Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Consciences sous influence...

    Les éditions Culture & Racines viennent de rééditer un essai de Stuart Ewen, historien et sociologue américain, daté de 1976 et intitulé Consciences sous influence - Publicité et genèse de la société de consommation. L'ouvrage est présenté par Lucien Cerise, l'auteur de Gouverner par le chaos (Max Milo, 2010) et d'Oliganarchy (Le Retour aux Sources, 2013).

     

    Ewen_Consciences sous influence.jpg

    " En 1983, Stuart Ewen publiait en France « Consciences sous influence - Publicité et genèse de la société de consommation ». Ce livre culte, devenu une référence incontournable de la critique sociologique d'inspiration situationniste, est aujourd'hui republié aux éditions Culture & Racines. Stuart Ewen y retrace l'origine de ce que Guy Debord nomma le Spectacle, premier allié du productivisme industriel dans la guerre culturelle menée pour l'expansion du modèle de société américain, et dont l'iconographie fondée sur l'exhibition de corps jeunes, féminins et plutôt dévêtus a entièrement colonisé les médias et les imaginaires, élaborant au fil du temps une véritable société de l'indécence. La «décence commune », notion bien connue de George Orwell et Jean-Claude Michéa, est la première cible dans ce travail d'influence des consciences étalé sur plusieurs décennies. Car une telle régression n'a rien de naturel. Dans son ouvrage, Stuart Ewen démontre que ce nouvel ordre « libéral libertaire » mondial, loin d'être l'aboutissement d'une évolution spontanée, a bien été implanté de manière concertée selon des méthodes scientifiques de planification et d'ingénierie sociale. Les dévoiler pour s'en affranchir, tel est le défi auquel ce livre nous invite. "

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • “Le progressiste est celui qui est persuadé que tout progrès est nécessairement un bien”...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Christophe Boutin à Droite de demain et consacré à la question du progrès. Professeur de droit constitutionnel, Christophe Boutin est notamment l'auteur d'un essai intitulé Politique et tradition (Kimé, 1992), consacré au penseur italien Julius Evola. Il a également co-dirigé la publication du Dictionnaire du conservatisme (Cerf, 2017), du Dictionnaire des populismes (Cerf, 2019) et du Dictionnaire du progressisme (Cerf, 2022).

    Christophe Boutin.jpg

    Christophe Boutin, “Le progressiste est en effet celui qui est persuadé que tout progrès est nécessairement un bien”

    Bonjour monsieur Christophe Boutin, dans la définition même de progrès, n’y a-t-il pas un flou qui empêche réellement une véritable définition tant la notion est galvaudée voire morale ?

    L’ouvrage que nous avons codirigé avec Olivier Dard et Frédéric Rouvillois, ce Dictionnaire du progressisme qui a réuni cent trente contributeurs – scientifiques, historiens, juristes, sociologues, économistes…- pour la rédaction de ses 260 notices, n’est pas un « dictionnaire du progrès » – le terme de progrès n’y fait même pas l’objet d’une notice. Il est donc bien centré sur une idéologie qui est certes liée à la notion de progrès, mais qui ne saurait être confondue avec cette dernière. On peut en effet très bien apprécier un nombre respectable de progrès, et il est permis de considérer que les conditions de notre existence actuelle en bénéficient largement, sans être pour cela un progressiste. Comme nous l’avons expliqué dans notre introduction, le progressiste est en effet celui qui est persuadé que tout progrès est nécessairement un bien, qu’il apporte nécessairement quelque chose, aux individus mais aussi à la société. Une survalorisation de tout progrès qui conduit de manière symétrique à la dévalorisation d’un passé qui sera jugé lui nécessairement dépassé, nécessairement inférieur dans tous les domaines au présent – ce présent étant lui-même, de manière tout aussi certaine, inférieur au futur. D’où le lien permanent entre l’idéologie progressiste et la volonté de faire table rase de ce qui est de toute manière inutile pour bâtir la Cité idéale.

    Or c’est bien cette croyance à l’idéologie progressiste, que nous impose l’époque, sa remise en cause faisant de vous selon cette doxa un réactionnaire, c’est-à-dire quelqu’un qui, par réaction face à la modernité, souhaiterait en revenir à un stade antérieur de nos sociétés. Le réactionnaire se situe ainsi volontiers dans une lecture décadentiste de l’histoire, qui nous ferait passer par une dégradation constante d’un âge d’or à un âge d’argent, puis d’airain, et de fer enfin, chaque nouvelle époque étant inférieure à la précédente. Il faut pourtant évoquer une autre figure, celle du conservateur, opposé à toute idéologie de la table rase en ce qu’il est persuadé que les constructions des siècles passés correspondaient à des nécessités, à des attentes profondes des hommes, et qui souhaite les conserver en sachant les adapter aux évolutions récentes. En ce sens donc, le conservateur peut fort bien apprécier un certain nombre de progrès, comme d’user d’une voiture plutôt que d’une diligence ou de l’électricité plutôt que de chandelles. Il s’agit vous le comprenez de l’opposition entre une approche réaliste de l’homme et des sociétés et une approche idéaliste, parce que tout « progrès » a sans doute sa part de lumière et sa part d’ombre.

    Quelles sont les racines idéologiques du progressisme en France ?

    Dans le Dictionnaire du progressisme, nous avons choisi de nous en tenir, comme période de départ, à la Révolution française. Le choix peut être discuté, car on peut dire qu’il y a eu des progressistes à toutes les époques, mais il nous a semblé que c’est à partir de la Révolution française que se constitue véritablement une idéologie progressiste. Même si John Locke, par exemple, fait l’objet d’une entrée, les Lumières ou Condorcet sont des racines idéologiques importantes du progressisme en France. Il importe bien évidemment aussi de mettre en évidence la personne et l’œuvre de Saint-Simon, véritable penseur du progressisme, dont les thèses et les thèmes d’action se retrouvent de nos jours chez certains politiques, à commencer par Emmanuel Macron

    Cette idéologie n’est-elle pas la conséquence de la modernité et des avancées technologiques qui amènent à de nouveaux débats de société ?

    Ce n’est pas parce qu’il y a une modernité que personne ne nie, ou des avancées technologiques qui sont là encore évidentes, et, effectivement, de nouveaux débats de société qui en naissent, que l’idéologie progressiste en serait la conséquence. Dans les débats de société que vous évoquez, cette idéologie ne représente jamais au mieux que l’un des acteurs du débat, elle n’en représente absolument pas la résultante. Mieux, nous retrouvons ce que nous avons dit : l’idéologie progressiste, parce qu’elle voit de manière systématique les nouveautés comme des avancées, comme un bien, irait au contraire vers une interdiction des débats. Il est en fait interdit sous son emprise de se poser la question de la direction dans laquelle se dirigent nos sociétés, et des gains réels en qualité de vie pour les humains qui les composent de telle ou telle nouveauté technologique.

    Pourquoi la France demeure une terre infertile pour le progressisme ? Un refus de l’américanisation de la société ?

    Très sincèrement, je ne pense pas, et sans doute pas plus mes deux collègues, que la France soit une terre infertile pour le progressisme et que s’y manifeste un véritable « refus de l’américanisation » de notre société. Cette américanisation, diffuse et permanente, est même confirmée par tellement d’exemples qu’il serait presque fastidieux de les citer tous. Relevons en passant, l’américanisation des prénoms, de la nourriture, les victoires remportées, malgré les quelques tentatives françaises pour y résister, dans les domaines du cinéma, de la chanson, de la télévision. En dehors du domaine de la culture,  il faudrait aussi évoquer la manière dont les États-Unis prennent le contrôle d’une partie des élites, favorisent un clivage ethnique dans nos banlieues, ou celle dont se répand dans nos universités une idéologie woke venue des campus américains. Dans nos campagnes la danse country fait son apparition, les jeunes issus de la diversité arborent en s’agitant sur une musique rap des attitudes copiées sur celles des bandes de New York et un ancien président de la République, Nicolas Satkozy, faisait son footing en portant des Ray-Ban et un tee-shirt de la NYPD, la police new-yorkaise.

    Même si les Etats-Unis n’ont pas le monopole du progressisme, la « mondialisation heureuse » qu’ils promeuvent en est le meilleur vecteur. Certes, dans les domaines de la culture, des arts, de la littérature, dans l’université, en politique, il y a encore des gens qui se font « une certaine idée de la France », mais lorsque le président de la République déclare qu’il n’y a pas de culture française on ne peut pas parler de terre infertile pour le progressisme…

    Peut-on considérer que le progressisme est devenu le pendant du conservatisme dans un nouveau clivage fondateur ?

    C’est effectivement l’une des thèses que nous soutenons avec Olivier Dard et Frédéric Rouvillois, et nous avons publié pour l’étayer, avant le Dictionnaire du progressisme, un Dictionnaire du conservatisme. Mais cette division essentielle entre progressisme et conservatisme, nous ne sommes pas les seuls à la faire : Emmanuel Macron, pour ne citer que lui, s’y est plusieurs fois référé, se faisant le champion du progressisme contre un conservatisme qu’il assimile, selon les discours et les périodes, au populisme quand les Gilets jaunes sont dans la rue, ou au nationalisme quand il s’agit de défendre l’évolution fédéraliste européenne qu’il souhaite.

    Mais cette division court au travers de la politique française : se sont ainsi récemment réclamés du progressisme Valérie Pécresse comme Jean-Luc Mélenchon. Quant au conservatisme, même si le mot a toujours eu mauvaise presse en France, on peut en retrouver la trace chez Éric Zemmour de manière évidente mais aussi chez Marine Le Pen. Il convient en effet de ne pas limiter le conservatisme à une crispation d’anciens possédants aujourd’hui dépossédés par l’évolution économique et politique du pays. Lorsque les Gilets jaunes, éminemment populaires, réclament le droit à rester ce qu’ils sont, à persister dans leur être, ce que font aussi nombre de Français inquiets des évolutions actuelles, ils sont très clairement, et quand bien même ne l’expriment-ils pas ainsi, éminemment conservateurs.

    Le progressisme est-il lié intrinsèquement aux enjeux économiques et aux échanges de bien de consommation et marchandises ?

    Intrinsèquement lié non, nous avons dit qu’il s’agit plus d’une idéalisation de tout progrès. Mais la logique progressiste, de fait, est bel et bien une logique de la circulation des personnes et des biens, une logique de la mondialisation. Ce n’est pas un hasard si l’un des pères du progressisme, Saint-Simon, était fasciné par l’idée de créer un canal permettant de relier les océans Atlantique et Pacifique, ce qui deviendra un jour le canal de Panama, et si son successeur, Prosper Enfantin, s’était lui passionné par l’idée du creusement du canal de Suez. De nos jours, entre open space et coaching, formatées par les règles managériales et mettant en place des stages de mixité sociale, les entreprises font vivre leurs employés dans le meilleur des mondes progressiste.

    On assimile le progressisme avec une forme de libéralisme sociétal est-ce selon vos travaux une affiliation correcte ?

    Effectivement, le progressisme, dont l’un des éléments clés et une sorte d’individualisme hédoniste, se combine fort bien avec un libéralisme sociétal qui reconstruit – ou plutôt qui déconstruit – les structures de notre société, en éliminant de manière méthodique, un à un, tous les liens d’appartenance qui, jusqu’ici, semblaient évidents et indispensables. On élimine ainsi l’appartenance territoriale, celle de la commune, de la région, de la nation, dans un vaste nomadisme sans doute agréable à une infime oligarchie qui passe de palace en palace, tous interchangeables et luxueux, mais qui est un arrachement pour nombre de nos concitoyens.  On élimine l’appartenance à la classe sociale, en mélangeant dans une sorte de vaste melting-pot ce qui était autrefois la classe ouvrière ou l’artisanat, à des résidus de la classe moyenne en voie de déclassement permanent, et dont ne se distinguent plus que les très pauvres en bas de l’échelle et les très riches en haut. On élimine, bien sûr, l’appartenance à la famille, totalement déconstruite, les fameuses familles « recomposées » des feuilletons télévisés étant avant tout des familles décomposées. On élimine jusqu’à l’appartenance à un sexe, remplacé par un genre qui, comme l’ensemble de la société, doit rester indéfini, fluide, en perpétuelle évolution.

    Or tous ces éléments d’un libéralisme sociétal qui touche aussi bien la gauche que la droite – même si l’ampleur n’est pas la même, bénéficie en fait à une même caste, celle d’un capitalisme mondialisé et financiarisé. Les idiots utiles du progressisme valent bien ceux d’autres idéologies.

    Vous avez parlé de macronisme en lien avec le progressisme, pouvez-vous nous en parler ?

    Effectivement, ce n’est nullement un hasard si, comme nous le disions, Emmanuel Macron se définit volontiers comme étant le champion du progressisme face au conservatisme, au nationalisme ou au populisme. À coté de ce que nous pouvons en dire dans le Dictionnaire, Frédéric Rouvillois a aussi consacré ainsi aux rapports entre saint-simonisme et macronisme un ouvrage au titre symbolique, Liquidation. Symbolique car ce monde liquide, fluide, en perpétuel mouvement vers un avenir nécessairement meilleur, duquel toute résistance du passé doit être liquidée, est bien celui de notre Président.

    Christophe Rouvillois (Droite de demain, avril 2022)

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!