Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Criminalité : quand la justice triche en silence...

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Xavier Raufer, cueilli sur Atlantico et consacré à la "correctionnalisation",  pratique des magistrats qui permet d'envoyer des auteurs de crimes, passibles de la Cour d'assise, devant le tribunal correctionnel normalement réservé aux auteurs de délits...

 Criminologue et auteurs de nombreux essais, Xavier Raufer a publié ces dernières années Les nouveaux dangers planétaires (CNRS, 2012) et Criminologie - La dimension stratégique et géopolitique (Eska, 2014) et a également coordonné l'ouvrage collectif intitulé La première cyber-guerre mondiale ? (Eska, 2015).

 

Tribunal correctionnel.jpg

Criminalité : quand la justice triche en silence

Devant le banditisme, la justice de notre pays a une tendance à "correctionnaliser". Une pratique hautement contre-productive.

D'abord, brève explication pour les profanes. Le vol à main armée, ou "braquage", n'est pas un crime anodin. Bien plutôt, le "braquage" est au centre de la vie des bandits, ce que savent policiers, magistrats et criminologues : besoin de s'affirmer, de montrer qu'on est un "homme", un vrai ;  et de pratiquer l'"accumulation primitive du capital" criminel. Exemple, il faut de l'argent frais pour acheter de la drogue - les narcos ne font pas crédit. Or comment obtenir du cash pour amorcer la pompe du trafic ?

Par le braquage, bien sûr.

Ainsi, le Code pénal réprime durement ce crime : "311-8 - Le vol est puni de vingt ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d'amende lorsqu'il est commis... avec usage ou menace d'une arme". D'autant que les hybrides islamistes, Merah, Coulibaly & co. sont d'ex-voyous passés par la case braquage.

Or au quotidien et en silence, la Chancellerie regardant ailleurs, les vols à main armée sont, dit-on en langage judiciaire, "correctionnalisés", dévalués de la catégorie "crime-Cour d'assises" à celle de "délit-tribunal correctionnel", au point qu'il est rare qu'un braquage soit jugé comme il se doit, par une cour d'assises.

Cette pratique scandaleuse est connue : le 24 avril 2013, l'Assemblée nationale publie un "Rapport d'information de la Commission des Lois" où on lit ceci : "Les statistiques judiciaires en matière de crime peuvent être faussées par la correctionnalisation de certaines affaires, pratique consistant à modifier la qualification d'une infraction, de sorte qu'elle ne soit pas jugée par une Cour d'assises mais par un tribunal correctionnel... les vols avec armes sont ainsi fréquemment minorés par cette procédure"

Avant d'établir cette entourloupe judiciaire, montrons combien escamoter les braquages est contre-productif. Après une vague de vols avec arme en 2011-2012, le procureur du Vaucluse renvoie par principe les braqueurs aux assises, où ils écopent souvent de peines de réclusion (dix ans et plus). Résultat, en 2016 (sur 2015) les braquages s'effondrent : - 23,6%

A l'inverse, les peines vénielles (deux ans de prison par exemple) infligées en correctionnelle aux braqueurs, deviennent d'usage des mesures-bidon, bracelet électronique ou semi-liberté. De cela, une preuve - parmi tant d'autres : Bayeux, braquage à l'arme de poing d'un tabac par un bandit (six mentions au casier judiciaire). Escamotage-correctionnel en octobre 2017 : le braqueur risquait 20 ans de prison aux assises ? Il prend 2 ans dont un avec sursis. Tel est au quotidien le laxisme d'une justice qui, elle aussi, tend à "perdre ses repères".

Maintenant, revue de détail de récentes horreurs judiciaires.

- Cambrai. Omar B (12 mentions au casier judiciaire), Rabat H. (30 mentions), Sidi-Mohamed L. (10 mentions) et leurs complices du même acabit, sont jugés pour 8 braquages à domicile ou de véhicules, vols avec armes - avant un autre procès pour 12 autres crimes. Correctionnelle - quand c'est clairement du crime organisé avec "répartition des rôles", partage du butin, etc.

- Supermarché à Brioude, braquage par 3 hommes armés et cagoulés. La "bande très organisée multiplie les braquages dans l'hexagone". Casiers judiciaires fournis, victimes lynchées et menacées de mort par armes à feu. Correctionnelle. Sauvant l'honneur des magistrats et avouant un gros secret, le procureur gémit qu'"il ne faut pas non plus alléger la peine simplement parce que la Cour d'assises est débordée".

- Haute Loire, Beauzac, tabac braqué par 2 héroïnomanes cagoulés munis d'armes à feu. Bande armée, préméditation... Correctionnelle pour "vol avec violences".

- Nord , braquage d'une boulangerie par un récidiviste, casier judiciaire fourni, armé d'un coutelas de 20 cm, victimes épouvantées : correctionnelle.

- Nord encore, 3 héroïnomanes cagoulés et armés braquent trois friteries et violentent leurs victimes. Correctionnelle - et gros mensonge du président du tribunal de Béthune : "En principe, c'est la Cour d'assises quand on monte au braquage". Ah bon ? Voir plus haut.

- Marly, un braqueur de 23 ans avec un coutelas de 30 cm. menace de mort sa victime "je vais te planter". Arrêté, il casse le pouce d'un policier. Jugé en correctionnelle, le fauve (deux fois condamné pour violences) entend le procureur mentir derechef "ces faits sont d'usages jugés aux assises". Tel est le fonctionnement de la justice post-Taubira. 

Effrayant ? Voici pire encore. Septembre 2017, Marwan (10 mentions au casier judiciaire) et un complice, braquent un supermarché à Orléans. Jugé en correctionnelle, il prend 4 ans de prison, deux avec sursis et ressort libre du tribunal. 

NB : "Décodeurs", "Décryptage" : les sources de cet article sont à votre aimable disposition.


Xavier Raufer (Atlantico, 16 janvier 2018)
Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!

Les commentaires sont fermés.