Les éditions du Seuil viennent de publier un essai de Michel Pastoureau intitulé Le loup - Une histoire culturelle. Directeur d’études à l’École pratique des hautes études et à l’École des hautes études en sciences sociales, Michel Pastoureau est un spécialiste de l'histoire des couleurs, de la symbolique, des armoiries et de l'héraldique. Il est l'auteur de nombreux essais comme L'étoffe du diable (Seuil, 1991), Une histoire symbolique du Moyen-Age occidental (Seuil, 2004) ou L'ours - Histoire d'un roi déchu (Seuil, 2013).
" Dans l’imaginaire européen, quelques animaux jouent un rôle plus important que les autres et forment une sorte de «bestiaire central». Le loup en fait partie et en est même une des vedettes.
Il occupe déjà cette place dans les mythologies antiques, à l’exemple de la louve romaine, qui a nourri Romulus et Rémus, du loup Fenrir, destructeur du panthéon nordique, et des nombreuses histoires de dévorations, de métamorphoses et de loups-garous. Ces derniers sont encore bien présents au Moyen Âge, même si la crainte du loup est alors en recul. Les bestiaires dressent du fauve un portrait négatif et le Roman de Renart en fait une bête ridicule, bernée par les autres animaux et sans cesse poursuivie par les chasseurs et les paysans.
La peur du loup revient à l’époque moderne. Les documents d’archives, les chroniques, le folklore en portent témoignage: désormais les loups ne s’attaquent plus seulement au bétail, ils dévorent les femmes et les enfants. L’étrange affaire de la Bête du Gévaudan (1765-1767) constitue le paroxysme de cette peur qui dans les campagnes ne disparaît que lentement. Au xxe siècle, la littérature, les dessins animés, les livres pour enfants finissent par transformer le grand méchant loup en un animal qui ne fait plus peur et devient même attachant. Seuls la toponymie, les proverbes et quelques légendes conservent le souvenir du fauve vorace et cruel, si longtemps redouté. "