes ont le choix, je citerais entre autres les sites : « Sauvons l’art », « Face à l’Art », « Les chroniques de Nicole Esterolle », « Le grain de sel » de Christine Sourgins, etc.

    Le débat sur l’art est accueilli par ailleurs, à droite comme à gauche, par les différents sites d’information générale, de Médiapart à Causeur en passant par Contrepoints et tant d’autres supports représentant enfin le kaléidoscope de l’opinion française.

    Aude de Kerros , propos recueillis par PLG (Contrepoint, 22 mars 2014)

     

    Notes

    1. AC, acronyme de Art contemporain employé par Christine Sourgins dans « Les Mirages de l’Art contemporain », aux Editions de la Table Ronde. Cela permet de distinguer cet art conceptuel qui se dit seul contemporain avec tout l’art d’aujourd’hui et la peinture notamment.

    2. Editions Pierre Guillaume de Roux, 2013. 

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  • L'Europe colonisée ?...

    Les éditions Apopsix viennent de publier un essai d'Yvan Blot intitulé L'Europe colonisée. Président de l'association "Démocratie directe", Yvan Blot a récemment publié L'oligarchie au pouvoir (Economica, 2011), La démocratie directe (Economica, 2012) et Les faux prophètes (Apopsix, 2013).

     

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    " L'Europe qui a colonisé le Monde, est aujourd'hui colonisée par ses anciennes colonies. Ce fut prévu par le président russe Vladimir Poutine. La colonisation démographique vient surtout du Sud. Elle prend la forme d'une immigration de masse peu qualifiée et incontrôlable, contre la volonté des majorités démocratiques impuissantes. Mais il y a aussi une colonisation par le haut, politique, militaire, économique et financière. Celle-ci, depuis 1945, vient de l'Ouest. Elle est relayée, comme l'avait dénoncé de Gaulle, par les oligarchies politiques, notamment socialistes. Elle s'accompagne d'une colonisation culturelle : l'anglais et l'esprit anglo-saxon dominent tant nos élites que nos banlieues. L'Amérique aussi nous a colonisés.

    Enfin, nos peuples subissent une colonisation intérieure : la démocratie est une façade qui masque le pouvoir réel d'une oligarchie d'Etat qui impose une pression fiscale insupportable et un endettement public catastrophique.

    Comment sortir de ces colonisations multiples qui sont autant d'amoindrissement de nos libertés ? L'auteur trace des pistes de résistance en s'inspirant aussi bien de la Suisse que de l'exemple russe, très méconnus en France. Il faut ouvrir la classe politique à des catégories sociales nouvelles et utiliser le référendum pour faire participer le peuple aux décisions. Ainsi, nous retrouverons notre souveraineté perdue, notre croissance face aux puissances émergentes et notre identité nationale menacée. "

     

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  • Vers un nouvel équilibre mondial...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de Jean-Paul Baquiast et de François Vadrot, cueilli sur Europe solidaire et consacré à l'émergence d'un nouvel équilibre mondial et au rôle que pourrait jouer l'Europe si les pays qui la composent avaient à leur tête de véritables hommes d'état.Jean-Paul Baquiast est l'animateur du site Europe solidaire, ainsi que du remarquable site d'actualité technoscientifique Automates intelligents.

     

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    Effondrement prévisible des Etats-Unis et reconfiguration de l'équilibre mondial

    On peut pronostiquer que nous sommes à la veille d'un effondrement partiel voire total des Etats-Unis. Le pronostic est encore peu partagé, tout au moins dans les opinions dites occidentales. Néanmoins tout ceux qui nourrissent des projets économiques ou politiques devraient y porter la plus grande attention. Il est difficile de préciser la date à laquelle cet effondrement se produirait: d'ici un an ou 5 ans. Mais très certainement pas 10 ou 20 ans, vu l'accélération de l'histoire.

    Les Etats-Unis courent à l'effondrement du fait de faiblesses internes de plus en plus évidentes. Nous ne les énumérerons pas dans cet article. Mais la raison principale de cet effondrement est qu'ils adoptent une posture internationale de plus en plus agressive. Ceci en dépit et peut-être à cause de ces perspectives d'effondrement. Ces agressions croissantes vont provoquer contre eux une véritable coalition des autres puissances mondiales. Une telle coalition ne fera pas l'objet, sauf exceptionnellement, d'alliances diplomatique, telle la Triple Alliance célèbre dans l'Histoire. Elle résultera de rapprochements initialement fortuits d'Etats de plus en plus inquiets des conflits locaux, voire des risque de guerre généralisée, provoqués par une diplomatie américaine toujours aussi impérialiste, d'autant plus impérialiste d'ailleurs que s'accumulent les difficultés du pays.

    Pour que cependant se produise la réorganisation du monde mentionnée dans le titre, il faudra que s'esquissent spontanément de nouvelles structures. On pourrait évoquer le concept de monde multipolaire, mais il n'a pas de sens précis, à moins de désigner une simple anarchie.  On ne parlera pas non plus d'un monde bipolaire résultant d'une opposition entre Amérique et Russie, celle-ci ne cherchant pas dorénavant, comme nous le verrons, à réendosser le rôle joué par l'URSS avant sa chute, face à l'Amérique.

    Certes, des pôles doivent émerger, en substitution du monde monopolaire formé par les Etats-Unis et les pays sous leur influence. L'importance croissante de la Chine et de l'Inde, forte chacune de plus d'un milliard de citoyens, en fera nécessairement deux des pôles du futur monde multipolaire. Mais ceci ne devrait pas suffire à provoquer une véritable réorganisation. Une réorganisation supposerait plus que des pôles nouveaux. Elle supposerait des lignes de structuration nouvelles.

    Dans les prochaines décennies, le monde subira des changements pouvant être bénéfiques, mais dont la plupart seront liés à des catastrophes, réchauffement climatique, surpopulation, migrations massives, résurgence des guerres de religion...Ces phénomènes entraineront une instabilité généralisé et sans doute une angoisse profonde, analogue à celle ayant accompagné les épidémies de peste du Moyen-Age. De nouvelles lignes de fractures en résulteront. Aucun continent ne pourra rester à l'écart de ce phénomène. Mais corrélativement, de nouvelles lignes de recomposition ou de refondation en découleront, car les sociétés ne résisteraient pas à une déstabilisation permanente.

    Dans beaucoup de cas, il pourra s'agir d'un effort pour conserver ou retrouver les traditions et les valeurs des sociétés menacées, y compris à travers les révolutions technologiques et scientifiques.. Des aires géographiques nouvelles se construiront, autour des héritages linguistiques, culturels et plus largement civilisationnels.

    La Russie nouvelle

    Or il est tout à fait possible de supputer que la Russie, dirigée par des hommes aussi énergiques et prudents que se révèle être Vladimir Poutine, sera l'une de ces aires géographiques. Certes, elle souffrira d'un certain nombre de handicaps, mais ceux-ci ne seront pas supérieurs à ceux affectant la Chine, l'Inde et a fortiori des Etats-Unis en voie d'effondrement. Qu'en sera-t-il de l'Europe?

    Si celle-ci ne se débarrasse pas rapidement des liens de sujétion imposés par l'Amérique après la seconde guerre mondiale, elle suivra celle-ci dans sa chute. Les atouts de puissance qu'elle conserve encore ne la sauveront pas. Ils seront rendus inefficaces par une Amérique ne voulant pas que l'Europe lui dispute la direction du monde dit occidental. Pour recouvrer son indépendance et sa souveraineté, l'Europe devra donc cesser, précisément, de se revendiquer comme occidentale. Ce terme désigne en effet l'ensemble formé par l'Amérique et des Etats vassaux, embrigadés dans l'Otan et englués au sein d'une Union européenne que phagocytent quotidiennement les influences dites atlantistes.

    L'Europe devra dorénavant se revendiquer comme européenne au sens historique du terme, c'est-à-dire incluant la Russie. Nous avons ici dans des articles précédents, montré l'intérêt que présenterait pour chacune des partenaires une alliance euro-russe. Il ne s'agirait évidemment pas d'une fusion, mais de la mise en commun d'atouts complémentaires. Dans une telle alliance, l'Europe apporterait, outre une puissance économique ne demandant qu'à être relancée, des traditions dites démocratiques que la Russie ne manquerait pas, avec un peu de temps, d'adopter.

    Mais pour bâtir une alliance euro-russe, il faut être deux. Nous pensons que Poutine et le gouvernement russe, s'ils pouvaient être convaincus que l'Europe ne serait plus le faux nez de l'Amérique et de l'Otan, joueraient à fond cette carte de développement. Mais qu'en serait-il des gouvernements européens, composés de véritables ectoplasmes sans la moindre vision stratégique en propre. Ils n'attendent pour agir, comme l'a montré l'affaire ukrainienne, que les instructions de sous-fifres américains tels John Kerry et Jo Biden.

    S'il se trouvait en Europe quelques chefs d'Etat de la trempe de Vladimir Poutine, y compris avec les prétendus défauts que la propagande occidentale lui prête, alors l'Europe pourrait, en marge de l'effondrement prévisible des Etats-Unis, jouer avec la Russie un rôle digne des qualités de ses populations dans la reconfiguration de l'équilibre mondial. Si cela ne pouvait être l'Union européenne dans ses institutions actuelles, il pourrait s'agir de quelques pays volontaristes s'alliant en ce sens.

    De tels chefs d'Etat potentiels ne sont pas visibles aujourd'hui. Mais en cas de crise, les hommes nécessaires apparaissent sans prévenir. Souvenons nous pour ce qui nous concerne de Charles de Gaulle en 1940.

    Jean-Paul Baquiast et François Vadrot (Europe solidaire, 21 mars 2014)

     

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  • Les hommes du Nord...

    Les éditions Urban comics viennent de publier Northlanders - Le livre anglo-saxon, une série de bande dessinée américaine, scénarisée par Brian Wood et consacrée aux Vikings. Ce gros volume est préfacé par le romancier Patrick Weber.

     

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    " Des brumes du premier millénaire ont surgi les héros qui allaient façonner le visage des siècles à venir. Des brumes du premier millénaire ont surgi les héros qui allaient façonner le visage des siècles à venir. À l’assaut de l’Europe, le peuple viking apporta avec lui la fureur et le progrès. Peuple fier chargé d’une culture singulière, en guerre contre le Christianisme, ils nous léguèrent leur goût pour le commerce et l’exploration. Voici leur histoire, vécue de l’intérieur. "

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  • La fin de la guerre froide n'a jamais eu lieu...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte d'Alain de Benoist, cueilli sur le blog de la revue Eléments et consacré à la crise ukrainienne.

    Alain de Benoist a publié en fin d'année 2013 aux éditions Pierre-Guillaume de Roux un essai intitulé Les démons du Bien. Il vient également de publier aux éditions Mordicus un court essai polémique intitulé Non à la théorie du genre ! .

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    Ukraine : la fin de la guerre froide n'a jamais eu lieu

    1- L’affaire ukrainienne est une affaire complexe et aussi une affaire grave (à une autre époque et en d’autres circonstances, elle aurait très bien pu donner lieu à une guerre régionale, voire mondiale). Sa complexité résulte du fait que les données dont on dispose peuvent amener à porter sur elle des jugements contradictoires. En pareille circonstance, il faut donc déterminer ce qui est essentiel et ce qui est secondaire. Ce qui est essentiel pour moi est le rapport de forces existant à l’échelle mondiale entre les partisans d’un monde multipolaire, dont je fais partie, et ceux qui souhaitent ou acceptent un monde unipolaire soumis à l’idéologie dominante que représente le capitalisme libéral. Dans une telle perspective, tout ce qui contribue à diminuer l’emprise américano-occidentale sur le monde est une bonne chose, tout ce qui tend à l’augmenter en est une mauvaise.

     

    L’Europe ayant aujourd’hui abandonné toute volonté de puissance et d’indépendance, c’est de toute évidence la Russie qui constitue désormais la principale puissance alternative à l’hégémonisme américain, sinon à l’idéologie dominante dont l’Occident libéral est le principal vecteur. L’« ennemi principal » est donc à l’Ouest.

    Je n’éprouve pour autant aucune sympathie pour le président ukrainien déchu. Yanoukovitch était de toute évidence un personnage détestable, en même temps qu’un autocrate profondément corrompu. Poutine lui-même a fini par s’en rendre compte – un peu tard, il est vrai. Je ne suis pas non plus un inconditionnel de Vladimir Poutine, qui est de toute évidence un grand homme d’Etat, très supérieur à ses homologues européens et américains, et aussi un praticien averti des arts martiaux acquis aux principes du réalisme politique, mais qui est aussi beaucoup plus un pragmatique qu’un « idéologue ». Cela ne change rien au fait que, pour autant qu’on puisse en juger aujourd’hui, la « révolution de Kiev » a servi avant tout les intérêts américains.

    J’ignore si les Américains ont inspiré, voire financé cette « révolution » comme ils avaient déjà inspiré et financé les précédentes « révolution colorées » (Ukraine, Géorgie, Kirghizistan, etc.), en cherchant à canaliser des mécontentements populaires souvent justifiés pour intégrer les peuples dans l’orbite économique et militaire occidentale. Le fait est, en tout cas, qu’ils l’ont soutenue dès le départ sans aucune ambiguïté. Le nouveau Premier ministre ukrainien, l’économiste et avocat milliardaire Arseni Yatseniouk, qui n’avait obtenu que 6,9 % des voix à l’élection présidentielle de 2010, s’est d’ailleurs tout de suite précipité à Washington où Barack Obama l’a reçu dans le Bureau Ovale, honneur généralement réservé aux chefs d’Etat. Sauf retournement imprévisible, les événements qui ont abouti à l’éviction brutale du chef de l’Etat ukrainien à la suite des manifestations de la place Maïdan, ne peuvent donc pas être considérés comme une bonne chose par tous ceux qui luttent contre l’hégémonie mondiale des Etats-Unis.

    2- On parle partout d’un « retour à la guerre froide ». Il faudrait plutôt se demander si elle a jamais pris fin. A l’époque de l’Union soviétique, les Américains développaient déjà une politique qui, sous couvert d’anticommunisme, était fondamentalement antirusse. La fin du système soviétique n’a rien changé aux données fondamentales de la géopolitique. Elles les a au contraire rendu plus évidentes. Depuis 1945, les Etats-Unis ont toujours cherché à empêcher l’émergence d’une puissance concurrente dans le monde. L’Union européenne étant réduite à l’impuissance et à la paralysie, ils n’ont jamais cessé de voir dans la Russie une menace potentielle pour leurs intérêts. Au moment de la réunification allemande, ils s’étaient solennellement engagés à ne pas chercher à étendre l’OTAN dans les pays de l’Est. Ils mentaient. L’OTAN, qui aurait dû disparaître en même temps que le Pacte du Varsovie, a non seulement été maintenu, mais il s’est étendu à la Pologne, à la Slovaquie, à la Hongrie, à la Roumanie, à la Bulgarie, à la Lituanie, à la Lettonie et à l’Estonie, c’est-à-dire jusqu’aux frontières de la Russie. L’objectif est toujours le même : affaiblir et encercler la Russie en déstabilisant ou en prenant le contrôle de ses voisins.

    Toute l’action des Etats-Unis vise ainsi à empêcher la formation d’un grand « bloc continental » en persuadant les Européens que leurs intérêts sont contraires à ceux de la Russie, alors qu’ils sont en réalité parfaitement complémentaires. Telle est la raison pour laquelle l’« intégrité territoriale » de l’Ukraine leur importe plus que l’intégrité historique de la Russie. « Revenir à la guerre froide », pour les Américains, c’est revenir aux conditions les plus propices à la mise en sujétion de l’Europe par Washington. Le projet de « grand marché transatlantique » actuellement en cours de négociation entre l’Union européenne et les Etats-Unis va également dans ce sens.

    3- La complication vient du caractère hétérogène de l’opposition à Yanoukovitch. La presse occidentale a généralement présenté cette opposition comme « pro-européenne », ce qui est un mensonge évident. Parmi les opposants à l’ancien président ukrainien, on trouve en réalité deux tendances totalement opposées : d’un côté ceux qui veulent effectivement se lier étroitement à l’Occident et rêvent d’intégrer l’OTAN sous parapluie américain, de l’autre ceux qui aspirent à une « Ukraine ukrainienne » indépendante de Moscou comme de Washington ou de Bruxelles. Le seul point commun de ces deux tendances est leur allergie totale à la Russie. Les manifestations de la place Maïdan ont donc d’abord été des manifestations antirusses, et c’est en tant que « président pro-russe » que Yanoukovitch a été destitué.

    Les nationalistes ukrainiens, regroupés dans des mouvements comme « Svoboda » ou « Secteur droite » (Pravy Sektory), sont régulièrement présentés dans la presse comme des extrémistes et des nostalgiques du nazisme. Comme je ne les connais pas, j’ignore si c’est vrai. Certains d’entre eux semblent bien être les tenants d’un ultra-nationalisme convulsif et haineux que j’exècre. Mais il n’est pas évident que tous les Ukrainiens désireux d’indépendance vis-à-vis de la Russie comme des Etats-Unis partagent les mêmes sentiments. Beaucoup d’entre eux ont lutté sur la place Maïdan, sans avoir le sentiment d’être manipulés,  avec un courage qui mérite le respect. Toute la question est de savoir s’ils ne seront pas dépossédés de leur victoire par une « révolution » dont l’effet principal aura été de remplacer le « grand frère russe » par le Big Brother américain.

    4- En ce qui concerne la Crimée, les choses sont à la fois plus claires et plus simples. Depuis au moins quatre siècles, la Crimée est un territoire russe peuplé essentiellement de populations russes. Elle abrite aussi la flotte russe, Sébastopol constituant le point d’accès de la Russie aux « mers chaudes ». S’imaginer que Poutine pourrait tolérer que l’OTAN prenne le contrôle de cette région est évidemment impensable. Mais il n’a pas eu besoin d’agir en ce sens, puisque lors du référendum du 16 mars, près des 97 % des habitants de la Crimée ont exprimé sans équivoque leur désir d’être rattachés à la Russie, ou plus exactement d’y revenir, puisqu’ils en avaient été coupés arbitrairement en 1954 par une décision de l’Ukrainien Nikita Khrouchtchev. Cette décision d’attribuer administrativement la Crimée à l’Ukraine s’était faite à l’époque dans le cadre de l’Union soviétique – elle était donc sans grandes conséquences – et sans aucune consultation de la population concernée. L’ampleur du vote du 16 mars, doublée d’un taux de participation de 80 %, ne laisse aucun doute sur la volonté du peuple de Crimée.

    Parler dans ces conditions d’un « Anschluss » de la Crimée, faire la comparaison avec les interventions de l’URSS en Hongrie (1956) ou en Tchécoslovaquie (1968), est donc tout simplement ridicule. Dénoncer ce référendum comme « illégal » l’est plus encore. La « révolution » du 21 février a en effet mis un terme à l’ordre constitutionnel ukrainien, puisqu’elle a substitué un pouvoir de fait à un président régulièrement élu, ce qui a entraîné la dissolution de la Cour constitutionnelle ukrainienne. C’est d’ailleurs pour cette raison que les dirigeants de la Crimée, estimant que les droits de cette région autonome n’étaient plus garantis, ont décidé d’organiser un référendum sur son avenir. On ne peut à la fois reconnaître un pouvoir né d’une rupture de l’ordre constitutionnel, qui libère tous les acteurs de la société de leurs contraintes constitutionnelles, et en même temps se référer à ce même ordre constitutionnel pour déclarer « illégal » le référendum en question. Vieil adage latin : Nemo auditur propriam turpitudinem allegans (« Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude »).

    En apportant dès le 21 février dernier leur appui à un nouveau gouvernement ukrainien directement issu d’un coup d’Etat, les Américains ont par ailleurs démontré que leur souci de « légalité » est tout relatif. En agressant la Serbie, en bombardant Belgrade, en soutenant en 2008 la sécession et l’indépendance du Kosovo, en déclarant la guerre à l’Irak, à l’Afghanistan ou à la Libye, ils ont aussi montré le peu de cas qu’ils font du droit international, comme d’un principe d’« intangibilité des frontières » qu’ils n’invoquent que lorsque cela les arrange. Au demeurant, les Etats-Unis semblent avoir oublié que leur propre pays est né d’une sécession vis-à-vis de l’Angleterre… et que le rattachement de Hawaï aux Etats-Unis, en 1959, ne fut autorisé par aucun traité.

    Les dirigeants européens et américains, qui s’arrogent la qualité de seuls représentants de la « communauté internationale », n’ont pas contesté le référendum qui, voici quelques années, a séparé l’île de Mayotte des Comores pour la rattacher à la France. Ils admettent qu’en septembre prochain les Ecossais pourront se prononcer par référendum sur une éventuelle indépendance de l’Ecosse. Pourquoi les habitants de la Crimée n’auraient-ils les mêmes droits que les Ecossais ? Les commentaires des dirigeants européens et américains sur le caractère « illégal et illégitime » du référendum de Crimée montrent seulement qu’ils n’ont rien compris à la nature de ce vote, et qu’ils refusent de reconnaître à la fois le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et la souveraineté du peuple qui est le fondement de la démocratie.

    5- Quant aux menaces de « sanctions » économiques et financières brandies par les Occidentaux contre la Russie, elles prêtent à sourire, et Poutine n’a pas eu tort de dire ouvertement combien elles l’indiffèrent. Poutine sait que l’Union européenne n’a aucun pouvoir, aucune unité, aucune volonté. A juste raison, il n’accorde aucun crédit à des pays qui prétendent « défendre les droits de l’homme », mais ne peuvent se passer de l’argent des oligarques. Comme disait Bismarck : « La diplomatie sans les armes, c’est la musique sans les instruments ». Poutine sait que l’Europe est déliquescente, qu’elle n’est plus capable que de gesticulations et de provocations verbales, et que les Etats-Unis eux-mêmes la regardent comme quantité négligeable (« Fuck the European Union ! », comme disait Victoria Nuland). Il sait surtout que, s’ils voulaient vraiment « sanctionner » la Russie, les Occidentaux se sanctionneraient eux-mêmes, car ils s’exposeraient à des représailles de grande ampleur dont ils ne sont visiblement pas prêts à payer le prix. C’est la vieille histoire de l’arroseur arrosé.

    Il suffit de rappeler ici que le gaz et le pétrole russes représentent environ le tiers de l’approvisionnement énergétique des 28 pays de l’Union européenne, pour ne rien dire de l’ampleur des investissements européens, notamment allemands et britanniques, en Russie. On ne compte aujourd’hui pas moins de 6000 sociétés allemandes actives sur le marché russe. En France, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a menacé la Russie de ne pas lui livrer deux navires porte-hélicoptères de type « Mistral » actuellement en construction aux chantiers de Saint-Nazaire. Dans un pays où l’on compte déjà plus de cinq millions de chômeurs, la conséquence serait la perte de plusieurs milliers d’emplois… Quant aux Etats-Unis, s’ils cherchent à geler les actifs russes à l’étranger, ils s’exposent à voir en retour gelés le remboursement des crédits que les banques américaines ont accordés à des structures russes.

    L’Ukraine est aujourd’hui un pays ruiné. Elle aura le plus grand mal à se passer du soutien économique de la Russie et à remédier à la fermeture du marché de la CEI (la Russie représentait jusqu’à présent 20 % de ses exportations et 30 % de ses importations). On voit mal par ailleurs les Européens trouver les moyens de lui apporter une aide financière qu’ils ne veulent même plus accorder à la Grèce : compte tenu de la crise qu’elle traverse depuis 2008, l’Union européenne n’est tout simplement plus en mesure de débloquer des sommes de plusieurs milliards d’euros. En proie à leurs propres problèmes, à commencer par des déficits colossaux, les Etats-Unis voudront-ils soutenir l’Ukraine à bout de bras ? On peut en douter. Les chèques de Washington et du Fonds monétaire international (FMI) ne règleront pas les problèmes de l’Ukraine.

    6- L’avenir reste pour l’heure aussi incertain qu’inquiétant. L’affaire ukrainienne n’est pas finie, ne serait-ce que parce qu’on ne sait pas encore qui représente exactement le nouveau pouvoir ukrainien. Si l’Ukraine choisit de s’ancrer résolument à l’Ouest, la grande question est de savoir comment réagira la partie orientale de l’Ukraine, qui est à la fois la plus pro-russe et la plus industrialisée (la partie ouest ne représente que le tiers de la production du PIB). Comment la Russie pourrait-elle, de son côté, accepter qu’un gouvernement radicalement antirusse dirige un pays dont la moitié de la population est russe ? Toute tentative d’imposer une solution par la force risque d’aboutir à la guerre civile et en fin de compte à la partition d’un pays où les grandes lignes de partage politiques, linguistiques et religieuses, recoupent largement les lignes de partage territoriales. On verrait alors se reproduire le scénario qui a conduit à l’éclatement de l’ex-Yougoslavie.

    Dans l’immédiat, le risque le plus grand est celui d’un pourrissement de la situation à Kiev, accompagné d’une série d’initiatives irresponsables (création de milices, etc.) et d’incidents isolés qui dégénéreraient en montée aux extrêmes. Ni l’Europe ni la Russie (qui va maintenant renforcer son alliance militaire avec la Chine) n’y ont intérêt. De l’autre côté de l’Atlantique, en revanche, les partisans de la guerre ne manquent pas.

    7- Le déchaînement des médias occidentaux est révélateur de leur degré de soumission à Washington. Poutine est régulièrement décrit comme un « nouveau tsar », un « kagébiste », un « néo-soviétique », mais aussi un « fasciste » et un « rouge-brun », alors que ce n’est pas lui qui a déclenché la crise ukrainienne, et qu’il a plutôt fait preuve dans cette affaire d’une extraordinaire patience. La Russie est présentée, sinon comme une « dictature », alors qu’elle n’a jamais connu un tel degré de démocratie dans son histoire, du moins comme un régime « insuffisamment libéral », c’est-à-dire pas assez conforme aux exigences de la « société ouverte ». Mais, comme l’a très bien vu Henry Kissinger, « diaboliser Poutine n’est pas une politique, mais une manière de masquer une absence de politique ».

    Certes, comme je l’ai dit plus haut, il n’y a pas lieu de considérer Poutine comme un « sauveur » qui épargnerait aux Européens de prendre eux-mêmes en mains leur destin. L’Europe n’a pas pour vocation de constituer la branche occidentale d’un grand empire russe (l’idée d’empire n’est pas réductible à l’impérialisme). Elle a en revanche le devoir d’admettre la nécessité d’une alliance avec la Russie dans le grand projet collectif d’une logique continentale eurasiatique, ce qui est tout différent.

    La Russie, de son côté, aurait tout intérêt à admettre le pluralisme d’identités de ses voisins de l’« étranger proche ». La colère ukrainienne s’est nourrie d’une tendance russe à nier l’identité ukrainienne qui n’est pas imaginaire, même si elle a parfois été exagérée. On n’en serait sans doute pas arrivés là si la Russie avait traité l’Ukraine sur un pied d’égalité et de réciprocité. Dans une logique fédérale, les identités locales doivent être respectées tout autant que les droits des minorités. Les notions de décentralisation, d’autonomie et de régionalisme doivent entrer dans la culture politique russe, tout comme elles doivent entrer dans la culture politique ukrainienne, qui n’y est visiblement pas plus disposée (comme le montre l’incroyable décision du nouveau gouvernement ukrainien de dénier à la langue russe le statut de seconde langue officielle). La notion de zone d’influence a un sens, et ce sens doit être reconnu, mais les pays « satellites » doivent désormais céder la place à des pays partenaires et alliés. Comme l’a écrit le Croate Jure Vujic, le « projet géopolitique grand-européen eurasiste doit être avant tout un projet fédérateur, de coopération géopolitique, fondé sur le respect de tous les peuples européens et sur le principe de subsidiarité ».

    Alain de Benoist (Blog Éléments, 23 mars 2014)

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