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  • Crise dans le récit...

    Les éditions des Presses universitaires de France viennent de publier un nouvel essai de Byung-Chul Han intitulé Crise dans le récit.

    Originaire de Corée, influencé notamment par l’œuvre de Heidegger, Byung-Chul Han est professeur de philosophie à l'Université des arts de Berlin. Plusieurs de ses ouvrages ont déjà été traduits en français dont Dans la nuée - Réflexions sur le numérique (Acte sud, 2015), Le parfum du temps (Circé, 2016), Psychopolitique (Circé, 2016), Sauvons le Beau - L'esthétique à l'ère numérique.(Actes sud, 2016), La société de transparence (PUF, 2017), Topologie de la violence (R&N, 2019), Thanatocapitalisme (PUF, 2021) et Infocratie - Numérique et crise de la démocratie (PUF, 2023).

     

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    " Parmi les besoins essentiels de l’homme, il y a celui de se raconter des histoires. Le récit permet de donner du sens à notre existence et crée du lien social. Or, la saturation actuelle de mots et d’informations a corrompu sa nature en le transformant en un objet mercantile, entraînant notre époque dans une véritable crise narrative. Si le récit s’adresse à la communauté, le storytelling que nous subissons aujourd’hui s’adresse aux consommateurs. L’auteur dénonce dans ce texte stimulant et incisif les maux de l’ère post-narrative, et nous invite à renouer avec le sens du récit. "

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  • La fin des débats : vers une autre révolution...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Richard Dessens, cueilli sur le site d'Eurolibertés et consacré à la fin des débats apaisé et convenus.

    Docteur en droit et professeur en classes préparatoires, Richard Dessens a notamment publié La démocratie travestie par les mots (L'Æncre, 2010), Henri Rochefort ou la véritable liberté de la presse (Dualpha, 2017) et La démocratie interdite (Dualpha, 2018).

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    La fin des débats : vers une autre révolution

    Le débat est fécond dit-on. La confrontation des idées constituerait le moteur d’une démocratie saine et apaisée, même si le débat peut être virulent. C’est en tout cas ce qui s’est passé jusqu’à présent, dans la mesure où le principe même du débat repose sur l’acceptation par les parties en présence de valeurs communes, d’une doxa largement partagée. La représentation nationale reflétait d’ailleurs cette configuration dans laquelle la gauche et la droite s’affrontaient à fleurets relativement mouchetés en se partageant le pouvoir avec toutes les variantes ou les sensibilités qui voulaient laisser croire à des oppositions importantes. Mais, sur le fond, et quelle que soient leurs différences d’approche, gauche et droite raisonnaient sur les mêmes fondements : valeurs démocratiques, droits de l’homme, modération en toutes choses. D’ailleurs sur les « grands sujets » sociétaux notamment, gauche et droite votaient largement ensemble : avortement, abolition de la peine de mort ; car dans la « gauche » on trouvait de nombreuses variantes de même que dans la « droite » sur laquelle les idées de gauche avaient imprégné sur de larges pans. Ainsi, « débattre » devient un exercice de bon aloi, avec parfois des dehors d’une violence affectée, et aboutit à des solutions finalement à la marge, sans jamais remettre en cause la doxa démocratique des Lumières, avec un regard bienveillant sur la Révolution et une admiration pour les penseurs de la IIIème République, plus les droits de l’homme et l’exaltation du capitalisme et de la mondialisation venus compléter ce qu’il faut penser à droite comme à gauche.

    S’agit-il alors de véritables débats dans des conditions qui l’encadrent étroitement ? Le XXIe siècle est en train de prouver le contraire, dans la suite de la théorie d’un « choc des civilisations » qui anéantit toute sorte de débat apaisé et convenu. Au niveau national, l’émergence de LFI rebat les cartes par sa remise en cause les modes de vie et les identités traditionnelles séculaires; en théorisant à l’extrême la mixité et la mondialisation ; en prônant l’immigration massive et le wokisme, entre autres menées révolutionnaires. Comment débattre lorsque les grilles de pensées des débatteurs sont fondamentalement opposées ? Personne ne parle plus alors ni des mêmes choses, ni ne se base sur les mêmes principes de pensée. Le débat devient un dialogue de sourds. Seule une révolution violente peut permettre de sortir d’une telle situation dans laquelle aucun consensus ne peut plus mettre d’accord personne. Le Front National de Jean-Marie Le Pen a été un temps dans cette situation de principe qui remettait en cause les vérités intouchables qui fondaient nos régimes politiques bien équilibrés et consensuels au fond. Sa philosophie, sa conception de la société et de l’identité nationale, de la civilisation, ses valeurs, rien ne correspondait aux règles convenues et censées inviolables au risque d’être rejeté, ostracisé, diabolisé. Par conséquent aucun débat n’était possible. C’est bien ce qu’a compris sa fille qui a su se couler dans le moule des concepts intouchables de la gauche et de la droite traditionnelles.

    Le verrouillage du débat est une réalité qui tient aux tournants radicaux que la pensée politique mais surtout philosophique, conceptuelle, est en train de prendre. Tournants certainement révolutionnaires qui peuvent soit faire peur, soit ouvrir de nouveaux horizons, le tout étant de savoir : quelles sortes d’horizons ? Guerres civiles probablement dans tous les cas, jumelées et renforcées avec une présence très importante d’éléments extra-européens prompts à faire triompher leurs propres valeurs contre celles de leur terre d’accueil. Sauf à conserver la passivité qui permettra d’accepter ou de subir, résigné, le sort promis par les nouvelles révolutions issues d’une immigration invasive et conquérante, et encadrées par les nouveaux penseurs de type LFI.

    Mais, aussi bien, d’autres philosophies, ou concepts, pourraient rejaillir ou émerger, basés, ceux-ci, sur une approche radicalement différente, eux aussi, qui ne serait pas une « contre-révolution » mais une « autre révolution ». Idéal nationaliste ou d’une Europe raciale fondée sur d’anciennes valeurs actualisées ? Ou d’autres encore. Rien n’est plus à écarter à l’occasion du grand chambardement qui s’annonce.

    Au plan international, une réflexion sur la véritable nature du débat s’impose aussi aux mêmes lumières. Si, par exemple, on prenait le temps, et si on s’intéressait sérieusement à l’histoire de la Russie depuis le 9ème siècle, cela permettrait de comprendre que la position de la Russie actuelle est parfaitement compréhensible, alors qu’un « débat » sur le fondement de la culture politique et historique de l’Europe de l’Ouest, et notamment de la France, est incompatible avec les valeurs d’une Russie aux concepts très différents, à la manière de penser distincte de celle de nos dirigeants européens. Dialogue de sourds là aussi, valeurs et objectifs différents, histoires forgées sur des évènements sans communes mesures. Si la Russie (ou plutôt les trois Russie (approximativement : Russie blanche -ou Biélorussie Est-Pologne aujourd’hui-, Petite Russie -Ukraine d’aujourd’hui- et Grande Russie -Russie centrale européenne) est proche de l’Europe, elle est surtout le trait d’union entre l’Europe et l’Asie, dont elle a subi l’invasion plus de deux siècles en en conservant de nombreuses traces. En outre son histoire et son identité orthodoxe – Moscou est la Troisième Rome- face à une Europe catholique ou protestante, ont pesé lourd dans ses rapports et ses politiques avec l’Europe. Sa position d’aujourd’hui n’est que la continuité difficile, meurtrière et remplie de souffrances terribles de six siècles d’histoire depuis Ivan IV, Pierre le Grand et Catherine II notamment.

    Là encore peut-on parler sérieusement de débat possible, de type UE, sur les critères des démocraties européennes et européistes ?

    N’est-il pas temps de reconsidérer les relations nationales et internationales sur d’autres bases que celles qui ont fait, ou défait, le monde depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ? Cesser de vouloir imposer la loi et la pensée d’un plus fort, l’Europe, qui ne l’est plus sur aucun plan à commencer par l’ « intelligence » de ses valeurs universelles, ses vérités immuables, son « état d droit ». Au plan national, européen ou international au sens large, le débat est mort et il n’y a plus de solutions acceptables à en attendre aujourd’hui. Au profit peut-être du respect des valeurs des autres, de la compréhension de leurs nécessités vitales, chacun dans sa sphère, ses territoires historiques et civilisationnels, et dans son domaine d’influence. Discussions dans lesquelles la force de la volonté, la fierté de ses identités et la puissance assumée permettent de se tenir à distance et d’établir de nouveaux équilibres qui permettent toutefois d’autres et nouveaux échanges fructueux.

    Richard Dessens (Eurolibertés, 19 mars 2025)

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