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En France, les musulmans sont-ils majoritairement sécularisés ?...

Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Jean-Louis Harouel au Figaro Vox à l'occasion de la publication d'un grand sondage sur les musulmans en France. Professeur d'histoire du droit, Jean-Louis Harouel est l'auteur d'un essai intitulé Les droits de l'homme contre le peuple (Desclée de Brouwer, 2016)

 

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En France, les musulmans sont-ils majoritairement sécularisés ?

FIGAROVOX. - Un sondage paru dans le JDD révèle que 28% des musulmans vivant en France ont «adopté un système de valeurs clairement opposé aux valeurs de la République», s'affirmant «en marge de la société». Comment expliquez-vous ce chiffre important?

Jean-Louis HAROUEL. - En affirmant que la loi islamique - la Charia - passe avant la loi française, plus d'un musulman sur quatre exprime très clairement sa non-appartenance à la France, ce qui s'explique par la nature même de l'islam. Celui-ci n'est que secondairement une religion, au sens que l'on donne à ce mot en Europe. Il nous faut cesser de penser l'islam comme une religion. L'islam est par nature politique et juridique. Les musulmans disent volontiers que le Coran est leur constitution (destour ou dustûr), et les textes saints de l'islam sont dans une large mesure un code de droit (civil, pénal, commercial). Incluant le politique, le juridique, la civilisation et les mœurs, l'islam est un système total qui prétend régir par des règles affirmées divines toute la vie individuelle et collective.

L'islam a produit une civilisation ayant présenté à travers l'histoire divers visages (arabo-musulman, ottoman, moghol, etc.). La civilisation musulmane est une grande civilisation mais qui est marquée par un antagonisme millénaire avec la civilisation de l'Europe occidentale. En conséquence, l'islam fonctionne nécessairement en France (et généralement en Europe) comme une force englobante contraire à la civilisation française dans le but de substituer la loi musulmane à la loi française, de soumettre la France à la civilisation musulmane. L'islam implanté massivement en France peut devenir l'entreprise conquérante d'une civilisation hostile. Ce plan est exprimé ouvertement par certains dirigeants, tel le cheikh Yousouf al Quaradawi, haute personnalité de l'UOIE (Union des organisations islamiques européennes), proche des Frères musulmans, qui a clairement annoncé aux Européens qu'ils allaient être dominés et soumis aux lois coraniques.

Même si bien des personnes de confession ou d'origine musulmane ne se sentent nullement ennemies de la France et ne se comportent pas comme telles, l'islam en tant que programme politique et que corps de règles juridiques et sociologiques est bel et bien en contradiction avec le passé chrétien de la France et son actuelle sécularisation. En sa qualité d'ennemi de notre civilisation, cet islam conquérant est illégitime en France, et plus généralement en Europe. On ne doit jamais perdre de vue que le cœur de l'identité européenne a été sur le mode millénaire sa résistance farouche à la conquête musulmane. Or, pour bon nombre de musulmans, l'actuel affaissement de la civilisation occidentale - affaiblie et démoralisée par sa religion des droits de l'homme et son culte de la repentance - est un signe que l'Europe est redevenue, comme il y a mille ans, une proie offerte par Allah aux musulmans.

Rien d'étonnant si les réponses d'un quart des musulmans montrent qu'ils considèrent manifestement la France comme une terre arabo-musulmane. Et le pourcentage est encore plus élevé chez les moins de 25 ans, dont la moitié se déclarent favorables aux voiles intégraux (niquab, burka) et un nombre important à la polygamie.

Pour autant, il ne faut pas confondre l'islam sous cette forme et toutes les personnes de confession ou d'origine musulmane, dont certaines sont d'ailleurs parfaitement incroyantes (ce qu'elles hésitent cependant à avouer publiquement par crainte de persécutions).

Les sondages indiquent également que 46% des sondés sont «sécularisés». Ces derniers sont «totalement laïcs même lorsque la religion occupe une place importante dans leur vie», écrit le JDD. Cela ne prouve-t-il pas, malgré tout, qu'un certain islam peut être compatible avec la République?

La question qui se pose est de savoir ce que l'on entend par «sécularisés». Être sécularisé implique de faire systématiquement passer la loi civile avant les règles que l'on croit émanées directement ou non de la volonté divine.

Ainsi, un musulman réellement «sécularisé» ne se mariera jamais devant un iman avant d'avoir préalablement contracté une union civile devant le maire comme l'exige la loi française. La population de notre pays, alors presque exclusivement catholique - et pour laquelle le vrai mariage était le mariage à l'église -, s'est vue au XIXe siècle imposer d'une main lourde par l'État (qu'il fût impérial, royal ou républicain) une conception étatique et sécularisée du mariage.

Peut-on dire qu'il y a compatibilité d'«un certain islam» avec la République? Je dirais plutôt qu'il y a chez un certain nombre de personnes de tradition musulmane un comportement compatible avec les valeurs, les règles et les mœurs ayant actuellement cours en France.

Cette discrétion dans le comportement est au demeurant permise par le Coran aux musulmans se trouvant en terre de mécréance, qui bénéficient de grands accommodements quant à leurs obligations légales, notamment en matière de prières, de jeûne, d'interdits alimentaires. Si bien que les textes saints de l'islam peuvent être mis à profit par les musulmans sincèrement soucieux de se conformer au droit et au mœurs du pays non musulman où ils vivent, et pour ce faire de séculariser leur mode de vie.

Sont réellement sécularisées les personnes de confession musulmane qui s'abstiennent de se comporter en France comme si elles vivaient en terre d'islam. Les personnes qui acceptent de mettre complètement de côté l'arsenal de règles juridiques et autres normes sociales de l'islam, et qui ne conservent qu'une croyance transcendante donnant lieu à un culte. Bref, les personnes qui adoptent la conception européenne de la religion et abandonnent la prétention de l'islam à régir l'ensemble de la vie sociale. Et les plus sécularisés sont évidemment ceux qui, en l'avouant ou non, sont devenus incroyants.

Une parfaite sécularisation doit conduire une personne de confession ou d'origine musulmane à devenir sociologiquement très proche de la population française d'ascendance européenne. Mais force est de constater que les 46% se disant «sécularisés» ou «totalement laïcs» n'ont pas tous renoncé à l'affichage identitaire arabo-musulman: le port du hidjab (foulard islamique) recueille deux tiers d'opinions favorables, et l'exigence de menus halal dans les cantines scolaires est quasiment unanime (80%). Si on s'en tient à ce chiffre, la proportion de musulmans réellement sécularisés serait au mieux de 20%.

Tout cela traduit chez les personnes de confession ou d'ascendance musulmane un refus très majoritaire d'adaptation aux traditions et au mode de vie français. En apparence anodin, le port systématique du hidjab a été voulu par les milieux islamiques et notamment l'UOIF (Union des organisations islamiques françaises) pour empêcher la jeunesse scolarisée née en France de s'assimiler à la société française. Et il est à noter que 67% de ceux qui ne vont jamais à la mosquée sont favorables aux menus halal dans les cantines. Preuve, s'il en était besoin, que l'ostentation des signes islamiques dans l'espace public et les revendications alimentaires sont avant tout de nature civilisationnelle et donc politique.

Le JDD révèle également l'existence d'une troisième catégorie que le journal qualifie d' «islamic pride» (fiers de leur religion), qui représentent 25% du panel et «se définissent avant tout comme musulmans et revendiquent l'expression de leur foi dans l'espace public, mais rejettent le niqab et la polygamie». Comment faire pour que cette catégorie ne bascule pas du côté des «ultras»?

L'enquête indique que les islamic pride «respectent la laïcité et les lois de la République». Cela se concilie mal avec le fait de se définir «avant tout comme musulman» et de revendiquer «l'expression de leur foi dans l'espace public». En effet, ce qu'ils veulent réellement afficher, ce n'est pas tant leur foi que leur civilisation fondée sur la loi divine (dîn). On est dans le registre politique beaucoup plus que religieux.

L'islamic pride est une fierté civilisationnelle, parfaitement respectable en soi, mais qui traduit un refus d'appartenance à la France. C'est un groupe qui se réclame d'un héritage historique ennemi de celui de la France. «La nation est une âme» disait Renan. Au lieu de quoi nous avons le choc de deux âmes adverses, de deux nations sur le même sol: la nation France et la nation islamique qui regroupe les «ultras», l'islamic pride et une partie des prétendus sécularisés.

D'ailleurs, l'une des personnalités préférées des islamic pride est le très médiatique propagandiste islamique Tariq Ramadan, agent actif de la conquête musulmane de l'Europe. Pour lui, la liberté religieuse n'est pas un bien en soi. Il a expliqué que la liberté religieuse n'est un bien que de manière temporaire, parce qu'elle «permet la pratique et la consolidation de l'islam». Bref, elle facilite grandement l'implantation de l'islam. Mais une fois maître du pouvoir, l'islam affirmerait son exclusivité et soumettrait le pays à la loi coranique et à la civilisation musulmane.

Les «ultras» et les «islamic pride» représentent selon ce sondage plus de 50% des musulmans. N'est-ce pas un mauvais calcul politique que de faire de l'islam un seul et même bloc? Le risque n'est-il pas d'unir la majorité des musulmans contre la France?

Qu'on le veuille ou non, l'islam est un bloc et il le restera tant que n'aura pas été acceptée par les musulmans une critique historique du Coran. Cette critique, souligne l'islamologue Marie-Thérèse Urvoy, peut permettre aux musulmans de considérer que le Coran est peut-être un livre inspiré mais certainement pas «dicté en une descente (tanzil) concrète du ciel, et qu'il transmet un message purement spirituel et non une loi (charia)».Il faut que l'islam qui est une loi prétendant tout régir dans la société consente à se transformer en une religion. Tant que cette révolution n'aura pas été accomplie et acceptée par la grande majorité des musulmans du monde entier, l'islam restera redoutable aux pays européens.

Il faut évidemment essayer de ne pas unir la majorité des musulmans contre la France. Pour cela, il faut offrir aux musulmans de bonne volonté d'y jouir de la liberté de culte en vivant par ailleurs paisiblement dans le respect des lois, des traditions et des modes de vie français. Parallèlement, il faut combattre l'affichage identitaire arabo-musulman qui est une agression politique contre la société française. C'est ce qu'a fait la vieille et exemplaire démocratie helvétique en interdisant sur son sol la construction de minarets. Par cette décision, les Suisses ont invité les musulmans à la discrétion et leur ont signifié qu'ils n'étaient pas en terre d'islam.

Jean-Louis Harouel, propos recueillis par Alexandre devecchio (Figaro Vox, 20 septembre 2016)

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