Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Xavier Raufer, cueilli sur Atlantico et consacré à la présentation biaisée qui nous est faite par les autorités et les médias des statistiques de la délinquance.
Criminologue et auteurs de nombreux essais, Xavier Raufer a publié ces dernières années Les nouveaux dangers planétaires (CNRS, 2012) et Criminologie - La dimension stratégique et géopolitique (Eska, 2014) et a également coordonné l'ouvrage collectif intitulé La première cyber-guerre mondiale ? (Eska, 2015).
Braquages et cambriolages en France : mensonges officiels et médiatiques
Systématiquement (et de longue date) une coalition de tricheurs trafique les statistiques concernant les deux types de crimes les plus redoutés de la population française : cambriolages et vols à main armée.Cette coalition comprend le service spécialisé du ministère de l'Intérieur et l'ONDRP (Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale) puis, juste en aval, l'AFP qui transmet aux médias la "ligne du parti".
"Ligne" ensuite pieusement reproduite, sans nulle critique et sous la dictée, par des journalistes bousculés n'enquêtant plus, réduits à mendier toutes leurs informations au ministère de l'Intérieur et hors d'état de les vérifier par eux-mêmes.
Le 8 novembre 2017, "papier d'angle" de l'Afp sur "le déclin continu des braquages en France". L'ONDRP l'affirme : "baisse généralisée", en s'appuyant sur le Service statistique de la sécurité Intérieure et l'Office central de lutte contre le crime organisé.
2 900 vols à main armée en 2016 - moins 24% en un an. Tout va bien alors ?
Non : car ce qui baisse n'est pas le nombre des braquages, mais bien plutôt ce que l'Intérieur considère comme tel, en maquillant la réalité criminelle.
Réalité publiée par l'ONDRP-même le 25 novembre écoulé, dans un silence de cathédrale.
Des chiffres que pas un journaliste-pavolvien n'a repris et que semble-t-il, ils ignorent : n'ayant pas été sifflés, ils sont restés au chaud à la niche.
D'abord, pourquoi ne publier que les braquages commis avec armes à feu ?
Un braquage commis avec une machette ou un poignard est-il moins effrayant pour ses victimes ? La protection due aux français par l'Intérieur est-elle sélective, revolver oui, couteau de boucher, non ?
Rétablissons donc la réalité des braquages (chiffres de l'ONDRP, insistons) :
- "Vols à main armée, ou avec armes blanches, contre des établissements industriels et commerciaux" : (3108+1028) : 4136
- "Vols à main armée, ou avec armes blanches, contre des particuliers à leur domicile" (717+681) : 1 398,
- "Autres vols à main armée" : 1 208,
- "Vols à main armée contre des établissements financiers" : 158,
- "Vols à main armée contre des entreprises de transports de fonds" : 26.
Total : 6 926.
Plus bien sûr, les vols à main armée escamotés par la justice : Toujours plus, ces braquages passibles de la Cour d'assises sont déclassés en simples délits, type "vol violent avec arme", ou "violences en réunion sous la menace d'une arme".
Le nouveau braquage arrive au Parquet selon sa "nature d'affaire" (NATAF). Mais il en sort selon une "nature d'infraction" (NATIF) qui l'escamote, bonneteau judiciaire faisant statistiquement baisser des infractions qui, dans les rues, augmentent toujours.
Si des journalistes consciencieux lancaient une minutieuse enquête sur les braquages au quotidien, ils verraient qu'en réalité, ces vols avec armes sont en France, plus près de 10 000 par an que de 7 000.
Mais bien sûr, "Décodeurs", "Décryptages" & co. préfèrent harceler leurs ennemis de droite.
Trucages encore pour les cambriolages, si éprouvants pour la population. L'Intérieur ne publie d'usage que ceux "d'habitations principales", balayant tout le reste sous le tapis, avec la poussière.
Voici donc sur ce point les récents chiffres de l'ONDRP : cambriolages (habitations principales, résidences secondaires ; locaux industriels, commerciaux ou financiers, autres lieux) plus, logiquement, les violations de domicile en France :
2016 : 577 461 (1 580 par 24h, 66 par heure, plus d'un par minute...)
2015 : 553 243,
2014 : 549 194 (+ 5% encore, de 2014 à 2016...)
Voilà ce que les médias taisent ou ignorent.
Sont-ils plus affutés en matière de crime organisé ? Hélas non.
Le 2 décembre écoulé, Libération publie un article sur les mafias italiennes, où tout est faux.
Non, malgré son trompeur qualificatif, le procès Mafia capitale n'avait rien à voir avec la mafia. Preuve : il existe en Italie un crime d'appartenance mafieuse et nul des prévenus dans cette histoire (d'authentiques escrocs par ailleurs) n'a été condamné de ce chef.
Et non, chers "Décodeurs", les "clans mafieux d'Ostie" n'ont rien non plus à voir avec les mafias du Mezzogiorno. Les Spada sont un clan Tzigane ; or y a-t-il un seul Gitan, Tzigane, Rom ou autre, dans les mafias du sud de l'Italie ? Aucun.
Pour savoir cela, pas besoin d'enquêter sur le terrain, tout figure sur Internet. Mais peut-être est-ce encore trop demander à ces Uber-journalistes...
Xavier Raufer (Atlantico, 5 décembre 2017)